OAS

EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL BINATIONAL
AUX TERMES DE
L'ACCORD DE LIBRE ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN.
Article 1904


Dossier du Secrétariat
CDA-94-1904-02

Dans L'affaire de:

Ficelle synthétique pour ramasseuse-presse :
avec une résistance à la tension de 200 lb :
ou moins, originaire ou exportée
des États-Unis d'Amérique


Membres : M Robert E. Ruggeri, (président)

M Edward C. Chiasson, c.r. e

Le professeur David A. Gantz

M Jane C. Luxton e

Le professeur Leon E. Trakman


DÉCISION DU GROUPE SPÉCIAL

(10 avril 1995)

Ont comparu :

John B. Laskin et John P. Koch ont occupé pour Bridon Inc. et Bridon Pacific Ltd.

John Syme a occupé pour le Tribunal canadien du commerce extérieur, Joel J. Robichaud ayant également participé à la rédaction du mémoire.

Paul LaBarge a occupé pour TecSyn International, Inc., David Liston et Greg Kanargelidis ayant également participé à la rédaction du mémoire.


TABLE DES MATIÈRES

AVIS ET ORDONNANCE DU GROUPE SPÉCIAL

INTRODUCTION

HISTORIQUE DU LITIGE

    I. CRITÈRE D'EXAMEN

    II. ERREURS DE DROIT ET DE FAIT

      A. Le Tribunal a-t-il commis des erreurs de droit ou de compétence dans la façon dont il a traité des facteurs de cause possibles autres que les importations sous-évaluées en provenance des États-Unis?

        1. L'importance du lien entre les obligations du Canada qui découlent du GATT et la LMSI pour déterminer l'existence d'un préjudice sensible.

        2. Le Tribunal n'est pas tenu, pour déterminer les répercussions découlant de différents facteurs de cause, de quantifier et de distinguer toutes les autres causes de préjudice possibles.

      B. Le Tribunal a-t-il commis des erreurs de droit ou de fait dans la façon dont il a analysé les liens entre différents facteurs touchant les prix pour déterminer l'existence d'un lien de causalité?

        1. L'analyse faite par le Tribunal au sujet des ventes d'origine portugaise et des tendances des clients en matière d'approvisionnement était conforme aux exigences du droit et justifiée par la preuve factuelle contenue dans le dossier administratif.

        2. L'analyse faite par le Tribunal au sujet de la discrimination par les prix et de la structure du marché comme facteurs pour déterminer l'existence d'un lien de causalité n'était pas erronée.

        3. L'analyse faite par le Tribunal au sujet des conséquences de l'orientation des prix était justifiée par les éléments de preuve contenus au dossier.

      C. Le Tribunal a-t-il commis des erreurs de droit ou de fait en examinant des facteurs non liés aux prix et en omettant d'examiner d'autres facteurs pour déterminer l'existence d'un préjudice sensible?

        1. L'examen par le Tribunal de facteurs qui ne sont pas liés au dumping et qui ne seraient pas pertinents est justifié par la preuve factuelle en l'espèce.

        2. Les autres erreurs de droit ou de fait reprochées ne constituent pas des erreurs susceptibles de révision.

    III. PRÉJUDICE FUTUR

    IV. RÉPARATION


AVIS ET ORDONNANCE DU GROUPE SPÉCIAL

INTRODUCTION

Le présent Groupe spécial binational a été constitué en vertu du chapitre 19 de l'Accord de libre-échange nord-américain ("ALENA") afin d'examiner une conclusion en date du 22 avril 1994 du Tribunal canadien du commerce extérieur ("TCCE" ou "Tribunal"). Le Tribunal a conclu que le dumping de la ficelle synthétique pour ramasseuse-presse (ci-après désignée ficelle d'engerbage synthétique) avec une résistance à la tension (ci-après désignée resistance au noeud) de 200 lb ou moins, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique, avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises similaires au Canada.

Dans leurs mémoires, les plaignantes Bridon Cordage, Inc. et Bridon Pacific Limited ont contesté la décision du Tribunal pour plusieurs motifs :

    Le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit ou de compétence dans la façon dont il a appliqué ou omis d'appliquer le Code antidumping du GATT et d'autres règles liées au GATT? Le Tribunal a-t-il commis une erreur en omettant de distinguer et de quantifier les autres causes possibles du préjudice touchant l'industrie canadienne lorsqu'il a conclu à l'existence d'un préjudice sensible causé au marché national aux termes de la Loi sur les mesures spéciales d'importation?

    Le Tribunal a-t-il commis des erreurs de droit ou de fait dans la façon dont il a analysé les effets sur les prix des importations en provenance d'Europe (principalement du Portugal), des tendances de la clientèle en matière d'approvisionnement, de l'orientation des prix et de la structure du marché canadien lorsqu'il a conclu que les importations sous-évaluées de marchandises en provenance des États-Unis causaient un préjudice sensible aux producteurs canadiens?

    Le Tribunal a-t-il commis des erreurs de droit ou de fait en examinant des facteurs non liés aux prix, comme la proximité géographique des producteurs américains et la structure des ventes en saison? A-t-il commis une erreur en omettant de tenir compte de certains autres facteurs non liés aux prix, comme la saison d'achat de 1994, les mesures prises par le plus grand producteur canadien de marchandises similaires et d'autres aspects des conséquences découlant des ventes d'origine européenne pour déterminer l'existence d'un préjudice sensible?

Pour les motifs exposés de façon plus détaillée dans l'avis qui suit, compte tenu du dossier administratif, du droit applicable, des mémoires des participants ainsi que de l'audience publique et de l'audience à huis-clos tenues à Ottawa le 5 janvier 1994, le Groupe spécial confirme la décision en partie et renvoie la décision en partie.

HISTORIQUE DU LITIGE

Après le dépôt d'une plainte de dumping par TecSyn International, Inc. ainsi que la remise d'un avis de décision préliminaire de dumping rendue par le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise ("sous-ministre"), lequel a été publié le 15 janvier 1994 1, le Tribunal a entrepris une enquête relative au préjudice sensible sous le régime de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation ("LMSI"). L'enquête menée par le sous-ministre au sujet du dumping couvrait les importations des marchandises en question2 au cours de la période allant du 1 janvier au er 30 juin 1993. Le 23 mars 1994, le sous-ministre a rendu une décision définitive de dumping au sujet des marchandises en question . Après avoir tenu une audience d'une durée de deux jours à Ottawa les 28 et 29 mars 1994, le Tribunal a fait connaître sa conclusion le 22 avril 1994; plus tard, le 9 mai 1994, il a fait connaître sa décision et son exposé des motifs.

Un groupe spécial binational a été formé en vertu de l'article 1904 de l'ALENA. Les plaignantes et les intimés TCCE et TecSyn ont déposé un mémoire et leurs avocats ont comparu devant le Groupe spécial au cours de l'audience.

I. CRITÈRE D'EXAMEN

Selon le paragraphe 1904(3) de l'ALENA, les groupes spéciaux binationaux doivent appliquer

    ... les critères d'examen décrits à l'annexe 1911, ainsi que les principes juridiques généraux qu'un tribunal de la Partie importatrice appliquerait à l'examen d'une décision de l'autorité compétente chargée de l'enquête.

Dans le cas du Canada, l'annexe 1911 renvoie aux motifs énoncés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale3 comme critères d'examen. Cette disposition énonce que les décisions du Tribunal seront examinées lorsque celui-ci :

    a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

    b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

    c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

    d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

    e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

    f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

Pour appliquer un critère d'examen approprié, les groupes spéciaux binationaux formés en vertu de l'ALENA doivent tenir compte, notamment, des "principes juridiques généraux"4 . Selon le paragraphe 1904(3) de l'ALENA, les groupes spéciaux binationaux doivent appliquer les mêmes principes juridiques généraux que ceux que la Cour fédérale doit elle-même appliquer dans les demandes de contrôle judiciaire.

À l'instar des participants, le Groupe spécial reconnaît que le critère d'examen des questions de compétence, y compris les questions de justice naturelle, est "l'absence d'erreur". Pour être confirmée, la décision rendue par le tribunal concerné doit être "correcte" en ce qui a trait aux questions de compétence. Si elle est incorrecte, le Groupe spécial doit renvoyer l'affaire en ordonnant au Tribunal de corriger l'erreur . 5

Le Groupe spécial estime qu'aucune erreur de compétence n'a été commise en l'espèce. Le Tribunal a agi dans les limites de sa compétence au sens du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale. Nous n'avons trouvé aucun cas dans lequel il a outrepassé sa compétence d'origine législative.

