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EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL AUX TERMES DE L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE ENTRE CANADA ET LES ÉTATS-UNIS


Article 1807
Dossier du Secréetariat
USA 89-1807-01
(Suite)

4.2 Article XI

4.2.1 Canada

4.2.1.1 Le Canada prétend que les mesures adoptées par les États-Unis sont des mesures à l'importation qui sont contraires à l'Article XI:1 du GATT et qu'il incombe aux États-Unis de démontrer qu'elles répondent aux critères des exceptions prévues. De l'avis du Canada, les États-Unis ne sont pas parvenus à légitimer aux termes de l'Article XX g) la modification de 1989.

4.2.1.2 Le Canada prétend que la modification de 1989 est une restriction au commerce, au sens de l'Article 407 de l'ALE, lequel renvoie à l'Article XI:1 du GATT. L'Article XI:1 condamne sans équivoque toute mesure qui prohibe ou restreint l'importation de produits. Selon le Canada, la modification de 1989 restreint effectivement l'importation de homards canadiens à la frontière, violant ainsi l'Article XI:1.45

4.2.1.3 Le Canada prétend que la modification de 1989 constitue une violation de jure de l'Article XI. Il fait remarquer que la modification prohibe précisément le transport et la vente de petits homards dans le commerce extérieur. Le Canada seul exporte cette espèce de homard vers les États-Unis, et donc seules les exportations du Canada sont touchées. Le Canada prétend que l'objet manifeste de la modification de 1989 est de prohiber l'exportation des petits homards canadiens vivants. À l'appui de cet argument, le Canada cite la déclaration du sénateur Cohen lorsque celui-ci proposa la modification : "Le droit fédéral actuel interdit seulement la pêche des homards de petite taille dans les eaux des États-Unis. Il n'interdit pas leur importation."46

4.2.1.4 Au surplus, le Canada prétend que la modification de 1989 constitue une violation de facto du GATT. Le Canada déclare que, avant la mise en oeuvre de la modification, les États-Unis n'imposaient aucune limite fédérale sur la taille des homards canadiens importés, tant que l'on pouvait démontrer à l'aide de connaissements que le homard avait été pêché légalement au Canada. La modification de 1989 interdit absolument l'entrée aux États-Unis des petits homards vivants. Par ailleurs, puisque, d'après ce que croit comprendre le Canada, le commerce des petits homards entre les États de l'Union est négligeable, eu égard aux estimations du NEFMC,47 et puisque le commerce, à l'intérieur des États, n'est pas touché par la modification de 1989, le Canada prétend que cette modification vise en fait les importations canadiennes, violant par le fait même l'Article XI. Par ailleurs, prétend le Canada, il est injuste d'imposer une restriction sur les homards vivants canadiens puisque, pour des raisons naturelles, ce homard parvient à maturité plus tôt et jouit d'un avantage comparatif sur le homard des États-Unis.48

4.2.1.5 Le Canada prétend que l'interdiction, par l'Article XI, des restrictions à l'importation a été interprétée de façon libérale par les groupes spéciaux de l'ALE et du GATT. Il évoque quatre exemples. Dans l'espèce Concentré de tomates, une mesure de la CEE fixant un prix minimum pour les produits importés fut considérée comme une restriction à l'importation, et donc contraire à l'Article XI.49 Dans l'espèce Japon - Commerce des semi-conducteurs, on a jugé incompatible avec l'Article XI:1 une structure administrative complexe, pour le motif que les mesures administratives en question présentaient la justification et les éléments essentiels caractérisant un véritable système de contrôle des exportations.50 Le groupe spécial saisi de l'affaire Commissions des alcools jugea quant à lui que les pratiques internes relatives à l'inscription au catalogue, à la radiation et à l'accès aux points de vente des produits constituaient des restrictions à l'importation contraires à l'Article XI:1.51 Finalement, dans l'affaire du Saumon et du Hareng, le groupe spécial de l'ALE déclara qu'il fallait interpréter l'Article XI de façon suffisamment libérale pour permettre la réalisation de l'objet de cet article.52

4.2.1.6 De l'avis du Canada, la portée étendue de l'Article XI rend cet article fondamental pour l'application de l'Accord de libre-échange conclu entre le Canada et les États-Unis. Le Canada prétend que l'intention des rédacteurs du GATT était de réduire les restrictions tarifaires et de s'assurer que les gouvernements ne leur substituent pas des obstacles non tarifaires en vue de protéger des industries nationales.53 Depuis 1947, le Canada a droit, dans le cas du homard, à une consolidation tarifaire nulle de la part des États-Unis.54 Comme la modification de 1989 restreint le commerce extérieur et que les exportations de homard canadien vers les États-Unis subissent par là des effets défavorables, le Canada prétend que la modification est condamnée par l'Article XI.

