OAS

ARTICLE 1904

EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL BINATIONAL
EN VERTU DE L’ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN


Dans l'affaire des : Dossier du secrétariat No :
CDA-USA-98-1904-03    
CERTAINS RACCORDS DE TUYAUTERIE À SOUDER, DE TYPES À PRESSION ET À DRAINAGE, RENVOI ET ÉVENT, FAITS EN ALLIAGES DE CUIVRE COULÉ, EN ALLIAGES DE CUIVRE OUVRÉ OU EN CUIVRE OUVRÉ, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE ET PRODUITS PAR LES SOCIÉTÉS ELKHART PRODUCTS CORPORATION, D’ELKHART (INDIANA), NIBCO INC. D’ELKHART (INDIANA) ET MUELLER INDUSTRIES, INC. DE WICHITA (KANSAS), LEURS SUCCESSEURS ET AYANTS DROIT, OU EN LEUR NOM

DÉCISION DU GROUPE SPÉCIAL

EXAMEN DE L’ORDONNANCE DU
TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR
DU 16 OCTOBRE 1998


Le 3 avril 2000
Formation saisie : D. Michael Kaye (président)
Jeffery C. Atik
Jane C. Luxton
E. Neil McKelvey, o.c., c.r.
David J. Mullan

Audience : Le 8 février 2000, à Ottawa (Ontario, Canada)

ONT COMPARU :

Pour les plaignantes :

Darrel H. Pearson et Jeffery D. Jenkins pour Cello Products Inc. et Bow Metallics Inc.

Pour les opposantes :

Lawrence L. Herman pour Mueller Industries, Inc. et Streamline Copper & Brass Ltd.

Riyaz Dattu pour Nibco Inc.

Pour le Tribunal canadien du commerce extérieur :

Gerry H. Stobo et Tamra A. Alexander pour le Tribunal canadien du commerce extérieur


TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION
II. CRITÈRES D’EXAMEN
III. PREMIER POINT EN LITIGE
Est-ce à tort que le Tribunal canadien du commerce extérieur a jugé que la Streamline Copper & Brass Ltd. faisait partie, et ne devait pas être exclue, de la branche de production nationale aux fins de l’examen ?
IV. DEUXIÈME POINT
Est-ce à tort que le Tribunal canadien du commerce extérieur n’a pas jugé bon d’établir quel volume de production était sensible aux fins de son analyse de la causalité ?
V. TROISIÈME POINT
Le Tribunal canadien du commerce extérieur a-t-il, à tort, au sujet de la procédure de demande de renseignements, mal interprété la nature de sa compétence d’attribution en préjugeant de l’impertinence de l’information demandée par Cello Products Inc. et Bow Metallics Inc., et en limitant le seuil de l’admissibilité par une norme nouvelle de la pertinence évidente ?
VI. CONCLUSION

APPENDICE

TABLEAU no1A Demande adressée par Cello à Nibco
TABLEAU no 1B Demande adressée par Bow à Nibco
TABLEAU no 1C Demande adressée par Cello à Streamline et Mueller
TABLEAU no 2 Comparaison des DDR refusées et des AQS

 


I. INTRODUCTION

Ce Groupe spécial a été constitué en vertu de l’article 1904 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) à la suite d’une plainte portée au Secrétariat canadien le 21 décembre 1998 par Cello Products Inc. (Cello) et Bow Metallics Inc. (Bow) (plaignantes). La plainte avait trait à une ordonnance du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) rendue le 16 octobre 1998 au regard du Réexamen no RR-97-008 annulant ses conclusions du 18 octobre 1993 rendues dans le cadre de l’Enquête no NQ-93-001 concernant certains raccords de tuyauterie à souder, de types à pression et à drainage, renvoi et évent, faits en alliage de cuivre coulé, en alliages de cuivre ouvré ou en cuivre ouvré originaires ou exportés des Etats-Unis d’Amérique et produits par ou pour Elkhart Products Corporation, d’Elkhart (Indiana), Nibco Inc., également d’Elkhart (Indiana), et Mueller Industries, Inc., de Wichita (Kansas), leurs successeurs et ayants droit, ou en leur nom.

Dans son Enquête no NQ-93-001, le TCCE a conclu que le dumping au Canada des marchandises en question, sauf exceptions, avait causé, causait et était susceptible de causer un dommage sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Dans son réexamen de 1998 de ces conclusions, Réexamen no RR-97-008, fait sur le fondement du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI), le TCCE a jugé qu’il y avait une probabilité de reprise du dumping, mais qu’un tel dumping n’était pas susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production canadienne et il a annulé les conclusions qu’il avait rendues dans le cadre de l’Enquête no NQ-93-001 par son ordonnance du 16 octobre 1998, aux termes du paragraphe 76(4) de la LMSI.

Dans les délais impartis, les plaignantes, Cello et Bow, ont déposé leurs mémoires ; de même, Mueller Industries Inc. (Mueller) et Streamline Copper & Brass Ltd. (Streamline), ainsi que le TCCE. Les plaignantes ont déposé un mémoire en réponse. Les avocats de Nibco Inc. (Nibco) n’ont pas produit de mémoire.

Les avocats des plaignantes ont fait valoir en appel que, lors du Réexamen no RR-97-008, le TCCE avait mal apprécié sa compétence, qu’il n’avait pas respecté les principes de justice naturelle et qu’il avait rendu une décision entachée d’une erreur de droit et fondée sur une conclusion de fait erronée. Ils ont conclu à ce que la constatation d’improbabilité de dommage sensible à la branche de production canadienne soit annulée et remplacée par une constatation de probabilité de dommage sensible ou, subsidiairement, à ce que l’affaire soit renvoyée au TCCE avec instruction de conclure qu’il y avait une probabilité de dommage sensible. Ils ont également soutenu que Streamline devait être exclue par le TCCE dans son analyse de la branche de production canadienne. Les avocats de Mueller, Streamline et du TCCE ont au contraire prétendu que le Groupe spécial devait confirmer la décision du TCCE.

