DÉCISION DU GROUPE SPÉCIAL
CONCERNANT LA DÉCISION DU DÉPARTEMENT DU COMMERCE
SUR LE RENVOI
CHAPITRE 19 DE L’ALÉNA
MAGNÉSIUM PUR EN PROVENANCE DU CANADA
DOSSIER USA-CDA-00-1904-07
1. HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE
Le 27 mars 2002, le groupe spécial a rendu sa décision concernant la
contestation par le Gouvernement du Québec (GDQ) et par la Magnesium Corporation
of America (Magcorp) des conclusions définitives du réexamen par le département
du Commerce des États-Unis (le DOC) des ordonnances instituant un droit
compensateur concernant le magnésium pur en provenance du Canada. Pure and
Alloy Magnesium From Canada, 65 Fed. Reg. 41,444 (5 juillet 2000) (les
conclusions définitives du réexamen). La décision du groupe spécial, après avoir
exposé l’historique de la procédure, renvoyait au DOC l’examen des conclusions
définitives du réexamen, en lui donnant les directives de considérer de nouveau
i) la décision d’utiliser les conclusions du sixième examen comme taux de
subvention à communiquer à l’ITC; ii) le fondement du taux applicable à tous les
autres; et iii) les raisons de ne pas enquêter sur les subventions qu’aurait
reçues Magnola Metallurgy, Inc. selon les allégations. Décision du groupe
spécial, USA-CDA-00-1904-07 (27 mars 2002) (Décision du groupe spécial), p. 37.
Le 10 juin 2002, le DOC a communiqué un projet de conclusions du renvoi au
GDQ, à Norsk Hydro Canada, Inc. (NHCI) et aux autres parties intéressées
nationales. NHCI était défenderesse dans l’enquête initiale et a déposé une
réponse détaillée à l’avis d’ouverture de ce réexamen, mais elle n’a pas été
active dans la procédure devant le groupe spécial. Des observations sur le
projet de conclusions du renvoi ont été présentées par le GDQ, qui est une
partie intéressée dans la présente procédure, et par Magcorp, la requérante dans
la procédure initiale.
Le DOC a publié les conclusions définitives de sa décision sur le renvoi du
groupe spécial du réexamen des ordonnances instituant un droit compensateur
concernant le magnésium pur en provenance du Canada (la décision sur le renvoi)
le 25 juin 2002. Le 15 juillet 2002, le GDQ a déposé la contestation par le
Gouvernement du Québec, en vertu de l’article 73(2)(b) des Règles de procédure,
de la décision sur le renvoi (la contestation en vertu de l’article 73(2)(b) des
Règles de procédure). La contestation en vertu de l’article 73(2)(b) des Règles
de procédure formée par le Gouvernement du Québec fait valoir que le DOC a
conclu à tort qu’il était « tenu » de communiquer un taux applicable à tous les
autres et que le taux retenu était incorrect. La U.S. Magnesium LLC (auparavant
Magcorp1)
a également déposé une contestation en vertu de l’article 73(2)(b) des Règles de
procédure, dans laquelle elle s’oppose au refus du DOC de faire enquête sur les
subventions qu’aurait reçues Magnola selon les allégations. Le DOC a répondu,
le 5 août 2002, aux contestations en vertu de l’article 73(2)(b) des Règles de
procédure déposées par le GDQ et par la U.S. Magnesium.
Dans son examen des contestations en vertu de l’article 73(2)(b) des Règles
de procédure déposées par le GDQ et par la U.S. Magnesium, le groupe spécial a
appliqué le critère d’examen défini dans la partie III de sa décision du 27 mars
2002. Ainsi qu’il y est indiqué, le pouvoir du groupe spécial se fonde sur le
chapitre 19 de l’Accord de libre-échange nord-américain. Dans cet examen, le
groupe spécial a appliqué le droit des États-Unis, comme le prévoit le
paragraphe 2 de l’article 1904.