4.2.2. États-Unis

4.2.2.1 Les États-Unis affirment qu'en vertu des précédents du GATT, le Canada, à titre de plaignant dans le présent différend, a la charge de prouver que la modification de 1989 est incompatible avec l'Article XI. Selon les États-Unis, puisque la modification de 1989 ne relève pas de l'Article XI, il ne leur est pas nécessaire d'invoquer l'une des exceptions de l'Article XX. Les États-Unis prétendent que l'Article III, et non l'Article XI, régit les textes législatifs comme la modification de 1989, laquelle est une "mesure intérieure", une mesure qui impose une longueur minimum identique pour les homards importés comme pour les homards d'origine nationale.

4.2.2.2 Les États-Unis donnent trois raisons à l'appui de leur argument. D'abord, l'Article XI ne vise pas, selon eux, les mesures s'appliquant à la fois aux importations et aux produits nationaux similaires. L'Article XI vise plutôt les mesures internationales non tarifaires s'appliquant exclusivement aux importations.55 Le fait que la mesure puisse être appliquée à la frontière n'est pas pertinent, comme le montre la note interprétative de l'Article III. Les États-Unis prétendent même que l'expression "in interstate and foreign commerce" ("en vertu d'échanges commerciaux entre États de l'Union ou avec l'étranger") reflète l'intention des rédacteurs d'invoquer les pouvoirs du Congrès en matière de commerce plutôt qu'une tentative d'axer la mesure sur la protection commerciale.56

4.2.2.3 En second lieu, les États-Unis prétendent que l'application de l'Article XI à la présente espèce constituerait un dangereux précédent. Selon les États-Unis, l'Article XI n'a jamais été appliqué par un groupe spécial du GATT à une mesure visant à la fois les importations et les produits nationaux. Les États-Unis affirment que les cas cités par le Canada peuvent se distinguer de la présente espèce; les mesures visées dans l'affaire du Concentré de tomates et l'affaire Commissions des alcools57 s'appliquaient exclusivement aux importations, et l'affaire des Semi-conducteurs japonais58 concernait des mesures du gouvernement japonais s'appliquant aux exportations. Aucun de ces cas ne laissent entendre que l'Article XI vise des mesures s'appliquant également aux importations et aux produits nationaux. Par ailleurs, les États-Unis prétendent que, en contestant la modification de 1989 au moyen de l'Article XI, le Canada demande implicitement au Groupe spécial d'empêcher les gouvernements d'imposer des restrictions égales aux produits nationaux et aux produits étrangers lorsque cela aurait pour effet de restreindre les importations.

4.2.2.4 Finalement, les États-Unis prétendent que la modification de 1989 est tout à fait conforme à l'Article

III et ne peut donc relever des dispositions de l'Article XI puisque les deux articles s'excluent mutuellement.

4.3 Article III

4.3.1 États-Unis

4.3.1.1 Comme il est indiqué précédemment, les États-Unis prétendent que l'Article III, et non l'Article XI, est la disposition du GATT dont relèvent les mesures adoptées par les États-Unis. Eu égard à la thèse selon laquelle les Articles XI et III ne peuvent s'appliquer à la même mesure et au fait que le Canada a restreint le cadre de référence à l'Article XI, les États-Unis prétendent qu'une décision du Groupe spécial favorisant l'application de l'Article III disposerait de la présente espèce.

