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EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL BINATIONAL
AUX TERMES DE L’ARTICLE 1904
DE L’ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD AMÉRICAIN


Affaire des : FEUILLES ET FEUILLARDS DE LAITON IMPORTÉS DU CANADA Dossier du secrétariat No :
USA-CDA-98-1904-03

IV. MOTIVATION

A. LE GROUPE SPÉCIAL EST RÉGULIÈREMENT SAISI DE LA QUESTION DE SAVOIR SI CEST À BON DROIT QUE LITA A CALCULÉ LA SIMPLE MOYENNE DU CP

Lindustrie américaine a excipé de deux objections de procédure à largument de Wolverine et de lITA que le calcul de la moyenne simple justifiait le renvoi. En premier lieu, Wolverine navait pas épuisé ses voies de recours administratives sur ce point lors de lexamen administratif de lITA. 6 En second, la règle du caractère définitif de la décision administrative interdisait au Département lui-même, à ce stade-ci, de revenir sur la question du calcul du CP et de prétendre le réviser. 7

(1) Wolverine na pas renoncé à ses voies de recours administratives

Lindustrie américaine fait valoir que la méthodologie utilisée par le Département du Commerce pour parvenir à ses Résultats préliminaires fut la même que celle quil a utilisée pour parvenir à ses Résultats définitifs. Elle soutient que Wolverine, ne sétant pas opposé à la méthodologie de lAgence, ne peut maintenant en exciper pour la première fois devant le Groupe spécial.

Wolverine fait valoir plusieurs points en réplique : elle na, soutient-elle, par été informé par les Résultats préliminaires de lITA des raisons pour lesquelles cétait le simple coût moyen de production qui avait été calculé. LITA navait seulement fait savoir quelle ne tiendrait pas compte de la taille du grain (ce quelle a pourtant continué de faire dans le programme informatique de ses Résultats préliminaires). Se fondant sur lexamen antérieur de 1995, où lon avait eu recours à une moyenne pondérée du CP, Wolverine prétend navoir eu aucune raison de penser quune façon de faire différente serait utilisée dès lors que le paramètre de la taille du grain aurait été abandonné. Aussi Wolverine na-t-elle fait spécifiquement observer, dans ses observations sur les Résultats préliminaires que, dans le programme de lITA, le paramètre de la taille du grain navait pas été supprimé. Wolverine prétend également avoir réclamé une moyenne pondérée en ayant donné un logiciel informatique directeur prévoyant une moyenne pondérée du CP.

Wolverine prétend en outre que lITA na mentionné quaprès avoir fait connaître ses Résultats définitifs que les données de Wolverine lui posaient quelques problèmes, qui la forçaient à nemployer quune moyenne simple, privant ainsi Wolverine de la possibilité de répliquer. Wolverine fait aussi valoir que la règle de lépuisement des recours nest pas applicable lorsque lautorité administrative na pas divulgué aux parties ce quelle avait lintention de faire. Elle soutient aussi que, lorsquune autre partie fait valoir un moyen semblable devant lautorité administrative, lobligation dépuisement des recours se trouve remplie. Elle fait valoir que lindustrie américaine, dans ses observations au sujet des Résultats préliminaires à calculer, avait prié instamment lITA de calculer une moyenne pondérée du CP, ce qui permettait de saisir ultérieurement le Groupe spécial du point litigieux. Enfin, elle prétend que lautorité administrative peut renoncer à la défense dobligation dépuisement des recours, ce que lITA faisait en lespèce en reconnaissant maintenant, comme Wolverine, avoir eu tort dutiliser la simple moyenne du CP.

LITA soutient Wolverine et sa position. 8 Elle conteste la prétention de lindustrie américaine que le mode de calcul du CP moyen avait été le même que dans le cas des Résultats préliminaires. Elle reconnaît que le point avait été soulevé par lindustrie américaine devant elle, comme lavait fait Wolverine dans le mémoire de sa réplique et que, néanmoins, elle na pas réagi dans ses Résultats définitifs. Elle fait valoir également que, étant lautorité administrative en cause, elle nest pas liée par la règle de lépuisement des voies de recours et quelle peut faire valoir le moyen en lespèce.

