ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN
GROUPE SPÉCIAL ARBITRAL INSTITUÉ CONFORMÉMENT AU CHAPITRE 20
DANS L’AFFAIRE:
DES SERVICES TRANSFRONTIÈRES DE CAMIONNAGE |
(Dossier du Secrétariat
no USA-MEX-98-2008-01)
|
C. Services
241. D’après le Groupe spécial, la question clé sous le rapport des
services est celle de savoir si les États-Unis ont enfreint les articles
1202 (traitement national en matière de services transfrontières) et 1203
(traitement de la nation la plus favorisée en matière de services
transfrontières) de l’ALÉNA en ne levant pas leur moratoire sur l’examen
des demandes de permis d’exploitation dans les États frontaliers
américains déposées par les entreprises de camionnage appartenant à des
personnes du Mexique. Étant donné que le délai programmé pour la réserve
formulée à l’annexe I par les États-Unis à l’égard du commerce
transfrontières des services de camionnage a expiré le 17 décembre 1995,
le maintien du moratoire doit être justifié soit par les dispositions des
articles 1202 et 1203, soit par d’autres dispositions de l’ALÉNA, par
exemple celles du chapitre 9 (mesures normatives) ou de l’article 2101
(exceptions générales). Comme aucune des Parties ne soutient que l’annexe
I prévoit une exception qui justifierait par ailleurs les mesures
américaines et comme les États-Unis – ainsi qu’il a été dit plus haut – se
sont abstenus d’invoquer le chapitre 9, les thèses des parties sont en
grande mesure fondées sur leur interprétation des articles 1202, 1203 et
2101.
1. Positions des Parties
242. Les États-Unis soutiennent que la réglementation mexicaine du
camionnage ne repose pas sur des normes aussi rigoureuses que leur propre
réglementation et celle du Canada et que, par conséquent, l’expression «
dans des circonstances analogues » de l’article 1202 signifie qu’« il est
permis de soumettre les fournisseurs [mexicains] de services à un
traitement différent afin d’atteindre un objectif légitime de
réglementation ».266 De plus, puisque la réglementation canadienne est «
équivalente » à celle des États-Unis, ceux-ci n’enfreindraient pas les
dispositions de l’article 1203 touchant le traitement de la nation la plus
favorisée en accordant aux entreprises canadiennes de camionnage, qui se
trouvent « dans des circonstances analogues » à celles de leurs homologues
américaines, un traitement plus favorable que celui qu’ils accordent aux
transporteurs mexicains.267 Les États-Unis estiment également applicable
l’article 2101, qui prévoit des exceptions générales aux obligations
découlant de l’ALÉNA et peut être invoqué pour justifier « des mesures
nécessaires pour assurer l’application des lois et règlements [...] qui
ont trait à la santé, à la sécurité et à la protection des consommateurs
».268 Les États-Unis n’ont pas excipé du chapitre 9, mais le Mexique aussi
bien que le Canada ont soulevé des questions relatives à ce chapitre. Nous
examinerons donc brièvement ce chapitre plus loin.
243. Le Mexique conteste vigoureusement l’interprétation américaine des
articles 1202 et 1203, mais sans soutenir que sa réglementation soit
équivalente à celle des États-Unis ou du Canada.269 Selon le Mexique, les
entreprises mexicaines de camionnage devraient jouir des mêmes droits que
ceux qui sont garantis aux transporteurs américains par les lois
américaines, c’est-à-dire « du droit d’être évalués en fonction de leurs
dossiers individuels et d’un droit de recours sans réserves contre le
rejet de leurs demandes de permis d’exploitation ».270 Toute autre façon de
faire enfreint les articles 1202 et 1203. Au cours des négociations dont
l’ALÉNA est issu, il était entendu pour les gouvernements des deux pays
que les transporteurs routiers devraient se conformer intégralement aux
règles du pays dans lequel ils fourniraient des services. Toutefois, il
n’a pas été question de subordonner les obligations des Parties à
l’exécution complète du programme de travail axé sur l’harmonisation des
mesures normatives271 ou à l’adoption d’une réglementation identique par le
Mexique.272 Allant au-devant d’un argument que les États-Unis n’ont en fin de
compte pas fait valoir, le Mexique a expliqué que ceux-ci ne pouvaient
invoquer le chapitre 9, parce qu’ils n’avaient pas essayé de justifier
leur moratoire conformément à la procédure que prescrit ce chapitre.273 Les
États-Unis ne pouvaient non plus invoquer l’article 2101, parce que les
exceptions qu’il prévoit ne s’appliquent qu’aux mesures nécessaires pour
assurer l’application de lois ou de règlements par ailleurs compatibles
avec l’ALÉNA, lois ou règlements qui n’existaient pas dans la présente
espèce.274 Par conséquent, aucune disposition de l’ALÉNA ne justifiait le
refus général d’accès opposé aux transporteurs mexicains.
244. Le Canada, qui a exercé le droit de participation que lui confère
l’article 2013, est pour l’essentiel d’accord avec le Mexique et affirme
que l’interprétation de l’article 1202 doit reposer avant tout sur une
comparaison entre une entreprise étrangère fournissant des services
transfrontières (en l’occurrence, une entreprise mexicaine fournissant des
services aux États-Unis) et une entreprise fournissant des services dans
son propre pays. Le Canada soutient de plus qu’en opposant un refus «
général » aux transporteurs mexicains qui demandent un permis
d’exploitation pour offrir des services de camionnage transfrontières, les
États-Unis leur accorderaient nécessairement un traitement moins favorable
que celui qu’ils accordent aux fournisseurs américains de services de
camionnage dans des circonstances analogues.275 Le Canada fait en outre
valoir que les États-Unis ne peuvent invoquer le chapitre 9 parce que les
niveaux de protection établis en vertu de ce chapitre doivent être
compatibles avec les prescriptions relatives au traitement national de
l’article 1202 et les autres dispositions de l’ALÉNA.276
245. Le Groupe spécial note que, bien qu’on ait soutenu le contraire277, il
n’existe pas de désaccord important sur les faits pour ce qui concerne les
réglementations américaine, canadienne et mexicaine du camionnage. Les
États-Unis ont consacré une partie considérable de leurs mémoires à
l’exposition de la nature de la réglementation américaine, des
ressemblances de celle-ci avec la réglementation canadienne, et des
différences entre d’une part les deux systèmes et d’autre part celui du
Mexique, dont ils ont noté les insuffisances qu’ils lui imputent.278 Les
États-Unis soutiennent que la réglementation mexicaine est
considérablement moins efficace que celles actuellement en vigueur aux
États-Unis et au Canada pour ce qui est d’assurer la sécurité routière par
divers mécanismes de contrôle des conducteurs et des véhicules –
inspections obligatoires, délivrance de permis de conduire pour véhicules
utilitaires, carnets de route et ainsi de suite : « il n’existe pas encore
[au Mexique] de procédures propres à garantir la sécurité routière aux
États-Unis ».279 Cependant, les Parties ne sont pas d’accord sur les
conséquences des différences de leurs réglementations. Les États-Unis et
le Mexique ont tenu des consultations approfondies concernant les services
de camionnage et la réalisation des objectifs réglementaires, comme le
démontre amplement le dossier de la présente espèce.280 Mais là, bien sûr,
n’est pas la question. La question est celle de savoir si la décision
américaine de refuser d’examiner les demandes des fournisseurs mexicains
de services considérés collectivement est compatible avec les obligations
applicables découlant de l’ALÉNA pour les États-Unis.