4.3.1.2 Les États-Unis se réclament de la note interprétative de l'Article III du GATT pour appuyer leur argument selon lequel les mesures contenues dans la modification de 1989 sont intérieures même si elles peuvent s'appliquer au moment ou au lieu de l'importation. Il ressort nettement de la note interprétative de l'Article III qu'une mesure affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le transport, la distribution ou l'utilisation de produits sur le marché intérieur peut s'appliquer à un produit importé au moment de l'importation sans pour autant perdre son caractère de mesure intérieure aux termes de l'Article III. Les États-Unis prétendent que la formulation littérale de la note interprétative fait bien ressortir que des mesures comme la modification de 1989, laquelle s'applique à la fois aux produits importés et aux produits nationaux, relèvent de l'Article III et non de l'Article XI. La question de savoir si la mesure s'applique à la frontière ou après que le produit a traversé la frontière est hors de propos. Tous les pays ont des législations internes qui peuvent être appliquées à la frontière.59

4.3.1.3 D'après les États-Unis, la contestation par le Canada de la modification de 1989 revient à demander au Groupe spécial d'interdire des restrictions touchant également les produits nationaux et les produits étrangers si les restrictions en question ont pour effet de limiter les importations. Toutefois, selon les États-Unis, l'uniformité de traitement est exactement ce que visent le GATT et l'ALE.60 Les États-Unis prétendent qu'interdire l'application, aux importations, de mesures qui ne font pas de distinction entre les produits importés et les produits nationaux serait contraire au GATT et à l'ALE, puisqu'une telle interdiction nécessiterait un traitement favorable aux importations.

4.3.1.4 Étant donné que le cadre de référence est limité à l'examen de l'Article XI, les États-Unis n'examinent pas en profondeur la compatibilité des mesures adoptées par eux avec l'Article III. Les États-Unis sont néanmoins d'avis que la modification de 1989 n'est aucunement discriminatoire et donc qu'elle est conforme à l'obligation de traitement national imposée par l'Article III.

4.3.2 Canada

4.3.2.1 Le Canada prétend que, si l'Article III est de quelque façon pertinent à la présente espèce, les États-Unis ne l'appliquent pas comme il faut. Le Canada prétend que l'objet de l'Article III est d'éviter que des taxes ou mesures administratives protectionnistes ne visent précisément les produits importés.61 Le Canada fait une distinction entre le mot "importé" de l'Article III et le mot "importation" de l'Article XI. À son avis, l'emploi du mot "importé" dans l'Article III vise les produits qui peuvent entrer dans le pays, mais qui doivent se conformer à des règlements nationaux, par exemple en matière d'étiquetage. L'emploi, dans l'Article XI, du mot "importation" vise les produits qui sont sur le point d'être introduits dans le pays importateur, mais n'y sont pas encore. La note interprétative de l'Article III parle elle aussi de produits "importés". Le Canada prétend que l'emploi du mot "importé" dans cette note signifie que les produits concernés sont des produits qui seront admis dans le pays. Le Canada distingue la présente espèce de la situation visée par l'Article III et la note interprétative, en faisant remarquer que l'introduction aux États-Unis des petits homards canadiens vivants est interdite. De l'avis du Canada, les homards en question ne peuvent en aucune façon être considérés comme un produit importé relevant de l'Article III.62

4.3.2.2 Le Canada prétend également que les fonctions des Articles III et XI se distinguent nettement de par l'historique de leur formulation respective et de par leurs précédents respectifs. Comme le notait le délégué du Royaume-Uni lors la Conférence de Londres :

Il nous faut nous assurer que la fiscalité interne ne peut être manipulée de façon à maquiller les intentions et l'effet contraignant des droits de douane. Il nous faut également nous assurer que la réglementation interne ne peut être manipulée de façon à contourner les intentions des dispositions que nous sommes sur le point de suggérer en matière de contingents et de restrictions quantitatives [Article XI du GATT].63 (TRADUCTION)

4.3.2.3 Le Canada cite l'affaire Commissions des alcools comme exemple d'application de l'Article XI à une mesure visant à la fois les produits importés et les produits nationaux. Selon le Canada, le groupe spécial saisi de cette affaire a examiné à la fois des taxes ou autres impositions intérieures discriminatoires et d'autres restrictions comme le point de vente et les conditions d'inscription au catalogue. Même si les mesures en question s'appliquaient au marché intérieur, le groupe spécial a jugé qu'il s'agissait de mesures d'importation incompatibles avec l'Article XI:1.