Le critère d'examen en l'espèce se limite donc aux questions de fait et de droit. Le critère d'examen habituellement appliqué aux questions de fait réside dans l'existence d'un "lien rationnel" entre les faits et la conclusion du Tribunal. Le groupe spécial ordonnera un renvoi uniquement si "les éléments de preuve, perçus de façon raisonnable, ne peuvent étayer les conclusions de fait du Tribunal..." 6. Il n'est pas nécessaire que cette preuve soit étoffée ou que le Groupe spécial en arrive à la même conclusion que le Tribunal après l'avoir examinée . Dans le cas des erreurs de droit 7 reprochées, la norme d'examen habituellement appliquée est "l'erreur manifestement déraisonnable". Selon ce critère, une décision rendue par un tribunal doit être confirmée, sauf si elle va à l'encontre de la logique ou du bon sens, notamment lorsqu'elle est irrationnelle. Pour que le critère s'applique, il ne suffit pas que le tribunal concerné ait commis une erreur sur un point de droit :

    Il ne suffit pas que la décision de la Commission soit erronée aux yeux de la cour de justice; pour qu'elle soit manifestement déraisonnable, cette cour doit la juger clairement irrationnelle . 8

Le critère de l'erreur "manifestement déraisonnable" correspond à une norme d'examen trèsé levée. Comme l'a dit le juge McLachlin dans l'affaire Lester (précitée) : 9

    Les cours de justice devraient faire preuve de circonspection et de retenue dans l'examen des décisions de tribunaux administratifs spécialisés comme la Commission en l'espèce... Ce n'est que lorsque... l'interprétation donnée aux dispositions législatives est manifestement déraisonnable que la cour de justice peut intervenir . 10

Dans l'affaire Blanchard c. Control Data Canada Ltd.11 , le juge Lamer (tel était alors son titre) a souligné que le critère de l'erreur "manifestement déraisonnable" nécessitait une retenue exceptionnelle à l'endroit de la décision du tribunal. Il a ajouté que "c'est là un test très sévère et qui marque une approche restrictive en ce qui concerne le contrôle judiciaire. C'est pourtant le test que cette Cour a appliqué et applique encore" . 12

Même s'il est traditionnellement appliqué aux erreurs de droit, le critère de l'erreur "manifestement déraisonnable" ne s'applique pas dans tous les cas où une erreur de droit est reprochée. Il peut s'appliquer lorsqu'une clause privative13 a pour effet d'exclure le contrôle judiciaire à l'égard de la décision du tribunal; il se peut aussi qu'il ne s'applique pas lorsque le législateur ou une cour de justice en décide ainsi. Le présent Groupe spécial a examiné à nouveau l'application du critère de l'erreur "manifestement déraisonnable" pour deux raisons connexes. D'abord, la présente affaire suit une modification qui a été apportée à la Loi sur les mesures spéciales d'importation 14 et par suite de laquelle la clause privative concernant les décisions du Tribunal a été abolie. En second lieu, ce changement revêt une importance spéciale, compte tenu du jugement que la Cour suprême a prononcé récemment dans l'affaire Pezim c. British Columbia (Superintendent of Brokers) . 15 Dans cette affaire, la Cour a statué que la question de savoir si la décision du tribunal concerné était protégée par une clause privative était cruciale pour déterminer le degré de retenue dont elle doit faire l'objet . 16

Compte tenu du retrait de la clause privative du paragraphe 76(1) de la LMSI17 et du raisonnement modifié que la Cour suprême a suivi au sujet des critères d'examen dans l'affaire Pezim, le Groupe spécial révisera aux présentes le critère d'examen qui devrait s'appliquer en l'espèce . 18

Afin de donner effet à certaines des obligations du Canada qui découlent du chapitre dix-neuf de l'ALENA, le législateur a modifié la LMSI. Parmi ces changements, qui sont entrés en vigueur le 1 janvier 1994, la clause privative concernant les décisions du Tribunal, qui était énoncée au er paragraphe 76(1), a été supprimée et remplacée par une disposition prévoyant explicitement le contrôle judiciaire des ordonnances et conclusions du Tribunal19 . Sans vouloir formuler d'hypothèse au sujet de l'intention que visait le législateur lorsqu'il a supprimé cette clause privative, le Groupe spécial estime que ce changement est pertinent aux fins de déterminer le critère d'examen qui s'applique en l'espèce, notamment par suite de la décision rendue dans l'affaire Pezim . 20

Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a récemment décrit le critère d'examen. S'exprimant au nom de la Cour, le juge Iacobucci a précisé qu'il existait une gamme de normes allant de la décision correcte à la décision manifestement déraisonnable 21 et que la norme précise à appliquer dans chaque cas dépend d'une analyse de la fonction du tribunal concerné 22 . Sous la rubrique "Principes de contrôle judiciaire", le juge Iacobucci a insisté sur le fait qu'il est "essentiel de savoir si les décisions de l'organisme sont protégées par une clause privative" 23 . Il a décrit comme suit le critère d'examen qui devrait s'appliquer en l'absence d'une clause privative :

    Quelle est la norme de contrôle applicable à une cour d'appel siégeant en révision d'une décision d'une commission des valeurs mobilières qui n'est pas protégée par une clause privative, lorsque la loi prévoit un droit d'appel et que le litige vise une question d'interprétation?24

En se fondant sur le mandat spécialisé de la commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique et sur la question dont elle était saisie, la Cour suprême a conclu que la décision de la commission méritait une "grande retenue". Le juge Iacobucci a résumé la question en ces termes dans l'affaire Pezim :

    [M]ême lorsqu'il n'existe pas de clause privative et que la loi prévoit un droit d'appel, le concept de la spécialisation des fonctions exige des cours de justice qu'elles fassent preuve de retenue envers l'opinion du tribunal spécialisé sur des questions qui relèvent directement de son champ d'expertise.25

Compte tenu du raisonnement adopté dans l'affaire Pezim, il est évident que le Tribunal en l'espèce continue d'exercer une fonction spécialisée qui n'a pas été modifiée par l'élimination de la clause privative. Il est reconnu de part et d'autre que les questions examinées par le Tribunal relevaient directement de son champ d'expertise. Par conséquent, même en l'absence d'une clause privative, il est nécessaire de faire preuve d'une "grande retenue" à l'endroit des décisions du Tribunal.

Cependant, dans l'affaire Pezim, la Cour suprême n'a pas précisé l'ampleur de la retenue à exercer dans chaque cas. Le juge Iacobucci a plutôt souligné que le degré de retenue varie en fonction d'une gamme de normes "allant de celle de la décision manifestement déraisonnable à celle de la décision correcte"26 . Voici les commentaires qu'il a formulés à ce sujet :

    Pour ce qui est des décisions manifestement déraisonnables, qui appellent la plus grande retenue, ce sont les cas où un tribunal protégé par une véritable clause privative rend une décision relevant de sa compétence et où il n'existe aucun droit d'appel prévu par la loi. . 27

L'affaire Pezim concernait une décision pour laquelle il n'existait aucun droit d'appel prévu par une loi, mais qui n'était pas protégée par une clause privative. La Cour a donc statué que la norme d'examen applicable se situait entre les deux extrêmes, soit la norme relative aux décisions correctes et celle des décisions manifestement déraisonnables. Elle a également jugé que la décision de la commission des valeurs mobilières n'était pas assujettie à la norme relative aux décisions manifestement déraisonnables, mais plutôt au critère de la "grande retenue" . 28

Dans l'affaire qui nous occupe, même si la décision du Tribunal n'est pas protégée par une clause privative, aucun droit d'appel n'existe à son égard. Le seul droit qui existe est un droit de contrôle judiciaire. Il n'y a aucune raison, en logique ou en droit, de conclure qu'elle mérite moins qu'une "grande retenue". Même si cette retenue n'est pas aussi grande que dans le cas des décisions manifestement déraisonnables, elle n'en est pas loin.

Selon les plaignantes, étant donné que les groupes spéciaux binationaux sont eux-mêmes composés de spécialistes en commerce international, le Tribunal n'a pas droit au même degré de retenue que lui accorderait habituellement la Cour fédérale. Le Groupe spécial n'est pas d'accord. Selon le paragraphe 1904(1) de l'ALENA, l'examen par un groupe spécial binational remplace le contrôle judiciaire par les tribunaux nationaux dans certains cas définis. Voici le texte du paragraphe 3 de l'article 1904 :

    Le groupe spécial appliquera les critères d'examen établis à l'article 1911, ainsi que les principes juridiques généraux qu'un tribunal de la Partie importatrice appliquerait à l'examen d'une détermination de l'organisme d'enquête compétent.

L'annexe 1911 précise que les critères d'examen dans le cas du Canada correspondent "aux motifs énoncés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale". Lors de l'examen des demandes de contrôle fondées sur cette disposition, la Cour fédérale est tenue par la loi de faire preuve d'une "grande retenue" à l'égard des décisions du Tribunal. Pour appliquer, dans le cadre de leur mandat, "les critères d'examen... qu'un tribunal de la Partie importatrice appliquerait...", les groupes spéciaux binationaux doivent s'en tenir à la même norme que celle qu'appliquerait la Cour fédérale.

La conclusion selon laquelle les groupes spéciaux binationaux devraient appliquer la même norme d'examen que celle de la Cour fédérale répond également à un besoin pratique, soit la nécessité de favoriser la certitude, l'uniformité et la prévisibilité du processus décisionnel. Dans les affaires antidumping, lorsque l'enquête du Tribunal concerne des entreprises provenant de pays qui ne sont pas tous parties à l'ALENA, la décision définitive du Tribunal au sujet du préjudice pourrait donner lieu à un examen simultané tant par la Cour fédérale que par un groupe spécial binational. Si l'on interprétait l'argument des plaignantes au pied de la lettre, cela signifierait que différentes normes d'examen seraient appliquées à différents participants dans des circonstances identiques. Ni l'ALENA non plus que la LMSI ne renferment d'éléments indiquant que c'était là le résultat souhaité. Si le Groupe spécial décidait que le Tribunal n'a pas droit au même degré de retenue que celui qui est accordé par la Cour fédérale, il ouvrirait sans raison la voie à des pratiques de surenchère judiciaire.