2. LA
CONSIDÉRATION DES PRÉTENTIONS DU GDQ CONCERNANT LE TAUX APPLICABLE À TOU
LES AUTRES
Le groupe spécial a renvoyé ce réexamen au département du Commerce, entre
autres, pour qu’il considère à nouveau la question du taux applicable à tous les
autres et explique la raison justifiant de communiquer un taux applicable à tous
les autres. Le DOC indique qu’il a suivi la directive du groupe spécial [TRADUCTION]
« … et a conclu qu’il y a lieu de communiquer à l’ITC un taux applicable à
tous les autres, même si l’enquête initiale ne visait qu’un seul producteur ».
Décision sur le renvoi, p. 8.
Le DOC renvoie à l’article 735(c)(5)(A) du Tariff Act of 1930, 19 U.S.C.
§ 1673d(c)(5)(A) et dit que l’article [TRADUCTION] « … oblige maintenant [le
DOC] à calculer un taux pour tous les autres "égal à la moyenne des marges de
dumping moyennes pondérées estimatives établies pour les exportateurs et les
producteurs qui ont fait l’objet d’une enquête individuelle, exclusion faite des
marges de zéro et de minimis, et des marges déterminées entièrement en vertu de
l’article 776" ». Décision sur le renvoi, p. 9. Le Gouvernement du Québec
prétend que cela se ramène à une déclaration du DOC qu’il doit communiquer un
taux applicable à tous les autres. Contestation en vertu de l’article 73(2)(b)
des Règles de procédure, p. 1.
Il n’est pas clair que ce commentaire du DOC, pris isolément, énonce une
obligation de communiquer un taux applicable à tous les autres. À première vue,
le texte cité traite plutôt du mode de calcul que d’une obligation de procéder à
un calcul, mais, à la page 15 de la décision sur le renvoi, le DOC déclare : [TRADUCTION]
« Puisque tous les producteurs/exportateurs du Canada sont assujettis à ces
ordonnances, [le DOC] doit communiquer une subvention nette passible de mesures
compensatoires qui s’appliquerait probablement à tous les exportateurs/producteurs
si ces ordonnances étaient révoquées » (note de bas de page omise, non souligné
dans l’original). En outre, à la page 14 de la décision sur le renvoi, le DOC
mentionne la position du GDQ selon laquelle aucun article du Tariff Act « … "n’impose
une obligation d’établir un taux applicable à tous les autres dans un réexamen" »
et déclare : « Nous ne pouvons souscrire à cette position du GDQ. »
Le GDQ note que l’article auquel renvoie le DOC se trouve dans la partie du
Tariff Act traitant des droits antidumping (article 735, codifié à 19 U.S.C. § 1673)
et n’a rien à voir avec les droits compensateurs qui font l’objet du réexamen.
Le GDQ signale également que la disposition correspondante relative aux droits
compensateurs (article 705, codifié à 19 U.S.C. § 1671(d)) ne s’applique pas dans le cas des réexamens, d’après sa formulation même. Contestation en vertu de
l’article 73(2)(b), p. 5. Le groupe spécial convient que c’est là
l’interprétation correcte de la loi. Dans les circonstances de l’espèce, le
groupe spécial considère que l’établissement d’un taux applicable à tous les
autres n’est pas approprié à moins qu’on puisse dire que cela est exigé par la
loi. Le Tariff Act ne l’exige pas.
Le DOC renvoie au paragraphe III.B.1 du Sunset Policy Bulletin, qui indique
que le DOC fournira normalement un taux de subvention à la Commission du
commerce international (ITC). Policies Regarding the Conduct of Five-year
("Sunset") Reviews of Antidumping and Countervailing Duty Orders:
Policy
Bulletin, 63 Fed. Reg. 18871 (16 avril 1998) (Sunset Policy Bulletin), 18875.
