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EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL BINATIONAL
AUX TERMES DE L’ARTICLE 1904
DE L’ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN


Dans l'affaire des:

PRODUITS EN TÔLE D’ACIER
NON ALLIÉ INOXYDABLE
EN PROVENANCE DU CANADA

USA-97-1904-3

En présence de:

Howard N. Fenton, III (président)
William E. Code, c.r.
Lisa B. Koteen
Shawna Vogel
Gilbert R. Winham


DÉCISION DU GROUPE SPÉCIAL

Ont comparu:

Pour le compte de Stelco, Inc.: Willkie Farr & Gallagher (Christopher Dunn et Daniel L. Porter).

Pour le compte du ministère américain du Commerce: Bureau de l’avocat en chef pour l’administration des importations (Dean A. Pinkert).

Pour le compte de certains producteurs d’acier américains: Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom LLP (Ellen J. Schneider).

 

TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION

II. CONTEXTE

III. NORME D’EXAMEN

IV. ANALYSE

A. Première question: Les coûts de production des services de peinture

1. Les critères antérieurs du ministère dans l’affaire

2. La méthodologie du ministère

3. Entités « regroupées » pour éviter l’utilisation de prix de transfert

B. Deuxième question: Calcul du facteur de taux d’intérêt

C. Troisième question: Les erreurs d’écriture

V. CONCLUSION ET ORDONNANCE


I. INTRODUCTION

Le présent groupe spécial binational (« groupe spécial ») a été constitué en vertu de l’article 1904 de l’Accord de libre-change nord-américain et chargé d’examiner la décision rendue par le service de l’Administration du commerce international du ministère américain du Commerce (« ministère du Commerce ») concernant l’évaluation effectuée par ce dernier des prix des intrants de Stelco conformément à la deuxième révision de l’ordonnance de droits antidumping par le ministère. 1 La décision du ministère du Commerce a été appuyée par « certains producteurs d’acier américains » (« producteurs d’acier américains ») à titre de partie intéressée et contestée par Stelco Inc. (« Stelco »).

Stelco a contesté la décision du ministère du Commerce aux motifs

  1. que la décision gonflait exagérément les coûts réels présentés par Stelco relativement aux services de peinture fournis par sa filiale Baycoat,
  2. que le ministère du Commerce avait rejeté le facteur de taux d’intérêt de Stelco pour lui préférer un facteur réévalué qui ne correspond pas aux registres de Stelco et n’est pas conforme à la réalité et
  3. que la décision finale du ministère du Commerce comporte deux erreurs d’écriture commises dans le cadre du calcul de la marge de Stelco.

Stelco a demandé que le ministère du Commerce modifie en conséquence son ordonnance de droits antidumping. Dans sa réponse, le ministère a demandé un renvoi pour reconsidérer le calcul du facteur de conversion des intrants de Baycoat à Stelco et pour corriger l’une des erreurs d’écriture. Pour les motifs exposés plus en détail dans la présente opinion, le groupe spécial renvoie l’affaire au ministère du Commerce pour qu’il reconsidère sa décision.

II. CONTEXTE

Le 19 août 1993, le ministère du Commerce a rendu une ordonnance de droits antidumping contre Stelco, fabricant et exportateur canadien de produits en tôle d’acier non allié inoxydable. 2 Le 9 septembre 1995, il entamait son second examen administratif de ladite ordonnance. L’examen portait sur la période du 1er août 1994 au 31 juillet 1995. 3 Dans le cadre de cet exercice, le ministère du Commerce a demandé à Stelco de répondre à un questionnaire exhaustif pour faciliter l’établissement des données sur les ventes et sur les coûts de Stelco relativement aux produits en cause. Le 5 février 1996, le ministère a demandé à Stelco de remplir un autre questionnaire pour clarifier les renseignements fournis par Stelco concernant ses coûts de production. Du 15 au 26 avril 1996, le ministère a procédé à une vérification approfondie des questionnaires remplis par Stelco concernant ses coûts de production. Il s’agissait plus particulièrement de comparer les facteurs de conversion entre Stelco et Baycoat (entreprise appartenant pour moitié à Stelco) et les frais de peinture effectifs de Baycoat.

