Dans L'affaire de:
Certains produits en tôle d'acier
résistant à la corrosion, originaires ou exportés
des États-Unis d'Amerique.
Membres : |
M William E. Code, président
M Harry First
D Michael M. Goldie
M Kathleen F. Patterson
M Robert E. Ruggieri
|
AVIS DU GROUPE SPÉCIAL
OBJET : Décision du sous-ministre du Revenu national après renvoi
EN L'AFFAIRE DES :
Produits en tôle d'acier traités contre la corrosion,
originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique
le 2 novembre 1995
Dans son avis du 23 juin 1995, le groupe spécial a réglé de la manière suivante les
points soulevés dans la présente instance :
La décision du sous-ministre après renvoi a été produite le 4 août; les conclusions
écrites des plaignantes dans lesquelles est contestée la décision après renvoi ont été produites le
29 août; la réponse du sous-ministre a été produite le 15 septembre et les conclusions des
participantes l'ont été le 18 septembre.
Les plaignantes ont donné avis de leur opposition concernant un paragraphe de la
réponse du sous-ministre, paragraphe qui, selon elles, introduit des affirmations nouvelles et erronées.
Comme il n'a pas été possible de fixer pour l'audience une date convenant à tous les avocats, le
groupe spécial a demandé aux plaignantes de produire d'ici au 28 septembre un mémoire expliquant
leur opposition. Le sous-ministre a obtenu un droit restreint de réplique à l'opposition des plaignantes.
Dans un mémoire produit le 5 octobre, le sous-ministre a renoncé à toute intention de demander qu'un
effet de substance soit donné aux affirmations visées par l'opposition des plaignantes.
Les
présents motifs forment l'avis du groupe spécial sur le caractère adéquat ou non
de la décision du sous-ministre après renvoi, étude attentive ayant été faite des conclusions contenues
dans les pièces produites qui sont décrites au deuxième paragraphe des présents motifs. Le groupe
spécial adopte, et a appliqué dans le présent avis, les critères d'examen figurant dans la partie V de
son avis du 23 juin 1995.
Il convient de noter d'abord qu'aucune contestation ne vise la réponse du
sous-ministre à la directive du groupe spécial qui porte sur les intérêts débiteurs reliés à la loi
américaine appelée Coal Industry Retiree Health Benefit Act, et la manière dont le sous-ministre a
donné suite à cette directive est donc confirmée.
INTÉRÊTS CRÉDITEURS À COURT TERME
Le groupe spécial confirme la décision du sous-ministre après renvoi pour autant
qu'elle se rapporte à la politique du sous-ministre consistant à limiter au montant des intérêts débiteurs
la déduction des intérêts créditeurs.
Le groupe spécial avait renvoyé pour étude complémentaire et pour formulation d'une
politique la question de savoir si les intérêts créditeurs de LTV Steel Company devraient être
défalqués d'une catégorie plus large de coûts que les seuls intérêts débiteurs. Durant l'enquête, le
sous-ministre avait permis que les intérêts créditeurs soient défalqués selon une somme correspondant
aux intérêts débiteurs. En fait, les intérêts créditeurs dépassaient les intérêts débiteurs. Durant
l'examen effectué par le groupe spécial, les plaignantes avaient soutenu que l'excédent des intérêts
créditeurs devrait pouvoir être appliqué à d'autres coûts de production des marchandises en cause.
Dans
sa décision après renvoi, le sous-ministre affirmait qu'il est raisonnable de réunir
les intérêts débiteurs et les intérêts créditeurs dans une seule catégorie aux fins de la compensation,
parce que " ces intérêts représentent les résultats des opérations de gestion de la trésorerie de
l'entreprise ", même s'ils viennent de sources différentes. Le sous-ministre a aussi estimé que, " en ce
qui concerne les intérêts créditeurs et les intérêts débiteurs... ces deux comptes généraux sont
interdépendants, et ils constituent donc en réalité une catégorie distincte de coûts, qui à son tour n'est
rattachée à aucune autre catégorie de coûts attribuables à la production des marchandises en cause ".
Pour ces raisons, le sous-ministre a estimé qu'il ne serait pas raisonnable d'appliquer un crédit de la
catégorie " gestion de la trésorerie " aux coûts d'une autre catégorie.
Les plaignantes contestent les conclusions de la décision après renvoi. Elles
soutiennent que le sous-ministre n'a pas fondé sur des principes juridiques ou comptables sa décision
de défalquer les intérêts créditeurs uniquement des intérêts débiteurs. Elles affirment qu'aucun
postulat comptable ne réunit les intérêts débiteurs et les intérêts créditeurs dans la même catégorie
comptable comme c'est le cas pour le revenu et la dette d'un régime de retraite. De plus, elles
soutiennent qu'il est inexact que LTV a " deux comptes généraux ", l'un pour les intérêts débiteurs
et l'autre pour les intérêts créditeurs, et affirment que les intérêts proviennent de divers comptes de
deux sociétés différentes, la LTV Steel Co et la LTV Management Company.
Le sous-ministre défend les conclusions de sa décision après renvoi en faisant
observer que la limite de défalcation des intérêts créditeurs (jusqu'à concurrence des intérêts
débiteurs) permet d'éviter le calcul de " coûts négatifs ". La LMSI requiert le calcul de l'intégralité du
coût des marchandises. " Permettre que les intérêts créditeurs excédentaires gagnés par le producteur
soient appliqués à d'autres catégories de coûts ne donnera pas un calcul exact des coûts aux fins de
la LMSI ". Quant à l'argument selon lequel aucune norme comptable ne justifie le regroupement des
intérêts, le sous-ministre répond qu'il est tenu d'observer la LMSI, non les PCGR ou autres normes
comptables, et que les entreprises déclarent leurs intérêts créditeurs et leurs intérêts débiteurs selon
des manières différentes.
Le
sous-ministre a expliqué la raison pour laquelle il a pour principe de regrouper les
comptes d'intérêts et de restreindre la déduction des intérêts créditeurs. L'explication est fondée sur
les exigences de la LMSI. Les plaignantes n'ont pas apporté la preuve que la politique du sous-ministre
n'est pas une interprétation raisonnable de la LMSI. Le groupe spécial estime que la politique
du sous-ministre est raisonnable, et le groupe spécial confirme donc ici à l'unanimité la position du
sous-ministre.