Le Groupe spécial reconnaît être régulièrement saisi du moyen et devoir en connaître. Il est vrai, comme le prétend lindustrie américaine, que Wolverine savait, à lépoque des Résultats préliminaires, que lITA avait utilisé la moyenne simple. Il semble dailleurs que Wolverine ladmette. 9 Wolverine prétend quelle ne sy est pas opposée parce que la simple moyenne pour les produits « décontractés » produisait la même marge de minimis quune moyenne pondérée des mêmes produits. Implicitement par conséquent, Wolverine se serait objectée à la moyenne simple si lon sen était servi pour les produits « contractés ». Mais Wolverine avait été informée que lITA voulait laisser complètement tomber le paramètre de la taille du grain, même si elle navait pas fait le changement lors des ses calculs informatiques préliminaires. Wolverine savait que le calcul du CP moyen simple des produits « contractés » seraient erronés et donnerait une idée fausse des coûts. 10

Néanmoins, nous pensons que la production, par Wolverine à lITA, avant les Résultats définitifs, dun logiciel où une moyenne pondérée était calculée autorise le Groupe spécial à connaître du moyen. Plus important, Wolverine répond également à lITA dans le Mémoire de sa Réplique : [TRADUCTION] « Si néanmoins le Département décide, pour ses résultats définitifs, de suivre la voie empruntée pour parvenir à ses Résultats préliminaires... il sera nécessaire dapporter certaines modifications au programme... pour le calcul dun coût moyen pondéré de production ». 11 Wolverine déclare maintenant ne pas sêtre réellement « opposée » aux Résultats préliminaires (quoique lITA affirme que ce fut le cas), mais le Groupe spécial estime que cette déclaration informait lITA et quelle lautorise donc à connaître du moyen.

Si lindustrie américaine a raison de dire que la seule différence pertinente entre les méthodologies informatiques préliminaires et définitives était la « contraction » des produits dans la définitive, il nen demeure pas moins que Wolverine avait proposé une moyenne pondérée avant que ne soient connus les résultats définitifs. Que lITA ne se soit pas conformée à la méthodologie proposée par Wolverine est sans pertinence.

La règle de lépuisement des voies de recours administratives (ci-après dénommée la « règle de lépuisement des recours ») est un principe fondamental du droit administratif américain. Voir, p. ex., Schwartz, Timing of Judicial Review : A Survey of Recent Cases, 8 Admin. L.J. 261, (été 1994) : [TRADUCTION] « Lépuisement des recours administratifs et la règle jumelle de la compétence première sont vitaux et au processus administratif et à un contrôle judiciaire effectif de laction des autorités administratives ».

Conformément à cette règle, [TRADUCTION] « Lorsque le Congrès [le législateur] impose expressément une obligation, il y a obligation dépuisement des recours ». 12 En outre, lITA a une obligation légale spécifique dexiger cet épuisement : [TRADUCTION] « Dans toute action civile que nénumère pas le présent article, lITA doit, sil est opportun de le faire, exiger lépuisement des voies de recours administratives », 28 U.S.C.§ 2637(d).

En cas de silence du législateur, lépuisement des recours demeure encore « la règle générale », car [TRADUCTION] « elle sert la double fin de protéger les pouvoirs de linstance administrative et de promouvoir leffectivité judiciaire » : affaire McCarthy v. Madigan, 503 U.S. 146 (1992).

