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EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL AUX TERMES DE L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE ENTRE CANADA ET LES ÉTATS-UNIS


Article 1807
Dossier du Secréetariat
USA-92-1807-01
(Suite)

d) Traitement des intérêts non hypothécaires

52. La tâche du groupe spécial est d'appliquer à ce qui reste du cadre de référence les termes généraux de la définition donnée par l'article 304 (le double critère). Il faudra simplement remonter, par le raisonnement, de ce qui d'après les Parties est �raisonnable� jusqu'aux questions pour lesquelles les Parties ont saisi le groupe spécial, mais qui ne sont expressément résolues dans aucun des exemples. En particulier,

a) si les Parties reconnaissent expressément comme raisonnable l'inclusion des intérêts hypothécaires afférents à des biens immobiliers (terrain, unité de production et matériel fixe de production), est-il également raisonnable d'inclure les intérêts non hypothécaires afférents à ces biens immobiliers?

b) s'il est raisonnable d'inclure les intérêts engagés pour l'acquisition de biens immobiliers qui sont utilisés dans la production de produits, est-il raisonnable également d'inclure les intérêts engagés pour l'acquisition d'autres moyens de production?

53. La première question est de savoir si l'on devrait inclure les intérêts afférents à un emprunt contracté pour l'acquisition de biens immobiliers, dans des circonstances identiques à celles de l'alinéa e), si ce n'est que l'emprunt n'est pas garanti par une hypothèque sur les biens immobiliers ainsi acquis. Le fondement de l'inclusion, s'il en est, doit se trouver dans le double critère de la partie introductive de l'article 304. Une telle inclusion ne ressort, du moins expressément, d'aucun des autres alinéas.

54. Les deux Parties se sont référées à des énoncés du Financial Accounting Standards Board (FASB) des États-Unis. Le Canada s'appuie sur l'énoncé no 34, par. 48 (octobre 1979), des normes de comptabilité financière du FASB, qui se lit en partie ainsi :

�La relation de cause à effet entre l'acquisition d'un actif et l'engagement de frais d'intérêt rend les frais d'intérêt analogues à un coût direct qui est aisément et objectivement attribuable à l'actif ainsi acquis.�

De l'avis du groupe spécial, un coût qui est �analogue à un coût direct� et qui est �aisément et objectivement attribuable à l'actif ainsi acquis� présente le lien requis avec le moyen de production, lien qui, selon l'article 304, est nécessaire pour que le coût puisse être inclus dans le calcul de la valeur ou du contenu. Ce qu'il faut, c'est que les intérêts soient �aisément et objectivement� attribués à l'acquisition d'un bien de production. Cet aspect donnera lieu à des questions de preuve. Dans son premier mémoire, le Canada indique, à titre d'exemple, la possibilité qu'un contrat de prêt exige l'application de la somme empruntée à l'acquisition de biens de production. 43 Le groupe spécial n'a pas entendu d'arguments sur les autres facteurs ou procédures pouvant entraîner un lien suffisant et objectif avec des biens de production au point de rendre les frais d'intérêt �raisonnablement� attribuables à la production de produits.

55. La nécessité d'établir un rapport entre l'emploi des sommes empruntées et la production de produits est la même, que le prix d'achat soit ou non garanti par une hypothèque sur les biens acquis. Après tout, l'importance de l'hypothèque tient au recours qu'elle constitue pour le créancier hypothécaire en cas de défaillance du débiteur. L'hypothèque est un ensemble invisible de droits et d'obligations, qui ne favorise ni n'entrave l'aptitude des biens d'équipement ainsi grevés à produire les produits. L'article 304 concerne la production de produits, non les recours des créanciers non payés. Néanmoins, les États-Unis sont d'avis que, même si les intérêts non hypothécaires afférents à l'acquisition des biens-fonds et du matériel employés dans la production de produits pouvaient raisonnablement être attribués à la production de produits, les Parties sont néanmoins convenues que ces intérêts non hypothécaires devraient être exclus du calcul de la valeur ou du contenu.