FRAIS DE LITIGE AFFÉRENTS À LA B& LE
Les membres de la majorité du groupe spécial confirment, pour les motifs indiqués
ci-après, la décision du sous-ministre après renvoi qui se rapporte au traitement des frais de règlement
de l'action antitrust visant la compagnie de chemin de fer B& LE.
Le groupe spécial avait renvoyé au sous-ministre la question des frais de règlement
de l'action antitrust pour que celui-ci puisse passer en revue le dossier et trouver un lien entre les frais
en question et les marchandises en cause. Le groupe spécial avait noté l'exigence d'une " attribution "
dans l'alinéa 11 c) du Règlement et déclaré que l'" on ne peut pas établir un lien avec l'acier en
montrant simplement que la société mère s'est engagée à payer une dette au moment de la vente de
la filiale de chemins de fer ". Le groupe spécial avait aussi noté la conclusion du sous-ministre selon
laquelle, si le chemin de fer était demeuré une filiale, les frais n'auraient pas été attribués à l'acier, mais
intégralement au chemin de fer. Selon le groupe spécial, cela " élimine toute conclusion implicite
quant à l'existence du lien requis ". Le groupe spécial avait aussi estimé que " le seul fait que le centre
de coût apparemment responsable a été vendu n'exempte pas le sous-ministre de l'obligation de
conclure à l'existence d'un lien entre le coût et les marchandises en cause ".
Le
groupe spécial a aussi tenu les propos suivants :
Le sous-ministre allègue, comme un fait, que, " comme il n'y avait
pas une entreprise en particulier à laquelle ces dépenses pouvaient
être imputées, (le sous-ministre) n'avait aucune autre option que de
considérer ces dépenses de U.S. Steel comme des dépenses
d'entreprise de nature générale ". On ne nous a pas présenté
suffisamment d'éléments de preuve au dossier pour appuyer cette
conclusion. Le simple fait que les dépenses de B & LE ont
apparemment été portées aux livres du groupe U.S. Steel ne peut
pas en soi, sans, par exemple, plus d'explication ou d'analyse de la
structure corporative, justifier de traiter les dépenses de chemin de
fer comme des dépenses indirectes aux fins de la LMSI.
Dans sa décision après renvoi, le sous-ministre s'est fondé sur plusieurs éléments de
preuve pour appuyer la conclusion selon laquelle les frais de règlement de l'action visant la B&LE
constituaient des dépenses générales indirectes du groupe U.S. Steel, une portion étant imputable aux
marchandises en cause. La preuve comporte deux volets : (1) celui qui se rapporte à la comptabilité
(y compris les raisons historiques pour lesquelles le coût a été porté aux livres du groupe U.S. Steel,
plutôt qu'aux livres de l'une des deux autres divisions, et le fait que le règlement, ainsi que le jugement
afférent à un autre procès, seraient un élément " important " des états financiers du groupe U.S.
Steel), et (2) celui qui prétend rattacher en fait les activités du chemin de fer aux activités
sidérurgiques (B&LE transportait le minerai de fer vers les aciéries, et le minerai de fer est " l'une des
composantes d'une grande aciérie intégrée ").
Le sous-ministre est l'instance chargée d'appliquer la LMSI, et le groupe spécial est
tenu de déférer aux interprétations légitimes qu'il donne de ce texte législatif. Il est utile à cet égard
de noter que la manière dont le sous-ministre interprète les alinéas 16(2) b) et 19 b) de la LMSI et
l'alinéa 11 c) de son règlement d'application, dispositions appliquées dans la présente affaire, reflète
un rajustement de politique qui a suivi la décision rendue par un autre groupe spécial à la fin de
novembre 1993 . 1
Avant cette décision de novembre 1993, le sous-ministre interprétait, semble-t-il, les
dispositions pertinentes de telle sorte que des dépenses n'étaient imputées à des marchandises en
cause que lorsque ces dépenses étaient reliées à la production des marchandises en cause ou à
l'utilisation des équipements servant à produire les marchandises en cause . 2
Cette méthode a été jugée contraire au droit dans l'espèce Placoplâtre. Le groupe
spécial saisi de cette affaire avait évalué plusieurs intérêts débiteurs qui avaient été supportés pour
l'avantage de l'ensemble de l'entreprise concernée. Ces frais d'intérêt, qui ne se rapportaient à aucune
division, aucun produit ni aucun service en particulier, n'avaient pas été imputés aux marchandises
en cause par le sous-ministre. Le groupe spécial n'a pas accepté cette manière de voir. Il a examiné
la LMSI, en particulier l'alinéa 11 b), et aussi l'article 11 du Règlement, pour conclure qu'il s'agissait
là de dépenses générales de l'entreprise entrant dans la catégorie " un montant pour les frais ", et qu'il
fallait imputer proportionnellement ces frais indirects aux marchandises en cause.
Par la suite, adoptant le raisonnement appliqué dans l'espèce Placoplâtre, le
sous-ministre a modifié son interprétation des alinéas 16(2) b) et 19 b) de la LMSI et de l'alinéa 11 c)
du Règlement et décidé qu'il était tenu d'imputer aux marchandises en cause une partie de tous les
frais de l'entreprise qui ne pouvaient être attribués à une autre division, un autre produit ou un autre
service en activité. Ainsi, mesurant la rentabilité de l'acier laminé à froid au titre de l'alinéa 16(2) b)
de la LMSI, le sous-ministre imputa aux marchandises en cause un coût qui se rapportait à des
activités charbonnières abandonnées.
Selon le groupe spécial saisi de l'espèce Tôles d'acier laminées à froid, l'alinéa 16(2)
b) de la LMSI n'exigeait pas qu'un coût soit imputé aux marchandises en cause s'il pouvait être imputé
directement à une autre division, " quels que soit la rentabilité ou les revenus découlant des activités
de cette " division . 3
Finalement, dans l'affaire qui nous intéresse ici, le sous-ministre a tenu compte d'un
coût rattaché à la division des chemins de fer, qui avait été vendue. Contrairement aux activités
charbonnières abandonnées, la division des chemins de fer n'existait plus à l'intérieur du groupement
industriel au cours de la période visée par l'enquête. Appliquant sa nouvelle interprétation de la LMSI,
le sous-ministre est arrivé à la conclusion qu'il s'agissait là d'une dépense générale qui devait être
imputée en partie aux marchandises en cause.
C'est dans ce contexte que le groupe spécial avait renvoyé l'affaire au sous-ministre,
pour les raisons indiquées précédemment.