2. Analyse du Groupe spécial
246. Le paragraphe pertinent de l’article 1202 est ainsi libellé : « 1.
Chacune des Parties accordera aux fournisseurs de services d’une autre
Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde à ses
propres fournisseurs de services dans des circonstances analogues ».281 De
même l’article 1203 porte ce qui suit : « Chacune des Parties accordera
aux fournisseurs de services d’une autre Partie un traitement non moins
favorable que celui qu’elle accorde, dans des circonstances analogues, aux
fournisseurs de services de toute autre Partie ou d’un pays tiers ».282
247. Les articles 1202 et 1203 formulent les obligations du traitement
national (traitement égal des étrangers et des nationaux) et du traitement
de la nation la plus favorisée (traitement égal des ressortissants d’États
étrangers différents). Ni les États-Unis ni le Mexique ne contestent la
valeur en droit de ces obligations. Dans sa formulation la plus concise,
le désaccord entre les États-Unis d’une part, et d’autre part le Mexique
et le Canada, porte sur le point de savoir si l’expression « dans des
circonstances analogues » (ou une autre exception au traitement national
ou au traitement de la nation la plus favorisée, ou une autre clause
limitative de ces obligations) autorise les États-Unis à refuser l’accès
aux entreprises mexicaines de camionnage considérées collectivement,
indépendamment de leurs dossiers individuels, jusqu’à ce que la
réglementation intérieure du Mexique soit approuvée par les États-Unis. On
pourrait aussi formuler le différend comme portant sur la question de
savoir si les États-Unis sont ou non tenus d’examiner une à une les
demandes des transporteurs mexicains souhaitant obtenir un permis
d’exploitation sur le territoire américain afin d’établir dans chaque cas
si le demandeur remplit ou non les normes auxquelles doivent se conformer
les transporteurs exerçant une activité aux États-Unis. Ce désaccord
repose quant à lui sur l’interprétation et la portée de l’expression «
dans des circonstances analogues », c’est-à-dire sur le point de savoir si
la comparaison peut être appliquée aux « fournisseurs de services »
considérés collectivement du point de vue de leur nationalité ou doit
plutôt être appliquée aux demandeurs de permis pris individuellement.
248. L’article 1202 prescrit à chacune des Parties d’accorder aux
fournisseurs de services d’une autre Partie un traitement non moins
favorable que celui qu’elle accorde à ses propres fournisseurs de services
dans des circonstances analogues. Étant donné que, conformément à leurs
propres lois, les États-Unis examinent une à une les demandes de permis
d’exploitation provenant d’entreprises de transports détenues par des
personnes des États-Unis (ou du Canada) et domiciliées aux États-Unis (ou
au Canada), leur refus général d’examiner individuellement les demandes de
permis d’exploitation déposées par les fournisseurs mexicains de services
de camionnage semble incompatible avec l’obligation du traitement national
découlant de l’ALÉNA pour les États-Unis (et avec l’obligation du
traitement de la nation la plus favorisée, puisque les transporteurs
canadiens sont aussi considérés individuellement).
249. Pour interpréter l’expression « dans des circonstances analogues »
des articles 1202 et 1203, le Groupe spécial a cherché des indications
dans d’autres accords où l’on trouve des expressions semblables. Les
Parties ne contestent pas qu’il avait été attribué à l’expression susdite
un sens voisin de celui des termes « services et fournisseurs de services
analogues » qui avaient été proposés par le Canada et le Mexique au cours
des négociations ayant mené à l’ALÉNA.283 De plus, les États-Unis
soutiennent, sans que le Mexique le conteste, que l’expression « dans des
circonstances analogues » n’est pas différente quant au fond de
l’expression « dans des situations analogues » employée dans les traités
bilatéraux sur l’investissement.284 Chose plus importante encore, aucune des
Parties ne soutient que l’expression « dans des circonstances analogues »
doive être entendue au chapitre 12 de l’ALÉNA dans un sens différent de
celui qu’elle avait dans l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis
(ALÉ). Le Mexique fait observer que l’ALÉ est la « source immédiate » de
l’emploi de l’expression « dans des circonstances analogues » aux articles
1202 et 1203 de l’ALÉNA.285 De leur côté, les États-Unis ont invoqué les
dispositions de l’ALÉ précisant la portée de l’obligation du traitement
national à l’appui d’une interprétation de l’expression employée dans
l’ALÉNA qui autoriserait un traitement différencié dans les cas où le
justifient des objectifs réglementaires légitimes.286 Les Parties ne
contestent pas non plus que l’application du principe général du
traitement différencié puisse se justifier et être compatible avec les
obligations de traitement national d’une Partie.
250. L’article 1402 de l’ALÉ se révèle instructif dans ce contexte. On y
trouve une exposition de l’obligation du traitement national appliquée aux
services plus détaillée que dans les dispositions correspondantes de
l’ALÉNA :
1. Sous réserve du paragraphe 3, chaque Partie accordera aux personnes de
l’autre Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde
à ses personnes dans des circonstances analogues en ce qui a trait aux
mesures couvertes par le présent chapitre [services, investissement et
autorisation de séjour temporaire].
[...]
3. Nonobstant les paragraphes 1 et 2, le traitement qu’une Partie accorde
aux personnes de l’autre Partie peut différer de celui qu’elle accorde à
ses personnes, pourvu
a) que la différence de traitement ne soit pas plus importante que ce qui
est nécessaire pour des considérations de gestion prudente, de fiducie, de
santé et de sécurité, ou de protection des consommateurs;
b) que le traitement différent en question équivaille en pratique au
traitement que la Partie accorde à ses personnes pour mêmes
considérations; et
c) que notification préalable du traitement envisagé ait été donnée,
conformément à l’article 1803.
En outre, l’ALÉ attribuait à la Partie accordant ou envisageant d’accorder
un traitement différencié en vertu du paragraphe cité ci-dessus la charge
de faire la preuve que ledit traitement était compatible avec ce
paragraphe.287
251. Le Groupe spécial note que l’ALÉ prévoit une limitation plus
détaillée et plus précise du droit de toute Partie de déroger à ses
obligations de traitement national que n’en stipule le texte plus court de
l’article 1202. Cependant, le Groupe spécial observe aussi que le groupe
spécial du GATT saisi de l’affaire de l’article 337 a interprété des
obligations semblables de traitement national dans un sens qui autorise
l’application aux importations de certaines prescriptions différentes de
celles dont font l’objet les produits d’origine nationale;288 en effet, un
traitement identique des marchandises importées et des marchandises
d’origine nationale n’est pas nécessairement requis pour ce qui concerne
les atteintes aux droits de propriété intellectuelle. Inversement, le
groupe spécial appelé à décider l’affaire de l’article 337 a aussi
constaté que des prescriptions à l’importation formellement identiques
peuvent en fait donner lieu à un traitement moins favorable dans des
circonstances déterminées.289
252. Le Groupe spécial a ensuite examiné les dispositions applicables de
l’ALÉNA pour caractériser, à l’égard des dispositions régissant la
prestation de services transfrontières de camionnage en provenance du
Mexique et à destination des États-Unis, d’une part les fournisseurs de
services du Mexique, et d’autre part les fournisseurs de services des
États-Unis prestant des services de camionnage aux États-Unis. Aux termes
de l’article 1213, l’expression « fournisseur de services d’une Partie »
s’entend de toute personne d’une Partie qui cherche à fournir ou qui
fournit un service. Selon l’article 201, l’expression « personne d’une
Partie » s’entend d’un ressortissant ou d’une entreprise d’une Partie, et
l’expression « entreprise d’une Partie » désigne une entreprise constituée
ou organisée aux termes de la législation d’une Partie. À partir de ces
définitions, le Groupe spécial a examiné les faits incontestés consignés
au dossier selon lesquels le service essentiel en question est le
transport à des fins commerciales, par des fournisseurs de services du
Mexique, de marchandises en provenance du Mexique et à destination de
points situés sur le territoire des États-Unis.