Après examen, le ministère du Commerce a conclu que Stelco avait déclaré les frais effectifs de Baycoat et non le facteur de conversion entre Baycoat et Stelco, comme l’attestait deux factures distinctes relatives à des commandes de peinture. 4 Dans la décision préliminaire du ministère, celui-ci rejette les chiffres avancés par Stelco concernant les frais de production et les remplace par une valeur recalculée qu’il impute aux services de Baycoat. Dans sa réponse, Stelco a fait valoir que rien, sur le plan juridique ou factuel, n’autorisait le ministère du Commerce à rejeter les chiffres relatifs aux frais effectifs de peinture de Baycoat et que la méthodologie adoptée par le ministère n’était pas conforme aux conclusions qu’il avait rendues dans le cadre de l’enquête initiale et du premier examen administratif. Stelco a également fait valoir que le ministère ne s’était pas servi d’une méthode valable pour comparer les facteurs de conversion et les coûts réels de Baycoat, parce qu’il avait refusé de tenir compte du fait que Baycoat remet la moitié de ses bénéfices à Stelco en fin d’année.

Dans le cours de son examen, le ministère du Commerce a également contesté la façon dont Stelco avait calculé son « facteur de taux d’intérêt net » dans le cadre du calcul des coûts de production. Le ministère a exclu du coût des ventes les versements aux gouvernements autres que les taxes. Stelco a fait objection à cette exclusion au motif que ces coûts étaient inclus dans le coût de fabrication et qu’il fallait les inclure dans le coût des produits vendus et dans le calcul exact du facteur de taux d’intérêt. (Le ministère du Commerce a expliqué qu’il avait exclu ces coûts du dénominateur du coût des produits vendus parce qu’ils n’étaient pas inclus dans le coût de fabrication. 62 Fed. Reg. 18448, 18465, 15 avril 1997.)

Le ministère du Commerce a rendu sa décision définitive relativement au second examen administratif le 15 avril 1997. 5 Il y a confirmé sa décision préliminaire à tous égards. Le 12 mai 1997, Stelco a demandé un examen de la décision définitive du ministère du Commerce par le présent groupe spécial.

III. NORME D’EXAMEN

Les paragraphes 1904(2) et (3) de l’Accord de libre-échange nord-américain disposent que le groupe spécial doit appliquer la norme d’examen prévue au sous-alinéa 516A(b)(1)(B) de la Tariff Act de 1930 (modifiée). 6 Cette norme d’examen exige que toute décision non étayée par des preuves substantielles versées au dossier ou qui par ailleurs n’est pas conforme à la loi soit considérée comme illégale par le groupe spécial. 7 L’Accord de libre-échange nord-américain prévoit également que les décisions rendues par la Cour suprême des États-Unis et la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral lient le groupe spécial. 8

La Cour d’appel pour le circuit fédéral entend par « preuves substantielles » plus que de « simples preuves parcellaires » : il s’agit de preuves pertinentes qu’un esprit raisonnable pourrait accepter comme étayant suffisamment une conclusion. 9 Le groupe spécial ne saurait substituer son propre jugement à celui de l’organisme lorsqu’il existe deux points de vue légitimes. 10. En se demandant si une décision est ou non « conforme à la loi », le groupe spécial doit s’en remettre aux « interprétations raisonnables que fait un organisme d’une loi qu’il applique (...) 11 ».

IV. ANALYSE

A. Première question: Les coûts de production des services de peinture

La première question dont le groupe spécial a été saisie est celle de savoir si le ministère du Commerce avait le droit de se servir, pour calculer les coûts de production pour la peinture des bobines d’acier de la plaignante Stelco, d’une moyenne d’un échantillon de prix facturés (« facteur de conversion ») entre Stelco et sa filiale Baycoat (fournisseur de services de peinture) au lieu d’utiliser les coûts enregistrés par Baycoat. 12 Le groupe spécial estime que le ministère en a effectivement le droit, mais celui-ci a demandé que le groupe spécial renvoie la décision finale pour lui permettre d’examiner s’il convient de redresser le facteur de conversion, en priant également le groupe spécial d’approuver la méthodologie spécifique qu’il a appliquée pour aboutir aux résultats de son examen. Le groupe spécial accueille la demande de renvoi, mais il ne peut approuver la méthodologie spécifique appliquée au cours de la procédure administrative.