Lune des raisons dêtre, évidemment, de la règle de lépuisement des recours, cest quune instance administrative doit être informée quun point est litigieux alors quelle délibère encore sur le litige en cause, de telle sorte quelle puisse le résoudre à ce moment-là : affaires Myers v. Bethlehem Shipbuilding Corp., 33 U.S. 41, 50-51 (1938) ; Hormel v. Helvering, 312 U. S. 552, 557 (1940). Dans son arrêt Weinberger v. Salfi, 422 U.S. 749, 765 (1975), la Cour suprême a expliqué :

[TRADUCTION]

Lépuisement des recours et généralement demandée afin de prévenir une ingérence prématurée dans les affaires de linstance administrative, de telle sorte que cette instance puisse fonctionner efficacement et quelle ait la possibilité de corriger ses propres erreurs, de faire profiter aux parties et aux tribunaux judiciaires de son expérience et de son expertise et de constituer un dossier adéquat en cas de contrôle judiciaire.

Voir également Davis, K. & Pierce, R., II Administrative Law Treatise, § 15.2, à la p. 309, 3e éd., 1994.

La Cour dappel des états-Unis pour le Circuit fédéral, dont le Groupe spécial a lobligation de reconnaître les décisions et de sy conformer, a déclaré quun [TRADUCTION] « contrôle judiciaire » serait inopportun à moins et tant que celui qui voudrait contester la mesure ne se serait pas prévalu de la procédure administrative prévue pour soulever le point » : arrêt Sharp Corp. v. United States, 837 F.2d 1058, 1062 (Fed. Cir. 1988).

La CCI a souvent refusé de connaître de questions que les parties navaient pas porté à lattention de lITA durant lenquête quil avait ouverte au regard déventuels droits antidumpings ou compensatoires. Voir, p. ex. les arrêts Borden, Inc. v. United States, 4 F. Supp.2d 1221, 1232 (CIT 1998) : la partie demanderesse ne saurait être admise à contester certains calculs pour compenser la différence entre les commissions sur les marchés américain et celles sur les marchés étrangers lorsquelle na pas contesté cette méthodologie au cours de lenquête antidumping ; Saarstahl, A.G. v. United States, 949 F. Supp. 863, 866 (CIT 1996) : recours prétendu à une période irrégulière dallocation de subventions non récurrentes ; Aramide Maatschappij V.o.F. v. U.S., 901 F. Supp. 353 (CIT 1995) : interdiction partielle de faire valoir un moyen au sujet de lexclusion de certaines ventes du calcul des profits inclus dans la valeur établie parce que ces ventes avaient été exclues lors de la décision préliminaire sans opposition ; Budd Co., Wheel and Brake Division v. United States, 15 C.I.T. 446, 773 F.Supp. 1549, 1555-1556 (1991) : fautes prétendues dans la méthodologie employée pour compenser lhyperinflation brésilienne dans le calcul des paramètres des coûts, la Cour faisant observer que la partie demanderesse [TRADUCTION] « a choisi de ne pas faire valoir ses moyens au niveau administratif suivant, apparemment, une décision tactique » ; Rhone-Poulenc, Inc. v. United States, 13 C.I.T. 218, 226-227, 710 F. Supp. 341 (1989), confirm. par 899 F.2d 1185 (Fed. Cir. 1990) : la partie demanderesse nest pas admise à faire valoir un moyen nouveau et à soutenir que le Département du Commerce aurait dû tenir compte des fluctuations des taux de change et dintérêt depuis la prise de son arrêté antidumping initial.

Il est donc clair que le Groupe spécial ne peut connaître dun moyen dont la CCI ne pourrait connaître du fait que la partie qui le fait valoir na pas épuisé les recours administratifs ouverts à cet égard.

Certes « lopposition » de Wolverine à la moyenne simple aurait pu être plus soutenue, ses observations à lITA, cependant, suffisent à la saisine du Groupe spécial du moyen.

Même si Wolverine navait pas fait cette observation entre les Résultats préliminaires et les Résultats définitifs, comme lITA na pas, dès lors quelle en avait la possibilité, révélé aux parties la raison de son emploi de la moyenne simple (à savoir que les données de Wolverine lui causaient certaines difficultés) fait apparaître une autre base juridique justifiant de connaître du point. Il nest pas juste de pénaliser une partie en lui reprochant de navoir pas épuisé ses voies de recours lorsquelle [TRADUCTION] « ne pouvait attaquer une politique dont elle ignorait lexistence » : affaire Bowen v. New York, 476 U.S. 467, 476 (1986) [citant laffaire Heckler v. New York, 578 F. Supp. 1109, 1118 (E.D.N.Y. 1984)].