253. Ce service essentiel comprend actuellement les éléments suivants : 1)
services de camionnage comportant le transport de marchandises au moyen
d’un véhicule tracteur et d’une remorque d’un point du Mexique à un point
des États-Unis; et 2) services de camionnage dans lesquels une remorque en
provenance du Mexique est transférée d’un tracteur mexicain à un tracteur
américain dans une zone commerciale frontalière à partir de laquelle le
transport se poursuit jusqu’à un autre point des États-Unis. Les services
de camionnage considérés comprennent aussi le transit par les États-Unis
de camions mexicains en provenance du Mexique et à destination du Canada.
Ceux qui souhaitent fournir ou fournissent de tels services sont les «
fournisseurs de services » considérés dans la présente espèce. Les
fournisseurs de services des États-Unis sont les entreprises de camionnage
appartenant à des personnes des États-Unis ou domiciliées aux États-Unis.
C’est au traitement accordé à ces fournisseurs nationaux de services de
camionnage par les autorités américaines de réglementation qu’il faut
comparer le traitement qu’elles octroient aux fournisseurs mexicains de
services semblables demandant un permis d’exploitation sur le territoire
américain pour établir si les États-Unis accordent le traitement national.
254. Il n’est pas contesté que les États-Unis interdisent l’examen des
demandes de la plupart des fournisseurs mexicains de services souhaitant
prester des services de camionnage à partir du Mexique vers des points des
États-Unis situés hors des zones commerciales frontalières.290 Or,
l’obligation qui découle pour les États-Unis de l’article 1202 de l’ALÉNA
est d’accorder un traitement non moins favorable aux fournisseurs de
services du Mexique. Il ressort des faits incontestés que les États-Unis
ne s’acquittent pas de cette obligation. Les États-Unis, malgré les
insuffisances invoquées de la réglementation mexicaine du camionnage, ont
autorisé à rouler librement sur leur territoire environ 150 transporteurs
domiciliés au Mexique ayant déclaré une participation majoritaire
d’intérêts américains, cinq transporteurs domiciliés au Mexique et détenus
par des personnes du Mexique bénéficiant de droits acquis en vertu de la
loi américaine, ainsi qu’un transporteur domicilié au Mexique et
appartenant à des intérêts mexicains qui transite par les États-Unis à
destination du Canada.291 De même, jusqu’en 1999, soit quatre ans après
qu’eussent dû être levées en application de l’annexe I les restrictions
frappant les services transfrontières de camionnage, les États-Unis ont
autorisé les transporteurs américains à louer des camions mexicains et les
services de camionneurs mexicains à des fins d’exploitation aux
États-Unis.292 Certaines entreprises mexicaines de factage sont autorisées à
fournir des services dans les seules étroites limites des zones
commerciales frontalières, et il leur est entièrement interdit de
transporter des marchandises à destination d’autres points des États-Unis.
Ces transporteurs font l’objet d’un traitement différent, pour des raisons
commerciales et du fait des préoccupations américaines touchant la
sécurité.293
255. Cependant, tous les autres fournisseurs mexicains de services de
camionnage – probablement des centaines ou même des milliers d’entreprises
– se voient refuser l’accès aux États frontaliers américains depuis le 17
décembre 1995, malgré les obligations découlant de l’annexe I et des
articles 1202 et 1203.
256. Par conséquent, les États-Unis, s’ils accordent un traitement non
moins favorable à ce nombre très restreint de fournisseurs mexicains de
services, ne s’acquittent pas de leur obligation d’accorder un traitement
non moins favorable aux autres fournisseurs mexicains de services de
camionnage, qui continuent de faire l’objet du moratoire. Le refus général
des États-Unis d’examiner les demandes de permis d’exploitation formulées
par les autres transporteurs mexicains, refus motivé par des
préoccupations de sécurité, ne cadre pas avec les exceptions susdites au
moratoire ni avec le traitement qu’ils accordent aux transporteurs
nationaux.
257. Il s’ensuit que, en l’absence d’autres justifications, le moratoire
appliqué par les États-Unis à l’examen des demandes de permis depuis le 17
décembre 1995 constituerait un manquement de jure à l’obligation du
traitement national découlant de l’article 1202. Cependant, les États-Unis
invoquent pour justifier ce moratoire les termes « dans des circonstances
analogues » et une interprétation de l’ALÉNA qui autoriserait un
traitement différencié motivé par des objectifs légitimes de
réglementation touchant la sécurité.
258. Le Groupe spécial a fait observer plus haut que l’expression « dans
des circonstances analogues » peut être considérée à bon droit comme
autorisant un traitement différencié sous réserve des conditions
spécifiées à l’article 1402 de l’ALÉ. Cependant, le Groupe spécial
n’oublie pas pour autant les dispositions de l’article 102 de l’ALÉNA,
dont le paragraphe 2 dit en toutes lettres que « [l]es Parties
interpréteront et appliqueront les dispositions du présent accord à la
lumière des objectifs énoncés au paragraphe 1 et en conformité avec les
règles applicables du droit international ». Le premier des objectifs de
l’ALÉNA énumérés au paragraphe 1 consiste « à éliminer les obstacles au
commerce des produits et des services entre les territoires des Parties et
à faciliter le mouvement transfrontières de ces produits et services ».294
Ces objectifs sont définis de manière plus précise par le moyen des
principes et des règles de l’ALÉNA, notamment le traitement national. En
outre, les dispositions de l’ALÉNA doivent être interprétées, non
seulement à la lumière de ses objectifs, mais aussi en conformité avec les
règles applicables du droit international. Étant donné ces exigences et le
fait que la même expression ait été employée dans l’ALÉ, le Groupe spécial
est d’avis qu’une interprétation judicieuse de l’article 1202 suppose que
le traitement différencié ne dépasse pas la mesure nécessaire pour la
réalisation d’objectifs légitimes de réglementation tels que la sécurité
et que ce traitement différencié soit équivalent à celui qui est accordé
aux fournisseurs nationaux de services. Dans le contexte de ces objectifs,
le Groupe spécial estime peu vraisemblable qu’on puisse s’autoriser de
l’expression « dans des circonstances analogues » des articles 1202 et
1203 pour maintenir au commerce entre des Parties à l’ALÉNA un obstacle
aussi important qu’une prohibition à la prestation de services
transfrontières de camionnage.
259. De même, le Groupe spécial n’oublie pas qu’une interprétation
libérale de l’expression « dans des circonstances analogues » risquerait
de vider de leur sens les articles 1202 et 1203. Si, par exemple, les
réglementations de deux Parties de l’ALÉNA devaient être identiques en
substance pour que le traitement national soit accordé, relativement peu
de fournisseurs de services auraient droit en fin de compte à ce
traitement. Par conséquent, le Groupe spécial conclut que la thèse
américaine, selon laquelle l’expression « dans des circonstances analogues
» autoriserait le maintien du moratoire sur l’examen des demandes de
permis d’exploitation aux États-Unis présentées par les transporteurs
domiciliés au Mexique et appartenant à des personnes du Mexique, constitue
une interprétation trop libérale de cette expression.