L’affaire renvoie en effet à des circonstances plutôt irrégulières où un fabricant revendique le recours à ce qui est réputé être les coûts réels d’un fournisseur par opposition à un prix facturé artificiellement élevé. Comme l’analyse qui suit le montre, la législation et la réglementation sont censées permettre au ministère du Commerce d’ignorer des prix facturés qui seraient artificiellement bas pour tenir compte des coûts réels ou des taux du marché pour reconstituer les coûts. Le groupe spécial doit donc décider si la loi et les règles appliquées à ces circonstances inusitées accordent toujours au ministère le même pouvoir discrétionnaire.

Le ministère du Commerce peut enquêter sur le coût de production d’un produit conformément aux dispositions 19 U.S.C. §1677b. 13 L’alinéa f) des dispositions 19 U.S.C. § 1677b prévoit des règles spéciales pour le calcul du coût de production et de la valeur reconstituée (jusqu’à la promulgation, en 1995, des modifications apportées par la Uruguay Round Agreements Act (« URAA ») aux lois antidumping, ces règles ne s’appliquaient qu’à la valeur reconstituée; elles s’appliquent désormais également au coût de production (Pub. L. No. 103-465, 108 Stat. 4809 (1994).). Avant d’analyser le cadre législatif, le groupe spécial se demandera si le fait que le ministère du Commerce avait, dans le cadre de l’enquête initiale et du premier examen administratif, accepté les coûts de Baycoat comme étant la valeur des services de peinture fournis à Stelco le contraignait à les accepter de nouveau dans le cadre du second examen. La partie plaignante estime qu’il s’agit d’une question préjudicielle, et c’est également notre avis.

1. Les critères antérieurs du ministère dans l’affaire

À titre préliminaire, Stelco affirme que le ministère est lié par ses critères antérieurs, car, dans le cadre des deux éléments antérieurs de sa procédure (enquête initiale sur la juste valeur et premier examen administratif), il avait accepté la méthodologie de Stelco qui consistait à utiliser les coûts de production intégralement répartis de Baycoat comme la mesure applicable aux coûts assumés par Stelco pour les services de peinture. Stelco invoque l’enquête initiale du ministère, dans le cadre de laquelle il a accepté les coûts de Baycoat au motif que Stelco ne pouvait prouver l’existence d’une transaction autonome et que les données sur les coûts fournies par Stelco étaient en fait un facteur de conversion puisque tous les bénéfices de Baycoat étaient remis intégralement à ses propriétaires en fin d’année (voir le mémoire de la partie plaignante, Stelco Inc., p. 22-27). Stelco estime que, comme les faits étaient les mêmes dans le cadre de la première et de la seconde procédure administrative, ce changement de méthodologie invalide la décision finale du ministère.

Le ministère rétorque que le fait qu’il avait accepté les coûts de Baycoat comme étant ceux de Stelco dans le cadre d’une procédure antérieure n’a pas d’importance, et ce pour un certain nombre de raisons:

  1. cet examen était le premier depuis l’entrée en vigueur de l’URAA, qui prévoit de nouvelles normes pour le calcul des coûts,
  2. dans le cadre de son enquête, le ministère s’était servi des coûts de Baycoat parce qu’il s’agissait en fait du prix de transfert, ce qui atteste qu’il n’a jamais renoncé à sa préférence pour les prix de transfert,
  3. le ministère a traité l’affaire différemment d’une procédure à l’autre, de sorte qu’on ne peut pas affirmer qu’il y ait eu de pratique de longue date,
  4. le ministère est autorisé à modifier sa méthodologie s’il a de bonnes raisons de le faire et s’en explique suffisamment.

Ainsi, le ministère réplique qu’il n’est pas lié par un précédent administratif à cet égard. (Voir le mémoire de l’organisme d’enquête en réponse au mémoire de Stelco, p. 16-20.)

On comprend bien que Stelco, au stade du deuxième examen, se soit habitué à présenter les coûts de Baycoat comme les siens propres, mais rien n’indique qu’elle se soit appuyée sur la façon dont le ministère avait abordé les coûts. Les dispositions légales de contrôle ont changé entre le premier et le second examen. Le ministère du Commerce a manifestement demandé qu’on lui fournisse des « prix de transfert » et il avait de bonnes raisons de modifier sa méthodologie. Nous estimons par conséquent que le précédent administratif ne contraignait pas le ministère au plan de la méthodologie dans le cadre de cette procédure.