56. Les États-Unis allèguent que l'alinéa g) répond intégralement à la position du Canada. Pour plus de commodité, répétons ici l'alinéa g) :

�g) les coûts liés aux dépenses générales d'affaires, comme le coût des services administratifs, financiers, comptables et juridiques, les coûts liés aux ventes, à la publicité et à la commercialisation, ainsi que les frais d'assurance;

(souligné ajouté)

57. De l'avis des États-Unis, la fourniture d'un crédit est un �service financier� et le coût du crédit est donc un coût afférent à la fourniture d'un service financier. Par conséquent, soutiennent-ils, les frais d'intérêt sont considérés par les Parties elles-mêmes, dans l'alinéa g), comme des �coûts liés aux dépenses générales d'affaires�, et les intérêts doivent donc être exclus du �coût direct du traitement ou coût direct du montage�, à moins qu'ils ne puissent faire l'objet de l'exception étroite concernant les intérêts hypothécaires, dans l'alinéa e). Cette exclusion, de dire les États-Unis, doit recevoir effet même si les frais d'intérêt sont �raisonnablement attribuables� à la production de produits donnés, parce qu'ils sont �expressément rejetés� par l'article 304.

58. Le groupe spécial ne peut admettre que l'alinéa g) ait la signification ou la prépondérance que le mémoire des États-Unis voudrait lui donner.

59. D'abord, pour les raisons déjà indiquées, le groupe spécial est arrivé à la conclusion que les énumérations sont simplement illustratives et qu'il n'existe entre elles aucun ordre d'importance ou de prépondérance. Même si l'expression �services financiers� devait englober les frais d'intérêt, elle n'atteindrait pas de ce fait, dans le cadre général de l'article 304, le niveau supérieur d'une règle générale par rapport à laquelle les autres alinéas ne seraient que des exceptions étroites. Dans leur deuxième mémoire44, les États-Unis affirment que leur analyse générale de l'article 304

�... est appuyée par l'alinéa g), qui prévoit la règle générale selon laquelle, sauf dans la mesure expressément prévue (par exemple, dans l'alinéa e)), les frais généraux, tels que le coût des services financiers, sont exclus de la définition.�

Si l'alinéa g) était exprimé dans ces mots, l'argument des États-Unis reposerait évidemment sur une base un peu plus solide, mais ce n'est pas la formulation choisie par les Parties dans l'Accord de libre-échange. Le groupe spécial est tenu de s'en tenir à la formulation que les Parties ont utilisée.

60. Deuxièmement, les services financiers visés dans l'alinéa g) sont juxtaposés à d'autres genres de services, notamment les services de publicité, les services comptables et les services juridiques. Les intérêts représentent le loyer de l'argent, non le coût du service. Les États-Unis eux-mêmes définissent les intérêts comme �le coût des fonds empruntés� et �la valeur ou le loyer de l'argent au fil du temps.� 45 De l'avis du groupe spécial, ce serait fausser le �sens ordinaire� des mots que de considérer le loyer de l'argent comme le coût d'un service. Le principe d'interprétation des traités énoncé à l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, et accepté par les Parties comme disposition pertinente, nous oblige à interpréter l'article 304 conformément au sens ordinaire à attribuer à ses termes. Une institution financière peut offrir un vaste éventail de services financiers pour lesquels des frais sont versés, lesquels peuvent n'avoir aucun rapport avec les intérêts prélevés sur le solde des emprunts non remboursés. Le directeur des finances d'une entreprise manufacturière et son personnel fournissent eux aussi une diversité de services financiers. À cet égard, le groupe spécial souscrit aux arguments invoqués par le Canada. 46 Le groupe spécial considère également la définition et l'emploi de l'expression �services financiers�, dans le projet d'Acte final de l'Uruguay Round, comme non pertinents à la question dont est saisi le groupe spécial, compte tenu de la dissemblance des contextes dans lesquels se présente l'expression.