Le
sous-ministre soutient que l'interprétation qui figure dans sa décision après renvoi
est raisonnable, parce que la preuve permet de rattacher étroitement les frais de l'action engagée
contre la B&LE au groupe U.S. Steel (par opposition aux deux autres groupes), à titre de frais
généraux indirects, et par la suite aux marchandises en cause, puisque le chemin de fer faisait partie
du groupe U.S. Steel, que le chemin de fer transportait le minerai de fer vers les aciéries et qu'il
n'existe au sein du groupe U.S. Steel aucune autre division à laquelle attribuer les frais de règlement
de l'action antitrust.
Les plaignantes affirment que la preuve ne permet encore pas de rattacher les frais
de règlement en question aux marchandises en cause. Elles font valoir que les coûts afférents à la
B&LE ont été inscrits aux livres du groupe U.S. Steel parce que la USX Corp. (la société mère)
inscrit habituellement aux livres du groupe U.S. Steel tout actif ou passif non expressément rattaché
aux deux autres groupes industriels (le gaz naturel et le pétrole). Les plaignantes font aussi observer
que le sous-ministre a toujours eu pour principe de traiter séparément les sociétés apparentées et de
ne pas fusionner leurs coûts. Elles font observer, à titre d'exemple, que, même si le charbon est utilisé
dans la production de l'acier, les sociétés charbonnières appartenant à un même groupe sont traitées
séparément par le sous-ministre en l'absence de renseignements attestant que les opérations ne se
déroulent pas dans un contexte de pleine concurrence.
La question précise à régler consiste à se demander si le sous-ministre a
raisonnablement interprété les alinéas 16(2) b) et 19 b) de la LMSI et le sous-alinéa 11 c) (iii) du
Règlement, ainsi que la preuve pertinente versée dans le dossier, lorsqu'il a attribué aux marchandises
en cause une quote-part d'un coût lié aux activités d'une entreprise qui avait été vendue avant la
période visée par l'enquête.
Selon
la formulation du sous-alinéa 11 c) (iii) du Règlement, le sous-ministre doit
inclure dans les calculs effectués en vertu de l'alinéa 19 b) " les frais, notamment les frais administratifs
et les frais de vente " non déjà compris à titre de coûts directs, " qui sont attribuables aux
marchandises ". Selon l'alinéa 16(2) b), le sous-ministre doit calculer la rentabilité des ventes
intérieures en incluant, outre les coûts directs, " les frais administratifs [se rapportant aux
marchandises...] ".
Les coûts afférents à la B&LE ont été engagés en raison des activités illégales du
chemin de fer cédé. Il est plus difficile d'en faire la catégorisation que ce n'est le cas pour les coûts
examinés dans l'espèce Placoplâtre, lesquels étaient au départ rattachés à l'administration et aux
activités générales de l'entreprise. Le sous-ministre lui-même continue d'affirmer que, s'il avait existé
une division du chemin de fer au sein du groupe U.S. Steel, alors le plein montant des frais aurait été
imputé à cette division. Dans sa décision après renvoi, le sous-ministre mentionne, après une analyse
plus poussée que l'analyse effectuée antérieurement, des éléments de preuve qui rattachent les frais
en question au groupe sidérurgique, et indirectement aux marchandises en cause. Selon lui, les frais
sont devenus des frais généraux indirects du groupe U.S. Steel. Ils sont donc imputables
proportionnellement, en même temps que les autres frais généraux, à toutes les divisions du groupe,
y compris à la plaignante, le producteur des marchandises en cause.
Le groupe spécial estime que, même si la manière dont les plaignantes interprètent
le droit et la preuve est sans doute raisonnable, il lui est impossible de dire que l'interprétation
proposée par le sous-ministre est déraisonnable. Elle est appuyée par une preuve qui rattache
indirectement les frais aux marchandises en cause. Puisque les frais ne peuvent être rattachés ailleurs
au sein de l'entreprise, il n'est pas déraisonnable de les compter parmi les frais généraux d'entreprise,
lesquels doivent être répartis sur l'ensemble du groupe U.S. Steel. La conclusion du sous-ministre est
également conforme à d'autres décisions : (1) Elle reconnaît et confirme la politique du sous-ministre
qui consiste à ne pas imputer de coûts à des marchandises en cause lorsque tels coûts peuvent être
assignés à d'autres marchandises ou à d'autres divisions au sein d'une entreprise - le sous-ministre a
admis que les frais auraient été attribués à la division du chemin de fer si cette division avait encore
été
en existence; (2) Elle est également conforme à la politique plus récente consistant à imputer les
frais généraux indirects sur un éventail élargi, une partie de ces frais étant attribuée aux marchandises
en cause.
La principale différence entre les deux interprétation est que le sous-ministre a estimé
que, même si les frais de règlement de l'action antitrust avaient, de l'aveu général, une origine
différente de celle des autres frais généraux indirects du groupe industriel, ils sont devenus partie des
frais administratifs généraux qui se rapportent au groupe sidérurgique, et ils doivent être répartis sur
ce groupe. Les plaignantes, quant à elles, soutiennent que les frais de règlement de l'action antitrust
ne jettent aucune lumière sur le coût de production des marchandises en cause et qu'ils doivent
demeurer des frais afférents au chemin de fer, même s'ils ne sont pas intégralement imputés sur le plan
comptable. Le groupe spécial croit que les deux démarches peuvent se défendre aux termes de la
LMSI et du Règlement. Étant donné que les deux interprétations sont raisonnables, et puisque l'une
d'elles a été adoptée par le sous-ministre, les membres de la majorité du groupe spécial n'ont d'autre
choix que de confirmer l'interprétation donnée par le sous-ministre.
SIGNÉ DANS L'ORIGINAL PAR :
WILLIAM E. CODE
D. MICHAEL GOLDIE
KATHLEEN F. PATTERSON
Fait le 2 novembre 1995
DISSIDENCE PARTIELLE DE HARRY FIRST
L'une des questions que soulève la décision du sous-ministre après renvoi est la
suivante : les frais de règlement d'un litige résultant des activités d'une filiale appartenant au même
groupe que la plaignante, filiale qui fabriquait des marchandises autres que les marchandises en cause,
peuvent-ils être imputés aux marchandises en cause lorsqu'on calcule les valeurs normales aux termes
de la LMSI, dans le cas où la filiale en question a été vendue avant le paiement des frais de règlement?
Il s'agissait d'une action antitrust qui avait été engagée contre la Bessemer & Lake Erie Railroad
(B&LE), une ancienne filiale de la USX. La B&LE a été vendue en 1988, et la USX avait conservé
la responsabilité financière éventuelle. Les frais de règlement du litige ont été acquittés en 1993, au
cours de la période visée par l'enquête.