4.3.2.4 Le Canada compare les mesures mises en oeuvre par la modification de 1989 à celles qu'a examinées le groupe spécial saisi de l'affaire Canada - Administration de la Loi sur l'examen des investissements étrangers (LEIE).64 Dans cette affaire, le groupe spécial a déclaré que le GATT distingue les mesures touchant l'"importation" de produits, mesures régies par l'Article XI:1, et les mesures touchant les "produits importés", qui elles font l'objet de l'Article III.65 Notant que les engagements d'achat n'empêchent pas l'importation comme telle, le groupe spécial en est arrivé à la conclusion qu'ils ne sont pas incompatibles avec l'Article XI:1.66 Étant donné que la modification de 1989 empêche en effet l'importation de produits, le Canada prétend qu'elle équivaut à une restriction à l'importation et que cette restriction relève de l'Article XI, et non de l'Article III.

4.3.2.5 Le Canada soutient que les mesures adoptées par les États-Unis sont régies par l'Article XI, mais il affirme néanmoins que la modification de 1989 et les lois des États nient au Canada le traitement national, contrevenant ainsi à l'Article III:4. À titre d'exemple de la discrimination qu'il allègue, le Canada fait remarquer que la modification de 1989 ne s'applique pas au commerce intérieur des États, aux États-Unis. Par exemple, au New Jersey et au Delaware, la longueur minimum pour la carapace du homard est inférieure à la limite fédérale. L'entrée aux États-Unis de homards canadiens conforme à cette longueur minimum est néanmoins interdite.

4.4 Article XX

4.4.1 États-Unis

4.4.1.1 Comme il est mentionné précédemment, les États-Unis nient qu'ils aient la charge de prouver qu'une exception à l'Article XI est applicable, puisque la modification de 1989 est tout à fait conforme à l'Article III du GATT. De l'avis des États-Unis, l'examen de l'applicabilité de l'Article XX n'est pas nécessaire. Toutefois, les États-Unis prétendent que, si le Groupe spécial devait juger la modification contraire à l'Article XI, il devra alors considérer l'Article XX g) comme applicable.

4.4.1.2 Selon les États-Unis, l'Article XX g), qui exempte les mesures gouvernementales se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, établit un critère d'équilibre pour savoir si une mesure se rapporte à la conservation ou si c'est une restriction déguisée au commerce international.67 Les États-Unis citent le rapport du groupe spécial de l'ALE dans l'affaire du Hareng et du Saumon comme exemple d'application de l'Article XX g) dans une situation analogue à la présente. Comme il est précisé dans le rapport, une mesure doit satisfaire quatre conditions pour bénéficier de l'exception de l'Article XX g) :

1) la mesure doit se rapporter à une ressource naturelle épuisable;

2) la production ou la consommation nationale du produit doit être restreinte;

3) la mesure ne peut constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifié entre pays étrangers; et

4) la mesure doit viser d'abord la conservation.68

Les États-Unis prétendent que la modification répond à toutes les conditions. D'abord, les homards constituent une ressource naturelle qui peut être épuisée par la surpêche. Ensuite, la production intérieure des homards des États-Unis est restreinte par une série de mesures d'État et de mesures fédérales. Troisièmement, la modification s'applique de la même façon aux homards étrangers et aux homards des États-Unis. Finalement, la modification est une mesure d'application destinée à empêcher la pêche des petits homards aux États-Unis.

4.4.1.3 Dans l'affaire du Saumon et du Hareng, le groupe spécial a édifié deux critères pour décider si une mesure est surtout destinée à la conservation. D'abord, le groupe spécial a cherché à déterminer si la mesure apportait des avantages réels en matière de conservation et, en particulier, s'il existait une raison véritable pour choisir la mesure effective ou bien si d'autres mesures auraient pu accomplir le même objectif. Deuxièmement, le groupe spécial a cherché à savoir si la mesure aurait été adoptée, au cas où les ressortissants du pays qui l'a adoptée avaient été forcés d'en supporter les coûts.