260. Les États-Unis font aussi valoir que l’article 2101 les autoriserait
à refuser d’examiner les demandes de permis de fournisseurs mexicains de
services de camionnage pour des raisons de sécurité. Or, l’opinion du
Groupe spécial selon laquelle l’expression « dans des circonstances
analogues », en tant qu’exception, doit faire l’objet d’une interprétation
restrictive, s’applique également à l’article 2101. Dans ce contexte, la
jurisprudence du GATT et de l’OMC, abondamment alléguée par les Parties,
et le texte de l’ALÉ se révèlent tous deux instructifs. Si le chapitre 12
ne comporte pas de dispositions limitant explicitement la portée de
l’expression « dans des circonstances analogues », le libellé de
l’exception générale du paragraphe 2101(2) qu’invoquent les États-Unis
suit de près le texte de l’article XX du GATT et ressemble à la clause de
l’ALÉ limitant les exceptions au traitement national aux cas où « la
différence de traitement [n’est] pas plus importante que ce qui est
nécessaire pour des considérations [...] de santé et de sécurité, ou de
protection des consommateurs ».295
261. Rappelons le passage pertinent du paragraphe 2101(2) :
À condition que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer
soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifié entre des pays où
les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce
[international] entre les Parties, aucune disposition [...] du chapitre 12
(Commerce transfrontières des services) [...] ne sera interprétée comme
empêchant l’adoption ou l’application par toute Partie des mesures
nécessaires pour assurer l’application des lois et règlements qui ne sont
pas incompatibles avec les dispositions du présent accord, et notamment
des lois et règlements qui ont trait à la santé, à la sécurité et à la
protection des consommateurs.
262. On voit donc que, selon l’article 2101, les mesures de sécurité
adoptées par une Partie – telles que le moratoire sur l’examen des
demandes de permis d’exploitation aux États-Unis provenant de fournisseurs
mexicains de services de camionnage – ne sont justifiées que pour autant
qu’elles sont « nécessaires pour assurer l’application » des lois et
règlements qui sont par ailleurs compatibles avec l’ALÉNA. La
jurisprudence du GATT et de l’OMC se révèle encore utile en l’occurrence,
cette fois pour déterminer le sens du terme « nécessaires ».
263. Le membre de phrase équivalent de l’article XX du GATT – «
nécessaires pour assurer le respect » – a fait l’objet d’une
interprétation stricte dans de nombreuses décisions du GATT et de l’OMC,
notamment les suivantes : États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière
de 1930,296 Canada – Certaines mesures concernant les périodiques,297 États-Unis
– Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules298 et États-Unis
– Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains
produits à base de crevettes.299 Le Mexique fait observer que les États-Unis
ont invoqué l’interprétation de l’expression « nécessaires pour assurer le
respect » donnée dans les décisions relatives à l’essence nouvelle et
ancienne formules et à l’article 337 contre les thèses du Canada dans
l’affaire des périodiques, encore que le groupe spécial n’ait pas examiné
ce point dans cette dernière affaire.300 Le Mexique donne ainsi à entendre
que les États-Unis comptent parmi les pays favorables à une interprétation
restrictive des exceptions.
264. Dans l’affaire des périodiques, le Canada avait soutenu que sa
prohibition à l’importation de certains périodiques était justifiée en
vertu du paragraphe XX(d) du GATT en tant que mesure « nécessaire pour
assurer le respect des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles
avec les dispositions du présent Accord ». Il avait fait valoir que cette
restriction constituait un aspect important d’une politique
gouvernementale visant à récompenser par un accroissement de leurs
recettes publicitaires les périodiques à contenu rédactionnel établi pour
le marché canadien. Cette politique prévoyait parallèlement une déduction
d’impôts pour la publicité axée sur le marché canadien, qui perdait son
sens si les périodiques pouvaient être importés. Le groupe spécial de
l’OMC a rejeté cette interprétation et s’est prononcé en faveur des
États-Unis. Il a conclu que la mesure canadienne ne visait pas à assurer
le respect d’une autre loi et n’était donc pas légitimée par le paragraphe
XX(d) du GATT.301
265. Dans l’affaire de l’essence nouvelle et ancienne formules, l’Organe
d’appel de l’OMC a conclu que l’introduction de l’article XX, interdisant
que les mesures incompatibles avec le GATT soient appliquées de façon à
constituer un moyen de discrimination injustifiable ou une restriction
déguisée au commerce international, exige de la Partie désirant se
prévaloir de l’article XX qu’elle adopte, parmi les mesures dont elle
dispose raisonnablement, celle qui comporte le moindre degré
d’incompatibilité avec le GATT. Ainsi, au lieu d’appliquer des
réglementations moins favorables aux entreprises étrangères de raffinage
exportant de l’essence vers les États-Unis, ceux-ci auraient pu essayer de
conclure des accords de coopération avec le Venezuela et le Brésil.302
266. Le Groupe spécial se trouve ainsi amené à faire observer par analogie
que les États-Unis, dans le cadre des mesures prises avant le 17 décembre
1995, n’ont pas déployé d’efforts suffisants pour trouver aux problèmes de
sécurité qu’ils estimaient se poser une solution moins restrictive pour le
commerce que le maintien du moratoire.
267. Dans l’affaire des crevettes, l’Organe d’appel de l’OMC a rejeté le
critère strict appliqué par les fonctionnaires des États-Unis pour décider
si certains autres pays seraient certifiés comme mettant en oeuvre des
méthodes de pêche propres à assurer la protection des tortues marines,
critère qui les investissait en fait du pouvoir d’accorder ou de refuser
le droit d’exporter des crevettes aux États-Unis. Selon l’Organe d’appel,
« il n’est pas acceptable, dans les relations commerciales
internationales, qu’un Membre de l’OMC impose un embargo économique pour
contraindre d’autres Membres à adopter essentiellement le même programme
de réglementation global, afin de réaliser un objectif particulier, comme
celui qu’il a défini sur son territoire, sans tenir compte des conditions
différentes qui peuvent exister sur le territoire de ces autres Membres ».303
L’Organe d’appel s’est aussi inscrit en faux contre l’idée qu’un Membre
puisse essayer de dicter un programme de réglementation à un autre Membre
en lui refusant l’accès à son marché, dans le cas où le GATT dispose par
ailleurs que cet accès doit être accordé. Dans la présente espèce, le
Mexique conteste le moratoire et la position juridique des États-Unis au
motif que ceux-ci procèdent l’un et l’autre de l’idée que seule l’adoption
par le Mexique d’une réglementation du camionnage entièrement compatible
avec la leur les obligerait à mettre fin à ce moratoire.304
268. Dans ce cas non plus, on ne trouve au dossier aucun élément tendant à
prouver que les États-Unis auraient envisagé d’autres mesures plus
acceptables et moins restrictives pour le commerce, sauf pour ce qui
concerne les fournisseurs mexicains de services exemptés de l’application
du moratoire.
269. Le Groupe spécial est dans l’ensemble d’accord avec le Mexique pour
dire que, conformément à la jurisprudence du GATT et de l’OMC et aux
dispositions de l’article 2101, tout moratoire américain sur l’examen des
demandes mexicaines de permis d’exploitation, pour être compatible avec
l’ALÉNA, doit assurer le respect d’une autre loi ou d’un autre règlement
non discriminatoire, doit être nécessaire pour assurer ce respect et ne
doit constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ou injustifié ni
une restriction déguisée au commerce international.305
270. De plus, alors que selon la jurisprudence du GATT et de l’OMC, une
Partie « a l’obligation d’utiliser, parmi les mesures dont elle dispose
raisonnablement, celle qui comporte le moindre degré d’incompatibilité
avec les autres dispositions »,306 les États-Unis n’ont pas démontré dans la
présente espèce qu’il n’existait pas pour eux d’autres moyens d’atteindre
leurs objectifs de sécurité qui seraient plus compatibles avec l’ALÉNA que
le moratoire. En fait, l’application et l’utilisation d’exceptions
sembleraient démontrer l’existence d’autres moyens moins restrictifs pour
le commerce.