Les avocats des plaignantes avaient soutenu devant le TCCE que Streamline, un fabricant canadien affilié à Mueller, ne devait pas être incluse dans la branche de production canadienne. Le TCCE a rejeté cette argument et, dans son ordonnance, a jugé que Streamline faisait partie de la branche de production nationale et ne devait pas en être exclue. Les avocats des plaignantes font valoir que le TCCE a eu tort sur ce point. Les avocats de Mueller, Streamline et du TCCE considèrent le décision du TCCE comme bien fondée.

Dans son Exposé des motifs, le TCCE, pour constater que le dumping à venir n’était pas susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production canadienne, a tenu compte de divers facteurs, dont la conjoncture du marché et de la concurrence, les prix et les tendances des prix. (Voir la section IV plus loin.) Toutefois, il n’a pas donné l’ordre de grandeur du dumping américain des marchandises en cause auquel il fallait s’attendre si l’ordonnance en vigueur devait être levée. Les plaignantes font valoir que cette omission était une erreur donnant lieu à révision.

Sur le fondement de la pratique du TCCE et des directives qu’il a données au cours du Réexamen no RR-97-008, les parties ont présenté aux parties adverses plusieurs demandes de renseignements. Le TCCE, dans un avis qu’il a donné aux parties au sujet de la pratique qu’il entendait suivre au regard de ces demandes, s’est réservé le droit de rejeter les demandes qu’il jugerait non appropriées. Dans une lettre adressée aux parties en date du 26 juin 1998, le TCCE rejetait certaines des demandes de renseignements adressées par Cello à Mueller, Streamline et Nibco. Les avocats des plaignantes font valoir, dans leur requête en examen, que le TCCE a rejeté à tort ces demandes de renseignements. Les avocats de Mueller, Streamline et du TCCE prétendent que la décision du TCCE est bien fondée. Les avocats de Nibco n’ont pas présenté d’exposé distinct, mais ils se sont déclarés d’accord avec celui des avocats du TCCE.

Le Groupe spécial a été réuni pour examiner la décision du TCCE. Une audience au eu lieu le 8 février 2000, à Ottawa (Ontario, Canada), à laquelle tous les membres du Groupe spécial assistaient, ainsi que les avocats de toutes les parties.

Dans le mémoire des plaignantes, après exposition des critères d’examen applicables en matière d’examen d’une décision du TCCE en vertu de l’article 1904 de l’ALÉNA, deux points de fond et un point de forme sont soulevés, ainsi exposés :

Point no 1. Est-ce à tort que le TCCE a jugé que Streamline faisait partie, et ne devait pas être exclue, de la branche de production nationale aux fins de l’examen ?
Point no 2. Est-ce à tort que le TCCE n’a pas jugé bon d’établir quel volume de production était sensible aux fins de son analyse de la causalité ?
Point no 3. Le TCCE a-t-il, à tort, au sujet de la procédure de demande de renseignements, mal interprété la nature de sa compétence d’attribution en préjugeant de l’impertinence de l’information demandée par Cello et Bow, et en limitant le seuil de l’admissibilité par une norme nouvelle de la pertinence évidente ?

Les plaignantes font valoir qu’il faut répondre par l’affirmative aux questions que soulèvent les trois points. Mueller, Streamline et le TCCE soutiennent qu’il faut y répondre par la négative.

Les avocats des plaignantes et ceux de Mueller et Streamline et du TCCE ont pleinement traité de tous ces points au cours des débats.

II. LES CRITÈRES D’EXAMEN

A. Position des avocats

1. Motifs d’examen de fond

Dans leurs observations écrites et orales, les avocats des plaignantes ont mis en cause les critères d’examen applicables par le Groupe spécial pour l’examen de la décision du TCCE. Ils ont reconnu qu’en ce qui avait trait aux deux motifs de fond de la contestation, le critère applicable devait être celui du caractère manifestement déraisonnable, soit en droit canadien, la norme du contrôle judiciaire des décisions des tribunaux et organismes administratifs appelant le plus haut degré de retenue. Mais, ont-ils insisté, ce critère exigeait du Groupe spécial qu’il aille au-delà des motifs donnés par le TCCE pour fonder sa décision. Il requérait que les allégations soient appréciées par un examen en profondeur du dossier administratif.

Tout en reconnaissant le bien-fondé de la position des avocats des plaignantes en ce qui avait trait au critère d’examen applicable aux points litigieux de fond, les avocats des intimées et du TCCE ont fait valoir que les allégations de fond en cause n’obligeaient pas le Groupe spécial à procéder à une étude en profondeur du dossier administratif. Au contraire, les deux points en litige pouvaient et devaient être examinés simplement sur la base des motifs écrits donnés par le TCCE. L’avocat des intimées a également prétendu que, même si le critère d’examen n’était pas celui du caractère manifestement déraisonnable, il ferait néanmoins valoir que les décisions du TCCE sur les deux points de fond en litige n’étaient ni déraisonnables ni même incorrectes, selon les deux autres critères applicables en matière de contrôle judiciaire en droit canadien.

2. Motifs d’examen de procédure

Contrairement à la position qu’ils avaient adoptée au sujet des motifs d’examen de fond, les avocats des plaignantes ont prétendu que le Groupe spécial devait trancher selon la norme de la décision correcte leurs allégations selon lesquelles les directives du TCCE concernant les demandes de renseignements (DDR) et la procédure de communication préalable aux débats allaient à l’encontre des règles de la justice naturelle ou de l’équité procédurale. Les avocats des intimées et du TCCE ont soutenu le contraire. Ils ont fait valoir qu’en évaluant toute plainte au sujet des directives du TCCE relatives aux DDR, le Groupe spécial avait l’obligation de faire preuve à l’égard du TCCE d’une retenue assez considérable.