4.4.1.4 Les États-Unis prétendent que la modification de 1989 apporte de véritables avantages en matière de conservation et par conséquent répond au premier critère. À l'appui de cet argument, les États-Unis prétendent que la modification élimine la pêche des homards de petite taille dans les opérations de pêche américaines en supprimant tout stimulant financier au niveau du marché. Au surplus, les États-Unis prétendent que la modification a été rédigée d'une façon qui permet d'éviter les restrictions commerciales indues, tout en constituant une mesure importante de conservation. Les États-Unis affirment qu'il n'existe aucune solution commode de remplacement des mesures mises en oeuvre par la modification, notant que la présomption réfutable elle-même avait été essayée, mais jugée insatisfaisante par les autorités américaines. Ils affirment aussi que d'autres mesures, comme l'augmentation des patrouilles côtières ou de meilleurs documents pour les expéditions canadiennes, ne résoudraient pas nécessairement les préoccupations des États-Unis en matière de conservation.

4.4.1.5 De l'avis des États-Unis, la modification de 1989 répond au deuxième critère parce que les ressortissants des États-Unis ont supporté seuls depuis 1988 les coûts de l'application de la taille minimum. En fait, les États-Unis affirment que les coûts supportés par les entreprises des États-Unis sont plus élevés que les coûts supportés par leurs homologues canadiennes parce que les entreprises des États-Unis ne peuvent vendre nulle part au monde des homards de petite taille, tandis que les marchés tiers sont ouverts aux petits homards du Canada.

4.4.2 Canada

4.4.2.1 Le Canada prétend que les exceptions aux obligations du GATT doivent être interprétées de façon restrictive,69 et que les États-Unis ne sont pas parvenus à démontrer que la modification de 1989 bénéficie de l'Article XX g). Le Canada prétend que la modification de 1989 est une restriction déguisée au commerce international, adoptée en réaction à l'idée du Congrès des États-Unis selon laquelle les pêcheurs américains de homards étaient désavantagés au plan de la concurrence.70 La réponse des États-Unis à des préoccupations politiques a entraîné l'interdiction de l'importation des petits homards canadiens vivants.

4.4.2.2 Le Canada admet que les homards constituent une ressource naturelle épuisable, mais il soutient que la modification ne vise pas en premier lieu la conservation. Il affirme que la modification de 1989 ne s'adressait pas aux captures effectuées dans les eaux des États-Unis et qu'elle n'a rien ajouté aux mesures de conservation déjà en vigueur. La modification de 1989 n'interdisant que les homards du Canada, le Canada prétend qu'elle ne visait pas les captures de homards dans les eaux des États-Unis.

4.4.2.3 Le Canada note également que, même si la modification de 1989 rend illégale la possession des petits homards canadiens vivants, elle n'empêche pas le commerce du homard à l'intérieur des États de l'Union. Comme il n'existe pas de relation directe entre la conservation du homard dans les eaux des États-Unis et la modification de 1989, le Canada croit que la mesure ne vise pas d'abord la conservation.

4.4.2.4 Le Canada répond à l'argument des États-Unis selon lequel la modification est nécessaire pour l'application des mesures de conservation en faisant remarquer que les importations de homards du Canada arrivent par route ou par avion, et non à l'endroit où les homards des États-Unis sont débarqués. De l'avis du Canada, la modification de 1989 résout le problème de l'application de façon on ne peut plus restrictive pour le commerce et fait reposer sur le Canada la charge des mesures d'application adoptées par les États-Unis. Le Canada prétend que le sens véritable de l'Article XX, c'est que les exceptions du GATT ne peuvent servir à justifier la méthode la plus restrictive au plan commercial pour résoudre une situation de portée nationale.71

4.4.2.5 Finalement, le Canada prétend qu'il n'existe aucune restriction véritable sur la production de homards aux États-Unis. Il fait remarquer l'absence d'uniformité des restrictions adoptées par les États et le gouvernement fédéral en ce qui concerne la taille des homards. Étant donné que les lois d'État régissant les captures de homards dans la mer territoriale de trois milles peuvent être modifiées sans égard au droit fédéral, le Canada prétend que les États-Unis n'appliquent pas de mesures effectives de conservation en ce qui concerne le homard.