À l'appui de leur argument, les plaignantes invoquent certaines dispositions de l'ALENA au sujet des qualités des membres des groupes spéciaux (candidats). Elles se fondent également sur les commentaires que la Cour suprême du Canada a formulés dans les affaires Canada (procureur général) c. Mossop29 et Pezim. Dans ce dernier arrêt, la Cour s'est exprimée comme suit :

    Quant aux décisions correctes où l'on est tenu à une moins grande retenue relativement aux questions juridiques, ce sont les cas... où le tribunal ne possède pas une expertise plus grande que la cour de justice sur la question soulevée... . 30

Le paragraphe 1 de l'annexe 1902.2 de l'ALENA énonce que les membres du groupe spécial constitué en vertu chapitre dix-neuf

    seront des personnes de haute moralité et de grand renom, choisies strictement pour leur objectivité, leur fiabilité, leur discernement et leur connaissance générale du droit commercial international.

[Les caractères en italique ne sont pas à l'original.] Les plaignantes font valoir que ces critères font des membres des groupes spéciaux binationaux des "experts". Compte tenu du concept de l'expertise relative qui a été articulé dans les affaires Mossop et Pezim, elles soutiennent que notre Groupe spécial possède le même degré de compétence relatif que le Tribunal et que les décisions de celui-ci sur les questions de fait et de droit qui relèvent de sa compétence n'ont pas droit à la retenue. Selon les plaignantes, la norme relative aux décisions correctes devrait s'appliquer dans ces circonstances.

De l'avis du Groupe spécial, l'obligation pour les membres des groupes spéciaux d'avoir une bonne connaissance générale du droit du commerce international aux termes du paragraphe 1 de l'annexe 1902.2 de l'ALENA ne vise pas à modifier la norme de retenue qui s'applique habituellement à un tribunal spécialisé. Elle a plutôt pour but d'aider les membres du Groupe spécial à remplir leur mandat en leur permettant de mieux comprendre les types de questions dont ils sont saisis. La compétence spécialisée du Groupe spécial est analogue à celle qui caractérise parfois les cours divisionnaires. Cette spécialisation ne modifie nullement le mandat principal qui est confié aux tribunaux et ne devrait pas modifier non plus celui de notre Groupe en l'espèce.

Le Groupe spécial est d'avis que le critère d'examen applicable en l'espèce en ce qui a trait aux questions de compétence est la norme correspondant aux décisions correctes. Dans le cas des questions de fait ou de droit qui relèvent du champ de compétence du Tribunal, la norme d'examen est la grande retenue.

II. ERREURS DE DROIT ET DE FAIT

Les plaignantes allèguent un certain nombre d'erreurs de compétence, de droit et de fait à l'égard de la conclusion du Tribunal selon laquelle la ficelle synthétique sous-évaluée originaire ou exportée des États-Unis a causé un préjudice sensible aux producteurs canadiens de marchandises similaires. Le Groupe spécial a décidé d'examiner ces questions comme suit :

A. Le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit ou de compétence dans la façon dont il a appliqué ou omis d'appliquer le Code antidumping du GATT31 et d'autres règles liées au GATT? A-t- il commis une erreur en omettant de distinguer et de quantifier les autres causes possibles du préjudice touchant l'industrie canadienne lorsqu'il a évalué le préjudice sensible causé au marché national aux termes de la LMSI 32?

B. Le Tribunal a-t-il commis des erreurs de droit ou de fait dans la façon dont il a analysé les effets sur les prix des importations en provenance d'Europe (principalement du Portugal), des tendances de la clientèle en matière d'approvisionnement, de l'orientation des prix et de la structure du marché canadien lorsqu'il a conclu que les importations sous-évaluées de marchandises en provenance des États-Unis causaient un préjudice sensible aux producteurs canadiens?

C. Le Tribunal a-t-il commis des erreurs de droit ou de fait en examinant des facteurs non liés aux prix, comme la proximité géographique des producteurs américains et la structure des ventes en saison? A-t-il commis une erreur en omettant de tenir compte de certains autres facteurs non liés aux prix, comme la saison d'achat de 1994, les mesures prises par Poli-Twine33 ainsi que d'autres conséquences découlant des ventes d'origine européenne pour déterminer l'existence d'un préjudice sensible?

Dans la présente analyse, le Groupe spécial est conscient du critère d'examen très restreint qui s'applique à ces questions, soit la "grande retenue" dont il doit faire preuve à l'égard de la façon dont le Tribunal a analysé le droit et interprété les faits à la lumière du droit, comme il l'a mentionné dans la partie I du présent avis. Il est également évident que les différentes erreurs de droit reprochées qui sont commentées dans la section A sont liées aux questions de droit et de fait examinées dans les sections B et C, car la plupart portent sur un thème commun : ensemble, elles constituent une critique fondamentale de la façon dont le Tribunal a analysé les facteurs de cause autres que les importations sous-évaluées d'origine américaine qui ont touché l'établissement des prix de la ficelle d'engerbage synthétique sur le marché canadien et les répercussions qu'ils ont entraînées pour les producteurs canadiens. Le Groupe spécial renvoie à l'occasion au dossier, dans les cas appropriés, étant donné que bon nombre des erreurs reprochées concernent le bien-fondé des décisions du Tribunal d'après la preuve versée au dossier.

A. Le Tribunal a-t-il commis des erreurs de droit ou de compétence dans la façon dont il a traité des facteurs de cause possibles autres que les importations sous-évaluées en provenance des États-Unis?

1. L'importance du lien entre les obligations du Canada qui découlent du GATT et la LMSI pour déterminer l'existence d'un préjudice sensible.

Selon l'alinéa 42(1)a) de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si le dumping des marchandises en question a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible au marché national . 34 Appliquant la LMSI, le Tribunal a conclu qu'il "y a eu érosion des prix pendant la période visée par l'enquête" 35, que "l'industrie a subi une érosion et une compression des prix causées par les importations sous-évaluées et que ce préjudice attribuable aux prix a été suffisamment important pour être considéré comme étant sensible" . 36

De l'avis des plaignantes, lorsqu'il en est arrivé à cette décision, le Tribunal n'a pas appliqué la "norme juridique" servant à déterminer le lien de causalité aux termes du paragraphe 3(4) du Code antidumping du GATT, qui énonce en partie ce qui suit :

    Il doit être démontré que les importations faisant l'objet d'un dumping causent, par les effets du dumping, un préjudice au sens où l'entend le présent code. Il pourra y avoir d'autres éléments qui, au même moment, causent un préjudice à la branche de production, et les préjudices causés par ces autres éléments ne doivent pas être imputés aux importations faisant l'objet d'un dumping . 37

Les plaignantes allèguent également que le Tribunal a omis d'appliquer les critères de la recommandation du Comité des pratiques antidumping du GATT38 pour en arriver à sa décision au sujet de l'existence d'une menace de préjudice futur 39. Tel qu'il est indiqué dans la partie I du présent avis, le Groupe spécial a conclu que les erreurs reprochées sont des erreurs de droit et non de compétence. Sans tenir compte, pour l'instant, de la question de savoir si la décision du Tribunal est effectivement conforme aux normes du GATT qui sont énoncées dans le Code et expliquées dans la Recommandation du Comité des pratiques antidumping, le Groupe spécial fait remarquer que le Tribunal était tenu d'appliquer les obligations du Canada aux termes du GATT uniquement dans la mesure où elles sont intégrées dans la législation nationale (LMSI)40 et les règlements administratifs du Canada. Comme un groupe spécial antérieur l'a souligné,

    Les exigences du GATT font partie de la loi canadienne et doivent être appliquées par le Tribunal et le présent groupe spécial seulement si elles sont mises en oeuvre dans le cadre de la loi nationale. Sinon, on peut y faire référence lorsqu'on interprète une terminologie ambiguë destinée à satisfaire aux obligations du Canada, ou s'en inspirer lors de la promulgation de règles juridiques nationales pour leur mise en oeuvre. 41

Dans une opinion concourante qu'elle a prononcée dans l'affaire National Corn Growers 42 , Madame le juge Wilson a dit ce qui suit au sujet du contrôle judiciaire de l'interprétation faite par le Tribunal au sujet de sa loi "constitutive" :

De même, je ne crois pas que ce soit le rôle de notre Cour, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, de chercher ailleurs que dans la loi constitutive du Tribunal la réponse à la question de savoir si l'interprétation donnée à cette loi par le Tribunal concorde avec les obligations internationales du Canada.