B. Le droit applicable

1. Aspects généraux

a. Le régime légal

Le paragraphe 1904(3) du chapitre 19 de l’Accord de libre-échange nord-américain, intégré au droit canadien par la Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain, L.C. 1993, chap. 44, est ainsi conçu :

Le groupe spécial appliquera les critères d'examen établis à l'annexe 1911, ainsi que les principes juridiques généraux qu'un tribunal de la Partie importatrice appliquerait à l'examen d'une détermination de l'organisme d'enquête compétent.

L’Annexe 1911 du chapitre 19 de l’ALÉNA porte :

Critères d'examen désigne les critères ci-dessous, selon qu'ils pourront être modifiés de temps à autre par la Partie concernée :

a) dans le cas du Canada, les motifs énoncés à l'alinéa 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, modifiée, pour ce qui concerne toutes les décisions finales ;

Le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985) (modifié par L.C. 1990, chap. 8) spécifie que tout tribunal ou organisme administratif régi par cette loi est soumis au contrôle judiciaire de la Cour, si celui-ci, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de faiterronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

b. Le critère d’examen

Malgré que le texte des dispositions du paragraphe 18.1(4), prises dans leur sens littéral, puisse porter à croire que le critère d’examen approprié en vertu de chacune de ces dispositions soit celui de la décision correcte, la Cour suprême du Canada et la Cour fédérale du Canada ont pour ainsi dire toujours interprété les termes de cette disposition (et de celles qui l’ont précédée) comme étant assujetties aux principes de la common law canadienne relatifs au contrôle judiciaire. Dans la mesure où le paragraphe 1904(3) de l’ALÉNA oblige le Groupe spécial à appliquer les « principes juridiques généraux » qu’un tribunal canadien devrait appliquer lorsqu’il contrôle une décision du TCCE, il nous faut nous aussi donner effet à la common law en la matière.

En vertu de ces principes de la common law sur le contrôle judiciaire, il existe différents degrés de scrutation par la juridiction judiciaire des décisions d’instances de toutes sortes, instituées en vertu de la loi ou de la prérogative. La norme appropriée d’intervention est fonction d’une analyse « pragmatique et fonctionnelle » de la nature du tribunal administratif et de sa compétence d’attribution ; elle va de la décision correcte, à une extrémité de la gamme, en passant par la norme intermédiaire du caractère déraisonnable, au caractère manifestement déraisonnable, à l’autre extrémité de la gamme.

Un exemple typique de cette jurisprudence nous est donné par l’arrêt de la Cour suprême du Canada National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, cité et invoqué par les plaignantes. Dans cet arrêt, la Cour était saisie d’une demande de contrôle judiciaire, en application de la Loi sur la Cour fédérale, d’une décision du Tribunal canadien des importations, prédécesseur du TCCE, rendue (comme en l’espèce) en vertu de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.C. 1984, chap. 25. La Cour suprême a reconnu que, s’agissant du contrôle judiciaire des décisions d’un tribunal spécialisé, comme le Tribunal canadien des importations, statuant sur des questions de sa compétence, alors qu’une clause privative les sauvegardait, elle ne devait intervenir que dans les seuls cas où la juridiction administrative avait statué de façon manifestement déraisonnable sur une question de fait ou de droit. Ce n’était que dans le cas des rares dispositions limitant réellement sa compétence que le critère du contrôle judiciaire était celui de la décision correcte. Ce faisant, la Cour (aux pp. 1369 et 1370) reconnaissait expressément qu’elle entendait circonscrire la portée « très large » des motifs de contrôle judiciaire prévus à l’époque par les dispositions pertinentes de la Loi sur la Cour fédérale.

Comme il a déjà été dit, les plaignantes ne contestent pas que les deux questions de fond en litige soient du ressort du TCCE et que, par conséquent, relativement à celles-ci, les seules questions qu’il faut réellement poser soient, d’abord, celle de savoir si le critère de contrôle judiciaire que doit appliquer le Groupe spécial est aujourd’hui en quoi que ce soit différent de celui qui a été reconnu par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt National Corn Growers et, ensuite, si aucun changement n’est intervenu, celle de savoir ce qu’implique précisément le critère du caractère manifestement déraisonnable par rapport à ces deux questions.

2. Décision sur les questions de fond

a. La norme appropriée

À l’époque où l’arrêt National Corn Growers a été rendu, le paragraphe 76(1) de la LMSI comportait une clause privative portant que : « les ordonnances ou conclusions du Tribunal sont définitives ». Le juge Gonthier, qui a rédigé les motifs de la majorité, s’appuie précisément (à la p. 1370) sur le libellé de ce paragraphe pour justifier une norme de retenue en matière de contrôle judiciaire :

En l'espèce, l'art. 76 de la LMSI prévoit que, sauf certaines exceptions limitées, la décision du Tribunal est définitive. Compte tenu de cette disposition, notre Cour ne touchera donc à la décision du Tribunal que si ce dernier a outrepassé sa compétence en arrivant à des conclusions manifestement déraisonnables.

Mais cette disposition a été modifiée ; la modification est entrée en vigueur le 1er janvier 1994. La clause privative a été supprimée. Le paragraphe 76(1) est désormais ainsi conçu :

76. (1) Sous réserve du paragraphe 61(3) et des parties I.1 et II, les ordonnances ou conclusions du Tribunal prévues à la présente loi sont sujettes au contrôle judiciaire de la Cour d’appel fédérale pour l’un des motifs prévus au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale.

Compte tenu du contexte dans lequel ce changement est survenu - la modification de la LMSI en conséquence de l’adhésion du Canada à l’ALÉNA -, on s’est inévitablement demandé si l’objectif de ce changement était un examen plus serré par le juge et par les groupes spéciaux du bien-fondé des décisions prises dans les litiges commerciaux par le TCCE. La Cour suprême du Canada n’a pas encore été saisie de cette question, mais la Cour d’appel fédérale a, dans l’ensemble, rejeté cet argument et continué à appliquer le critère du caractère manifestement déraisonnable au contrôle des décisions du TCCE sur les questions relevant de sa compétence.