4.5 Effets sur le commerce

4.5.1 Canada

4.5.1.1 Eu égard à une évaluation impartiale préparée par un cabinet d'experts comptables et de consultants du Canada, le Canada prétend que la mise en oeuvre de la modification de 1989 au cours des trois prochaines années coûtera 127 millions de $ aux pêcheurs de homards du Canada.72 Ce calcul repose sur des estimations du volume et de la valeur des homards qui seront pêchés au Canada en 1990-1992, compte tenu de la croissance moyenne des prises canadiennes de 1986 à 1988. Le calcul repose également sur la quantité et la valeur des homards canadiens offerts sur le marché du homards vivant en 1990-1992, également compte tenu du pourcentage destiné à tel marché en 1986-1988; le calcul repose également sur la quantité et la valeur des homards vivants qui devraient être exportés vers les États-Unis en 1990-1992, par rapport à la période de référence; le calcul repose enfin sur une estimation du pourcentage, pour 1990-1992, des prises vivantes destinées à être consommées fraîches et ne répondant pas aux limites de taille imposées par les États-Unis.

4.5.1.2 Le Canada prétend que les effets sur le commerce pourraient même être supérieurs à 127 millions de $, étant donné que la modification de 1989 pourra entraîner une augmentation des prix du homard canadien afin de compenser la sélection supplémentaire des prises destinées au marché des États-Unis. L'augmentation des prix pourrait à son tour réduire le marché d'exportation. Au surplus, une offre accrue de petits homards frais vivants pourrait faire tomber le prix du homard au Canada et dans les pays tiers.

4.5.2 États-Unis

4.5.2.1 Les États-Unis prétendent que l'estimation, par le Canada, des effets sur le commerce est excessive parce qu'elle procède de l'idée selon laquelle les petits homards continueront d'être pêchés et qu'ils seront simplement jetés. Forts de cette hypothèse, les États-Unis prétendent qu'il serait plus réaliste de parler d'un chiffre situé entre 11,1 millions de $ CAN et 23,7 millions de $ CAN chaque année.

4.5.2.2 Ce qui est plus important, selon les États-Unis, c'est que la modification de 1989 offre aux entreprises canadiennes des solutions acceptables en ce qui concerne la commercialisation du homard. Plus précisément, les États-Unis énumèrent quatre solutions auxquelles peuvent recourir les entreprises canadiennes pour réagir à la modification :

a) laisser les petits homards dans l'eau pour qu'ils croissent et se reproduisent;

b) congeler, cuire ou mettre en conserve les petits homards et les vendre aux États-Unis, au Canada ou à l'étranger;

c) vendre les petits homards en Europe ou au Japon;

d) commercialiser les petits homards en recourant à une combinaison des solutions b) et c).

Les États-Unis croient que, si le Canada choisit l'option "a", la modification de 1989 n'aura probablement à court terme qu'un effet préjudiciable très mineur sur le commerce et qu'elle sera, à moyen terme et à long terme, avantageuse commercialement pour le Canada. Le Canada supportera des pertes à court terme, mais, dans 10 ans, les bénéfices pourraient atteindre 3,1 millions de $ CAN par année. Si le Canada choisit les options b, c, ou une combinaison des deux, les États-Unis croient que les pertes nettes des trois premières années seraient de 4,7 millions de $ CAN par année, et que les pertes nettes à long terme (30 ans) ne dépasseraient pas 5,7 millions de $ CAN par année.73 Les États-Unis affirment que, en dehors de telles solutions, on ne peut déterminer les effets commerciaux, s'il en est, découlant pour le Canada de la modification de 1989.

Per Continuer Avec Recours


45 Mémoire du Canada du 31 janvier 1990 (le "Mémoire du Canada"), p. 5.

46 Exposé du Canada lors de la procédure orale, p. 13 (citant H.R. 1668, 101e Congrès, 2ième session, 135 Cong. Rec., S16,136 (1989)). Voir aussi la lettre du 6 novembre 1987 adressée par Richard Roe, directeur de la région nord-est du National Marine Fisheries Service des États-Unis, à Blair G. Hankey, conseiller, ambassade du Canada, même source, appendice F. Dans la lettre, M. Roe informe M. Hankey que l'interdiction, à l'échelle nationale, des homards non conformes n'empêchera pas l'importation aux États-Unis des homards pêchés légalement dans les eaux canadiennes.