Il est indubitable que le Tribunal doit appliquer la LMSI et que cette Loi renferme les dispositions qui régissent l'interprétation des obligations du Canada aux termes du GATT. Le Tribunal doit donc s'en tenir uniquement à la LMSI pour connaître ses obligations plutôt que d'examiner séparément les exigences découlant du GATT, bien qu'il puisse s'inspirer du Code antidumping ou des Recommandations . 43

Eu égard à la décision précitée, le Tribunal peut, s'il le désire, tenir compte des obligations du Canada qui découlent du GATT, mais il n'est nullement obligé de les examiner séparément, sauf dans le cadre de l'application de la LMSI. Le Tribunal n'a donc pu commettre d'erreur en omettant d'examiner les obligations découlant du GATT, parce qu'il n'était pas obligé de le faire. À tout événement, le Groupe spécial n'est pas convaincu du bien-fondé de l'allégation des plaignantes selon laquelle le raisonnement du Tribunal va à l'encontre des normes du GATT. Les principales conclusions du Tribunal, qui ont déjà été résumées ci-dessus, sont les suivantes : les importations sous-évaluées en provenance des États-Unis ont causé une érosion et une compression des prix et ce préjudice lié aux prix constituait un préjudice sensible. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal a tenu compte, notamment, du volume, des prix et des autres répercussions découlant des importations en provenance du Portugal et des États-Unis sur le marché canadien 44 , comme l'exige le Code antidumping du GATT.

De plus, aucune preuve digne de foi ne semble indiquer que les répercussions du préjudice découlant de facteurs autres que les importations sous-évaluées en provenance des États-Unis ont été attribuées au préjudice causé par lesdites importations, même si les deux types de répercussions ont nécessairement été analysés en même temps 45. Dans les circonstances, le Groupe spécial n'est pas prêt à conclure, comme question de droit, que l'analyse du Tribunal était insuffisante pour respecter le critère énoncé au paragraphe 3(4) du Code antidumping du Gatt de 1979.

2. Le Tribunal n'est pas tenu, pour déterminer les répercussions découlant de différents facteurs de cause, de quantifier et de distinguer toutes les autres causes de préjudice possibles.

Les plaignantes soutiennent également que le Tribunal a violé l'obligation juridique qu'il est tenu de respecter aux termes de la LMSI et du Code antidumping du GATT en omettant [TRADUCTION] "d'évaluer séparément les conséquences de chacun des autres facteurs et d'isoler les conséquences du dumping sur les prix"46 . Pour accomplir cette tâche, le Tribunal aurait été tenu de quantifier chacun des facteurs pouvant avoir causé un préjudice sensible et non simplement l'importation de marchandises sous-évaluées en provenance des États-Unis.

De l'avis du Groupe spécial, les plaignantes comprennent mal les exigences juridiques relatives à la détermination du lien de causalité. Comme l'a dit un autre groupe spécial, "d'après la formulation de l'alinéa 42(1)a) de la LMSI, le TCCE doit établir le lien de causalité pouvant exister entre le dumping et le préjudice sensible"47 . Le dumping des marchandises en question doit constituer en soi une cause du préjudice sensible touchant les producteurs nationaux. Cependant, il n'est pas nécessaire que les marchandises sous-évaluées soient la seule cause ou même la cause la plus importante. Il suffit, en droit, que les marchandises sous-évaluées constituent une cause directe et importante du préjudice :

    En vertu des obligations internationales souscrites par le Canada aux termes de l'Accord général, il ne peut imposer des droits antidumping ou compensateurs que s'il a été établi qu'il existe un lien direct entre les importations sous-évaluées ou subventionnées et le préjudice sensible subi par les producteurs canadiens . 48

Il est vrai que les effets du dumping doivent être distingués des autres causes et que le Tribunal est tenu, dans le cadre de ses obligations découlant de la LMSI, de déterminer si les marchandises sous-évaluées causent un préjudice sensible. Cependant, ni la LMSI non plus que les règles du GATT qui sont intégrées dans cette Loi n'exigent que les autres causes soient calculées ou quantifiées au-delà de la mesure nécessaire pour éviter que le préjudice provenant des marchandises sous-évaluées soit attribué à ces autres causes.

De plus, il n'existe aucun fondement juridique ou pratique permettant d'exiger que le Tribunal quantifie les autres causes ou qu'il utilise une formule précise pour distinguer les causes de préjudice possibles. Comme la Cour fédérale l'a dit à bon droit,

    Si la présence de marchandises étrangères sur le marché intérieur à des prix sous-évalués contraint les producteurs canadiens soit à perdre des ventes soit à vendre à perte leurs propres produits, il est alors loisible au Tribunal de conclure que le dumping a causé préjudice. Évidemment, il est possible que d'autres facteurs aient contribué au préjudice. Le bon sens nous dicte, me semble-t-il, que c'est pratiquement toujours le cas. L'efficacité, la qualité, le contrôle des coûts, les aptitudes de commercialisation, l'exactitude des prévisions de même que la chance et une foule d'autres facteurs nous viennent à l'esprit. C'est à un tribunal formé d'experts et spécialisé tel le Tribunal anti-dumping que revient la tâche de soupeser ces différents facteurs et de décider de l'importance qu'il faut accorder à chacun . 49

En pratique, le Tribunal évaluera nécessairement différentes causes pour en arriver à sa décision au sujet du préjudice, comme il l'a fait en l'espèce, mais la quantification ou l'évaluation précise des répercussions de toutes les autres causes possibles de préjudice pour déterminer si les importations sous-évaluées causent un préjudice sensible représente une tâche ardue, inutile et, dans certains cas, presque impossible.

B. Le Tribunal a-t-il commis des erreurs de droit ou de fait dans la façon dont il a analysé les liens entre différents facteurs touchant les prix pour déterminer l'existence d'un lien de causalité?

1. L'analyse faite par le Tribunal au sujet des ventes d'origine portugaise et des tendances des clients en matière d'approvisionnement était conforme aux exigences du droit et justifiée par la preuve factuelle contenue dans le dossier administratif.

Les plaignantes soutiennent également qu'en omettant de distinguer les conséquences sur les prix des ventes conclues par les producteurs européens, notamment les Portugais, le Tribunal n'a pas tenu compte des répercussions des politiques d'IPCO en matière d'établissement des prix et d'approvisionnement en ce qui a trait au préjudice sensible causé aux producteurs nationaux50. Selon les plaignantes, en omettant d'examiner séparément ces conséquences, le Tribunal a agrégé les effets, pour les producteurs canadiens, de la vente de marchandises non sous-évaluées avec ceux de l'importation de marchandises sous-évaluées en provenance des États-Unis. Les plaignantes contestent aussi certains aspects importants de l'analyse du Tribunal au sujet du marché canadien de la ficelle d'engerbage synthétique. Plus précisément, elles contestent la décision du Tribunal quantà la façon dont les prix sur ce marché ont été déterminés, notamment quant aux répercussions des ventes de marchandises sous-évaluées en provenance des États-Unis et des ventes portugaises de marchandises non sous-évaluées sur le marché canadien et sur les prix canadiens . 51

Ces arguments, qui concernent l'orientation des prix52 , ne tiennent pas compte du fait qu'en pratique, le Tribunal doit examiner tous les facteurs "pertinents" pour déterminer si les marchandises sous-évaluées ont causé un préjudice sensible. Tant et aussi longtemps qu'il se fonde sur les conséquences découlant de la vente de marchandises sous-évaluées pour les producteurs canadiens, le Tribunal ne commet pas d'erreur en examinant d'autres facteurs qui pourraient constituer une cause indépendante de préjudice sensible, comme les effets de l'importation de marchandises non sous-évaluées en provenance du Portugal.

Encore là, la situation factuelle est importante. Le Tribunal a souligné "qu'il est nettement avantageux pour IPCO d'avoir plus d'un fournisseur des marchandises en question, non seulement en termes de prix, mais aussi pour assurer la sécurité des approvisionnements" 53 . Les témoignages et la preuve écrite étaient suffisants pour justifier la conclusion du Tribunal sur ce point 54 . Le Tribunal a également décidé que, malgré les pratiques d'IPCO en matière d'approvisionnement, tous les prix des vendeurs devaient être concurrentiels par rapport au prix le plus bas :

    [L]e Tribunal a constaté que les décisions de IPCO en matière d'achat de ficelle d'engerbage synthétique n'avaient rien d'altruiste, cette dernière insistant pour que les prix de chaque soumissionnaire soient concurrentiels par rapport à ceux d'autres fournisseurs du marché canadien. IPCO peut ensuite s'approvisionner auprès de plusieurs fournisseurs en même temps et toujours à des prix compétitifs, ce dont bénéficient les coopératives membres de IPCO . 55

En conséquence, compte tenu des faits portés à la connaissance du Tribunal, le Groupe spécial est d'avis que l'orientation ou la coorientation des prix par les fournisseurs portugais dans le cadre de leurs transactions avec IPCO ne l'empêchait pas de conclure que les importations sous-évaluées en provenance des États-Unis constituent une cause de préjudice sensible. Même si les producteurs américains avaient simplement appliqué les prix portugais dans bon nombre ou même dans la plupart des cas, les producteurs canadiens auraient été forcés de s'en tenir aux prix inférieurs offerts par les fournisseurs portugais ou américains, afin de ne pas être exclus du marché. Bien que les ventes de marchandises sous-évaluées par les producteurs américains n'aient peut-être pas entraîné une perte de ventes pour les producteurs canadiens dans les plupart des cas, elles ont manifestement été l'un des facteurs de l'érosion des prix qui a caractérisé le marché canadien. Cette conclusion ressort nettement du fait que les importations de marchandises sous-évaluées en provenance des États-Unis étaient importantes quant au volume absolu et représentaient plus du double du volume d'importation de marchandises non sous-évaluées en provenance du Portugal . 56