En outre, le Groupe spécial constate que les observations faites par lindustrie américaine au Département suffisaient à saisir le Département du moyen et, subséquemment le Groupe. Lindustrie américaine a effectivement déclaré que [TRADUCTION] « les différents coûts fournis par Wolverine devaient être contractés en un calcul dun coût moyen pondéré unique ou les produits classés sous chaque numéro de contrôle unique ». 1 Ainsi le Département était saisi du point litigieux ; or il na ni répondu ni expliqué pourquoi il ne se prononçait pas sur la question. 2

Lorsquune partie à une instance administrative saisit lautorité administrative en cause dun moyen, une autre partie à linstance, qui na pas fait valoir le moyen, peut en débattre en appel. Dans laffaire National Resources Defense Council v. EPA, 824 F.2d 1146 (D.C. Cir. 1987) (juge Bork), dans une décision unanime de tout son collège, la Cour de Circuit du D.C. a autorisé la partie NRDC, qui navait même pas été partie à linstance administrative, à former appel sur un moyen dont dautres parties avaient excipé : [TRADUCTION] « Les tribunaux judiciaires ont rejeté lexception dépuisement des recours lorsque linstance administrative ¨avait eu la possibilité de se prononcer sur le même moyen [dont la Cour était saisie]... quoiquil ait été excipé par dautres parties¨... LITA, par conséquent, était informée du point litigieux et pouvait, ou aurait dû, en tenir compte pour parvenir à sa décision définitive... » 824 F.2d at 1151 (citant les affaires Buckeye Cablevision, Inc. v. United States, 438 F.2d 948, 951 (6th Cir. 1971) et Office of Communication of the United Church of Christ v. FCC, 465 F.2d 519, 523 (D.C. Cir. 1972). Nous jugeons en lespèce que lITA était informée et aurait dû statuer sur la question de la moyenne pondérée dont lavait saisie lindustrie américaine.

De plus, indépendamment de la question de savoir si lune ou lautre des parties a effectivement saisi lITA de la question de la moyenne pondérée, nous jugeons que lITA peut, effectivement, renoncer à la défense dépuisement des recours : p.ex., affaires Mathews v. Diaz, 426 U.S. 67, 76-77 (1976), Mathews v. Elridge, 424 U.S. 319 (1976) ; Dugan v. Ramsay, 727 F.2d. 192 (1st Cir. 1983) : [TRADUCTION] « Le pouvoir dune instance administrative de renoncer à lexception dépuisement de toute voie de recours administrative, hors le cas du recours que le législateur attache à sa compétence juridictionnelle, semble bien établi. Cela a dailleurs beaucoup de sens » : Davis, K. & Pierce, R., II Administrative Law Treatise, § 15.6, à la p. 335 (3e éd. 1994). LITA a renoncé à lexception dépuisement des recours en adoptant, à toute fin utile, la position de Wolverine que le recours à la moyenne simple était une erreur de sa part et quelle navait fourni aucun motif adéquat du choix de cette méthodologie. 3

Par ces motifs, nous jugeons donc quil ny a pas eu renonciation à lexception concernant le point de savoir si lITA avait procédé à un calcul raisonnable de la moyenne simple du CP ; le Groupe spécial en est donc régulièrement saisi et il doit statuer sur lui.