271. C’est dans une grande mesure parce qu’il a été examiné par le Mexique
et le Canada que le chapitre 9 est pertinent dans la présente espèce. Les
États-Unis, quant à eux, ne l’ont pas invoqué.307 D’ailleurs, le Groupe
spécial note qu’aucune des Parties ne met en question le droit des Parties
à l’ALÉNA d’établir les niveaux de protection qu’elles estiment appropriés
pour atteindre « des objectifs légitimes de sécurité » ou protéger la
santé ou la vie des personnes.308 Ce droit est établi dans la partie III
(Obstacles techniques au commerce), qui comprend le chapitre 9.
L’application du chapitre 9 est explicitement étendue aux services, et ce
chapitre prévoit expressément l’institution d’un Sous-comité des normes
relatives aux transports terrestres, de même que le programme de travail
de celui-ci. Ainsi, l’article 904 confère aux États-Unis le droit de fixer
un niveau de protection relativement à leurs préoccupations de sécurité en
adoptant des mesures normatives, « nonobstant toute autre disposition du
présent chapitre », à la seule condition qu’ils le fassent conformément au
paragraphe 907(2), qui prévoit la faculté (et non l’obligation) de
procéder à une évaluation des risques et encourage les Parties à éviter de
faire des distinctions arbitraires ou injustifiées entre produits ou
services semblables dans les niveaux de protection qu’elles envisagent
d’établir.
272. Cependant, il est important d’insister sur le fait que les mesures
prises par une Partie en vertu de l’article 904 doivent l’être « en
conformité avec le présent accord », notamment avec les dispositions
relatives au traitement national de l’article 1202 et les prescriptions
concernant le traitement de la nation la plus favorisée de l’article 1203.309
273. Pour ce qui concerne l’annexe I, le Groupe spécial estime peu
convaincantes les diverses thèses fondées sur les problèmes et
préoccupations de sécurité par lesquelles les États-Unis veulent justifier
l’inexécution de l’obligation, découlant pour eux de l’annexe I,
d’autoriser la prestation de services transfrontières de services de
camionnage dans les États frontaliers américains à compter du 17 décembre
1995.310 Premièrement, l’annexe I n’assortit d’aucune exception ou condition
l’élimination des mesures non conformes, sauf quant à la date qui y est
fixée.311 Deuxièmement, l’article 105 dispose que « [l]es Parties feront en
sorte que toutes les mesures nécessaires soient prises pour donner effet
aux dispositions du présent accord ». Le fait que les États-Unis ne
puissent, pour des raisons budgétaires ou autres, envoyer des « enquêteurs
en matière de sécurité » au Mexique ne les exempte pas des obligations
découlant pour eux de l’ALÉNA, étant donné en particulier qu’ils
connaissaient bien l’état de réglementation mexicaine au moins depuis
l’achèvement des négociations ayant mené à l’ALÉNA, c’est-à-dire depuis
septembre 1992.
274. Il ressort aussi à l’évidence du dossier de la présente procédure que
les États-Unis étaient parfaitement conscients pendant les négociations
dont l’ALÉNA est issu que la réglementation mexicaine du camionnage était
à bien des égards insuffisante de leur point de vue et qu’il faudrait bien
des changements pour l’améliorer sensiblement. Les États-Unis et le
Mexique ont entrepris l’exécution d’un programme de coopération destiné à
améliorer la réglementation mexicaine relative aux camions et aux
conducteurs. Les États-Unis font valoir qu’il n’a pas été fait de progrès
suffisants pour mettre fin au moratoire,312 mais les obligations découlant
pour eux de l’annexe I ne dépendent en rien du degré de progrès du Mexique
dans la réforme de sa réglementation relative à la sécurité du camionnage.
275. On ne sait pas très bien à quelles conditions les États-Unis seront
convaincus, s’ils le sont jamais, que la réglementation du Mexique a
atteint le niveau voulu pour qu’il puisse être mis fin au moratoire à
l’égard de l’ensemble des fournisseurs mexicains de services de
camionnage.313 Il est évident qu’en décembre 1995 de nombreux responsables
américains, y compris le Secrétaire aux transports, étaient certains que
les mécanismes de contrôle nécessaires étaient en place, puisque la
promulgation de dispositions réglementaires avait été annoncée, et que
d’autres mesures avaient été prises, en vue de la levée du moratoire avant
la fin de l’année, même si les États-Unis ont par la suite décidé, pour
une raison ou une autre, de le maintenir.314 Dans ce contexte, le Groupe
spécial estime peu probable, étant donné les obligations découlant pour
eux des articles 1202 et 1203 et de l’annexe I, que les États-Unis soient
fondés à opposer à l’ensemble des fournisseurs mexicains de services de
camionnage ne bénéficiant pas d’une exception à l’application du moratoire
un refus général d’examiner leurs demandes de permis d’exploitation.
276. Les mêmes considérations qu’à l’obligation du traitement national que
porte l’article 1202, examinée en détail ci-dessus, s’appliquent pour
l’essentiel à l’obligation du traitement de la nation la plus favorisée
stipulée à l’article 1203. Si l’expression « dans des circonstances
analogues » signifiait que la réglementation étrangère doit être
équivalente ou identique à la réglementation américaine, les États-Unis
ayant conclu que le régime canadien remplissait ce critère,315 les États-Unis
seraient fondés à établir une discrimination en faveur des entreprises
canadiennes de camionnage. Mais si l’expression « dans des circonstances
analogues » n’autorise pas un tel traitement, il y a infraction à
l’article 1203 aussi bien qu’à l’article 1202, puisque les transporteurs
américains et canadiens sont traités de la même manière (c’est-à-dire
considérés individuellement), tandis que les transporteurs mexicains font
l’objet d’un traitement différent. Il en va de même relativement à tout
écart possible par rapport au traitement de la nation la plus favorisée
qui serait basé sur d’autres dispositions de l’ALÉNA, par exemple
l’article 2101, examiné lui aussi plus haut.
277. Enfin, le Groupe spécial conclut que les États-Unis ne peuvent
invoquer le passage du préambule de l’ALÉNA selon lequel les Parties ont «
résolu [...] de préserver leur liberté d’action relativement à la
sauvegarde du bien public » indépendamment de l’ensemble du texte de
l’ALÉNA et de l’annexe I pour justifier un manquement aux obligations
découlant pour eux des diverses dispositions de ce texte et de cette
annexe. S’il est vrai que, comme nous l’avons vu plus haut, l’article 31
de la Convention de Vienne stipule que le préambule fait partie du «
contexte » à prendre en considération dans l’interprétation d’un traité,
rien n’indique dans l’ALÉNA que le préambule ait été conçu pour l’emporter
sur les dispositions proprement dites de cet accord. On remarquera au
contraire que les termes employés dans le préambule – « ayant résolu »
plutôt que « conviennent », « doivent » ou le futur à valeur d’impératif –
dénotent son caractère optatif ou d’exhortation. Le Groupe spécial note
aussi que, selon le préambule, les Parties ont également « résolu [...] de
créer un marché plus vaste et plus sûr pour les produits et les services
produits sur leurs territoires », résolution avec laquelle cadrent les
obligations découlant pour les États-Unis des articles 1202 et 1203 et de
l’annexe I.