Dans l’affaire Association canadienne des fabricants de pâtes alimentaires c. Aurora Importing & Distributing Ltd., no du greffe A-473-96, 31 janvier 1997, (1997), 208 N.R. 329 (C.A.F.), la Cour a fait observer (à la p. 332) que :

…les autres facteurs justifiant la retenue judiciaire, plus particulièrement l'économie de la loi, l'objet de l'enquête ainsi que la nature spécialisée et l'expertise du Tribunal, sont toujours présents.

Plus récemment, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Symtron Systems Inc., [1999] 2 C.F. 514, le juge Linden de la Cour d’appel a reconnu que la norme du contrôle judiciaire des matières relevant de la compétence du TCCE était celle du caractère manifestement déraisonnable. Du même coup, il a réitéré que la norme de la « décision correcte » devait être limitée aux cas où le TCCE « définit les limites de sa compétence ».

Subséquemment, le Groupe spécial saisi de l’affaire de Certaines tôles d’acier au carbone laminées, originaires ou exportées du Mexique (Décision du Groupe spécial sur les critères d’examen et renvoi), du 19 mai 1999, CDA-97-1904-02 (Groupe spécial, chap. 19 de l’ALÉNA), a reconnu que l’arrêt Symtron Systems reflétait l’état actuel du droit canadien. Du même coup, les membres du Groupe spécial, à la majorité, ont souligné que, s’il était vrai qu’il n’y avait plus de clause privative, en vertu de la LMSI, l’instance était toujours introduite par voie de demande de contrôle judiciaire et non d’appel prévu par la loi. Ce facteur militait fortement en faveur de l’application du critère du caractère manifestement déraisonnable plutôt que de celui du caractère déraisonnable simpliciter.

Le point de vue des tribunaux judiciaires sur la suppression de la clause privative au paragraphe 76(1) a reçu le soutien de la Cour suprême du Canada dans la mesure où celle-ci accepte maintenant que la présence ou l’absence d’une clause privative n’est que l’un des facteurs qui, selon une approche « pragmatique et fonctionnelle », permettent de déterminer la norme appropriée de contrôle : arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748.

Il se dégage de cette jurisprudence que, sur les points qui ne touchent pas vraiment à la compétence, la norme à appliquer aux décisions du TCCE demeure celle du « caractère manifestement déraisonnable ». D’ailleurs, il semble bien que les parties l’aient admis, en particulier les plaignantes, qui l’ont reconnu explicitement. Nous concluons donc qu’en ce qui a trait à la directive du paragraphe 1904(3) du chapitre 19 de l’ALÉNA, le critère d’examen des deux questions de fond soulevées par les plaignantes est celui du caractère manifestement déraisonnable.

b. Application du critère du caractère manifestement déraisonnable

Dans leurs observations tant écrites qu’orales, les avocats des plaignantes ont invoqué l’extrait suivant des motifs du juge Gonthier dans l’arrêt National Corn Growers, précité (à la p. 1370) :

Dans certains cas, le caractère déraisonnable d'une décision peut ressortir sans qu'il soit nécessaire d'examiner en détail le dossier. Dans d'autres cas, il se peut qu'elle ne soit pas moins déraisonnable mais que cela ne puisse être constaté qu'après une analyse en profondeur.

Cela soulève la question de savoir, en l’espèce, si le Groupe spécial a l’obligation d’aller au-delà des motifs donnés par le TCCE et, en particulier, d’examiner les allégations des plaignantes selon lesquelles la décision était manifestement déraisonnable, compte tenu du dossier administratif constitué par le TCCE.

Après mûre réflexion, nous sommes d’avis que les motifs d’examen que les plaignantes ont fait valoir n’exigent pas une analyse en profondeur du dossier. Pour en arriver à cette conclusion, nous nous basons d’une façon générale sur l’extrait suivant des motifs du juge Evans de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Stelco Inc. c. British Steel Canada Inc., 25 janvier 2000, A-365-98 (C.A.F.) [inédit] (au par. 18) :

[L]es faits en litige en l’espèce relèvent manifestement des connaissances spéciales du TCCE et, à moins que la Cour ne fasse preuve d’une grande retenue et ne résiste à l’invitation des producteurs nationaux de soumettre les conclusions à un examen minutieux en dépouillant le dossier, elle risque de reconsidérer les conclusions tirées par le tribunal spécialisé.

Il faut cependant préciser qu’à aucun moment les plaignantes n’ont prétendu que les constatations de fait du TCCE ou que les conclusions qu’il a tirées de ces faits n’étaient pas étayées par le dossier administratif. Ils alléguaient plutôt dans leurs plaintes que les motifs du TCCE comportaient des lacunes et des incohérences et que les motifs reposaient sur des erreurs de droit et de principe, y compris des déductions que ne justifiaient pas les faits constatés. Aussi avons-nous limité notre examen de la décision du TCCE à une évaluation, à l’aune de la norme du caractère manifestement déraisonnable, de l’Exposé des motifs du TCCE. Nous nous en sommes tenus à l’Exposé des motifs, sans prendre connaissance du dossier administratif.

Ici encore, néanmoins, en ce qui a trait à certains aspects de cet examen des motifs du TCCE, nous nous sommes inspirés de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Stelco Inc. c. British Steel Canada Inc., précité (aux par. 25 et 26):

Étant donné la nature discrétionnaire du pouvoir décisionnel conféré au Tribunal par le paragraphe 76(4), il est impossible de dire dans l’abstrait que l’un des facteurs dont le Tribunal tient normalement compte dans les cas de ce genre a en soi une si grande importance que le Tribunal doit toujours en parler dans ses motifs, dès que les parties soulèvent la question. Il appartient au Tribunal de déterminer l’importance d’un facteur donné à la lumière des conclusions tirées au sujet des autres facteurs.