2. La méthodologie du ministère

Comme on l’a vu, le ministère s’est servi d’une moyenne d’un échantillon de prix facturés entre Baycoat et Stelco (« prix de transfert ») comme point de départ, conformément aux dispositions du sous-alinéa § 1677b(f)(1)(A), au lieu d’utiliser les coûts répartis de Baycoat tels qu’ils étaient proposés par Stelco. Le sous-alinéa 1677b(f)(1)(A) dispose ce qui suit:

On doit normalement calculer les coûts à partir des registres de l’exportateur ou du producteur de la marchandise, si ces registres sont tenus conformément aux principes comptables généralement reconnus du pays exportateur (ou du pays producteur, selon le cas) et s’ils traduisent raisonnablement les coûts associés à la production et à la vente de ladite marchandise. L’autorité qui applique la loi doit tenir compte de tous les éléments de preuve disponibles concernant la répartition correcte des coûts, notamment des éléments de preuve fournis par l’exportateur ou le producteur dans les délais voulus, si ces imputations ont servi régulièrement à l’exportateur ou au producteur, en particulier pour calculer les périodes d’amortissement et les sommes à imputer aux immobilisations et aux autres frais promotionnels.

Cette disposition impose au ministère de calculer le coût de production à partir des registres et des livres comptables du producteur de la marchandise, et la pratique ordinaire de Stelco, selon le questionnaire auquel elle a répondu, est d’enregistrer le prix facturé comme étant son propre coût des services de peinture (rapport inédit, Doc. 8).

Le ministère a donc appliqué les dispositions 19 U.S.C. § 1677b(f)(2):

(2) Opérations non considérées

Il est possible de ne pas tenir compte d’une opération directe ou indirecte entre des personnes affiliées à condition que, dans le cas de tout élément de valeur à prendre en considération, le montant représentant cet élément ne traduise pas fidèlement le montant généralement représenté dans les ventes de la marchandise en question sur le marché en question. Si l’on écarte une opération aux termes de ce qui précède et qu’il n’existe pas d’autres opérations à considérer, le calcul du montant sera fonction des renseignements dont on dispose sur ce que ce montant aurait été si l’opération avait eu lieu entre des personnes non affiliées.

Le sous-alinéa f)(2) permet au ministère de ne pas tenir compte d’une opération entre Stelco et Baycoat si cette opération ne correspond pas à une valeur marchande ou n’équivaut pas à une opération autonome. Autrement dit, le ministère n’est pas contraint de ne pas tenir compte de l’opération si elle ne correspond pas à une valeur marchande, mais il en a le loisir.

En l’espèce, le ministère a décidé de ne pas écarter l’opération et de s’appuyer sur une seule déclaration dans le questionnaire auquel Stelco a répondu, à savoir que les prix de transfert entre Stelco et Baycoat étaient conformes au marché (rapport inédit, Doc. 6, p. 9). Le ministère a conclu que le prix de transfert était conforme à la norme législative et qu’il traduisait effectivement le « montant généralement représenté dans les ventes de la marchandise en question sur le marché en question » (62 Fed. Reg., p. 18464). Le ministère a conclu en ce sens pour la raison explicite que « Stelco reconnaissait, dans la section D supplémentaire du questionnaire, que les prix de vente de Baycoat étaient établis aux taux actuels du marché ».

Cette conclusion sur la valeur marchande, non étayée par les données enregistrées, ne saurait être conforme à la norme prévue par la loi. Le groupe spécial ne voit rien dans les chiffres de ventes de services de peinture entre des parties non affiliées qui puisse servir de point de repère. 14 Par ailleurs, même si l’on ne dispose pas d’éléments de preuve de ce genre, la loi ne donne aucune indication concernant les prix de transfert lorsqu’il n’existe pas de valeur marchande comparative. Non plus que la loi n’impose l’obligation au ministère de rendre une décision indépendante sur une valeur marchande ou un prix autonome qui servirait de repère. Par conséquent, aux termes de la loi, le ministère a le loisir d’utiliser les opérations entre Stelco et Baycoat.