278. Vu ce qui précède et l’objectif de l’ALÉNA – examiné plus haut –
consistant à faciliter l’accroissement du commerce des services, le Groupe
spécial est d’avis que le refus des États-Unis d’examiner les demandes de
permis d’exploitation n’est pas compatible avec leur obligation d’accorder
le traitement national. Par conséquent, le maintien du moratoire après le
18 décembre 1995 enfreignait les dispositions relatives au traitement
national et au traitement de la nation la plus favorisée des articles 1202
et 1203 respectivement, étant donné qu’il n’existe pas de base juridique
suffisante pour interpréter l’expression « dans des circonstances
analogues » dans un sens qui autoriserait l’application d’un moratoire aux
entreprises mexicaines de camionnage prises collectivement. En outre,
l’article 2101 ne peut être invoqué pour justifier le manquement aux
obligations du traitement national et du traitement de la nation la plus
favorisée que portent les articles susdits.
D. Investissement
279. La question dont le Groupe spécial est saisi pour ce qui concerne
l’investissement est celle de savoir si le fait pour le gouvernement
américain de n’avoir pas pris les mesures de réglementation nécessaires
pour mettre fin au moratoire sur l’investissement de personnes du Mexique
dans les sociétés fournissant des services internationaux de transport
terrestre constitue une infraction aux articles 1102, 1103, 1104 de
l’ALÉNA, ainsi libellés :
Article 1102 : Traitement national
1. Chacune des Parties accordera aux investisseurs d’une autre Partie un
traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde, dans des
circonstances analogues, à ses propres investisseurs, en ce qui concerne
l’établissement, l’acquisition, l’expansion, la gestion, la direction,
l’exploitation et la vente ou autre aliénation d’investissements.
2. Chacune des Parties accordera aux investissements effectués par les
investisseurs d’une autre Partie un traitement non moins favorable que
celui qu’elle accorde, dans des circonstances analogues, aux
investissements effectués par ses propres investisseurs, en ce qui
concerne l’établissement, l’acquisition, l’expansion, la gestion, la
direction, l’exploitation et la vente ou autre aliénation
d’investissements.
[...]
Article 1103 : Traitement de la nation la plus favorisée
1. Chacune des Parties accordera aux investisseurs d’une autre Partie un
traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde, dans des
circonstances analogues, aux investisseurs de toute autre Partie ou d’un
pays tiers, en ce qui concerne l’établissement, l’acquisition,
l’expansion, la gestion, la direction, l’exploitation et la vente ou autre
aliénation d’investissements.
2. Chacune des Parties accordera aux investissements effectués par les
investisseurs d’une autre Partie un traitement non moins favorable que
celui qu’elle accorde, dans des circonstances analogues, aux
investissements effectués par les investisseurs de toute autre Partie ou
d’un pays tiers, en ce qui concerne l’établissement, l’acquisition,
l’expansion, la gestion, la direction, l’exploitation et la vente ou autre
aliénation d’investissements.
Article 1104 : Norme de traitement
Chacune des Parties accordera aux investisseurs d’une autre Partie et aux
investissements effectués par les investisseurs d’une autre Partie le
traitement le plus favorable prévu aux termes des articles 1102 et 1103.
280. Les réserves américaines aux mesures existantes formulées au regard
des obligations découlant des articles 1102 (traitement national en ce qui
concerne l’investissement, les services et les domaines connexes) et 1103
(traitement de la nation la plus favorisée en ce qui concerne
l’investissement, les services et les domaines connexes) figurent à
l’annexe I, laquelle stipule, à propos de l’investissement, que « [l]e
moratoire a l’effet d’une restriction à l’investissement puisque les
entreprises des États-Unis qui fournissent des services de transport par
autobus ou par camion et qui sont détenues ou contrôlées par des personnes
du Mexique ne peuvent obtenir un permis d’exploitation de l’ICC ». On peut
lire ce qui suit sous la rubrique Élimination progressive de la réserve :
Une personne du Mexique sera autorisée à établir une entreprise aux
États-Unis pour fournir :
a) trois ans après la signature de l’accord [soit le 18 décembre 1995],
des services de transport par camion pour le transport de marchandises
internationales entre des points aux États-Unis; et
b) sept ans après l’entrée en vigueur de l’accord [soit le 1er janvier
2001], des services de transport par autobus entre des points aux
États-Unis.
Le moratoire demeurera en vigueur pour les permis d’exploitation visant
les services de transport par camion fournis par des personnes du Mexique
entre des points aux États-Unis pour le transport de produits autres que
les chargements internationaux.
1. Positions des Parties
281. Le Mexique soutient que, dans la mise en oeuvre de leur moratoire,
les États-Unis ont établi entre les transporteurs une distinction fondée
sur la nationalité des personnes qui les détiennent ou les contrôlent,
refusant aux transporteurs appartenant à des personnes du Mexique le
traitement national (c’est-à-dire le même traitement que les entreprises
détenues par des personnes des États-Unis) et le traitement de la nation
la plus favorisée (étant donné que les transporteurs canadiens ne sont pas
assujettis aux mêmes restrictions). Les lois et règlements américains,
tels qu’ils sont appliqués, autorisent la délivrance de permis
d’exploitation pour le transport de biens entre États aux fournisseurs de
services de camionnage et aux entreprises transportant pour compte propre
qui sont domiciliés au Mexique, mais détenus ou contrôlés par des
personnes des États-Unis (ou du Canada).316 Ce cadre réglementaire reste en
vigueur presque cinq ans après la date prévue pour son élimination à
l’annexe I.317
282. Les États-Unis soutiennent que le Mexique n’a pas établi de
présomption d’un manquement de leur part aux obligations relatives à
l’investissement du chapitre 11. Ils font valoir que ce n’est pas le
Mexique, mais eux-mêmes qui ont préconisé la suppression des restrictions
aux investissements au cours des négociations qui ont mené à l’ALÉNA. Les
entreprises américaines de camionnage disposaient alors, et disposent
toujours, des capitaux nécessaires pour investir à l’étranger. Les
entreprises mexicaines, en revanche, se sont déclarées préoccupées par la
concurrence des entreprises américaines, mieux financées. Les États-Unis
font valoir en outre que le Mexique n’allègue même pas qu’il intéresse le
moindrement ses ressortissants d’investir dans des entreprises américaines
de camionnage.318
283. Les États-Unis font aussi valoir que le Mexique n’a pas démontré
qu’il existe un seul ressortissant mexicain qui puisse à bon droit être
désigné « investisseur » au sens du chapitre 11 et qu’il n’a donc pas
établi de présomption d’un manquement de la part des États-Unis aux
obligations découlant pour eux du chapitre 11 sous le rapport de
l’investissement. Comme le Mexique n’a pas soutenu qu’il existe un seul
ressortissant mexicain ou une seule entreprise mexicaine qui cherche à
effectuer, effectue ou ait effectué un investissement dans une entreprise
américaine de camionnage, conformément à la définition de l’article 1139,
le Mexique ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve qui lui
incombait.319
284. Cependant, les États-Unis ne nient pas avoir maintenu un cadre
réglementaire qui autorise le Department of Transportation à refuser
d’examiner les demandes de permis d’exploitation provenant de
transporteurs mexicains. Les États-Unis ne contestent pas non plus
l’allégation selon laquelle ils n’ont pas modifié leur réglementation du
camionnage de manière à permettre aux ressortissants mexicains d’établir
des entreprises de camionnage pour le transport de chargements
internationaux entre des points des États-Unis, modification dont l’ALÉNA
prescrivait la mise en oeuvre au plus tard le 18 décembre 1995. Qui plus
est, les États-Unis concèdent ce qui suit :
[L]es restrictions à l’exploitation imposées d’abord par l’ICC et
aujourd’hui par le DOT ont pour effet d’empêcher la délivrance de nouveaux
permis d’exploitation aux transporteurs américains détenus ou contrôlés
par des transporteurs mexicains. Afin d’obtenir pour leurs entreprises le
droit d’investir au Mexique, les États-Unis ont accepté de concéder un
droit semblable en s’engageant à modifier le moratoire de manière à
autoriser les ressortissants mexicains à détenir ou contrôler des sociétés
établies aux États-Unis pour transporter des chargements internationaux
entre des points de leur territoire.320
Les États-Unis ne soutiennent pas non plus qu’il existe des circonstances
différentes qui justifieraient un traitement différent pour les
investissements de personnes du Mexique dans des entreprises domiciliées
aux États-Unis.