Il incombe à la demanderesse de démontrer que tout facteur à l’égard duquel le Tribunal n’a pas rendu une conclusion motivée avait, eu égard aux faits de l’affaire, une importance si manifeste que le Tribunal était tenu en droit d’en parler expressément dans les motifs de sa décision…

c. Violation des règles de la justice naturelle et de l’équité procédurale dans les directives concernant les demandes de renseignements

Comme l’ont fait valoir les avocats des plaignantes, les tribunaux canadiens ont généralement estimé que la norme d’examen appropriée était celle de la décision correcte lorsque la violation des règles de la justice naturelle ou de l’équité procédurale était en cause. Transcr., à la p. 13. Mais, dans certains cas, les tribunaux ont reconnu une latitude considérable aux tribunaux et aux organismes administratifs en matière de procédure. Tout récemment, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, Madame le juge L’Heureux-Dubé, au nom de la Cour, a décrit (au paragraphe 27) les circonstances dans lesquelles il fallait aborder avec une telle retenue les règles de procédure adoptées par un office ou un tribunal administratif, ainsi que les décisions prononcées sur celles-ci :

L'analyse des procédures requises par l'obligation d'équité devrait également prendre en considération et respecter les choix de procédure que l'organisme fait lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures, ou quand l'organisme a une expertise dans le choix des procédures appropriées dans les circonstances : Brown et Evans [Judicial Review of Administrative Action in Canada(Cahier à anneaux)] aux pp. 7-66 à 7-70. Bien que, de toute évidence, cela ne soit pas déterminant, il faut accorder une grande importance au choix de procédures par l'organisme lui-même et à ses contraintes institutionnelles : IWA c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, le juge Gonthier.

En l’espèce, la principale préoccupation des plaignantes relativement à la procédure portent sur les prétendues déficiences des règles que le TCCE a élaborées et imposées en l’espèce pour la communication préalable de documents en la possession des parties adverses. Sur ce point particulier de la communication préalable, l’arrêt de la Cour d’appel fédérale rendu par le juge MacGuigan dans l’affaire CIBA-Geigy Ltd. c. Canada (Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés), [1994] 3 C.F. 425, (1994), 170 N.R. 360 (C.A.F.), bien qu’il ne soit pas directement applicable, est néanmoins très instructif. Dans cette instance concernant des prix excessifs introduite devant le Conseil d’examen, on voulait obtenir la communication de documents en la possession du Conseil. Au nom de la Cour d’appel, le juge MacGuigan (au paragraphe 5) cite un long extrait du jugement de première instance du juge McKeown ([1994] 3 C.F. 425, aux pp. 445 et 446). Les passages suivants sont les plus pertinents en l’espèce :

Le Conseil a décidé de refuser la divulgation des documents demandés et je dois, en vertu du principe de la déférence judiciaire, respecter cette décision à moins que l’équité ou la justice naturelle s’y oppose. Une décision quant à la divulgation ne peut être prise de façon abstraite. Le Conseil est censé agir efficacement et protéger les intérêts du public. Il faut donc, entre autres, éviter de prolonger indûment les audiences. Celui qui fait l’objet d’une audience en matière de prix excessif a certainement le droit de connaître les arguments présentés contre lui ; cependant, il ne devrait pas être autorisé à obtenir toute la preuve que le Conseil a obtenue dans l’exercice de ses fonctions de réglementation, dans l’intérêt du public, du seul fait qu’elle pourrait avoir un rapport avec la question en litige… Le droit et des questions de principe exigent qu’une certaine latitude soit accordée à un tribunal administratif exerçant des fonctions de réglementation économique… La procédure devant ces tribunaux n’est pas censée revêtir un caractère aussi contradictoire que la procédure suivie devant un tribunal judiciaire. Le fait d’exiger du Conseil qu’il divulgue tous les renseignements susceptibles d’être pertinents parmi ceux qu’il recueille dans l’exercice de ses fonctions de réglementation, entraverait indûment son travail d’un point de vue administratif. L’équité est toujours une question d’équilibre entre divers intérêts.

Nous sommes saisis en l’espèce d’une demande de communication de documents en la possession des parties, et non du tribunal ou de l’organisme administratif, mais les considérations dont fait état le juge McKeown (auxquelles la Cour d’appel fédérale a souscrit expressément), ont de toute évidence une certaine pertinence. Aux termes de l’article 17 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), chap. 47 (4e suppl.), le TCCE est une cour d’archives, possédant toutes les attributions d’une cour supérieure pour la « production et l’examen de pièces ». L’article 35 de la Loi précise en outre :

Les séances du Tribunal sont conduites de la façon qui lui paraît la plus efficace, la plus équitable et la plus expéditive dans les circonstances.

L’une et l’autre disposition présupposent l’existence d’un pouvoir et d’une latitude considérables du TCCE dans l’élaboration de règles de procédure qui répondent aux besoins des secteurs particuliers de réglementation qui ressortissent à son autorité ou à sa compétence. À la vérité, il semblerait que ce doive être tout particulièrement le cas en ce qui a trait à la procédure préalable à l’instruction, notamment en matière de communication des pièces en la possession des parties.

Comme l’a jugé la Cour d’appel fédérale dans son arrêt Ciba-Geigy précité, les tribunaux administratifs exerçant une fonction de régulation économique peuvent ne pas être engagés dans un processus administratif suffisamment analogue à l’instance pénale pour que cela entraîne l’application des principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans son arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, selon lequel, dans une affaire criminelle, le ministère public est tenu en droit de divulguer à la défense tous les éléments de preuve qu’il possède. En outre, même dans le cas où les règles de l’équité procédurale en common law dicteraient que les parties ont droit à une forme de communication des éléments de preuve [comme dans l’affaire Ontario (Ontario Human Rights Commission) v. Ontario (Board of Inquiry into Northwestern General Hospital) [1993], 115 D.L.R. (4th) 279 (C. div. de l’Ont.)], les détails précis de cette procédure demeureraient des questions sur lesquelles le tribunal ou l’office a droit à la déférence et au respect du Groupe spécial. Il doit en être particulièrement ainsi en l’espèce, car la Loi, à son article 35, privilégie une procédure efficace et expéditive pour le TCCE et le TCCE a réagi à cette exigence de la Loi en cherchant diligemment à établir une procédure de communication de pièces au préalable qui satisfasse à ces fins tout en permettant un échange ordonné de l’information avant l’audience.