Le ministère a ensuite comparé le prix de transfert au coût de production en vertu des dispositions 19 U.S.C. § 1677b(f)(3):

3) Règle des principaux intrants

Si, dans le cas d’une opération entre des personnes affiliées concernant la production par l’une d’elles d’un intrant principal de la marchandise, l’autorité qui applique la loi a de bonnes raisons de croire ou de soupçonner qu’un montant présenté comme correspondant à la valeur de cet intrant est inférieur au coût de production de cet intrant, ladite autorité peut déterminer la valeur de l’intrant principal à partir des renseignements dont elle dispose concernant ledit coût de production. Si ce coût de production est supérieur au montant qui serait calculé au titre dudit intrant aux termes du paragraphe (2).

Le ministère a conclu que, comme le prix de transfert était supérieur au coût de production, la règle de l’intrant principal ne permettait pas de rejeter le prix de transfert.

Le groupe spécial fait remarquer que les faits dont il est saisi ne correspondent pas au scénario envisagé aux alinéas f)(2) et f)(3). 15 Plus particulièrement, l’alinéa f)(3) n’était pas censé concerner une situation où l’intrant est transféré à un prix artificiellement élevé, comme c’est le cas en l’espèce.

Le groupe spécial n’est donc pas en désaccord avec le ministère lorsqu’il dit que l’alinéa f)(3) n’exige pas le rejet du prix de transfert, mais il est troublé par le fait que le résultat, l’utilisation du prix de transfert, entraîne des coûts supérieurs aux « coûts associés à la production et à la vente de la marchandise » (§ 1677b(f)(1)(A)).

Dans le cadre de son examen, le ministère a suivi la norme stricte énoncée dans le document intitulé Final Results of Antidumping Administrative Review: Antifriction Bearings (Other Than Tapered Roller Bearings) and Parts thereof From France, Germany, Italy, Japan, Singapore, and the United Kingdom (62 Fed. Reg. 2081, 2115 (1997)). Cette norme exige que le ministère choisisse le plus élevé des montants suivants : 1) le prix de transfert, 2) la valeur marchande, 3) le coût de production. La réglementation actuelle du ministère du Commerce, qui a été promulguée après les résultats définitifs de l’examen administratif de l’espèce, propose une méthode plus souple en indiquant que le ministère doit « normalement » suivre la hiérarchie (19 C.F.R. § 351.407(b)). Le groupe spécial estime que cette souplesse donnera lieu à une application équitable de la loi et prie instamment le ministère de l’appliquer.

Stelco soutient que, même si le ministère peut utiliser le prix de transfert, il devrait redresser les prix de transfert à la baisse pour tenir compte de la remise des bénéfices de Baycoat à Stelco (mémoire de la partie plaignante, p. 50-53). Le groupe spécial fait observer que la remise des bénéfices dans ce cas est indépendante du nombre ou de la valeur des ventes de services de peinture à Stelco et qu’il ne s’agit donc pas d’une vente au rabais, mais plutôt, pourrait-on dire, d’une opération de l’ordre d’un rendement du capital investi établi sur entente entre les propriétaires de Baycoat (rapport inédit, Doc. 32). Il faut cependant dire, pour être juste, que le ministère pourrait exercer ce pouvoir discrétionnaire pour effectuer un certain redressement du prix de transfert en fonction des caractéristiques économiques et commerciales de la relation entre Stelco et Baycoat et pour tenir compte des exigences du sous-alinéa §1677b(f)(1)(A).

Par conséquent, pour les motifs exposés plus haut, le groupe spécial n’approuve pas, comme le demandait le ministère, la méthodologie que celui-ci a adoptée en l’espèce.

3. Entités « regroupées » pour éviter l’utilisation de prix de transfert

À titre d’argument annexe, Stelco affirme dans son mémoire que le ministère aurait dû traiter Baycoat et Stelco comme des entités « regroupées », ce qui l’aurait contraint d’utiliser les coûts de Baycoat au lieu des prix de transfert entre Stelco et Baycoat. Lorsque les parties sont regroupées, le ministère refuse d’appliquer la règle de l’intrant principal et utilise plutôt les coûts des opérations entre lesdites entités (voir le mémoire de la partie plaignante, p. 40-50). À chaque stade de l’examen par le présent groupe spécial, Stelco a progressivement dilué son argumentation sur ce point, pour finir par demander simplement que le ministère applique la « logique » sous-tendant la méthodologie du regroupement pour éviter d’utiliser le facteur de conversion (voir la transcription, supra, p. 40-42).