61. Troisièmement, si la thèse préconisée par les États-Unis était exacte, tous les intérêts seraient exclus en vertu de la �règle générale� établie par l'alinéa g), sauf les intérêts hypothécaires expressément autorisés par l'alinéa e). C'est un point de vue que les Parties n'ont pas, semble-t-il, entériné, parce qu'elles n'ont pas considéré l'alinéa g) comme une exclusion générale, mais ont pris soin de prévoir expressément, dans l'alinéa l), un genre d'intérêts hypothécaires �exclus�, ceux qui se rapportent aux biens immobiliers utilisés à des fins administratives.

62. Le négociateur en chef des États-Unis pour l'article 304 a déclaré au groupe spécial qu'un objectif commun des Parties à l'ALE était de resserrer les calculs de contenu en valeur prévus par le Pacte de l'automobile. Cependant, il n'a pu se rappeler aucune discussion avec les négociateurs canadiens portant sur le fait que l'alinéa g) devait être considéré comme une interdiction générale de l'admissibilité des intérêts. 47 Il n'a pu non plus se rappeler aucune discussion sur le sens à donner à l'expression �services financiers�, dans l'alinéa g). À première vue, il ne ressort pas de l'ALE que les Parties se soient entendues sur une hiérarchie des exemples donnés, ni sur un élargissement du sens de l'expression �services financiers�. Il est vrai, comme le font remarquer les États-Unis, que, si les intérêts hypothécaires étaient déjà inclus dans l'article 304 avant que le Canada ne demande en octobre 1987 qu'ils soient mentionnés expressément, alors cette demande du Canada était superflue. Il est vrai également, comme le Canada le fait remarquer, que, même si le resserrement des règles du contenu en valeur, dans le Pacte de l'automobile, a eu pour résultat le rejet exprès, par l'ALE, de choses comme les bénéfices et les frais de publicité, les intérêts ne font, quant à eux, l'objet d'aucun rejet de la sorte. L'historique des négociations ne permet pas de sortir de l'impasse.

63. En bref, le groupe spécial rejette l'idée selon laquelle la mention des services financiers dans l'alinéa g) équivaut à exclure expressément les intérêts. De l'avis du groupe spécial, l'alinéa g) n'apporte aucune aide déterminante pour la résolution des questions soulevées. Nous croyons que le critère du �caractère raisonnable�, en ce qui concerne les intérêts, devrait s'attacher à la juxtaposition des alinéas e) et l), et non e) et g). L'objet des alinéas e) et l) est identique, tandis que l'objet des alinéas e) et g) est tout à fait différent.

e) Forme de l'emprunt

64. Le cadre de référence oblige le groupe spécial à mesurer l'importance de la forme juridique de l'opération qui donne lieu aux intérêts. On a demandé au groupe spécial de dire si

�la définition de �coût direct du traitement� ou �coût direct du montage�, qui apparaît à l'article 304 ... comprend les paiements d'intérêt sur tout emprunt, garanti ou non, contracté pour financer l'acquisition d'immobilisations, telles que :

i) des biens immobiliers;

ii) une unité de production; et/ou

iii) des équipements;

qui sont utilisées dans la production de produits.�

(souligné ajouté)

65. Le groupe spécial reconnaît parfaitement que les intérêts hypothécaires sont payés conformément à un document en bonne et due forme dont il est facile de vérifier les conditions. En général, le document hypothécaire ne dira pas à quelle fin sont destinés les fonds empruntés, mais les pièces accessoires de la convention de prêt donneront souvent des indications à ce sujet. Ces pièces accessoires constitueront une base objective à partir de laquelle il sera possible d'attribuer �raisonnablement� ces intérêts à la production. Les négociateurs de l'article 304 ont sans doute estimé que c'est une banque ou autre institution financière indépendante, plutôt qu'une société apparentée, qui le plus souvent voudra obtenir une garantie hypothécaire. En général, les conventions de prêt conclues avec les banques et autres institutions financières indépendantes seront des opérations sans lien de dépendance. Les autorités gouvernementales pourront facilement vérifier les frais d'intérêt, situer l'immeuble grevé et voir si en réalité le produit de l'emprunt garanti par l'hypothèque est bien utilisé pour la production de produits.