2. Analyse du Groupe spécial
285. Le Groupe spécial rappelle la nécessité d’appliquer les articles 33
et 34 des Règles de procédure types, ainsi libellées : « 33. Une Partie
qui affirme qu’une mesure d’une autre Partie est incompatible avec les
dispositions de l’Accord doit prouver cette incompatibilité. 34. Une
Partie qui affirme qu’une mesure fait l’objet d’une exception en vertu de
l’Accord doit prouver que l’exception s’applique ».321 Il incombe donc au
Mexique de prouver que les actions (et omissions) des États-Unis sont
incompatibles avec le calendrier de mise en oeuvre de l’ALÉNA. Quant au
gouvernement américain, il lui incombe de prouver que ses actions et
omissions relativement au chapitre 11 sont autorisées par une exception
aux dispositions de l’ALÉNA.
286. Or, le Mexique a affirmé, et les États-Unis ont admis, que les lois
et règlements américains autorisent le Department of Transportation à
refuser de délivrer un permis d’exploitation à une nouvelle entreprise de
transport domiciliée aux États-Unis et à capitaux mexicains. La
réglementation américaine actuelle interdit en outre l’acquisition par des
intérêts mexicains d’un transporteur américain déjà titulaire d’un permis
d’exploitation, étant donné l’obligation qu’elle stipule pour le demandeur
de permis de certifier qu’il n’est pas un ressortissant mexicain, ni
détenu ou contrôlé par des ressortissants mexicains. Dans ces conditions,
il serait vain pour un transporteur mexicain de présenter une demande.
287. Les États-Unis n’ont pas déployé d’efforts notables pour défendre sur
le fond leur position en matière d’investissement. À l’audience, le
représentant des États-Unis a formulé la position américaine dans les
termes suivants :
En ce qui a trait à la sécurité, nos moyens de base concernent les
services. Nous avons une déclaration et une position distinctes touchant
les investissements. À propos de l’investissement, nous avons dit que
c’est le Mexique qui a engagé la présente procédure et que c’est [donc] à
lui de prouver ce qu’il avance.
Nous n’invoquons par la sécurité à propos de l’investissement. La
situation, je pense, est tout à fait claire et simple. Les restrictions à
l’investissement découlent du moratoire, elles font partie du moratoire
qui est encore en vigueur.
Quand les problèmes de sécurité seront résolus, nous modifierons le
moratoire en fonction des questions d’investissement. À notre avis, la
question des investissements n’a qu’une importance secondaire [...]
Les entreprises mexicaines n’ont pas en général de capitaux aux
États-Unis. Elles n’ont pas exercé de pressions sur les États-Unis à ce
propos. Les services forment le noeud de l’affaire, et lorsque la question
des services sera réglée, la question de l’investissement le sera aussi.
Ce que nous voulons dire, c’est que notre mémoire porte simplement que le
Mexique doit prouver l’existence de l’infraction qu’il allègue.322
Essentiellement, les États-Unis ont en fait admis que les préoccupations
de sécurité, qu’ils invoquent comme motif de leur refus de remplir leurs
obligations relatives aux services transfrontières, ne s’appliquent pas à
l’investissement.
288. Lorsqu’un membre du Groupe spécial lui a demandé : « Alors, si je
vous comprends bien, vous voulez dire que, jusqu’à ce qu’une entreprise
mexicaine demande l’autorisation, par exemple, d’acheter un transporteur
américain et se voie refuser cette autorisation, [...] le Mexique n’a rien
à contester, même si vous avez une disposition réglementaire prévoyant
qu’une telle demande serait rejetée? », le représentant des États-Unis a
répondu : « C’est presque cela, encore que ce soit un peu plus subtil ».323
289. Selon un principe de doctrine admis depuis longtemps dans le cadre du
GATT et de l’OMC, lorsqu’une mesure est incompatible avec les obligations
d’une Partie, il n’est pas nécessaire de démontrer que cette mesure a eu
un effet sur le commerce. Par exemple, l’article III du GATT (qui prescrit
le traitement national des marchandises) est interprété comme un moyen de
protéger les anticipations concernant les possibilités concurrentielles
des produits importés et des produits d’origine nationale les uns par
rapport aux autres et est applicable même dans le cas où il n’y a pas eu
d’importations.324 En outre, il est généralement admis que les Parties
peuvent contester des mesures prescrivant une ligne de conduite
incompatible avec le GATT, qu’elles aient ou non été mises en vigueur.325
290. En outre, l’article 2004 de l’ALÉNA permet de recourir aux procédures
de règlement des différends « lorsqu’on voudra prévenir ou régler un
différend touchant l’interprétation ou l’application [du traité], ou
chaque fois qu’une Partie estimera qu’une mesure adoptée ou envisagée par
une autre Partie est ou serait incompatible avec les obligations découlant
[du traité] ». Le Groupe spécial n’est pas saisi d’une affaire relevant de
l’annexe 2004 de l’ALÉNA, qui autorise une Partie à recourir aux
procédures de règlement des différends lorsqu’elle estime qu’un avantage
dont elle pouvait raisonnablement s’attendre à bénéficier est annulé ou
compromis par suite de l’application d’une mesure qui n’est pas
incompatible avec l’ALÉNA.326
291. Le Groupe spécial constate que le Mexique a rempli le critère de
l’article 33 des Règles de procédure types en établissant une présomption
d’incompatibilité avec l’ALÉNA. Le fait de refuser aux entreprises
américaines détenues ou contrôlées par des ressortissants mexicains le
droit de se voir délivrer un permis d’exploitation aux États-Unis et
l’interdiction faite aux investisseurs mexicains d’acquérir des
entreprises américaines déjà titulaires d’un permis d’exploitation
enfreignent à première vue les dispositions dénuées d’ambiguïté des
articles 1102 et 1103 de l’ALÉNA.
292. Étant donné que les États-Unis interdisent expressément les activités
d’investissement susdites, le Groupe spécial juge cette interdiction
incompatible avec l’ALÉNA, même si le Mexique ne peut nommer un ou
plusieurs de ses ressortissants à qui l’on aurait refusé l’autorisation
d’investir. Le refus général d’autoriser des personnes du Mexique à
établir une entreprise de camionnage aux États-Unis pour le transport de
chargements internationaux entre des points des États-Unis constitue à
première vue un traitement moins favorable que celui qui est accordé aux
fournisseurs américains de services de camionnage dans des circonstances
analogues et enfreint l’article 1102. Lorsqu’il y a violation caractérisée
de l’ALÉNA, comme c’est le cas dans la présente espèce, le Groupe spécial
n’est pas tenu de constater une annulation ou une réduction d’avantages;
il lui suffit en l’occurrence de constater que les mesures américaines
sont incompatibles avec l’ALÉNA.