Sans doute faut-il faire preuve de retenue à l’égard du Sunset Policy Bulletin, mais ce texte n’oblige aucunement le DOC à communiquer un taux applicable à tous
les autres. Il fournit plutôt des indications au DOC pour l’exécution de son
mandat. L’emploi du terme « normalement » vient à l’appui de la nature non
absolue de la tâche du DOC. Il a l’obligation d’exercer son pouvoir
discrétionnaire, non de donner un caractère absolu à l’approche suivie dans les
circonstances « normales ».
En l’espèce, NHCI bénéficiait d’un avantage disproportionné d’un programme de
la province de Québec. Le programme lui-même ne correspondait pas à la
définition d’une subvention passible de mesures compensatoires; c’est plutôt
qu’on a jugé que NHCI avait reçu une part disproportionnée dans une année (et
dans cette seule année) des fonds disponibles, ce qui rendait le programme
spécifique. Aucune autre personne à l’heure actuelle ne fait d’exportations. Si
une autre personne le faisait, elle pourrait ou non demander une aide dans le
cadre du programme. Si une aide lui était accordée, cela n’entraînerait pas
d’ordonnance instituant des droits compensateurs à moins que l’aide financière
ne soit jugée spécifique parce qu’une part disproportionnée a été attribuée.
Dans ce cas, le montant de l’aide financière serait spécifique au demandeur et
son effet serait spécifique à la situation économique du demandeur.
Le DOC renvoie à sa décision Live Swine from Canada, 64 Fed. Reg. 60301 (4 nov. 1999) (conclusions définitives du réexamen), où il a décidé :
[TRADUCTION]
« "… nous ne jugerons pas normalement que la simple existence d’un programme
indique la probabilité de poursuite ou de reprise de la subvention passible de
mesures compensatoires lorsqu’il existe une longue expérience de non-utilisation
du programme" ». Décision sur le renvoi, p. 17. C’est la situation en l’espèce.
Le droit compensateur se maintient à l’encontre de NHCI pour refléter la
portion restante non comptabilisée de la subvention qui lui a été accordée,
conformément à la méthode normale pour les subventions non récurrentes. Il
n’existe pas de lien logique entre cette répartition et les programmes qui
avantagent les autres sur le marché, lesquels autres d’ailleurs n’existent pas,
et encore moins entre cette répartition et les entrants possibles dans l’avenir.
Dans les réexamens, le DOC est centré sur le subventionnement futur
« probable ». En tout premier lieu, l’enquête concerne l’importation
« possible » par des sociétés non enquêtées qui pourraient échapper à
l’ordonnance. Le Tribunal du commerce international a indiqué clairement que,
dans un réexamen, le terme « likely » équivaut à « probable ».
Usinor Industeel,
S.A. v. U.S., 2002 Ct. Int’l Trade Lexis 41, Slip Op. 2002-39 (Ct. Int’l Trade
29 avril 2002). Ainsi que le soutient le GDQ, « Un taux applicable à tous les
autres n’est pas fondé sur une évaluation de la probabilité. C’est simplement
une construction arithmétique, une moyenne des taux spécifiques aux sociétés qui
vise à servir d’approximation pour les sociétés non enquêtées … » Décision sur
le renvoi, p. 10.
Le débat concernant le choix du taux approprié appuie la position du groupe
spécial qu’aucun taux n’est approprié. L’utilisation de l’avantage restant non
comptabilisé de la subvention à NHCI ou la mise en rapport avec la subvention
originale à NHCI semble ne pas avoir de lien logique avec tout autre exportateur
potentiel. Donc, le groupe spécial conclut que, dans les circonstances de
l’espèce, la communication par le DOC d’un taux applicable à tous les autres
n’est ni appuyée sur une preuve substantielle ni conforme à la loi.