Le sous-ministre a attribué une part des frais de règlement du litige à la production
des marchandises en cause, tant dans sa décision initiale que dans sa décision après renvoi. Je crois
que, en agissant ainsi, le sous-ministre a erré dans sa manière d'appliquer la LMSI, et c'est pourquoi
j'exprime un avis contraire à celui des membres de la majorité, qui ont confirmé sur ce point la
décision du sous-ministre après renvoi . 1
La question soumise au groupe spécial est une question difficile. La difficulté
cependant ne se rapporte pas véritablement à l'interprétation de la LMSI. Le groupe spécial doit
plutôt se demander si le sous-ministre a commis un excès de pouvoir en interprétant la loi comme il
l'a fait.
On pourrait répondre à cette question en disant simplement que le sous-ministre n'a
pu excéder son pouvoir, justement parce que la question posée, qui se rapporte à la LMSI, est une
question difficile. Puisqu'il n'y a pas de réponse claire et nette à une telle question, on pourrait
prétendre que le sous-ministre est libre de choisir l'interprétation qui lui semble la meilleure.
Le
présent groupe spécial ne peut cependant s'acquitter aussi facilement de la tâche
qui lui incombe. L'argument (même raisonnable) selon lequel la loi a été interprétée de façon légitime
ne permet pas, à lui seul, de dire que le groupe spécial est fondé à confirmer la décision du sous-ministre.
Le groupe spécial doit encore être persuadé que la décision du sous-ministre est en deça des
limites prescrites par la loi, si difficile soit-il de déterminer ce en quoi consistent ces limites. Le groupe
spécial doit rendre son avis, non comme s'il s'agissait d'un point de droit qui n'a pas de précédent, mais
en se fondant sur les motifs donnés par le sous-ministre à l'appui de sa décision. Ce dont le groupe
spécial doit s'assurer, c'est que le sous-ministre a pris une décision raisonnée, compte tenu des textes
législatifs applicables.
Le présent groupe spécial a examiné le droit pertinent lorsqu'il a rendu son premier
avis le 23 juin 1995. Sans qu'il soit nécessaire de répéter les propos tenus alors par le groupe spécial,
il importe de noter plusieurs points.
D'abord, même si l'article 19 de la LMSI traite de façon générale du calcul des
" frais ", sans utiliser le modificatif " des marchandises ", il ressort clairement de l'article 11 du
Règlement que le terme " frais " doit s'entendre des frais " attribuables aux marchandises ". Voir l'avis
du groupe spécial du 23 juin 1995, p. 12. Cela est vrai pour les frais attribuables " à la production et
à la vente des marchandises ", ainsi que pour les " autres frais " qui sont " attribuables aux
marchandises " (c'est-à-dire pour les frais indirects ou généraux). Voir id. Cette obligation
d'attribution ne dépend pas de la manière dont le groupe spécial interprète la LMSI. Elle repose sur
la propre interprétation que donne de la loi le sous-ministre, interprétation enchâssée dans le
Règlement lui-même.
Deuxièmement, pour savoir quels frais peuvent être considérés comme des frais
" attribuables aux marchandises ", le groupe spécial a examiné les décisions de groupes spéciaux
antérieurs, plus précisément les décisions de trois groupes spéciaux qui ont désavoué la position du
sous-ministre relativement aux frais qu'il peut à juste titre inclure comme frais, aux termes de la LMSI
et de l'article 11 du Règlement. Lorsque le groupe spécial a examiné ces décisions dans son avis du
23
juin 1995, il a souligné que, même compte tenu de la décision du groupe spécial le plus enclin à
attribuer des frais indirects, ces frais indirects doivent de toute façon " avoir un rapport avec les
marchandises en cause (par opposition aux autres marchandises). " Id., p. 14 (citant l'espèce
Placoplâtre). Dans son avis du 23 juin 1995, le groupe spécial avait aussi mentionné l'avis d'un autre
groupe spécial qui soulignait l'importance de l'objectif du législateur lorsqu'on se demande quels frais
sont attribuables. Le groupe spécial en question avait déclaré que l'inclusion de frais attribuables à
d'autres activités " fausserait beaucoup les dépenses d'une entreprise sidérurgique et donnerait une
image inexacte du coût de la production d'acier durant la période en question, à des fins de
comparaison ". Id., p. 17 (citant l'espèce Tôles d'acier laminées à froid).
Appliquant le droit, et guidé par les avis de groupes spéciaux antérieurs, le présent
groupe spécial a rejeté la décision initiale du sous-ministre d'imputer à la production d'acier les frais
de règlement de l'action antitrust se rapportant à la B&LE. La décision initiale du sous-ministre
reposait sur l'idée du sous-ministre selon laquelle, en l'absence d'une activité particulière à laquelle les
frais puissent être imputés (c'est-à-dire, en l'absence d'une division de chemins de fer figurant dans
les livres de USX), la loi obligeait le sous-ministre à attribuer à la production d'acier une partie des
frais afférents à la B&LE. Le présent groupe spécial s'est à l'unanimité dissocié de cette manière
d'interpréter la loi. Voir id, p. 22. À l'unanimité, le groupe spécial a estimé que l'" on ne peut pas
établir un lien avec l'acier en montrant simplement que la société mère s'est engagée à payer une dette
au moment de la vente de la filiale de chemins de fer ". Id., p. 22.
Naturellement, le groupe spécial n'a pas indiqué ce qui suffirait à rattacher de tels frais
à la production de l'acier. Ce n'était pas là son rôle. Le groupe spécial n'a pas non plus jugé opportun
de dire qu'il ne pouvait y avoir aucun lien entre les frais en question et la production de l'acier. Cela
non plus ne relevait pas de son mandat. Le groupe spécial a plutôt choisi de donner au sous-ministre
l'occasion de réexaminer le dossier pour voir s'il existait ou non d'autres faits pouvant lui permettre
de conclure à l'existence d'un lien entre les frais de règlement de l'action engagée contre la B&LE, et
la production de l'acier.