Même si l'on présume qu'aucun élément de preuve contenu au dossier n'indique que les producteurs américains étaient en situation de maîtrise des prix57 , notre Groupe spécial n'est toujours pas convaincu, comme question de droit, que l'application d'un prix fixé par un autre exportateur étranger sur un marché touché constitue un moyen de défense valable dans une action antidumping pour cause d'absence de préjudice. Selon le Code antidumping du GATT de 1979, un des critères régissant la détermination de l'existence d'un préjudice réside dans la question de savoir, notamment, "s'il y a eu, dans les importations faisant l'objet d'un dumping, sous-cotation importante du prix par rapport au prix d'un produit similaire du pays importateur58" . Les plaignantes n'allèguent pas l'absence de sous-cotation des prix des marchandises en provenance des États-Unis par rapport aux prix canadiens. Elles allèguent uniquement que l'application de prix inférieurs par les producteurs américains vise à faire face à la concurrence livrée par les autres fournisseurs 59. Selon le Code antidumping du GATT, les prix des marchandises sous-évaluées doivent être comparés aux prix nationaux. Si les importations donnent effectivement lieu à une "sous-cotation importante des prix", il se peut qu'un préjudice sensible soit causé. Tel est le cas en l'espèce.

2. L'analyse faite par le Tribunal au sujet de la discrimination par les prix et de la structure du marché comme facteurs pour déterminer l'existence d'un lien de causalité n'était pas erronée.

Par définition, le dumping est une discrimination par les prix entre le prix à l'exportation et le prix auquel le produit se vend sur le marché du pays exportateur 60 . Dans le cas qui nous occupe, il y a manifestement discrimination par les prix, soit une différence de prix entre les marchés canadien et américain. Revenu Canada a constaté des marges de dumping de 16,6 % et 14 % pour les deux producteurs américains . 61

Ainsi, pour déterminer si un préjudice existe, le Tribunal doit examiner les conséquences des prix sur le marché canadien, c'est-à-dire qu'il doit se demander si le prix sous-évalué de la ficelle d'engerbage synthétique d'origine américaine a causé un préjudice sensible aux producteurs canadiens. Pour répondre à cette question, le Tribunal peut mener une enquête raisonnable sur la façon dont les prix sont déterminés sur le marché canadien et, à cette fin, examiner la preuve au sujet de l'orientation des prix. Dans la présente affaire, il peut examiner les pratiques de vente suivies tant pendant la saison des commandes que lors des ventes "en saison".

Par suite de son analyse, le Tribunal a conclu qu'il y avait eu érosion de la structure des prix en raison du dumping de la ficelle d'engerbage synthétique d'origine américaine. Il a également constaté qu'il y avait eu "érosion des prix pendant la période visée par l'enquête"62 , que "l'industrie a subi une érosion et une compression des prix causées par les importations sous-évaluées et que ce préjudice attribuable aux prix a été suffisamment important pour être considéré comme étant sensible" 63. Le Tribunal a fondé sa décision en partie sur les faits suivants :

    Entre 1990 et 1993, les prix de vente des marchandises en question ont été réduits d'environ 6 p. 100. En 1993, Poli-Twine a dû réduire sa proposition de prix d'origine faite à IPCO d'un montant considérable afin d'obtenir un contrat qui autrement aurait été attribué à des fournisseurs américains en mesure d'offrir de bas prix uniquement en faisant du dumping. Ces réductions de prix ont eu un effet préjudiciable sur la rentabilité de l'entreprise . 64

    ...

    Le Tribunal est convaincu que les pressions exercées par la concurrence au Canada proviennent surtout des fournisseurs américains plutôt que des fournisseurs portugais de ficelle d'engerbage synthétique. Bien que les importations en provenance du Portugal soient de toute évidence un facteur dans le processus d'établissement des prix, le Tribunal est persuadé que les États-Unis, en raison de leur part dominante du marché des importations et de leur capacité de concurrencer sur le marché en saison, jouent le rôle le plus important parmi les exportateurs pour ce qui est de la détermination des niveaux de prix sur le marché canadien . 65

Nous sommes convaincus du bien-fondé du raisonnement du Tribunal. Pour déterminer les conséquences de l'importation de marchandises sous-évaluées sur les prix, il importe d'examiner la structure du marché, à plus forte raison lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, la fibre d'engerbage est une marchandise vendue principalement en fonction du prix66 . La ficelle d'engerbage synthétique est vendue au cours de deux saisons de vente au Canada. Il y a d'abord la saison des commandes et de l'expédition, au cours de laquelle la plupart des livraisons ont lieu. Par ailleurs, certaines ventes complémentaires sont conclues pendant la période de "mise en balle", c'est-à-dire pendant la période d'utilisation de la ficelle d'engerbage synthétique, afin de répondre à la demande ponctuelle . 67

Il appert de la preuve versée au dossier que, au cours de la saison des commandes, le prix était fixé par les producteurs américains, ce qui leur permettait de demeurer concurrentiels par rapport aux producteurs portugais68 , ou par les producteurs portugais eux-mêmes. L'établissement de prix peu élevés s'explique par la concurrence entre les marchandises canadiennes, les marchandises portugaises (ou d'autres marchandises européennes) non sous-évaluées et les marchandises sous-évaluées en provenance des États-Unis.

D'autres éléments de preuve qui se trouvent au dossier indiquent que le prix des ventes en saison était établi en fonction des prix fixés au cours de la saison des commandes précédente. Le Tribunal en a conclu que les fabricants canadiens de ficelle d'engerbage ne pouvaient augmenter leurs prix pendant cette période sans perdre des ventes ou sans devoir offrir des rabais aux clients existants69 . Le Tribunal a également reconnu que les fabricants américains avaient un avantage sur les producteurs européens de ficelle d'engerbage, parce qu'ils pouvaient desservir le marché en saison en raison de leur proximité par rapport au marché canadien. Selon le Tribunal, cette proximité a également permis aux producteurs américains d'abaisser les prix du marché au Canada en saison :

    Les capacités des fournisseurs étrangers de répondre à la demande sur les marchés de l'est et de l'ouest du Canada pendant la période en saison diffèrent. ... Les volumes plus petits et les livraisons rapides requises pour les ventes des marchandises achetées pendant la période en saison écartent prétendument la concurrence des fournisseurs étrangers, comme ceux du Portugal, qui expédient leur ficelle au Canada par fret maritime. En revanche, les fabricants américains de ficelle d'engerbage synthétique sont plus près des marchés de l'ouest du Canada que Poli-Twine et sont donc bien placés pour répondre aux besoins de ce marché en saison . 70

Il appert également des témoignages présentés devant le Tribunal que les producteurs américains pouvaient livrer une concurrence plus efficace sur le marché de l'Ouest canadien en raison de leur proximité par rapport à ce marché, qui se traduisait par une baisse des frais de transport . 71 Sur la foi de cette preuve, le Tribunal a conclu que la ficelle d'engerbage d'origine portugaise n'était pas en concurrence de façon aussi directe sur les marchés de l'Ouest du Canada que la ficelle d'origine américaine et que seuls les fournisseurs canadiens et américains étaient actifs en saison . 72

Compte tenu de ces conditions du marché, le prix des commandes est effectivement le plafond du prix de ventes en saison, tant et aussi longtemps que les producteurs américains restent sur le marché, parce que cette concurrence empêche le prix canadien en saison d'augmenter à des niveaux supérieurs à ce "prix concurrentiel". Il s'agit évidemment d'une forme de compression des prix causée, en l'espèce, par l'importation de marchandises sous-évaluées en provenance des États-Unis. Le Groupe spécial conclut que, étant donné que le marché de la ficelle d'engerbage synthétique en saison formait environ 20 p. 100 du marché canadien annuel de cette marchandise au cours de la période visée par l'enquête et que les producteurs américains ont comprimé les prix sur ce marché , 73 le Tribunal pouvait raisonnablement en arriver à la conclusion que les producteurs américains ont causé un préjudice sensible sur ce marché. À tout événement, même si le présent Groupe spécial, après avoir examiné la question de novo, n'était pas entièrement d'accord avec l'analyse du Tribunal, le dossier renferme suffisamment d'éléments de preuve justifiant la conclusion de celui-ci quant à la compression des prix exercée par des fournisseurs américains. De plus, il est évident, aux yeux du Groupe spécial, que le Tribunal se devait d'examiner la structure du marché canadien pour analyser avec précision les effets des marchandises sous-évaluées sur les prix nationaux.

3. L'analyse faite par le Tribunal au sujet des conséquences de l'orientation des prix était justifiée par les éléments de preuve contenus au dossier.