(2) La règle du caractère définitif de la décision administrative n’interdit pas à l’ITA de corriger le CP

Lindustrie américaine fait valoir que la règle du caractère définitif de la décision administrative interdit à lITA de « revoir », laffaire lui étant renvoyée, son mode de calcul du CP. Lindustrie américaine fonde sa position sur le fait que le mode de calcul du CP utilisé par lITA est soutenu par des preuves substantielles et quil est conforme à la loi. Elle argue que lITA ne devrait pas être autorisée à choisir un mode différent du simple fait que laffaire lui est renvoyée. Comme Madame le juge Restani de la CCI la dit dans laffaire Badger-Powhatan v. United States, 10 CIT 241, 633 F. Supp. 1364, 1369 (1986) : [TRADUCTION] « Rien dans le régime légal nindique que linstance administrative, par politique ou pour des raisons similaires, peut modifier sa décision définitive après quun arrêté antidumping a été pris... Si linstance administrative pouvait modifier ses constatations indéfiniment, il serait difficile de répondre à la question de savoir quand des constatations définitives pourront jamais être faites » (italiques dans loriginal).

Lindustrie américaine se fonde sur larrêt Borden, Inc. v. U.S., 4 F. Supp. 2d 1221, 1242 (CIT 1998). Mais Madame le juge Restani a également jugé que : [TRADUCTION] « Une instance administrative ne peut porter atteinte au caractère définitif de ses constatations... excepté lorsquune erreur a été démontrée ». En lespèce, nous venons de juger infra quune erreur de lITA a été démontrée : son recours à la moyenne simple nest pas conforme à la loi. En outre, dans larrêt Borden, la Cour avait ajouté :

[TRADUCTION]

En lespèce, ni les parties adverses ni le gouvernement navaient prétendu spécifiquement que le Département du Commerce sétait trompé dans ses calculs initiaux du coût des produits dexportation. Le Département du Commerce veut seulement réexaminer ses calculs afin de les repenser et de réviser. Lors dun renvoi, le Département du Commerce ne peut revenir sur son calcul du coût des produits dexportation : affaire Borden, 4 F.Supp. 2d, à la p. 1242.

En lespèce, bien entendu, et Wolverine et lITA elle-même ont spécifiquement affirmé que cette dernière sétait trompée. Il ne sagit nullement dun renvoi pour « repenser et réviser », mais pour corriger une erreur reconnue.

Dans larrêt Borden, Madame le juge Restani cite son arrêt antérieur Badger-Powhatan. 1 Dans larrêt Badger-Powhatan, elle avait jugé que :

[TRADUCTION]

Il ny a dans la loi aucune exception à la règle générale voulant que ces décisions dordre quasi-judiciaire, sur lesquels lon se fonde, peuvent ultérieurement être changées pour suivre une politique... Que ce principe doive céder lorsque des erreurs ont été commises ne donne pas à linstance administrative le pouvoir de remettre en cause des décisions définitives lorsquaucune erreur nest survenue. Cest pourquoi, pour décider si le renvoi est indiqué, la Cour doit statuer sur la requête de la partie demanderesse en jugement sur pièces, sur le dossier de linstance administrative : 633 F. Supp., à la p. 1369 (italiques ajoutés).

Par conséquent, nous jugeons que, lorsquune partie intéressée, de même que lITA, affirment quune erreur a été commise par celle-ci en linstance antérieure, et que nous partageons cette opinion, la règle du caractère définitif de la décision administrative ninterdit pas à lautorité administrative de corriger son erreur.

Nous en venons maintenant à lexamen au fond du moyen de Wolverine sur le mode de calcul.

B. LE CALCUL DU COÛT DE PRODUCTION DE WOLVERINE

La question du calcul posée par Wolverine en soulève plusieurs autres que lon peut résumer par celle-ci : lITA, en procédant à son examen administratif, a-t-elle rempli son obligation de se conformer à léquité procédurale ? Wolverine soutient que lITA a manqué à trois obligations procédurales imposées par le Tariff Act :

[TRADUCTION]

LITA a-t-elle enfreint le § 1677(m)(d) de lU.S.C. en ninformant pas Wolverine des déficiences quelle croyait constater dans les données fournies et en ne lui donnant pas la possibilité dy remédier ou de les expliquer ?