Dans
sa décision après renvoi, le sous-ministre affirme avoir trouvé un tel lien. Il
arrive à la conclusion que les frais de règlement de l'action font partie des frais généraux indirects du
groupe U.S. Steel. Décision après renvoi, p. 1. Il appuie sa conclusion sur les motifs suivants :
d'abord, la société USX elle-même a inscrit parmi les frais généraux indirects du groupe U.S. Steel
(plutôt que parmi les frais du groupe industriel tout entier) les frais de règlement de l'action
concernant la B&LE, une décision conforme aux pratiques comptables de la société USX. Voir id,
p. 2. Deuxièmement, au sein du groupe U.S. Steel, il n'existait aucun chemin de fer auquel on aurait
pu imputer les frais de règlement de l'action, de telle sorte que le sous-ministre n'avait d'autre choix
que d'imputer proportionnellement les frais en question à l'ensemble des divisions du groupe, y
compris l'acier. Voir id, p. 3.
Cependant, dans son avis du 23 juin 1995, le groupe spécial, à l'unanimité, a
considéré comme insuffisants les deux motifs invoqués par le sous-ministre à l'appui de sa décision.
En ce qui concerne les pratiques comptables de la société USX, le groupe spécial s'est exprimé
ainsi : " Le simple fait que les dépenses de B&LE ont apparemment été portées aux livres du groupe
U.S. Steel ne peut pas en soi, sans, par exemple, plus d'explication ou d'analyse de la structure
corporative, justifier de traiter les dépenses de chemin de fer comme des dépenses indirectes aux fins
de la LMSI ". Avis du 23 juin 1995, p. 22. Quant à l'argument évident selon lequel il n'existe plus de
chemin de fer auquel on puisse attribuer les frais en question, le groupe spécial a déclaré : " Le seul
fait que le centre de coût apparemment responsable a été vendu n'exempte pas le sous-ministre de
l'obligation de conclure à l'existence d'un lien entre le coût et les marchandises en cause ". Id, p. 23.
Il n'y a qu'un seul fait qui ait été ajouté par le sous-ministre dans sa décision après
renvoi et qui soit nouveau dans sa décision. Le sous-ministre indique maintenant que " le chemin de
fer B&LE transportait le minerai de fer vers les aciéries. Cette activité se rapporte à la production
d'acier et constitue l'une des composantes d'une grande aciérie intégrée ". Décision après renvoi, p.
2.
Cette
conclusion cependant ne rattache pas encore suffisamment la B&LE au groupe
U.S. Steel. Des services chemin de fer peuvent constituer un intrant dans la production d'acier, mais
le groupe spécial ne sait encore pas (et, semble-t-il, le sous-ministre non plus) la mesure dans laquelle
la B&LE était en fait intégrée dans les activités sidérurgiques de la société USX. L'avocat du sous-ministre
admet ce fait dans son mémoire, affirmant que " rétrospectivement, s'il avait une autre
occasion d'examiner la question et de recueillir des renseignements complémentaires, le sous-ministre
croit qu'un lien pourrait être établi entre le chemin de fer et les marchandises produites par U.S. Steel,
la division qui fabrique l'acier ". Réponse du sous-ministre, p. 3 (soulignement ajouté). Cependant,
lorsque nous avons renvoyé au sous-ministre sa décision, nous voulions donner au sous-ministre la
possibilité de réexaminer le dossier actuel pour établir ce lien entre le chemin de fer et les activités
sidérurgiques, non l'occasion de conjecturer les conclusions qu'il aurait pu tirer si le dossier avait été
différent.
Le sous-ministre présente donc un raisonnement qui est le même que le raisonnement
suivi dans sa première décision. S'il avait existé une division du chemin de fer, " alors l'intégralité des
frais de règlement de l'action antitrust afférente à la B&LE aurait été imputée à cette division ".
Décision après renvoi, p. 3. Comme il n'y avait pas de chemin de fer, les frais sont alors devenus " des
frais généraux indirects ", qu'il fallait imputer d'une manière ou d'une autre à l'intérieur de l'entreprise,
y compris aux marchandises en cause.
Cependant, comme je l'ai dit plus haut, le groupe spécial a unanimement rejeté
l'interprétation selon laquelle la loi permettrait que des frais attribuables en réalité à d'autres
marchandises soient attribués aux marchandises en cause simplement parce qu'il n'existe pas d'autre
endroit où les placer sur les livres de l'entreprise. La LMSI répartit les frais, non les pertes. Le litige
constituait une perte pour la société USX, mais cela ne fait pas de ce litige un coût de production de
l'acier. Les frais de règlement de l'action antitrust concernant la B&LE étaient des frais afférents au
chemin de fer (et même un élément des frais généraux afférents au chemin de fer, puisque cet élément
ne se rapportait pas à la production d'un service particulier de chemin de fer). C'est ce que le sous-ministre
disait lorsqu'il a déclaré que l'intégralité des frais aurait été attribuée à la B&LE si cette
société avait été encore en existence2 . Ces frais d'exploitation du chemin de fer auraient été attribués
intégralement à la B&LE, même si la filiale n'avait aucun actif, auquel cas le reste de l'entreprise aurait
effectivement supporté la perte économique résultant du litige. Ces frais de chemin de fer auraienté
té attribués intégralement à la B&LE même si la filiale n'avait qu'une existence fictive et même si elle
n'était pas en activité (comme cela ressort nettement de l'avis unanime du groupe spécial sur la Coal
Industry Retiree Health Benefit Act, voir l'avis du groupe spécial du 23 juin 1995, p. 23-26). Dire
aujourd'hui que ces frais de chemin de fer sont devenus un coût de production de l'acier simplement
parce que les vérificateurs ont supprimé " B&LE " des livres de la société USX, c'est faire dépendre
la décision de dumping (et les prix du groupe U.S. Steel) du seul hasard, et non d'un lien économique
entre le litige auquel était partie la B&LE et ce qu'il en coûtait à la société USX pour produire l'acier.
Je ne crois pas que le sous-ministre ait le pouvoir discrétionnaire d'interpréter la
LMSI de cette façon. L'obligation d'attribution, qui ressort nettement de l'article 11 du Règlement,
joue un rôle économique dans la décision relative au dumping. Quel que soit l'endroit où se trouve
la ligne de démarcation entre les frais attribuables et les frais non attribuables, cette décision fausse
la définition des frais, d'une manière qui englobe dans le coût des marchandises en cause des postes
qui, le sous-ministre l'admet, se rapportent au coût de la production d'autres marchandises.
En
conséquence, j'exprime un avis contraire.