Les plaignantes allèguent également que le Tribunal a commis une erreur tant lorsqu'il a déterminé la façon dont les prix étaient fixés sur le marché canadien que lorsqu'il a identifié les producteurs responsables de l'établissement de ces prix. Tel qu'il est mentionné ci-dessus, les plaignantes soutiennent que les prix ont parfois été contrôlés non pas par les producteurs américains, mais par les producteurs portugais. Elles ajoutent que, étant donné que les producteurs américains n'étaient pas en situation de maîtrise des prix, ils n'ont pu causer un préjudice sensible.

Ces allégations ne tiennent pas compte de la preuve relative à l'orientation des prix exercée par les fournisseurs américains lors des ventes en saison et, à l'occasion, pendant la période des commandes74 . Elles reposent également sur une interprétation erronée du droit sur cette question. Les importations sous-évaluées peuvent constituer une cause de préjudice sensible même si leurs prix ne sont pas dans tous les cas ou même dans la majeure partie des cas les prix les plus bas. La seule preuve requise est une preuve indiquant que les importations sous-évaluées favorisent de façon suffisamment importante l'érosion ou la compression des prix ou encore la perte de ventes . 75

L'établissement d'un lien de causalité entre le dumping exercé par les producteurs américains et l'érosion des prix au Canada justifie en soi une conclusion quant à l'existence d'un préjudice sensible. En vendant la marchandise à des prix inférieurs aux prix en vigueur sur le marché américain, les producteurs américains ont favorisé l'érosion des prix nationaux au Canada et causé un préjudice sensible aux producteurs canadiens . 76

C. Le Tribunal a-t-il commis des erreurs de droit ou de fait en examinant des facteurs non liés aux prix et en omettant d'examiner d'autres facteurs pour déterminer l'existence d'un préjudice sensible?

1. L'examen par le Tribunal de facteurs qui ne sont pas liés au dumping et qui ne seraient pas pertinents est justifié par la preuve factuelle en l'espèce.

Les plaignantes reprochent également au Tribunal d'avoir commis d'autres erreurs de fait et de droit "en examinant des facteurs autres que les effets des importations sous-évaluées sur les prix pour trancher la question du lien de causalité en ce qui a trait au préjudice passé et actuel"77 . Ces facteurs étaient [TRADUCTION] "les avantages géographiques des producteurs américains par rapport aux producteurs canadiens ainsi que les effets plus restreints des ventes en saison à des prix réduits au Canada sur le marché primaire des producteurs américains comparativement à celui des producteurs canadiens" . 78

Tel qu'il est mentionné plus haut, la proximité géographique est un facteur pertinent en l'espèce, puisqu'elle concernait la capacité pour les producteurs américains de faire concurrence aux autres producteurs lors des ventes en saison, de façon à continuer à vendre des marchandises à un prix sous-évalué pendant toute l'année. Le Tribunal avait de bonnes raisons de considérer d'autres facteurs non liés aux prix comme des facteurs pertinents, lorsque ceux-ci pouvaient lui permettre d'analyser et de mieux comprendre les conséquences des importations sous-évaluées sur les prix.

Encore une fois, la structure de l'ensemble du marché canadien et les conséquences des marchandises sous-évaluées sur le marché lors des ventes en saison constituent des facteurs cruciaux dont il faut tenir compte pour déterminer si le dumping a causé un préjudice. Le Tribunal ne s'acquitterait pas de ses obligations s'il n'analysait pas la structure et le fonctionnement du marché et leurs répercussions sur la détermination des prix. Dans le cas qui nous occupe, le Tribunal a bien examiné la façon dont les prix sur le marché canadien étaient fixés et dont le préjudice occasionné aux producteurs canadiens a été causé.

2. Les autres erreurs de droit ou de fait reprochées ne constituent pas des erreurs susceptibles de révision.

Les plaignantes soutiennent que le Tribunal aurait dû, pour en arriver à sa décision au sujet du préjudice sensible, tenir compte des données sur les prix et les ventes à l'égard de l'année 1994 . 79 Le Groupe spécial n'est pas d'accord et ne doit pas tenir compte des résultats de la saison d'achat de 1994 ou de leur lien avec le dumping des marchandises en question sur le marché canadien. En effet, la preuve concernant la saison d'achat de 1994 n'était apparemment pas disponible lorsque le Tribunal a mené son enquête, qui s'est terminée lorsque celui-ci a conclu à l'existence d'un préjudice le 22 avril 1995, bien avant la fin de la saison 1994. Toute déduction tirée des données concernant cette saison est donc, tout au mieux, hypothétique80 . Notre Groupe spécial ne peut qu'examiner les éléments de preuve dont le Tribunal a pu lui-même prendre connaissance au cours de son enquête.

Les plaignantes ajoutent que le Tribunal a commis une erreur susceptible de révision en omettant de distinguer et d'examiner séparément les conséquences des propres actions de Poli-Twine81 . Elles soutiennent que la perte d'une part du marché que Poli-Twine a subie était imputable à la restructuration de l'entreprise et non aux marchandises sous-évaluées en provenance des États-Unis. Le Tribunal a effectivement examiné les mesures adoptées par ce producteur national et a conclu qu'elles n'avaient eu aucun effet sur le marché. Cependant, la restructuration de Poli-Twine a donné lieu à une hausse de son taux de rendement des ventes plutôt qu'à une baisse :

Les taux de rendement ont aussi été plus faibles en 1992 et 1993 qu'en 1990 en dépit des importantes mesures de réduction des coûts prises par Poli-Twine. On compte parmi les efforts de cette dernière à cet égard des réductions de personnel, la négociation de concessions salariales et d'une réduction du loyer, le regroupement des opérations d'entreposage et des achats de résine de polypropylène sur le marché au comptant moins cher . 82

Le Tribunal a conclu que les actions de Poli-Twine ont permis au producteur d'éviter de subir un préjudice encore plus important en raison de l'importation de marchandises sous-évaluées. Toutefois, cette restructuration n'a pas annulé pour autant le préjudice sensible que Poli-Twine a subi par suite de l'importation de marchandises sous-évaluées sur le marché canadien :

    De l'avis du Tribunal, les conséquences financières positives de ces mesures sur le résultat net de Poli-Twine masquent l'ampleur réelle du préjudice causé par le dumping des marchandises en question. Si Poli-Twine n'avait pas pris ces mesures de réduction des coûts, la diminution nette de sa rentabilité aurait été beaucoup plus importante . 83

Le Tribunal a conclu non seulement que la restructuration avait masqué l'ampleur réelle du préjudice causé par le dumping, mais que cette restructuration était devenue nécessaire en raison de ce dumping. La restructuration visait en partie à contrer les effets de la baisse des prix qui avait été causée par les marchandises sous-évaluées84 . En conséquence, le dossier ne renferme aucun élément de preuve permettant aux plaignantes de soutenir que la restructuration est à l'origine du préjudice que Poli-Twine a subi. Il appert plutôt du dossier que la restructuration constitue tout simplement une autre forme de préjudice découlant des marchandises importées.

Le Groupe spécial a déjà commenté les conséquences découlant des ventes d'origine européenne, notamment les ventes en provenance du Portugal, sur le marché canadien.

En conséquence, compte tenu de la grande retenue dont il doit faire preuve à l'endroit de la façon dont le Tribunal a interprété le droit et les faits dont il était saisi ainsi que la preuve contenue au dossier, le Groupe spécial confirme la décision du Tribunal selon laquelle les importations sous-évaluées de ficelle d'engerbage synthétique en provenance des États-Unis constituent une cause de préjudice sensible touchant les producteurs canadiens.

III. PRÉJUDICE FUTUR

Tel qu'il est mentionné ci-dessus, le Groupe spécial fait preuve d'une grande retenue à l'endroit des conclusions de fait et de droit du Tribunal. (Voir les commentaires figurant à la partie I qui précède.) La preuve requise pour confirmer les conclusions de fait du Tribunal est minime. Il n'est pas nécessaire non plus que le Groupe spécial en vienne à la même conclusion que le Tribunal sur la foi de cette preuve. Cependant, cela ne signifie pas que la décision du Tribunal sera confirmée s'il n'existe au dossier aucun élément de preuve justifiant ses conclusions. Tel est le cas en l'espèce.

Compte tenu de la conclusion que le Tribunal a tirée et que nous confirmons au sujet du lien de causalité entre le préjudice antérieur et le dumping, il pourrait être logique de présumer que ce préjudice se poursuivra tant et aussi longtemps que les conditions demeureront les mêmes; toutefois, nous ne sommes pas disposés à conclure que cette présomption équivaut à une preuve. Cette conclusion aurait pour effet d'annuler l'obligation de présenter une preuve positive à l'appui du préjudice futur et d'abolir le principe fondamental selon lequel les décisions en matière antidumping doivent être fondées sur la preuve contenue au dossier.

Les intimés soutiennent que, dans l'affaire National Corn Growers Association c. Canada, [1990] 2 R.C.S. 1324, p. 1382, la Cour a confirmé une conclusion relative au préjudice futur sur la foi d'une présomption de cette nature. Cependant, un examen plus approfondi de cette opinion indique que la conclusion de la Cour était fondée sur de nombreux renvois à la preuve contenue au dossier. Voir, par exemple, l'affaire Corn Growers, p. 1380 et 1381 (où la Cour renvoie à des éléments de preuve concernant les prix, la nature et la fonction du marché de Chicago, les caractéristiques de l'établissement des prix sur le marché au comptant et le marché à terme ainsi qu'à des conclusions tirées de la preuve). Cette preuve sous-jacente n'existe pas dans la présente affaire.