LITA a-t-elle enfreint le § 1677(e)(b) de lU.S.C. en arrivant à une conclusion contraire aux intérêts de Wolverine sans au préalable juger quil y avait eu manque de coopération de celle-ci lorsquelle ne sétait pas efforcée, au mieux de ses capacités, de répondre à une demande dinformation quelle lui avait faite ?

LITA a-t-elle enfreint le § 1677(m)(e) de lU.S.C. en refusant de prendre en considération des informations fournies par Wolverine en temps voulu, vérifiables et utilisables sans trop de difficultés ?

À titre préliminaire, il est utile dobserver, comme il est dit dans larrêt Borden, Inc. v. U.S., 4 F. Supp. 2d 1221 (CIT 1998), que le Tariff Act a été modifié en 1994 en exécution des obligations contractées par les états-Unis en vertu des Accords du GATT du Cycle dUruguay. Lobjet général de la révision était une plus grande équité et une plus grande transparence procédurales des instances administratives introduites, une fin déjà reconnue par la jurisprudence applicable (p. ex. dans laffaire National Steel Corp. v. United States, 870 F. Supp. 1130).

Sous-jacentes à ces questions que soulève la législation, se posent dautres questions, liées aux premières, dont il sera traité séparément. Un point important est celui de savoir si lITA a lobligation dexpliquer la méthodologie quelle emploie pour calculer le coût de production, ce qui na pas été fait expressément en lespèce. Il y a aussi la question connexe ou parallèle de savoir si elle a une obligation dexplication et dinformation envers les parties si elle décide de sécarter dun long usage auquel elle se conformait. Plus précisément, la question se pose de savoir si elle était obligée de prévenir les parties, et dexpliquer sa décision, dès lors quelle décidait de sécarter dun long usage en vertu duquel la détermination des coûts de production se faisait par le calcul de moyennes pondérées.

Les faits pertinents

Pour statuer sur ces points, il est utile de passer en revue les faits les plus pertinents.

Lors du réexamen de 1996, le Département du Commerce avait envoyé un questionnaire normalisé pour obtenir des informations, notamment linformation nécessaire au calcul des coûts de production.

Conformément à ces instructions, Wolverine, dans sa réponse, a affecté des codes aux divers produits en leur attribuant des numéros de contrôle (les « CONNUM ») à des fins de comparaison. Pour chaque code de produit, Wolverine a fourni ses coûts unitaires semestriels de sa matière première, un coût de fabrication moyen pondéré et la quantité de chaque CONNUM produit au cours de chaque semestre.

Il est significatif quil y ait eu des semestres au cours desquels un CONNUM donné navait pas été produit. Dans ce cas, Wolverine, néanmoins, calculait, et fournissait, un coût de production semestriel. Lon parvenait à ce chiffre en utilisant le coût des matières nécessaires à la production dautres produits (un coût normalisé) et le coût de fabrication annuel de ce CONNUM. Lon indiquait « zéro » comme quantité produite.

Lindustrie américaine prétend, ce qui ne semble pas contesté, que les coûts semestriels des matières premières donnés pour lensemble des CONNUM étaient les mêmes pour chaque semestre, et que les coûts de fabrication étaient les mêmes pour chaque CONNUM pour tous les semestres. Ainsi le calcul dun CP par construction était possible malgré que certains CONNUM naient pas été produits en réalité au cours de certains semestres.

Conformément à une demande de lITA, Wolverine a également divulgué ses ventes canadiennes au cours des périodes « créneaux » du dernier semestre de 1995 et du premier de 1997.

LITA, dans un second questionnaire, a demandé à Wolverine de :

[TRADUCTION]

Supprimer la source comme élément du système numérique de contrôle du produit et soumettre une seule moyenne pondérée du coût de chaque produit discret, représenté par un numéro de contrôle spécifique correspondant. Rajuster le coût de production unitaire.

LITA na pas demandé à Wolverine détayer davantage ses réponses au questionnaire initial en ce qui avait trait à ses calculs de son coût de production. Par la suite, lITA a vérifié les données fournies et na, dans son rapport de vérification 1 signalé aucune incohérence dans les données de Wolverine.