SIGNÉ DANS L'ORIGINAL PAR
Fait le 2 novembre 1995
DISSIDENCE PARTIELLE DE ROBERT E. RUGGERI
Je suis partiellement en désaccord avec l'avis de la majorité, et je ne confirmerais pas,
quant à une question, la décision du sous-ministre après renvoi . 1
Il s'agit de la question suivante : les frais supportés par USX pour le règlement d'un
litige antitrust étaient-il des frais " attribuables " aux marchandises en cause? Le sous-ministre avait
inclus ces frais au moment d'évaluer la rentabilité des marchandises en cause et de calculer leur valeur
normale aux termes de la LMSI.
L'action antitrust avait été engagée contre la Bessemer & Lake Erie Railroad
[B&LE], une ancienne filiale de USX. USX a vendu la B&LE en 1988, mais a conservé la
responsabilité du litige antitrust. USX a payé en 1993 les frais de règlement de l'action antitrust, au
cours de la période visée par l'enquête.
Dans sa décision après renvoi, le sous-ministre a estimé, entre autres, que les frais,
pour USX, du règlement de l'action à laquelle était partie la B&LE étaient des frais " attribuables "
aux marchandises en cause2 . À la lumière du dossier administratif, la conclusion du sous-ministre
n'était pas une conclusion raisonnable. En conséquence, je ne puis confirmer la décision après renvoi.
I. Les textes applicables
L'alinéa 16(2) b) de la LMSI exclut de la valeur normale des marchandises similaires
les ventes qui ne permettent pas le recouvrement " du coût de production des marchandises, des frais
administratifs et des frais de vente, ni la réalisation d'un bénéfice ". Dans son enquête, le sous-ministre
a inclus, parmi les coûts des marchandises en cause, le coût pour USX du règlement de l'action antitrust
visant la B&LE. Ayant calculé que les ventes intérieures de USX étaient déficitaires, le sous-ministre
a alors utilisé, au lieu de ces ventes, une valeur normale calculée, et cela conformément à l'alinéa 19
b) de la LMSI. Cette disposition prévoit que :
La valeur normale de marchandises ... qui ne peut être établie ... est :
(b) la somme des montants suivants :
(i) le coût de production des marchandises,
(ii) un montant pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais
de vente,
(iii) un montant pour les bénéfices.
Dans le calcul de la valeur normale, le sous-ministre a, aux termes du sous-alinéa 19
b)(ii), inclus les frais de règlement du litige parmi l'ensemble des frais se rapportant aux marchandises
en cause.
L'alinéa 11 c) du Règlement sur les mesures spéciales d'importation, promulgué par
le sous-ministre, définit à son tour l'expression " un montant pour les frais, notamment les frais
administratifs et les frais de vente " comme un montant égal à la somme :
(i) de l'ensemble des frais administratifs et des frais de vente qui sont directement
attribuables à la production et à la vente des marchandises,
(ii) du coût de toute garantie qui accompagne les marchandises,
(iii) du montant estimatif des frais, notamment les frais administratifs et les frais
de vente... qui sont attribuables aux marchandises mais qui ne sont pas visés
aux sous-alinéas (i) et (ii).
(Italiques ajoutés).
II. La décision après renvoi
Un examen des conclusions tirées dans la présente affaire en ce qui concerne les frais
de règlement du litige de la B&LE est un bon point de départ. Le raisonnement du sous-ministre à
l'appui de sa décision initiale était le suivant :
USX a conservé la responsabilité du règlement éventuel et imputé
aux activités de U.S. Steel en 1993 les frais se rapportant au
jugement, mais U.S. Steel ne pouvait attribuer ces frais à ses
activités de chemin de fer parce que l'entreprise avait vendu la
B&LE en 1988. Si USX et U.S. Steel avaient conservé une
entreprise de chemin de fer, les frais de règlement de l'affaire
antitrust et les dépenses afférentes auraient pu être imputés à
l'entreprise de chemin de fer et, ainsi, ils n'auraient pas fait partie du
coût des marchandises en cause... Comme il n'existait pas une
entreprise en particulier à laquelle ces dépenses eussent pu être
imputées, le sous-ministre n'avait d'autre choix que de considérer ces
dépenses de U.S. Steel comme des dépenses d'entreprise de nature
générale.
Comme les dépenses étaient des dépenses générales de U.S. Steel,
une partie de ces dépenses a été attribuée à Steel Operations, une
division comprise dans le groupe U.S. Steel . 3
Essentiellement, le sous-ministre affirmait que les coûts de la B&LE sont " attribuables " aux
marchandises en cause, non comme coûts directs des marchandises en cause, mais comme dépenses
générales d'entreprise du groupe U.S. Steel.
Dans
son avis du 23 juin 1995, le groupe spécial a jugé à l'unanimité, en des termes
qui méritent d'être reproduits intégralement, que :
Le simple fait que les dépenses de B&LE ont apparemment été
portées aux livres du groupe U.S. Steel ne peut pas en soi, sans, par
exemple, plus d'explication ou d'analyse de la structure corporative,
justifier de traiter les dépenses de chemin de fer comme des
dépenses indirectes aux fins de la LMSI.
On ne peut pas établir un lien avec l'acier en montrant simplement
que la société mère s'est engagée à payer une dette au moment de la
vente de la filiale de chemins de fer. En fait, le sous-ministre a
conclu que, si la compagnie de chemins de fer était encore une filiale
au moment de l'enquête, le coût relié au jugement n'aurait pas été
imputé à l'acier. Cela élimine toute conclusion implicite quant à
l'existence du lien requis.
Le seul fait que le centre de coût apparemment responsable a été
vendu n'exempte pas le sous-ministre de l'obligation de conclure à
l'existence d'un lien entre le coût et les marchandises en cause. Le
dossier auquel on a référé le groupe spécial n'indique pas clairement
quel était le lien de B&LE avec le groupe des opérations de
sidérurgie. Le sous-ministre ne nous a rien indiqué au dossier qui
permette de conclure qu'il était raisonnable d'ajouter les dépenses
aux entreprises de sidérurgie après que les dépenses de la B&LE
aient été imputées à Steel Group, qui est plus large et plus diversifié.
Sans plus d'explications suffisantes permettant d'établir pourquoi la
société mère a fait porter cette responsabilité financière à Steel
Group, nous ne pouvons pas maintenir la décision du sous-ministre.
En conséquence, le groupe spécial renvoie la question au sous-ministre
pour qu'il réexamine si les éléments de preuve au dossier
appuient la conclusion que le coût inscrit à la suite d'un jugement
antitrust contre la B&LE est " relié " aux marchandises en cause. Si
le sous-ministre conclut qu'un tel lien existe, il devra fournir ses
motifs au groupe spécial.