47 Même source, p. 13 (citant l'annexe D du Mémoire des États-Unis du 21 février 1990, lettre du 9 novembre de James Warren, président, New England Fisheries Management Council, au sénateur George Mitchell).

48 Déclaration introductive du Canada, par Serge April, p. 5.

49 CEE - Régime des prix minimaux à l'importation (l'affaire du Concentré de tomates), L/4687, le 4 octobre 1978.

50 Japon - Commerce des semi-conducteurs L/6309, le 24 mars 1988, par. 104-106.

51 Importation, distribution et vente de boissons alcooliques au Canada par les organismes provinciaux de commercialisation, L/6304, le 5 février 1988.

52 Mémoire du Canada, p. 6 (citant Dans l'affaire de l'obligation du Canada en matière de débarquement du saumon et du hareng de la côte du Pacifique, Rapport final du groupe spécial de l'ALE, le 16 octobre 1988, par. 6.07).

53 Exposé du Canada lors de la procédure orale, p. 14.

54 Même source, p. 14.

55 Mémoire des États-Unis, p. 10 (le souligné figure dans le Mémoire).

56 Transcription des procédures, vol. I (5 mars 1990), p. 197-198; voir également le Mémoire des États-Unis, p. 11.

57 CEE - Régime des prix minimaux à l'importation (L'affaire du concentré de tomates), L/4687, 4 octobre 1978. Importation, distribution et vente de boissons alcooliques par les organismes provinciaux de commercialisation, L/6304, le 5 février 1988.

58 Japon - Commerce des semi-conducteurs L/6309, 24 mars 1988.

59 Mémoire des États-Unis, p. 11. Les États-Unis prétendent que le Canada admet en fait la pertinence de l'Article III lorsqu'il affirme que la restriction des importations de homards canadiens est "injuste" parce que le Canada jouit d'un avantage comparatif. Transcription des procédures, Vol. I, p. 31-32, 5 mars 1990, Mémoire des États-Unis, p. 12; Mémoire supplémentaire des États-Unis, p. 3.

60 Mémoire des États-Unis, p. 12; Transcription, Vol. I, p. 235-236, 5 mars 1990.

61 Exposé du Canada lors de la procédure orale, 5 mars 1990, p. 20, citant l'Article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, à l'appui de la proposition selon laquelle l'Article III doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

62 Même source, p. 21.

63 Exposé du Canada lors de la procédure orale, p. 21 (citation extraite du Comité préparatoire de la Conférence internationale sur le commerce et l'emploi, Conseil économique et social des Nations Unies, EPCT/C.II/PV/10, 19 novembre 1946)

64 Canada - Administration de la Loi sur l'examen des investissements étrangers, L/5504, 25 juillet 1983.

65 Même source, par. 5.14

66 Même source.

67 Résumé écrit des arguments oraux des États-Unis sur l'Article XX g) et les effets sur le commerce, p. 1.

68 Même source, p. 2 (citant Dans l'affaire de l'obligation du Canada en matière de débarquement du saumon et du hareng de la côte du Pacifique, Rapport final du groupe spécial de l'ALE, 16 octobre 1989, au par. 7.02) (le souligné se trouve dans le Résumé écrit des États-Unis).

69 Exposé du Canada lors de la procédure orale, p. 16 (citant Canada - Restrictions à l'importation de la crème glacée et du yoghourt, L/6568, 27 septembre 1989, p.59; Japon - Restrictions à l'importation de certains produits agricoles, L/6253, 18 novembre 1987, par. 5.1.3.7; et CEE - Restrictions à l'importation des pommes, L/6513, 9 juin 1989, par. 5.13).

70 Même source, p. 17.

71 Même source, p. 19 (citant États-Unis - Article 337 de la loi douanière de 1930, L/6439, 16 janvier 1989, par. 5.26).

72 Même source, p. 26.

73 Résumé écrit des arguments oraux des États-Unis sur l'Article XX g) et les effets sur le commerce, p. 16-17.