Il est vrai que les Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, SOR/DORS/91-499 (modifiées), promulguées en vertu du paragraphe 39(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ne prévoient pas expressément la communication préalable, mais, depuis novembre 1996, le TCCE se sert de la procédure de demande de renseignements (DDR) pour [TRADUCTION] « faciliter l’enquête en améliorant l’échange de l’information en temps utile entre toutes les parties en cause avant l’audience » (Note aux avocats et aux parties au dossier en date du 3 juin 1998). Cette procédure a fait l’objet de directives que le TCCE a révisées afin d’améliorer l’efficacité de la procédure. En l’espèce, les parties ont été informées que les modifications les plus récentes qui avaient été apportées aux directives étaient applicables.

Tous ces facteurs tendent fortement à indiquer que sur cet aspect particulier de la procédure d’enquête ou d’audition, le Groupe spécial doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard du TCCE. Il y a lieu d’accorder une « grande importance » aux choix du TCCE dans la détermination des paramètres généraux, et même des détails précis, de la procédure relative aux demandes de renseignements.

En fait, Madame le juge L’Heureux-Dubé, dans l’arrêt Baker, précité, ne précise pas quel degré de retenue s’impose, eu égard au choix de la procédure, parmi la gamme des normes de contrôle judiciaire que la Cour suprême applique aux décisions de fond. Elle n’est que l’un des facteurs dont le tribunal contrôlant la décision doit tenir compte pour décider si le tribunal ou l’organisme administratif s’est ou non conformé aux exigences de la common law en matière d’équité procédurale ou de justice naturelle. Néanmoins, dans la mesure où les choix de procédure en cause ont été laissés par le législateur à l’appréciation du TCCE, il apparaît légitime de conclure que le choix de la procédure de communication préalable du TCCE relève de ses pouvoirs discrétionnaires. Dans cette mesure, le reste des motifs de Madame le juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Baker devient directement pertinent. Or, elle affirme que l’examen de l’exercice de pouvoirs discrétionnaires doit maintenant être considéré comme devant faire l’objet de l’analyse « pragmatique et fonctionnelle » qui dictera quel sera, des trois critères d’examen, celui qui est approprié.

D’ailleurs, nous avons déjà établi les facteurs décisifs de cette analyse « pragmatique et fonctionnelle » qui font en sorte que cet exercice d’un pouvoir discrétionnaire en matière de procédure s’inscrit dans les paramètres généraux des décisions ou des choix de procédure dont Madame le juge L’Heureux-Dubé fait explicitement mention dans l’arrêt Baker. À tout le moins, ces facteurs indiquent que le Groupe spécial ne doit pas intervenir dans les choix du TCCE quant à la procédure de communication préalable applicable à moins que ses choix ou les mesures qu’il a prises dans un cas donné ne soient déraisonnables.

Toutefois, dans la mesure où les directives concernant la communication préalable n’ont, de toute évidence, pas encore été définitivement arrêtées et n’ont pas encore été incorporées aux règles officielles du TCCE, ce qui exige la consultation du ministre et l’approbation du gouverneur en conseil, nous avons décidé que la norme appropriée d’intervention ou d’examen de la procédure ou de son application dans un cas particulier n’était pas celle du caractère manifestement déraisonnable.

III. LA NON-EXCLUSION DE STREAMLINE DE LA BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

A. Le pouvoir discrétionnaire du TCCE pour déterminer la branche de production nationale

Les plaignantes contestent la décision du TCCE d’inclure Streamline, une filiale de Mueller, dans la branche de production nationale aux fins de son réexamen en vertu du paragraphe 76(2). Elles font valoir qu’en n’excluant pas Streamline, le TCCE a abusé du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 2(1) de la LMSI (définition de branche de production nationale).

La LMSI confère un large pouvoir discrétionnaire au TCCE. Il peut inclure ou exclure un producteur national lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises faisant l’objet d’un dumping. Le paragraphe 2(1) définit ainsi la « branche de production nationale » :

L'ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires ; toutefois, lorsqu'un producteur national est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées… le terme désigne le reste des producteurs nationaux.

Afin d’exclure un producteur de la branche de production nationale, le TCCE doit d’abord constater qu’un producteur canadien donné est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées.

Le paragraphe 2(1.2) porte :

(1.2) Pour l'application de la définition de « branche de production nationale » [au paragraphe 2(1)], le producteur est lié à l'exportateur ou à l'importateur dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) directement ou indirectement, le producteur contrôle l'importateur ou l'exportateur, ou est contrôlé par l'un ou l'autre,

b) le producteur et l'exportateur ou l'importateur, selon le cas, sont contrôlés directement ou indirectement par un tiers,

c) le producteur et l'exportateur ou l'importateur, selon le cas, contrôlent directement ou indirectement un tiers,

et il y a des motifs de croire que le producteur ne se comporte pas envers l'exportateur ou l'importateur de la même manière qu'un producteur non lié.

Il appert du rapprochement des paragraphes 2(1) et 2(1.2) que le TCCE a un pouvoir discrétionnaire considérable pour ce qui est d’inclure ou d’exclure un producteur national en fonction de ses liens avec un exportateur ou un importateur de marchandises sous-évaluées. Seuls viennent limiter ce pouvoir discrétionnaire les derniers mots du paragraphe 2(1.2), qui exigent en outre, pour qu’un producteur national puisse être tenu pour « lié » aux fins de la définition de l’expression « branche de production nationale », qu’il y ait « des motifs de croire que le producteur ne se comporte pas envers l’exportateur ou l’importateur de la même manière qu’un producteur non lié ».

B. Abus d’un pouvoir discrétionnaire

En soutenant qu’il y a abus d’un pouvoir discrétionnaire, les plaignantes affirment que le TCCE, dans sa décision, n’a pas tenu compte comme il le devait : a) des fins visées par la LMSI ; b) du contrôle de Streamline par Mueller. De plus, elles soutiennent que le TCCE n’a pas tenu compte de : c) l’effet de l’opposition de Streamline à la prorogation des conclusions, et de la prétendue utilisation de la LMSI « à la façon d’une épée contre d’autres producteurs canadiens » qui aurait découlé de cette opposition. Ces carences, font valoir les plaignantes, constituent des erreurs de droit. En fait, les plaignantes soutiennent qu’il fallait obligatoirement tenir compte de ces divers arguments.