Avis du 23 juin 1995, p. 22-23. C'est sur cette toile de fond que la décision du sous-ministre après
renvoi doit être examinée.
Dans sa décision après renvoi, le sous-ministre a jugé que les frais de la B&LE, même
s'ils ne constituent pas un coût direct des marchandises en cause, étaient " à juste titre considérés
comme des frais généraux indirects du groupe U.S. Steel ", et cela pour les raisons suivantes . 4
Cependant, une bonne partie de cette information avait déjà été soumise au groupe spécial lorsque
le groupe spécial a rendu son ordonnance renvoyant ce point au sous-ministre.
1) USX elle-même, dans son rapport 10-K de 1993, avait inscrit les frais de la
B&LE dans les frais généraux indirects du groupe sidérurgique.
Cependant, le groupe spécial a déjà rejeté les pratiques comptables de USX comme justification de
l'attribution des frais de la B&LE au groupe . 5
2) USX se compose de trois grands groupes. Les deux groupes autres que le
groupe sidérurgique sont engagés dans des activités sans rapport avec la
production d'acier.
Ce point ajoute peu à l'analyse. Le fait qu'il n'était peut-être pas opportun d'imputer les dépenses de
la B&LE aux deux autres groupes USX ne permet pas d'expliquer pourquoi le coût fait partie des
" frais généraux indirects " du groupe U.S. Steel. Le groupe spécial a déjà jugé que les frais ne
peuvent être imputés par défaut au groupe sidérurgique.
3) " La compagnie de chemin de fer B&LE a toujours fait partie du groupe U.S.
Steel avant d'être vendue. USX inscrit donc les dépenses d'une manière
conforme aux pratiques antérieures... "
Le dossier est on ne peut plus vague sur ce point. On peut y lire que " les autres chemins de fer " ainsi que la B&LE 6
transportaient illégalement du minerai de fer vers des aciéries non désignées de trois États différents, et cela entre
les années 1950 et les années 1980. Dossier administratif, Répertoire p. 99, Onglet C, page 90 (où sont citées
des données publiques extraites de la formule 10-Q de 1993). Aucun lien avec la production de U.S. Steel n'a été
établi, et encore moins pour la période visée par l'enquête.
Réponse du sous-ministre aux arguments des plaignantes américaines à l'encontre de la décision après renvoi,
7
p. 3 (italique ajouté). Si le sous-ministre voulait avoir l'occasion de rouvrir son enquête pour obtenir cette
information, le groupe spécial devrait sérieusement envisager de lui donner cette occasion. Cependant, ce n'est pas
de cela qu'il s'agit ici. Quoi qu'il en soit, si elle existe effectivement, cette information semblerait être la preuve de
coûts directs et non de frais généraux indirects.
Cette information était elle aussi devant le groupe spécial lorsque celui-ci a renvoyé l'affaire au sous-ministre.
Le groupe spécial avait demandé au sous-ministre de préciser davantage la raison pour
laquelle les frais avaient été imputés au groupe.
4) " Le chemin de fer B&LE transportait le minerai de fer vers les aciéries.
Cette activité se rapporte à la production d'acier et constitue l'une des
composantes d'une grande aciérie intégrée ".
C'est là un mince argument qui permet difficilement de conclure que les frais de la
B&LE sont " attribuables " aux marchandises en cause. Le dossier administratif ne confirme nulle part
que la B&LE transportait effectivement du minerai pour les marchandises visées par l'enquête, encore
moins pour les marchandises du groupe U.S. Steel. Le dossier ne dit rien sur le rôle (si tant est qu'il
y en ait un) joué par la B&LE dans les " activités intégrées " du groupe U.S. Steel "6 . En conséquence,
en l'absence d'un argument en ce sens dans le dossier, on ne peut que considérer comme injustifiée
la démarche du sous-ministre consistant à faire fond sur cet élément.
Dans sa réponse aux arguments des plaignantes à l'encontre de la décision après
renvoi, le sous-ministre reconnaît que : " Rétrospectivement, s'il avait une autre occasion d'examiner
la question et de recueillir l'information complémentaire, ... un lien pourrait être établi entre le chemin
de fer et les marchandises produites par U.S. Steel, la division qui fabrique l'acier "7 . Jusqu'à ce que
l'information en question soit assemblée, la conclusion du sous-ministre demeure non étayée par la
preuve versée dans le dossier, et l'on doit admettre que le lien nécessaire avec les marchandises en
cause
n'a pas été établi. Vu l'absence de tout élément sur ce point dans le dossier, la conclusion du
sous-ministre demeure injustifiée.
Aux termes de l'alinéa 19 b) de la LMSI et du sous-alinéa 11 c)(iii) du Règlement,
seuls les coûts " attribuables " aux marchandises en cause peuvent être inclus dans le calcul des coûts.
Ni la loi ni le règlement ne parlent de coûts indirects simplement " rattachés " aux marchandises. Le
groupe spécial avait à l'unanimité renvoyé cet aspect au sous-ministre pour qu'il expose le
raisonnement à la base de ce " rattachement ". Cependant, c'était évidemment pour savoir si un tel
" rattachement " était d'un degré suffisant pour qu'il puisse justifier l'attribution des frais aux
marchandises. Quoi qu'il en soit, puisqu'aucun autre rattachement d'un degré quelconque n'a été établi
à la suite du renvoi, il est difficile au groupe spécial de conclure que les frais de la B&LE étaient
" attribués " aux marchandises en cause.
D'après les membres de la majorité, les arguments des plaignantes à l'encontre de la
décision après renvoi sont raisonnables, mais ils affirment également qu'il leur est " impossible de dire
que l'interprétation proposée par le sous-ministre est déraisonnable ". Sans donner de détails, les
membres de la majorité arrivent simplement à la conclusion que l'interprétation du sous-ministre, tirée
" après une analyse plus poussée que l'analyse effectuée antérieurement ", est " appuyée par une
preuve qui rattache indirectement le coût aux marchandises en cause ". Sans une explication de la
manière dont les quatre " nouveaux " éléments indiqués dans la décision après renvoi (voir supra)
présentent une quelconque pertinence, il m'est impossible de souscrire à l'avis des membres de la
majorité.
Puis les membres de la majorité concluent ainsi : " Puisque le coût [afférent à la
B&LE] ne peut être rattaché ailleurs au sein de l'entreprise, il n'est pas déraisonnable de le compter
parmi les frais généraux d'entreprise, lesquels doivent être répartis sur l'ensemble du groupe U.S.