 

Suite de cette Décision du Groupe Spécial


6 Mémoire de l’industrie américaine, aux pp. 26 et suiv.
[Revenez au texte]

7 Ibid. aux pp. 32-33.
[Revenez au texte]

8 Article 57 (2), Response Brief of the Administering Authority [Mémoire de la Réplique de l’Autorité administrante] aux pp. 41-45.
[Revenez au texte]

9 [TRADUCTION] « La seule modification que le Département a apportée aux données sur le CP de Wolverine a été une conversion des coûts de production donnés semestriellement par la compagnie (pour les produits ¨décontractés¨) en coûts moyens annuels simples (selon la moyenne arithmétique) ». Canadian Complainant's Brief [Mémoire de la partie plaignante canadienne], à la p. 10. Voir aussi les Department's Preliminary Disclosure Documents [Documents de divulgation préliminaire du Département] qui, clairement, indiquent que c’est la simple moyenne qui a été calculée. Voir le Memorandum from Paul Stolz to the File [Note de Paul Stolz versée au dossier] (sans date)(Non. Pub. Admin. Rec. 36/01/35).
[Revenez au texte]

10 Canadian Complainant's Brief [Mémoire de la partie plaignante canadienne], à la p. 11, note 38.
[Revenez au texte]

11 Wolverine Reply Brief [Mémoire de la Réplique de Wolverine], à la p. 36 (Admin. Rec. Non-Pub 34/39/30).
[Revenez au texte]

12 Arrêt McCarthy v. Madigan, 503 U.S. 146 (1992).
[Revenez au texte]

1 Administrative Case Brief, [Mémoire de la partie administrative], CD 25, à la p. 10.
[Revenez au texte]

2 L’industrie américaine prétend qu’elle n’a jamais voulu pousser le Département à contracter les données en utilisant les nombres fournis par Wolverine. U.S. Industry's Reply to the U.S. Government's and Wolverine's Reply Briefs [Mémoires de la Réplique de l’industrie américaine au gouvernement américain et de la Réplique de Wolverine], 16 note 5. Il se peut qu’il en ait été ainsi, mais le fait demeure que le principe de l’emploi d’une moyenne pondérée avait bel et bien été soulevé.
[Revenez au texte]

En outre, le TIC a également fait observer que : [TRADUCTION] « Une partie peut être excusée si, alors qu’elle n’a pas saisi l’autorité administrative d’un moyen, cette instance s’est, de fait, prononcée sur la question » : Holmes Products Corp. v. United States, 16 C.I.T. 1101, 1992 Ct. Intl. Trade LEXIS 258, *7-8 (et jurisprudence citée).
[Revenez au texte]

3 Letter from Linda Chang, Esq. to James Holbein, NAFTA Secretariat, U.S. Section [Lettre de Me Linda Chang à James Holbein, Secrétariat de l’ALÉNA, Section américaine], à la p. 2, 16 octobre 1998.
[Revenez au texte]

1 Le tribunal a également cité, dans les deux arrêts, des précédents de la Cour suprême selon lesquels, dans les affaires d’attributions d’autorisations réglementaires, les décisions de type judiciaires, sur lesquels l’on pouvait se fonder, ne pouvaient être modifiées pour suivre une politique : affaire American Trucking Assoc. v. Frisco Transportation Co., 358 U.S. 133 (1958). Aussi l’affaire United States v. Seatrain Lines, 329 U.S. 424 (1947) et l’affaire Hirschey v. Federal Energy Regulatory Commission, 701 F.2d 215 (D.C.Cir. 1983).
[Revenez au texte]

1 ITA Sales Verification Outline/Report [Rapport-Aperçu de l’ITA sur la vérification des ventes], à la p. 3 (sans date)(Admin. Rec. Non-Pub. 32/66/24) et Cost Verification Report [ Rapport de vérification des coûts], 5-6 (sans date)(Admin. Rec. 32/54/23).
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