La LMSI, cependant, n’oblige à prendre en considération aucun facteur particulier. Au contraire, comme il a été exposé précédemment, le TCCE est investi par la Loi d’un large pouvoir discrétionnaire. Vu ce pouvoir, conjugué au critère du caractère manifestement déraisonnable appelant à la retenue, critère d’examen approprié en l’espèce, il est extrêmement difficile d’infirmer la décision du TCCE de ne pas exclure Streamline. En outre, il ressort de l’Exposé des motifs, à notre avis, que le TCCE a tenu compte plus qu’adéquatement des facteurs cités par les plaignantes.

Les fins visées par la LMSI

Les plaignantes, dans un premier temps, prétendent qu’il est indispensable de tenir compte des fins visées par la LMSI, pour exercer à bon escient le pouvoir discrétionnaire qui y est conféré. Elles soutiennent ensuite que la fin principale de la LMSI est la protection des producteurs canadiens. La fin essentielle de la LMSI, d’après les plaignantes, est la protection des producteurs nationaux contre les importations déloyales : Mémoire des plaignantes, à la p. 28. S’il est vrai que la LMSI protège comme il se doit les producteurs canadiens des importations déloyales, elle défend également les intérêts des consommateurs canadiens de marchandises sous-évaluées en limitant les ordonnances antidumping aux seuls cas où un dommage est causé à la branche de production nationale. La LMSI met également en oeuvre en droit canadien les accords très élaborés qu’a conclus le Canada dans le cadre de divers traités de commerce internationaux, sauvegardant ainsi également les intérêts des exportateurs et des importateurs de marchandises étrangères.

Même si la protection des producteurs nationaux était la fin principale de la LMSI, il ne s’ensuivrait pas que Streamline, un producteur canadien, n’aurait pas droit à la protection de cette loi. Si l’on acceptait l’argument des plaignantes, l’exclusion d’un producteur lié de la branche de production nationale ne serait plus l’effet d’une décision discrétionnaire, mais bien un résultat dicté par la loi. Telle n’était pas l’intention du législateur dans le cas présent.

Le contrôle exercé par Mueller

Le TCCE reconnaît que Mueller contrôle Streamline. Les plaignantes font valoir qu’après avoir conclu au contrôle, le TCCE était obligé d’exclure Streamline de la branche de production nationale. Ici encore, l’argument des plaignantes mène, semble-t-il, à la négation de l’existence d’un pouvoir discrétionnaire.

Le paragraphe 2(1.2) oblige effectivement le TCCE à rechercher si l’exportateur ou l’importateur n’exerce pas un contrôle sur le producteur lié mais, suivant ses termes mêmes, il ne l’oblige pas à l’exclure. À la vérité, si le TCCE devait conclure dans un cas particulier qu’il n’y a aucun motif de croire « que le producteur ne se comporte pas envers l'exportateur ou l'importateur de la même manière qu'un producteur non lié », il ne pourrait juger que le producteur et l’exportateur ou l’importateur sont liés aux termes de le paragraphe 2(1). Le TCCE n’aurait alors pas le pouvoir formel d’exclure ce producteur particulier de la branche de production nationale. Si tant est que la LMSI ait des dispositions impératives quant à la branche de production nationale, ce serait pour obliger, le cas échéant, le TCCE à inclure un producteur.

Les plaignantes semblent confondre le contrôle qui oblige à rechercher si un producteur est « lié » aux termes du paragraphe 2(1.2) de la LMSI avec le contrôle effectif des opérations commerciales. Le contrôle opérationnel peut être exercé indépendamment par une firme liée et, si contrôle il y a, le TCCE peut, à bon droit, en tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de ne pas exclure une firme de la branche de production nationale. Le TCCE constate que « Streamline maîtrise la gestion de son exploitation courante d’une manière indépendante de Mueller… » : Exposé des motifs, à la p. 19. Il constate également que « ses ventes [celles de Streamline] au Canada durant la période visée par le réexamen ont principalement été faites à partir de la production nationale » : Exposé des motifs, à la p. 19. Il note en outre qu’il a été démontré à sa satisfaction que cette stratégie selon laquelle la production nationale de Streamline dessert le marché canadien ne changera pas à court terme, ni à moyen terme. Ces facteurs sont favorables à l’inclusion de Streamline dans la branche de production nationale malgré ses rapports avec Mueller.

Le TCCE a donc jugé que : 1) Mueller contrôlait Streamline au sens de l’alinéa 2(1.2)a) de la LMSI ; 2) Streamline maîtrisait la gestion de son exploitation courante suffisamment pour justifier son inclusion dans la branche de production nationale. Ces deux constatations ne sont pas incompatibles.

Il est manifeste que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’inclure Streamline dans la branche de production nationale, le TCCE s’est interrogé au sujet de l’existence et de l’effet du contrôle de Streamline par Mueller. L’Exposé des motifs renferme l’analyse par le TCCE des effets du contrôle de Streamline par Mueller. Les plaignantes ne peuvent soutenir que l’élément contrôle n’a pas été évalué par le TCCE.

L’effet de l’opposition de Streamline

Les plaignantes font valoir que le TCCE avait l’obligation d’exclure Streamline de la branche de production nationale parce que Streamline, contrairement aux plaignantes, a défendu l’annulation des conclusions du TCCE. On voit difficilement en quoi peut être pertinente la position adoptée au cours du litige par un producteur en particulier, lié ou non lié, relativement à son inclusion dans la branche de production nationale ou à son exclusion par le TCCE dans le cadre de son réexamen prévu par le paragraphe 76(2). Les plaignantes n’ont pas été empêchées de plaider en faveur de la prorogation des conclusions par l’inclusion de Streamline dans la branche de production nationale. Si le TCCE avait exclu Streamline de la branche de production nationale, les vues de Streamline sur l’annulation des conclusions auraient été soutenues aussi efficacement par la société mère Mueller. Il n’y a tout simplement aucun rapport entre la décision d’inclure Streamline dans la branche de production nationale et la possibilité, pour toute partie au litige, de défendre sa position propre en l’espèce.