Le Tribunal a fondé sa conclusion sur la "conviction" que Poli-Twine fera face à la même situation sur le marché que celle qu'elle a connue récemment. Il était également d'avis que le dumping au Canada n'a aucune incidence fâcheuse sur le marché intérieur des exportateurs et que, tant qu'il y aura surproduction aux États-Unis, le préjudice se poursuivra (exposé des motifs, p. 17). Il se peut que ces opinions soient bien fondées et, dans l'affirmative, elles sembleraient justifier une conclusion quant à l'existence d'une menace de préjudice futur, mais elles ne reposent pas sur des faits prouvés, d'après les éléments qui ont été portés à notre attention dans les mémoires ou au cours des plaidoiries. Les éléments du dossier qui ont été invoqués constituent des hypothèses et non une preuve en soi.

Le Groupe spécial est bien conscient des problèmes auquel le Tribunal a pu se heurter lorsqu'il a tenté de recueillir des éléments de preuve au sujet du préjudice futur, notamment en ce qui a trait aux données sur la capacité américaine et sur les conséquences prévues du dumping futur au Canada pour le marché américain. Les intimés font valoir que les plaignantes américaines ont compliqué la tâche du Tribunal en refusant de fournir les données demandées. Que cette allégation soit bien fondée ou non, et cette question n'a pas été posée directement au Groupe spécial, le Tribunal disposait de certains autres moyens pour trouver des éléments de preuve, même minimes, à l'appui de sa décision selon laquelle le dumping est susceptible de causer un préjudice futur. À l'heure actuelle, le dossier qui nous a été présenté "ne peut étayer les conclusions du Tribunal". Lester (W.W.)(1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et des apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, p. 669.

En conséquence, nous renvoyons la décision au Tribunal et nous lui demandons d'indiquer les éléments du dossier établissant qu'un préjudice sensible risque d'être causé à l'avenir ou, subsidiairement, de rouvrir l'enquête pour obtenir cette preuve.

IV. RÉPARATION

Pour les motifs exposés ci-dessus, le Groupe spécial:

confirme la décision du Tribunal selon laquelle le dumping des marchandises en question a causé et cause un préjudice sensible; et

Renvoie la décision du Tribunal selon laquelle le dumping est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires et lui demande d'indiquer les éléments du dossier établissant cette probabilité ou, subsidiairement, de rouvrir l'enquête administrative pour obtenir cette preuve.

Le Groupe spécial demande au Tribunal de réexaminer l'affaire et de rendre sa nouvelle décision dans les soixante (60) jours suivant la date de la présente décision.

SIGNÉ DANS L'ORIGINAL PAR:

    Robert E. Ruggeri, président

    M Edward C. Chiasson, c.r. e

    Le professeur David A. Gantz

    M Jane C. Luxton e

    Le professeur Leon E. Trakman

Délivré le 10 avril 1995


1 Gazette du Canada, partie 1, vol. 128, n 3, p. 258-259 (15 janvier 1994). 1

2 Gazette du Canada, n 14, p. 2014-2015 (2 avril 1994). 2 o

3 L.R.C. (1985), ch. F-7.

4 Selon l'article 1911 de l'ALENA, les "principes juridiques généraux" comprennent des "principes tels que la qualité pour agir, l'application régulière de la loi, les règles d'interprétation des lois, le principe dit mootness et l'épuisement des recours administratifs".

5 Voir, p. ex., Alliance de la fonction publique c. Canada (P.G.), [1991] 1 R.C.S. 614; U.E.S. Local 286 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048; Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Conseil canadien des relations du travail, [1984] 2 R.C.S. 412. Voir également Bière originaire des États-Unis d'Amérique et provenant de G. Heileman Brewing Company, Inc., Pabst Brewing Company et The Stroh Brewing Company, ou exportée par ces sociétés, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique, décision en date du 6 août 1992, dossier du Secrétariat canadien n o CDA-91-1901-01, p. 11 à 13, et Affaire de la décision définitive de dumping rendue par Revenu Canada, Douanes et Accise, se rapportant aux tapis produits sur machines à touffeter, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique, en date du 19 mai 1993, dossier du Secrétariat canadien n CDA-92-1904-01, p. 7 à 9.

6 Lester (W.W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, p. 669. [Ci-après appelée l'affaire Lester.]

7 Id., p. 668-669.

8 Voir, p. ex., Canada (P.G.) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, p. 964.

9 Lester, supra, note 6, p. 669 et 670.

10 Id.

11 (1984), 14 D.L.R. (4th) 289, p. 302.

12 Id. Toute preuve à l'appui de la conclusion du tribunal suffit pour établir le critère de l'erreur "manifestement déraisonnable". "[S]'il existe un élément de preuve susceptible d'appuyer une conclusion... la Cour maintiendra la décision de la Commission même si cette décision ne correspond pas à la conclusion qu'aurait tirée la Cour" (le juge MacLachlin, dans l'affaire Lester, précitée, note 6, p. 687 et 688). Dans l'affaire Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd. (Bradco), [1993] 2 R.C.S. 316, p. 340, le juge Sopinka a ajouté ce qui suit : "Dès qu'on décide qu'il y a lieu de faire preuve de retenue judiciaire à l'égard d'une décision particulière d'un tribunal, celui-ci a le droit de se tromper, indépendamment du nombre de juges chargés de procéder à l'examen qui désapprouvent sa décision".

13 Les clauses privatives sont décrites comme suit : [TRADUCTION] "Il arrive fréquemment que le législateur énonce, dans la loi habilitante d'un nouveau tribunal administratif qu'il crée, une "clause privative" visant à exclure le contrôle judiciaire des décisions du tribunal. Il existe plusieurs formes assez courantes de clauses privatives : la clause relative au caractère définitif des décisions, qui énonce que les décisions du tribunal sont "définitives" et ne peuvent faire l'objet d'une révision; la clause "d'exclusivité", qui accorde au tribunal une compétence exclusive pour trancher les questions dont il est saisi; la clause "d'interdiction de recours en certiorari", qui énonce que les recours en certiorari et les autres recours qui seraient par ailleurs disponibles à des fins de révision ne peuvent être utilisés pour examiner les décisions du tribunal. Il existe également des clauses "d'avis" et des clauses "limitatives", qui interdisent l'examen des décisions à moins qu'un préavis n'ait été donné ou que la demande d'examen n'ait été présentée dans un bref délai". Peter Hogg, Constitutional Law of Canada 197 (Carswell, 1992).

14 L.R.C. (1985), ch. S-15 (et ses modifications), [ci-après appelée la LMSI].

15 [1994] 2 R.C.S. 557, [ci-après appelée l'affaire Pezim].

16 Id., p. 590.

17 Sur ce point, voir l'affaire National Corn Growers Association c. Canada (Tribunal d'importation), [1990] 2 R.C.S. 1324, p. 1370. Voir également la décision du Groupe spécial binational dans l'affaire concernant Certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud originaires ou exportés des États-Unis (préjudice), CDA-93-1904-07, décision du 18 mai 1994 [ci-après appelée l'affaire Produits d'acier laminés à chaud], p. 15 à 17.

18 En ce qui a trait à la conclusion selon laquelle un changement apporté à une disposition législative est une mesure corrective, voir l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-23.

19 Par. 17(1) de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain, L.C. (1993), ch. 44.

20 Supra, note 15.

21 Affaire Pezim, supra, note 15, p. 589 et 590, commentée dans l'arrêt Société Radio-Canada c. CCRT, C.S.C., 27 janvier 1995, p. 14 et 15.

22 Id.

23 Affaire Pezim, supra, note 15, p. 590, citée dans l'arrêt Société Radio-Canada, p. 14. Le raisonnement que la Cour suprême a suivi dans l'affaire Pezim est compatible avec celui que le Groupe spécial binational a adopté dans l'affaire Produits d'acier laminés à chaud où, après avoir examiné la fonction du Tribunal, il a conclu que "le critère d'examen applicable aux erreurs de droit commises à l'intérieur de la compétence spécialisée du Tribunal est celui de l'erreur manifestement déraisonnable". Il a également ajouté que "cette conclusion est appuyée par l'existence d'une clause privative dans la LMSI".

24 Affaire Pezim, p. 589.

25 Id. p. 591.

26 Id. p. 590.

27 Id.

28 Les tribunaux canadiens ont déjà commencé à interpréter le raisonnement que la Cour suprême a suivi dans l'affaire Pezim. Certains juges estiment que la norme de la "grande retenue" correspond à celle des "décisions manifestement déraisonnables". Voir, par exemple, l'affaire Sivasamboo, et al c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (C.F. 1 inst.), re décision rendue le 30 novembre 1994 par le juge Richard (non publiée), p. 18. Il est difficile d'accepter cette conclusion dans tous les cas, bien qu'elle puisse être logique dans les cas extrêmes. Voir, par exemple, l'affaire Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Limited, [1993] 2 R.C.S. 316, p. 332, et l'affaire Lester, supra note 6, p. 669.