66. Ainsi, plusieurs aspects des hypothèques ont pu conduire les négociateurs à placer le financement hypothécaire dans une catégorie spéciale. Cela ne signifie pas cependant que les aspects en question doivent déterminer ce qui constitue une attribution �raisonnable� aux fins de l'article 304.

67. D'abord, bien que les mêmes aspects caractérisent une hypothèque mobilière, les exemples donnés ne parlent que des hypothèques immobilières.

68. Deuxièmement, et de façon plus générale, les difficultés de preuve dans des cas donnés ne devraient pas artificiellement restreindre le sens des termes généraux de l'article 304. En vertu de la Convention de Vienne sur le droit des traités, les termes employés pour le double critère doivent être interprétés suivant leur �sens ordinaire�.

69. Si les intérêts hypothécaires afférents à tous les équipements fixes de production sont considérés par les Parties comme �raisonnablement� attribuables au �coût direct du traitement ou au coût direct du montage�, le groupe spécial ne voit rien dans le texte ou le contexte de l'article 304 qui permette de dire que les Parties ont jugé d'une importance décisive la forme de la garantie (s'il en est) ou un autre aspect de la forme du financement. Le financement hypothécaire présente sans doute des avantages sur le plan de la vérification, mais l'on ne saurait prétendre que le financement hypothécaire soit la seule méthode de financement pour laquelle une telle vérification est possible. L'Accord de libre-échange, considéré dans sa totalité, ne suggère aucune raison convaincante pour obliger les producteurs à financer l'acquisition de leurs biens de production au moyen d'hypothèques plutôt que par d'autres méthodes de financement pouvant, dans certains cas, être plus commodes sur le plan commercial. Les Parties à l'Accord de libre-échange ne sont pas directement intéressées dans le financement hypothécaire, et les producteurs ne devraient pas être tenus, en l'absence d'une disposition expresse dans l'ALE lui-même, de prendre leurs décisions de financement en fonction des commodités qu'elles offrent aux pouvoirs publics lorsque vient le temps de la vérification.

70. Dans leurs conclusions, les États-Unis attirent l'attention sur la possibilité d'abus si les intérêts non hypothécaires devaient être inclus :

�les équipements utilisés dans les opérations de producteurs étrangers sur le territoire du pays d'accueil sont souvent achetés et importés de la société mère étrangère, de telle sorte que les frais d'intérêt sont essentiellement un transfert de fonds entre sociétés.� 48

Cela, d'en conclure les États-Unis, ne constitue pas du tout des intérêts. Il s'agit plutôt d'un transfert de bénéfices d'une société mère à sa filiale. Il ressort nettement de l'alinéa 304(m) qu'un transfert de bénéfices ne peut �raisonnablement� être attribué à la production de produits. Sans doute certains producteurs chercheront-ils à obtenir indirectement ce résultat (par exemple en faisant passer les profits pour des intérêts afin de les rendre admissibles comme coûts directs), mais la possibilité d'un tel abus existe, que �l'emprunt� abusif soit ou non garanti par une hypothèque immobilière. Le problème tient en général à la nature fongible de l'argent et à la difficulté de rattacher sans équivoque la somme empruntée à l'acquisition d'un bien en particulier. Mais ce problème surgit même lorsque l'emprunt est garanti par une hypothèque immobilière. Le produit d'un emprunt hypothécaire peut être employé à des fins non admissibles. Le taux d'intérêt d'un emprunt hypothécaire peut, dans une opération avec lien de dépendance, être exagéré au point de gommer les bénéfices d'une filiale.