Comme Stelco ne demande pas que Stelco et Baycoat soient considérées comme une seule entité selon l’argument du regroupement, mais qu’elle invoque simplement un modèle analytique, le groupe spécial ne conclut pas concernant l’applicabilité dudit argument ou celui de l’épuisement des recours, invoqué par le ministère en réponse au premier. 16

B. Deuxième question: Calcul du facteur de taux d’intérêt

Le questionnaire du ministère du Commerce concernant les coûts de production de la marchandise en question demandait à Stelco de calculer un « facteur de taux d’intérêt net ». Stelco a calculé un facteur d’intérêt à utiliser dans le calcul des coûts de production en divisant le total de l’intérêt par le coût total des biens vendus à l’échelle de l’entreprise.

Dans sa décision finale, le ministère du Commerce a rejeté le calcul de Stelco concernant le facteur de taux d’intérêt pour les raisons suivantes:

Stelco a utilisé des frais de vente calculés à l’interne pour répartir ses dépenses. Ce montant ne correspond pas à la déclaration de revenus vérifiée. Les chiffres vérifiés des frais de vente consolidés sont différents des chiffres internes parce que Stelco a identifié séparément les services généraux et les versements aux gouvernements autres que l’impôt sur le revenu dans la déclaration de revenus vérifiée alors qu’il n’a pas inclus ces éléments dans les chiffes relatifs aux frais de vente consolidés. Nous avons recalculé les frais de vente consolidés utilisés dans le calcul du taux d’intérêt net en fonction de la déclaration de revenus vérifiée parce que les services généraux et les versements aux gouvernements autres que l’impôt sur le revenu sont des frais généraux et administratifs qui doivent être exclus des frais de vente.

(2 avril 1997, mémoire de Peter Scholl à Christian B. Marsh, rapport publié, Doc. 195.)

Stelco ne conteste pas la décision du ministère du Commerce eu égard aux services généraux. La question plus précise dont le groupe spécial est saisi est celle de savoir s’il était légal, de la part du ministère, d’exclure les versements aux gouvernements autres que l’impôt sur le revenu dans le calcul du dénominateur des frais de vente pour calculer le taux d’intérêt.

Stelco, dans sa plaidoirie et dans son mémoire, soutient que les dépenses intitulées « versements aux gouvernements autres que l’impôt sur le revenu » font partie du calcul du coût unitaire de fabrication de la marchandise en question. C’est pourquoi, pour ne pas mélanger les genres et rester équitable, on doit inclure ces dépenses dans le calcul du dénominateur des frais de vente. Le ministère du Commerce, s’efforçant une fois de plus d’appliquer la doctrine de l’épuisement des recours, soutient que Stelco n’avait pas soulevé cette question auparavant et qu’il ne pouvait donc pas la soulever pour la première fois devant le groupe spécial.

Au cours de la plaidoirie, la question s’est posée de savoir si le dossier administratif contenait des éléments de preuve à l’appui de l’affirmation de Stelco que les versements aux gouvernements autres que l’impôt sur le revenu étaient inclus dans le calcul du coût de fabrication par le ministère. L’avocat de la partie plaignante a par la suite expédié au groupe spécial une lettre qui accompagnait de la documentation tirée du dossier et indiquant clairement que Stelco avait inclus ces versements dans le coût de fabrication dans le cadre de ses présentations au ministère au cours de la procédure administrative. Certaines de ces données étaient également incluses dans les propres pièces de vérification du ministère. Celui-ci ne peut donc pas s’appuyer sur l’argument que Stelco n’avait pas épuisé ses recours administratifs puisque Stelco avait inclus les versements aux gouvernements autres que l’impôt sur le revenu dans le coût de fabrication et que le ministère avait vérifié ce calcul. Il ne s’agit pas d’un argument juridique, mais d’une question factuelle : les paiements ont-ils ou non été inclus? Et tout indique qu’ils l’ont été.

Le ministère du Commerce et Stelco s’accordent sur le principe que, lorsque ces coûts sont inclus dans le calcul du coût de fabrication, ils doivent l’être dans le calcul du coût des marchandises vendues. Si l’un des éléments se trouve d’un côté de l’équation, mais pas de l’autre, la méthodologie du ministère ne peut pas marcher. La base conceptuelle de la formule est que le « coût de fabrication », tel qu’il est calculé par un répondant, est l’équivalent unitaire du « coût des marchandises vendues » à l’échelle de l’entreprise. Le coût financier assumé par l’entreprise doit s’appliquer également à tous les produits de sorte que le ratio entre les coûts financiers et le coût total des marchandises vendues soit équivalent au ratio entre les coûts financiers et le coût de fabrication d’un produit particulier. Cela étant, si l’on acceptait l’argument du ministère que la doctrine de l’épuisement des recours doit s’appliquer, la forme l’emporterait manifestement sur la fonction. Par conséquent, le groupe spécial ordonne au ministère du Commerce de recalculer le facteur d’intérêt net en tenant compte de certains versements aux gouvernements autres que l’impôt sur le revenu dans le dénominateur des frais de vente de Stelco.