29 [1993] 1 R.C.S. 554 [ci-après appelée l'affaire Mossop].

30 Affaire Pezim, supra note 15, p. 590.

31 Accord relatif à la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce en date du 17 décembre 1979, BISD (1980) [ci-après appelé "le Code antidumping du GATT"].

32 Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15, §§.41(1), 42, 76(1), 77.011(5) et 77.015(1) [ci-après appelée la "LMSI"].

33 Poli-Twine est le plus important producteur canadien. Exposé des motifs du TCCE, p. 4. Pour les pourcentages de la production intérieure, voir l'exposé des motifs du TCCE, p. 11 (tableau 3).

34 Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15.

35 Exposé des motifs du TCCE, p. 14; voir le témoignage de Nolin, transcription publique, p. 46 à 49.

36 Exposé des motifs du TCCE, p. 16; voir le témoignage de Nolin, transcription publique, p. 46 à 49.

37 Voir le mémoire des plaignantes, p. 21. Le 1 janvier 1995, le Code antidumping du GATT er de 1979 a été remplacé, pour le Canada, les États-Unis et au moins 79 autres pays, par l'Accord relatif à la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui est l'un des accords commerciaux multilatéraux adoptés dans le cadre de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce de 1994. Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce. Énoncé canadien de mise en oeuvre, Gazette du Canada, partie I, 31 décembre 1994, p. 4847. Cependant, le Code de 1979 s'applique en l'espèce.

38 Recommandation du Comité des pratiques antidumping concernant la détermination de l'existence d'une menace de préjudice important adoptée par le Comité le 21 octobre 1985 (ADP/25), BISD 32S/182 [ci-après appelée "la Recommandation du Comité du GATT"].

39 Mémoire des plaignantes, p. 22 à 24.

40 Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15.

41 Affaire Certaines tôles d'acier laminées à froid originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique (préjudice) (CDA-93-1904-09; 13 juillet 1994, p. 31).

42 National Corn Growers Association c. Canada (Tribunal d'importation), [1990] 2 R.C.S. 1324, p. 1348 et 1349.

43 Affaire Certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud originaires ou exportés des États-Unis (préjudice) (CDA-93-1904-07, 18 mai 1994, p. 58 et 59), où le groupe spécial a cité l'affaire Tapis produits sur machines à touffeter, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique (CDA-92-1904-02; 7 avril 1993, p. 8).

44 Exposé des motifs du TCCE, p. 13 à 15.

45 Exposé des motifs du TCCE, p. 15 et 16.

46 Mémoire des plaignantes, p. 22.

47 Affaire La bière originaire des États-Unis d'Amérique (CDA-91-1904-02; 26 août 1992, p. 30 et 31).

48 Ministère des Affaires extérieures. Accord de libre-échange nord-américain. Énoncé canadien des mesures de mise en oeuvre, Gazette du Canada, partie I, 1 janvier 1994, p. er 200.

49 Affaire Sacilor Aciéries c. Tribunal antidumping (1986), 9 C.E.R. 210 (Cour d'appel fédérale), p. 214.

50 Mémoire des plaignantes, p. 26.

51 Mémoire des plaignantes, p. 25 et 26.

52 Voir la sous-partie B(3) pour des commentaires concernant les questions liées à l'orientation des prix.

53 Exposé des motifs du TCCE, p. 14; voir le témoignage de Rettaler, transcription confidentielle, aux pages 107 et 128.

54 Voir le témoignage de Rettaler au sujet de la capacité de Poli-Twine, transcription publique, p. 19 et 20, transcription confidentielle, p. 108 et 109.

55 Exposé des motifs du TCCE, p. 14; voir le témoignage de Rettaler au sujet du prix comme facteur (c.-à-d. l'établissement de prix concurrentiels), transcription confidentielle, p. 120, 121, 127 et 128; témoignage de Nolin au sujet de la nature dirigée du marché quant aux prix, transcription publique, p. 43, 44, 52 et 53.

56 Exposé des motifs du TCCE, p. 10, tableau 2.

57 Ce qui n'est pas le cas; voir la partie B(3) ci-dessous.

58 Art. 3.2 du Code antidumping du GATT (les caractères en italique sont ajoutés).

59 Voir la partie C(2) ci-dessous.

60 "[U]n produit doit être considéré comme faisant l'objet d'un dumping, c'est-à-dire comme étant introduit sur le marché d'un autre pays à un prix inférieur à sa valeur normale, si le prix à l'exportation de ce produit, lorsqu'il est exporté d'un pays vers un autre, est inférieur au prix comparable pratiqué au cours d'opérations commerciales normales pourle produit similaire destiné à la consommation dans le pays exportateur". Article 2.1 du Code antidumping du GATT de 1979.

61 Exposé des motifs du TCCE, p. 6.

62 Exposé des motifs du TCCE, p. 14; voir le témoignage de Nolin, transcription publique, p. 46 à 49.

63 Exposé des motifs du TCCE, p. 16; voir le témoignage de Nolin, transcription publique, p. 46 à 49.

64 Exposé des motifs du TCCE, p. 16; voir le témoignage de Nolin, transcription publique, p. 48, et transcription confidentielle, aux pages 4, 5, 42 à 45, 48, 96, 97 et 127.

65 Exposé des motifs du TCCE, p. 16; voir le témoignage de Rettaler au sujet du marché de l'Ouest canadien, transcription confidentielle, p. 84, 85 et 95; le témoignage de Nolin, transcription publique, p. 35, 36 et 53; le témoignage de Nolin au sujet de la concurrence directe avec les producteurs canadiens, transcription publique, p. 47, transcription confidentielle, p. 58, 59, 84, 85, 107 et 111.

66 Exposé des motifs du TCCE, p. 17; voir le témoignage de Rettaler au sujet de la ficelle comme marchandise, transcription publique, p. 64 et 65; témoignage de Rettaler au sujet du prix comme facteur, transcription confidentielle, p. 120, 121, 127 et 128.

67 Voir l'exposé des motifs du TCCE, p. 7, le témoignage de Nolin, transcription publique, p. 18 et 22, et le témoignage de Rettaler, transcription publique, p. 61 et 62.

68 Voir le témoignage de Nichols, Nolin et Rettaler, transcription confidentielle, p. 10, 39, 42 à 45, 96, 97 et 127, et le témoignage de Nolin, transcription publique, p. 34 et 35.

69 Voir le témoignage de Rettaler, transcription publique, p. 84, 85 et 87; transcription confidentielle, p. 111 et 112. Voir le témoignage de Nolin, transcription publique, p. 54, et transcription confidentielle, p. 3 à 5, 7 et 8.

70 Exposé des motifs du TCCE, p. 15; voir le témoignage de Rettaler au sujet de la situation des producteurs américains dans l'Ouest canadien, transcription publique, p. 86 et 87, et transcription confidentielle, p. 84, 85 et 95.

71 Exposé des motifs du TCCE, p. 15 et 16; voir le témoignage de Nolin au sujet du facteur de fret sur le marché de l'Ouest canadien, transcription publique, p. 35, 36 et 53.

72 Exposé des motifs du TCCE, p. 15; voir le témoignage précité aux notes 35 et 36.

73 Exposé des motifs du TCCE, p. 15; voir le témoignage de Nolin, transcription publique, p. 19 et 20.

74 Voir le témoignage de Nolin, transcription confidentielle, p. 42, 43 et 45; témoignage de Rettaler, transcription confidentielle, p. 96 et 97. Il est vrai que le dossier renferme peu de données à ce sujet, peut-être en partie parce que les plaignantes n'ont pas répondu au questionnaire du Tribunal. (Voir les commentaires aux pages 193 à 198 de la transcription publique de l'audience du Groupe spécial.)

75 Voir également les commentaires qui précèdent à la sous-partie C(1).

76 Exposé des motifs du TCCE, p. 15; voir le témoignage de Nolin, transcription confidentielle, p. 42 à 45.

77 Mémoire des plaignantes, p. 26.

78 Mémoire des plaignantes, p. 26 et 27.

79 Mémoire des plaignantes, p. 24.

80 L'avocat des plaignantes a soutenu que, comme les prix pendant la saison de 1994 étaient les mêmes que les prix de 1993, malgré l'absence des producteurs américains, les ventes d'origine américaine n'ont pu causer un préjudice sensible. (Mémoire des plaignantes, p. 10 et 24.) Cependant, il est aussi possible de soutenir que, si des marchandises d'origine américaine avaient été importées à des prix sous-évalués, les prix de l'été 1994 auraient été encore plus bas et la tendance à la baisse qui a débuté en 1991 se serait poursuivie. (Voir l'exposé des motifs du TCCE à la page 11, tableau 3.)

81 Mémoire des plaignantes, p. 26.

82 Exposé des motifs du TCCE, p. 16; voir le témoignage de Nichols, transcription confidentielle, p. 17 à 19.

83 Exposé des motifs du TCCE, p. 16; voir le témoignage de Nichols, transcription confidentielle, p. 17 à 19.

84 Exposé des motifs du TCCE, p. 16.

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