71. De l'avis du groupe spécial, cette possibilité d'abus doit être considérée de la même façon, que l'emprunt soit garanti ou non, ou qu'il serve à l'achat de biens immobiliers ou à l'achat d'autres biens de production. Le taux d'intérêt doit être légitime, l'opération doit être une opération sans lien de dépendance, et l'emprunt doit être contracté dans le cours ordinaire des affaires pour financer la production de produits. Ces conditions sont implicites dans l'article 304 lui-même, puisque, si elles ne sont pas remplies, on ne pourra pas dire que les frais d'intérêts sont �raisonnablement� attribuables à la production de ces produits. 49

72. Il s'ensuit que, de l'avis du groupe spécial, puisque les Parties ont considéré comme raisonnable l'inclusion des intérêts hypothécaires afférents au coût d'acquisition de biens immobiliers servant à la production de produits, l'inclusion des intérêts non hypothécaires afférents au coût d'acquisition de tels biens immobiliers est elle aussi raisonnable.

f) Frais d'intérêt sur les machines et le matériel

73. Les États-Unis affirment que ne devraient pas être admissibles les frais d'intérêt sur les machines et le matériel utilisés dans la production des produits, et cela en raison de la conclusion inversée que les États-Unis croient devoir tirer de l'alinéa c) de l'article 304, qui se lit ainsi :

�c) Le coût de l'énergie, du combustible, des matrices, des moules et des outillage, ainsi que l'amortissement et l'entretien des machines et du matériel, qu'ils soient ou non originaires du territoire d'une Partie.�

(souligné ajouté)

74. Les États-Unis font remarquer que les Parties ont cru bon de mentionner expressément l'amortissement et l'entretien des machines et du matériel, et ils croient que, si les Parties avaient voulu autoriser la déduction des intérêts afférents aux machines et au matériel, elles l'auraient dit sans équivoque.

75. C'est là un argument intéressant. Manifestement, les Parties se sont appliquées à détailler certains des exemples donnés. Les intérêts sont mentionnés avec l'entretien et l'amortissement dans les alinéas e) et l), mais ils n'apparaissent pas dans l'alinéa c). Il s'agit de savoir cependant si cette constatation justifie la conclusion inversée selon laquelle les intérêts sur les machines et le matériel doivent être exclus en dépit de circonstances qui dicteraient leur inclusion aux termes de la définition à deux volets, dans le paragraphe introductif de l'article 304.

76. Dans le cas des machines et du matériel attachés au sol ou à une unité de production, une telle conclusion sera naturellement réfutée par l'inclusion des immeubles par destination dans les biens immobiliers dont parle l'alinéa e). Si les frais d'intérêt peuvent être inclus en ce qui concerne les machines et le matériel �à demeure�, il semble impossible de tirer de l'alinéa c) une conclusion distincte pour les machines et le matériel �non à demeure�, puisque l'alinéa c) ne fait aucune distinction entre les machines et le matériel à demeure et ceux qui ne le sont pas.

77. L'adoption du principe de la �conclusion inversée� entraînerait, ailleurs dans l'article 304, des effets manifestement peu souhaitables. Certains d'entre eux ont déjà été évoqués. Par exemple, l'alinéa l) exclut les intérêts hypothécaires afférents aux biens immobiliers utilisés par le personnel chargé de �fonctions administratives�, mais n'exclut pas expressément les intérêts hypothécaires afférents aux biens immobiliers utilisés par le personnel chargé des ventes, de la publicité ou de la commercialisation (ni d'ailleurs les emprunts non hypothécaires qui servent à des fins administratives). L'alinéa k) exclut �les redevances versées en exécution d'un contrat de licence pour la distribution ou la vente des produits�, mais n'exclut pas expressément les redevances payables autrement qu'en vertu d'un contrat de licence. Aucune des Parties n'a préconisé, ni vraisemblablement n'accepterait, la méthode de la �conclusion inversée�, dans de tels cas.