C. Troisième question: Les erreurs d’écriture

Dans sa première plainte, Stelco faisait état de deux erreurs d’écriture que le ministère aurait commises dans le calcul de la marge antidumping finale de Stelco. L’entreprise soutenait 1) que le programme informatique du ministère du Commerce avait compté en double certains frais de transport intérieur relatifs à la vente de produits plus élaborés de Stelco, 2) que le programme n’avait pas tenu compte de la décision du ministère d’inclure les frais d’importation dans le calcul des bénéfices sur le prix à l’exportation reconstitué. Le ministère du Commerce a accepté le premier argument et demandé un renvoi pour corriger l’erreur d’écriture. 17 Quant au deuxième argument, Stelco l’a abandonné, renonçant à répondre à l’objection du ministère dans son mémoire et indiquant dans sa plaidoirie qu’elle abandonnait cette plainte. 18

V. CONCLUSION ET ORDONNANCE

Le groupe spécial renvoie l’affaire au ministère du Commerce avec les instructions suivantes.

  1. Que le ministère reconsidère et explique le calcul du facteur de conversion appliqué aux intrants de Baycoat et qu’il tienne compte de l’argument de Stelco que le prix de transfert des intrants de Baycoat devrait être recalculé en fonction des coûts réels de Stelco eu égard à ces intrants.
  2. Que le ministère recalcule le facteur de taux d’intérêt net en tenant compte de certains versements aux gouvernements autres que les impôts sur le revenu (commission des accidents du travail, assurance-chômage, régime de pension, taxes foncières, etc.) dans les frais de vente de Stelco.
  3. Que le ministère corrige l’erreur d’écriture du compte en double de certains frais de transport pour la vente de produits plus élaborés de Stelco.
  4. Que le ministère rende une détermination issue du renvoi dans les 60 jours suivant la publication de la présente ordonnance.

 

Date: 4 juin 1998

Original signé par:

Howard N. Fenton, III, président
William E. Code, c.r.
Lisa B. Koteen
Shawna Vogel
Gilbert R. Winham



1 62 Fed. Reg. 18448 (15 avril 1997).

2 Antidumping Duty Orders: Certain Corrosion-Resistant Carbon Steel Flat Products and Certain Cut-to-Length Carbon Steel Plate from Canada, 58 Fed. Reg. 44162 (19 août 1993).

3 62 Fed. Reg. 18448 (15 avril 1997).

4 Rapport de vérification des coûts par le ministère du Commerce, inédit, Doc. 78, p. 15.

5 62 Fed. Reg. 18449 (15 avril 1997).

6 19 U.S.C. 1516(a)(1)(B).

7 Idem.

8 Paragraphe 1904(3) de l’ALENA.

9 Matsushita Electric Industrial Co., Ltd. v. United States, 750 F.2d 927, 933 (Fed. Cir.1984).

10 Arkansas v. Oklahoma, 503 U.S. 91, 113 (1992).

11 National R.R. Passenger Corp. v. Boston & Marine Corp., 503 U.S. 407, 417, 112 S. Ct. 1394, 1401 (1992). « Puisque c’est le ministère du Commerce qui applique les lois commerciales et les règlements afférents, il a droit à notre respect quant à ses interprétations raisonnables de ces lois et règlements », PPG Industries, Inc. v. United States, 712 F. Supp. 195, 198 (Ct. Int’l. Trade 1989) aff’d. 978 F.2d 1232 (Fed. Cir. 1992).