293. L’applicabilité du chapitre 9 de l’ALÉNA à la présente affaire a été
examinée plus haut, dans la section relative aux services. Qu’il nous
suffise de rappeler ici que le chapitre 9 ne s’applique pas aux mesures
affectant l’investissement327 et qu’aucune de ses dispositions ne pourrait
être interprétée comme incorporant l’obligation du traitement national
relativement à l’investissement ou comme primant sur cette obligation. De
même, les exceptions générales énumérées au paragraphe 2101(2) ne
s’appliquent qu’au commerce des produits (partie II), aux obstacles
techniques au commerce (partie III), au commerce transfrontières des
services (chapitre 12) et aux télécommunications (chapitre 13), et ne
peuvent donc influer sur les obligations découlant pour les États-Unis du
chapitre 11.
294. En conséquence, le Groupe spécial conclut que, pour ce qui concerne
l’investissement par des ressortissants mexicains dans des entreprises
américaines de camionnage établies pour le transport de chargements
internationaux entre des points du territoire américain, il n’existe pas
de circonstances qui justifieraient que les investisseurs et les
investissements mexicains fassent l’objet d’un traitement différent de
celui de leurs homologues américains (ou canadiens) au titre des
dispositions relatives au traitement national et au traitement de la
nation la plus favorisée du chapitre 11 de l’ALÉNA.
VII. CONSTATATIONS, DÉTERMINATIONS ET RECOMMANDATIONS
A. Constatations et déterminations
295. Se fondant sur l’analyse qui précède, le Groupe spécial conclut à
l’unanimité que le refus général des États-Unis d’examiner les demandes de
permis d’exploitation pour la prestation de services de camionnage
transfrontières présentées par les transporteurs appartenant à des
personnes du Mexique était et reste un manquement aux obligations
découlant pour les États-Unis de l’annexe I (réserves aux mesures
existantes et engagements de libéralisation), de l’article 1202
(traitement national en matière de services transfrontières) et de
l’article 1203 (traitement de la nation la plus favorisée en matière de
services transfrontières) de l’ALÉNA. Ni l’expression « dans des
circonstances analogues » des articles 1202 et 1203 ni les exceptions
prévues au chapitre 9 ou à l’article 2101 n’autorisent une dérogation à
ces obligations.
296. Le Groupe spécial conclut à l’unanimité que les lacunes de la
réglementation mexicaine constituent une base juridique insuffisante pour
permettre aux États-Unis de maintenir un moratoire sur l’examen des
demandes de permis d’exploitation sur le territoire américain présentées
par les fournisseurs de services de camionnage appartenant à des personnes
du Mexique et/ou domiciliés au Mexique.
297. Le Groupe spécial conclut aussi à l’unanimité que les États-Unis
étaient et restent en rupture de leur engagement, au titre de l’annexe I
(réserves aux mesures existantes et engagements de libéralisation), de
l’article 1102 (traitement national) et de l’article 1103 (traitement de
la nation la plus favorisée), d’autoriser les ressortissants mexicains à
investir dans des entreprises de camionnage domiciliées aux États-Unis qui
pratiquent le transport de chargements internationaux entre des points du
territoire américain.
298. Il est important de noter les points sur lesquels le Groupe spécial
ne se prononce pas. Il ne conclut pas qu’il ne soit pas permis aux Parties
à l’ALÉNA d’établir le niveau de protection qu’elles estiment approprié
pour la réalisation d’objectifs légitimes de réglementation. Il ne
conteste pas que la sécurité du camionnage soit un objectif légitime de
réglementation. Il ne fixe pas non plus de limite à l’application de
normes de sécurité dûment établies et mises en oeuvre dans le cadre des
obligations applicables découlant de l’ALÉNA pour les Parties. En outre,
comme la question dont il est saisi concerne le refus d’examen dit «
général », le Groupe spécial n’approuve ni ne désapprouve les décisions
antérieures rendues par les organismes compétents de réglementation
touchant la conformité aux normes de sécurité d’entreprises de camionnage,
de conducteurs ou de véhicules pris isolément, concernant lesquels il ne
lui a été présenté ni déclarations ni éléments de preuve.
B. Recommandations
299. Le Groupe spécial recommande que les États-Unis prennent les mesures
nécessaires pour mettre leurs pratiques relatives aux services
transfrontières de camionnage et à l’investissement international en
conformité avec les obligations découlant pour eux des dispositions
applicables de l’ALÉNA.
300. Le Groupe spécial note que le respect des obligations découlant pour
eux de l’ALÉNA n’exige pas nécessairement des États-Unis qu’ils fassent
droit à la totalité ou à un nombre déterminé de demandes présentées par
des entreprises de camionnage appartenant à des personnes du Mexique, dans
un contexte où il apparaîtrait à l’évidence que tel ou tels demandeurs
risquent de ne pouvoir se conformer à la réglementation américaine du
camionnage s’ils exerçaient leur activité sur le territoire américain. Ce
respect ne suppose pas non plus qu’il leur faille permettre à toutes les
entreprises domiciliées au Mexique qui fournissent actuellement des
services de camionnage aux États-Unis de continuer à le faire même dans le
cas où elles ne se conformeraient pas à la réglementation américaine
relative à la sécurité. Les États-Unis ne peuvent être tenus d’accorder
aux demandes des entreprises mexicaines de camionnage exactement le même
traitement que celui qu’ils accordent aux demandes des entreprises
américaines ou canadiennes, pour autant qu’ils les examinent une à une.
Les autorités américaines sont chargées d’assurer la sécurité routière sur
le territoire américain, que les camions appartiennent à des personnes des
États-Unis, du Canada ou du Mexique.
301. De même, une Partie à l’ALÉNA n’a pas forcément tort de conclure que,
pour assurer l’observation de ses propres règles par les fournisseurs de
services d’une autre Partie, elle peut être obligée d’appliquer des
procédures différentes à ces fournisseurs. Par conséquent, dans la mesure
où les prescriptions en matière d’inspection et de permis auxquels sont
assujettis les entreprises de camionnage et conducteurs mexicains
souhaitant fournir des services aux États-Unis ne sont pas « analogues » à
celles qui sont en vigueur aux États-Unis, on peut être fondé à leur
appliquer des méthodes différentes de contrôle de la conformité avec la
réglementation américaine. Cependant, si les États-Unis, afin de
satisfaire à leurs propres exigences légitimes de sécurité, décident par
exception d’assujettir les transporteurs mexicains à des prescriptions
différentes de celles auxquelles doivent se conformer leurs homologues
américains ou canadiens, a) toute décision de cette nature doit être prise
de bonne foi pour satisfaire à une exigence légitime de sécurité et b) les
prescriptions différentes mises en oeuvre doivent être pleinement
conformes à toutes les dispositions applicables de l’ALÉNA.
302. Les considérations qui précèdent ne s’appliquent pas au refus
américain de permettre aux ressortissants mexicains d’investir dans des
entreprises de camionnage domiciliées aux États-Unis qui transportent des
chargements internationaux entre des points du territoire américain,
puisque le Mexique et les États-Unis s’accordent à reconnaître qu’un tel
investissement ne soulève pas de questions de sécurité.
Ont signé l’original :
_______________________________ _________________________________
J. Martin Hunter (président) Luis Miguel Diaz
________________________________ _________________________________
David A. Gantz C. Michael Hathaway
_________________________________
Alejandro Ogarrio
En date du : __________________
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