78. En vertu de l'alinéa a), sont inclus divers coûts de main-d'oeuvre, que les activités soient exécutées �par des employés ou par des entrepreneurs indépendants�. Si l'on appliquait la méthode de la �conclusion inversée�, cela signifierait que, lorsque cette nuance ne figure pas expressément, alors seul le coût des services fournis par les employés du producteur devraient être pris en considération. Cependant, une telle �conclusions inversée� tronquerait de façon radicale le champ manifeste de l'alinéa g), au point que, par exemple, seuls seraient exclus les services de publicité, les services de commercialisation et les services comptables, juridiques et financiers exécutés par les employés du fabricant. Les États-Unis font observer qu'une telle interprétation

�serait absurde toutefois si on l'appliquait à un fabricant de produits, qui de façon générale ne s'occupe pas de services financiers�.50

En bref, le groupe spécial refuse d'appliquer le principe de la �conclusion inversée� à l'article 304, et il estime que l'absence d'une mention des �intérêts�, dans l'alinéa c), bien qu'étrange, n'exclut pas les intérêts qui seraient par ailleurs inclus en vertu de la distinction générale entre les utilisations à des fins de production et les utilisations à des fins autres que la production, distinction qui ressort nettement de l'économie générale de l'article 304.

79. Il faut donc aborder selon un principe plus général la question des intérêts afférents au coût d'acquisition des machines et du matériel. De l'avis du groupe spécial, ce principe plus général se trouve dans la distinction entre les utilisations à des fins de production et les utilisations à des fins autres que la production. À notre avis, l'alinéa e) considère comme raisonnable l'inclusion des intérêts afférents au coût d'acquisition de biens immobiliers qui sont utilisés dans la production de produits, non parce qu'il s'agit de biens immobiliers, mais parce que le bien acquis est utilisé dans la production de produits. Rien ne semble donc justifier une distinction entre les moyens de production qui sont des biens immobiliers et les autres moyens de production.

g) Objet et but de l'ALE

80. Comme on l'a dit précédemment, bien que le texte et le contexte de l'article 304 appellent un examen détaillé pour l'interprétation de cette disposition, il est d'autres instruments déterminants d'interprétation. Ces instruments sont l'objet et le but de l'ALE, ainsi que les règles d'origine qu'il contient et dont l'article 304 forme une partie importante.

81. Il ressort clairement du préambule de l'ALE, ainsi que du chapitre 1 de l'ALE (objectifs et portée), que les Parties voulaient conclure une entente commerciale dont les avantages profiteraient surtout, mais non exclusivement, aux produits et aux fabricants des Parties, et qu'elles voulaient accroître les emplois et les revenus, surtout mais non exclusivement, des personnes habitant le territoire du Canada ou celui des États-Unis.

82. La question posée au groupe spécial concerne explicitement les frais d'intérêt afférents à un emprunt contracté pour l'acquisition d'immobilisations. Comme on l'a déjà mentionné, nous tenons compte du fait que l'argent est une chose fongible, et qu'il est donc particulièrement difficile de rattacher sans équivoque la somme empruntée à un produit donné ou à une fonction donnée. Néanmoins, l'article 304 admet expressément les intérêts hypothécaires afférents à des biens immobiliers, même si les fonds garantis par une hypothèque sont fongibles et même si le lien entre ces fonds et les procédés de fabrication n'est que de pure forme. Les Parties ont donc dû être d'avis que l'inclusion des intérêts n'est pas, comme telle, incompatible avec les objets et les buts généraux de l'ALE. Cette position fondamentale étant établie, le groupe spécial ne croit pas que la forme de la garantie (s'il en est) de l'emprunt à l'égard duquel les intérêts sont payables est déterminante, et il arrive donc à la conclusion qu'il faut également compter les emprunts non garantis contractés pour l'acquisition de biens fixes de production. Toutefois, comme nous l'avons souligné, notre conclusion selon laquelle, dans un cas donné, les frais d'intérêt peuvent �raisonnablement� être attribués à la production présuppose qu'un fabricant peut démontrer aux autorités gouvernementales compétentes, si elles le lui demandent, que les intérêts sont légitimes (par exemple qu'ils ne sont pas engagés par suite d'une convention de prêt fictive intra-société), que les intérêts sont payables selon des modalités de pleine concurrence (par exemple, le taux d'intérêt n'a pas été gonflé artificiellement afin d'augmenter les coûts de production), que l'emprunt a été contracté dans le cours ordinaire des affaires, enfin que la somme empruntée est objectivement attribuable à la production de produits.