Steel ". Mais il est déraisonnable de le considérer ainsi à moins qu'il n'existe quelque fondement
suffisant justifiant cette manière de faire.
D'ailleurs, cette conclusion reformule simplement ce que le groupe spécial a déjà
carrément rejeté. Le groupe spécial a jugé à l'unanimité que " le seul fait que le centre de coût
apparemment responsable a été vendu n'exempte pas le sous-ministre de l'obligation de conclure à
l'existence d'un lien entre le coût et les marchandises en cause ". À moins que le sous-ministre ne
doive maintenant être exempté de cette obligation, sa conclusion ne saurait être plus raisonnable
aujourd'hui qu'elle ne l'était lorsque le groupe spécial lui a renvoyé la question. En d'autres termes,
sans le rattachement requis aux marchandises en cause, les coûts de marchandises particulières autres
que les marchandises en cause (ou les coûts de services tels qu'un chemin de fer) ne peuvent être
convertis en frais généraux indirects. L'objet du renvoi, selon ce que je croyais, était de permettre au
sous-ministre de préciser davantage ce rattachement aux marchandises en cause. Manifestement, le
rattachement n'apparaît pas à la lecture de la décision après renvoi, et je ne puis donc confirmer la
conclusion du sous-ministre.
Les membres de la majorité arrivent aussi à la conclusion que le sous-ministre détient
un pouvoir discrétionnaire suffisant aux termes de la LMSI et du Règlement pour dire que, " même
si les frais de règlement de l'action antitrust avaient, de l'aveu général, une origine différente de celle
des autres frais généraux indirects du groupe industriel, ils sont devenus partie des frais administratifs
généraux qui se rapportent au groupe sidérurgique, et ils doivent être répartis sur ce groupe ". Je me
réfère à la conclusion unanime du groupe spécial selon laquelle le sous-ministre " n'a[vait] pas réussià
démontrer un motif, autre que le renvoi à la décision Placoplâtre, pour inclure [les frais de la
B&LE] dans les dépenses générales indirectes "8 . Comme il est expliqué ci-dessus, les quatre motifs
additionnels exprimés dans la décision après renvoi ne constituent manifestement pas un fondement
raisonnable justifiant l'inclusion de tels frais dans les frais généraux indirects.
Je n'ignore pas qu'il nous incombe de déférer aux positions adoptées par le
sous-ministre lorsqu'il interprète la LMSI et le Règlement9 . Cependant, quelle que soit la retenue
manifestée, les quatre " nouveaux " éléments énoncés dans la décision après renvoi ne pourront jamais
constituer un fondement raisonnable permettant de considérer comme des frais généraux les frais de
litige de la B&LE.
Pour les motifs qui précèdent, je voudrais exprimer ici mon désaccord.
SIGNÉ DANS L'ORIGINAL PAR
Fait le 2 novembre 1995.
1 En l'affaire de : La décision définitive de dumping rendue par le sous-ministre du Revenu national (Douanes et
Accise) relativement au placoplâtre originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, CDA-93-1904-01, 1993
FTAPD Lexis 17 (1993), Q.L. [1993] D.A.L.É. n 5, ci-après " Placoplâtre ".
2 Transcription de l'audience publique, le 20 mars 1995, pages 41-42.
3 En l'affaire de : La décision définitive de dumping concernant certaines tôles d'acier laminées à froid originaires
ou exportées des États-Unis d'Amérique, CDA-93-1904-08, 1994 FTAPD LEXIS 12 (1994), Q.L. [1994]
D.A.L.É. n 6.
1 Je souscris à l'avis de la majorité en ce qui concerne la question des intérêts créditeurs à court terme, et je
confirmerais donc moi aussi sur ce point la décision du sous-ministre après renvoi.
2 Il faut noter que le sous-ministre ne considère pas en principe les frais de litige comme des frais
généraux indirects. Voir par exemple les propos du présent groupe spécial concernant l'affaire Energy
Buyers, Avis du 23 juin 1995, p. 27-28.
1 Je confirme la décision du sous-ministre après renvoi en ce qui concerne la question des intérêts créditeurs à court
terme.
2 Même si le chemin de fer B&LE était la propriété de USX, il faisait partie de son groupe U.S. Steel. Le groupe
U.S. Steel, à son tour, se composait d'entités nombreuses et diverses, et comprenait notamment la division qui en
fait produisait les marchandises en cause. Cependant, le groupe U.S. Steel englobait aussi des entités sans rapport
avec l'acier. Le sous-ministre a réparti sur l'ensemble du groupe sidérurgique les frais de règlement du litige de la
B&LE, et en particulier il a appliqué une part proportionnelle de tels frais à la division produisant l'acier.
3 Mémoire du sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) 72 et 73.
4 Décision après renvoi, p. 2.
5 Avis du 23 juin 1995, p.22. " Le simple fait que les dépenses de B&LE ont apparemment été portées aux livres
du groupe U.S. Steel ne peut pas en soi, sans, par exemple, plus d'explication ou d'analyse de la structure
corporative, justifier de traiter les dépenses de chemin de fer comme des dépenses indirectes aux fins de la LMSI ".
6 Le dossier est on ne peut plus vague sur ce point. On peut y lire que " les autres chemins de fer " ainsi que la B&LE
transportaient illégalement du minerai de fer vers des aciéries non désignées de trois États différents, et cela entre
les années 1950 et les années 1980. Dossier administratif, Répertoire p. 99, Onglet C, page 90 (où sont citées
des données publiques extraites de la formule 10-Q de 1993). Aucun lien avec la production de U.S. Steel n'a été
établi, et encore moins pour la période visée par l'enquête.
7 Réponse du sous-ministre aux arguments des plaignantes américaines à l'encontre de la décision après renvoi,
p. 3 (italique ajouté). Si le sous-ministre voulait avoir l'occasion de rouvrir son enquête pour obtenir cette
information, le groupe spécial devrait sérieusement envisager de lui donner cette occasion. Cependant, ce n'est pas
de cela qu'il s'agit ici. Quoi qu'il en soit, si elle existe effectivement, cette information semblerait être la preuve de
coûts directs et non de frais généraux indirects.
8 Avis du 23 juin 1995, p. 22.
9 Voir par exemple l'espèce Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendant of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, à
la page 591 (le juge Iacobucci) (" le concept de la spécialisation des fonctions exige des cours de justice qu'elles
fassent preuve de retenue envers l'opinion du tribunal spécialisé sur des questions qui relèvent directement de son
champ d'expertise ").
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