3. LA DÉCISION DU DOC CONCERNANT MAGNOLA
Dans sa décision originale, le groupe spécial a renvoyé la décision du DOC de
ne pas faire enquête sur un nouveau producteur, Magnola, parce qu’il estimait
que la justification donnée par le DOC, à savoir que Magnola n’était pas une « partie
intéressée » au sens de 19 U.S.C. § 1677(9)(A), était insuffisante et non
pertinente par rapport à sa décision de ne pas enquêter sur les allégations de
nouvelles subventions passibles de mesures compensatoires dans le cadre du
réexamen. Le groupe spécial a expressément donné au DOC la directive de
déterminer si Magcorp avait établi un motif valable pour lequel le DOC devrait
considérer les allégations formulées par Magcorp de nouvelles subventions
passibles de mesures compensatoires conformément à l’article 752(b)(2)(B) de la
loi, 19 U.S.C. § 1675a(b)(2)(B). Décision du groupe spécial, pp. 33 et 34.
Sur le renvoi, le DOC, après avoir considéré chacun des divers éléments de
preuve présentés par Magcorp, a conclu qu’il n’y avait pas de motif valable
d’enquêter sur les subventions qu’aurait reçues Magnola, parce qu’il n’y avait
pas d’indication que Magnola ait produit la marchandise en cause. Le DOC a
indiqué : [TRADUCTION] « Le fait que Magnola a prévu devenir un producteur de la
marchandise en cause à un certain moment dans l’avenir n’est pas un fondement
permettant de conclure que des ventes à l’exportation vers les États-Unis de la
marchandise en cause sont probables. » Décision sur le renvoi, p. 13. Le DOC a
noté : « En l’absence de production commerciale de la marchandise en cause, il
n’existe pas de fondement suffisant pour conclure que des ventes futures sont
probables. » Id. Le DOC a encore conclu : « puisque le dossier ne contient pas
de preuve qu’à l’époque de ces réexamens, Magnola avait commencé la production
commerciale de magnésium pur ou d’alliage de magnésium, sans parler de
l’exportation de la marchandise aux États-Unis… Magnola n’était pas un
producteur ou un exportateur "visé par l’examen" dans le contexte de l’article 752(b)(2)(B). »
Id.
Le groupe spécial
conclut que la décision du DOC sur le renvoi au sujet de cette question s’appuie
sur une preuve substantielle et est conforme à la loi. Précisément, nous
convenons avec le DOC qu’il ne peut y avoir de motif valable d’enquêter sur des
programmes qui, selon des allégations nouvelles, fourniraient des subventions
passibles de mesures compensatoires s’il est allégué que les programmes ne
bénéficient qu’à un seul nouveau producteur qui n’a pas encore commencé la
production commerciale, et encore moins commencé à effectuer des ventes. Nous
estimons que cette conclusion est appuyée par la deuxième partie de l’article
752(b)(2)(B), qui dispose que le DOC considérera les programmes visés par des
allégations nouvelles [TRADUCTION] « seulement dans la mesure où [le DOC] prend
une décision positive d’instituer un droit compensateur à l’égard de ces
programmes et à l’égard des exportateurs ou producteurs visés par l’examen ». Si
le seul bénéficiaire des programmes visés par des allégations nouvelles n’a pas
encore commencé à produire ou à exporter et donc ne peut être visé par le
réexamen, il ne peut exister de motif valable d’enquêter sur ces programmes
selon la loi.
Pour ces motifs, le groupe spécial confirme la décision du DOC sur le renvoi
au sujet de cette question.
CONCLUSION
Le groupe spécial renvoie l’affaire au DOC avec la directive de modifier sa
décision en supprimant la communication d’un taux applicable à tous les autres.
Le groupe spécial donne également au DOC la directive de déposer sa nouvelle
décision sur le renvoi dans les 45 jours suivant la date de la présente
ordonnance.
ORIGINAL SIGNÉ PAR :
|
Charles Owen Verrill, Jr., président |
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Charles Owen Verrill, Jr., président |
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Edward Chiasson
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Edward Chiasson, c.r. |
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Michael House
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Michael House |
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Donald Brown |
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Donald Brown, c.r. |
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Edward Farrell
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Edward Farrell |
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