12 Baycoat est une co-entreprise appartenant pour moitié à Stelco et à un autre producteur des produits assujettis à l’ordonnance de droits antidumping, dont le seul objet est de fournir des services de peinture à ses propriétaires (les ventes à des tiers sont des ventes de produits de rebut ou déclassés et non des produits assujettis à l’ordonnance). Chacun des partenaires de la co-entreprise occupe la moitié des sièges du conseil d’administration de Baycoat, et la moitié des bénéfices revient à chacun d’eux en fin d’année. Stelco Inc.’s Response to Section A of the Administrative Review questionnaire for the Corrosion-Resistant Carbon Steel, 17 octobre 1995,, p. 7-8, inédit, Doc. 1.

13 Le sous-alinéa b)(1) explique en termes généraux dans quelles circonstances le ministère peut examiner si les ventes ont été effectuées à moins du coût de production et ce qui se passe lorsque le ministère conclut que les ventes sont inférieures aux coûts. Le sous-alinéa b)(3) fournit les éléments de calcul des coûts, qui sont les suivants : a) matériaux et coûts de fabrication, b) frais de vente, frais généraux et frais administratifs, c) frais d’emballage. 19 U.S.C. § 1677b(b)(1) et (b)(3).

14 Dans sa plaidoirie, l’avocat de Stelco a fait valoir qu’il n’existe pas de marché pour les services de peinture parce qu’il n’y a pas de fournisseurs non affiliés dont Stelco aurait pu obtenir ce type de services. Aucune autre partie n’a contesté cette affirmation (transcription, p.19-23).

15 L’histoire législative de ces dispositions ne restreint pas vraiment la latitude assez large qu’évoquent les termes de la loi, mais il n’en reste pas moins que le ministère a, jusqu’à un certain point, la responsabilité de calculer les coûts réels aussi précisément que possible. Premièrement, eu égard au sous-alinéa f)(1)(A), le rapport pertinent du Comité sénatorial expliquant l’URAA fait le rappel suivant:

Le Comité s’attend à ce que le ministère du Commerce, lorsqu’il se demande si les registres d’un producteur ou d’un exportateur traduisent suffisamment les coûts associés à la production et à la vente des produits en cause, examine les coûts de production enregistrés dans le but de déterminer d’aussi près que possible les coûts qui traduisent le plus fidèlement les ressources effectivement engagées dans la production de la marchandise en cause.

S. Rep. 412, 103d Cong., 2d Sess., Pt. 1, p. 75 (1994). Cela ne signifie pas que le ministère du Commerce doive se servir des chiffres de Baycoat non plus que cela ne lui impose de se servir des prix facturés. Cela corrobore simplement l’opinion que le ministère doit s’efforcer de circonscrire la pratique ordinaire de Stelco en matière d’établissement des frais de services de peinture. La formulation du rapport de 1994 laisse également entendre que le ministère doit s’efforcer d’être précis. En fait, l’histoire législative des dispositions antérieures au sous-alinéa f)(3) actuel indique avec insistance qu’il n’est pas dans l’intention des délégués que la valeur sur le marché étranger soit calculée en fonction d’une valeur reconstituée dans le seul but d’utiliser cette disposition pour accroître les marges de dumping. H. Conf. Rep. 576, 100th Cong., 2d Sess., 596, reprinted in 1988 U.S.C.C.A.N. 1547, 1629. L’histoire législative indique donc qu’il n’était pas dans l’intention du Congrès que la loi impose une règle stricte aux termes de laquelle le ministère du Commerce serait contraint de choisir le plus élevé des montants proposés aux sous-alinéas f)(2) et f)(3), si le résultat devait gonfler exagérément les coûts de production.

16 La doctrine de l’épuisement des recours administratifs prévoit qu’une partie ne peut soulever une question pour la première fois en appel s’il lui aurait été possible de le faire devant une instance inférieure, en l’espèce, devant l’organisme administratif. Federal Mogul Corp. v. United States, 862 F. Supp. 384, 402 (Ct. Int’l Trade 1994), Sigma Corp. v. United States, 841 F. Supp. 1275, 1281 (Ct. Int’l Trade 1993).

17 Mémoire de l’organisme d’enquête, p. 34. Les producteurs d’acier américains ont laissé entendre que la première erreur d’écriture concernant les frais de transport était moindre que ce qu’affirmait Stelco. Voir : Response Brief in Support of the Final Determination Submitted on Behalf of Certain United States Steel Producers, p. 38-39. Le groupe spécial n’aborde pas cette question, parce que le ministère du Commerce a demandé un renvoi sans référence à cette réserve.

18 Transcription, p. 64.