83. La question soumise au groupe spécial s'attache à la forme juridique de l'opération qui donne lieu au paiement des intérêts. Il ressort de notre analyse que la forme de l'emprunt n'est pas une circonstance déterminante. Le facteur essentiel à retenir, lorsqu'on interprète l'article 304, c'est le rapport entre, d'une part, l'emprunt à l'égard duquel on demande l'admissibilité des intérêts et, d'autre part, la production des produits.

VI. Décision

84. En conséquence, le groupe spécial décide que :

i) les paiements légitimes d'intérêts sur un emprunt, quelle qu'en soit la forme, garanti ou non, contracté sans lien de dépendance dans le cours ordinaire des affaires, pour financer l'acquisition d'immobilisations telles que des biens immobiliers, une unité de production et/ou des équipements devant servir à la production de produits sur le territoire d'une Partie et pouvant faire l'objet d'une détermination selon les critères de l'Annexe 301.2 de l'ALE, peuvent être inclus dans le �coût direct du traitement ou coût direct du montage� défini à l'article 304 de l'ALE;

ii) l'interprétation américaine de l'article 304, contenue dans la décision administrative ENT-3-02-CO:RA:C MS REF 04, et dans le règlement douanier S.10.305 (a)(3)(iv) publié le 22 janvier 1992, dans la mesure où elle se rapporte aux intérêts autres que les intérêts hypothécaires sur des fonds utilisés pour acquérir des biens immobiliers, des équipements et autres immobilisations en vue de la production de produits, est incompatible avec les dispositions de l'ALE.

VII. Recommandation

85. Le groupe spécial RECOMMANDE que les Parties règlent le différend en adoptant les règlements et les procédures administratives internes qui peuvent être nécessaires pour donner suite à la décision du groupe spécial. Les Parties peuvent, si elles le désirent, envisager l'adoption de règlements et de procédures en vue de résoudre les problèmes suivants : l'établissement d'un lien objectif entre un emprunt et des biens de production, l'examen des emprunts intra-groupe, enfin la détermination des usages commerciaux.

SIGNÉ DANS L'ORIGINAL PAR :

LE 8 JUIN 1992 JAMES F. GRANDY
DateJames F. Grandy (Président)
LE 8 JUIN 1992IAN BINNIE
DateIan Binnie, c.r.
LE 8 JUIN 1992WILLIAM B. KELLY, JR.
DateWilliam B. Kelly, Jr.
LE 8 JUIN 1992DONALD MCRAE
DateDonald McRae
LE 8 JUIN 1992PHILLIP TRIMBLE
DatePhillip Trimble


43 Premier mémoire du Canada, p. 19, par. 51.

44 Deuxième mémoire des États-Unis, p. 14.

45 Premier mémoire des États-Unis, p. 25.

46 Transcription d'audience, pp. 26-27.

47 Transcription d'audience, p. 96.

48 Deuxième mémoire des États-Unis, p. 7.

49 La question relative à l'endroit du siège social de l'institution prêteuse ne faisait pas partie de l'examen entrepris par le groupe spécial, mais un membre a estimé que ce facteur pouvait former une condition additionnelle pour l'inclusion des intérêts non hypothécaires aux fins de l'article 304.

50 Deuxième mémoire des États-Unis, p. 14, note 6.