C. L’Exposé des motifs était adéquat

L’Exposé des motifs reprend de façon très détaillée l’analyse faite par le TCCE dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de ne pas exclure Streamline de la branche de production nationale. S’il est vrai que le critère d’examen ne nous force pas à nous pencher sur le caractère raisonnable de l’Exposé des motifs du TCCE, si ce n’est pour déterminer qu’au vu du dossier, il n’est pas entaché d’erreur, nous notons néanmoins l’exhaustivité et la cohérence des motifs fondant la décision du TCCE sur la branche de production nationale. Les plaignantes n’ont pu démontrer aucune incohérence entre les considérations exposées dans les motifs et le dossier de la cause.

D. Absence d’abus de pouvoir discrétionnaire

La LMSI attribue un large pouvoir discrétionnaire au TCCE pour ce qui est d’inclure des producteurs liés dans la branche de production nationale ou de les en exclure dans le cadre du réexamen prévu par le paragraphe 76(2). La LMSI n’oblige pas le TCCE a tenir compte de facteurs particuliers lorsqu’il statue sur ce point. Par conséquent, le TCCE jouit d’un pouvoir discrétionnaire tant en ce qui a trait aux considérations qu’il e stime pertinentes qu’en ce qui concerne sa décision elle-même. Nous n’avons conclu à aucun abus de ce pouvoir discrétionnaire, selon le critère d’examen du caractère manifestement déraisonnable. Le vaste pouvoir discrétionnaire attribué au TCCE, conjugué à la déférence dont il nous faut faire preuve eu égard à ce critère d’examen, amène le Groupe spécial à constater que le TCCE n’a commis aucune erreur en décidant de ne pas exclure Streamline de la branche de production nationale.

IV. CAUSALITÉ

Les plaignantes font valoir que l’analyse du TCCE au chapitre de la causalité ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 76(4) de la LMSI : « À la fin du réexamen… le Tribunal rend une ordonnance motivée annulant ou prorogeant l'ordonnance ou les conclusions avec ou sans modification, selon le cas » (italiques ajoutés). D’après les plaignantes, l’Exposé des motifs n’énonce pas les « motifs » qui fondent la décision du TCCE que le dumping (qui reprendra probablement selon le Tribunal) ne causera pas de dommage sensible à la branche de production nationale. Plus précisément, les plaignantes soutiennent que le TCCE, en ne quantifiant pas le dumping qu’effectueront les producteurs américains de leurs marchandises à l’avenir, force le Groupe spécial à constater que l’Exposé des motifs du TCCE est inadéquat. Toutefois, comme il a été dit précédemment, ni la Loi ni les règlements n’obligent le TCCE à calculer les marges de dumping pour procéder à son analyse de la causalité. D’ailleurs, en l’espèce, le TCCE a donné des motifs précis dans son Exposé des motifs pour lesquels il concluait que le dumping des producteurs américains ne causerait probablement pas de dommage sensible à la branche de production nationale. Par conséquent, compte tenu de la déférence dont il lui faut faire preuve envers le TCCE en toute matière ayant rapport à la causalité, le Groupe spécial confirme la décision du TCCE.

A. L’analyse de la causalité par le TCCE

En vertu des paragraphes 76(2) et 76(4) de la LMSI, le TCCE peut réexaminer et annuler une ordonnance qu’il a précédemment rendue dès lors qu’il motive cette décision. Or il faut noter que cette loi ne guide aucunement le TCCE dans le réexamen prévu par le paragraphe 76(2). Le TCCE a donc choisi de procéder à ces réexamens en commençant par rechercher s’il y avait probabilité d’une reprise du dumping et, dans l’affirmative, si ce dumping causerait probablement un dommage sensible à la branche de la production nationale. Le TCCE doit satisfaire à deux conditions seulement : 1) sa décision définitive ne doit pas être manifestement déraisonnable ; 2) il doit fonder sur des « motifs adéquats » sa décision définitive afin de l’expliquer : voir l’arrêt Stelco Inc. c. Procureur général du Canada, no du greffe A-365-98, 25 janvier 2000, Cour d’appel fédérale, paragraphe 24 (inédit).

Dans son Exposé des motifs du 16 octobre, le TCCE a jugé que la probabilité d’une reprise du dumping ne causerait pas de dommage sensible à la branche de la production nationale : Exposé des motifs, aux pp. 17 à 22. Pour tirer cette conclusion, le TCCE s’est intéressé à toute une série de facteurs, dont les changements de la conjoncture du marché depuis sa conclusion qu’il y avait dommage, les volumes et les prix probables des importations sous-évaluées et le rendement récent de la branche de production nationale et son rendement futur probable. En particulier, le TCCE a fait les constatations suivantes :

  • Depuis 1995, la conjoncture du marché national s’est stabilisée et les circonstances de la branche de production nationale se sont améliorées sensiblement ;
  • Les importations d’origine américaine ont baissé de façon remarquable et la part du marché des fabricants canadiens s’est accrue d’autant ;
  • Entre 1995 et 1997, le volume du marché national a augmenté de 24 pour 100 et les ventes, à partir de la production nationale, ont augmenté de 30 pour 100 ;
  • Les ventes de la production nationale ont de façon persistante été faites à des prix sensiblement inférieurs aux prix de vente des importations des États-Unis ;
  • En général, les importations des États-Unis n’ont pas été vendues à des prix sous-évalués ;
  • Les importations des États-Unis sont généralement vendues en plus faibles quantités, à des prix plus élevés, pour combler la rareté des produits des producteurs nationaux et non en concurrence directe avec la production nationale ;
  • À mesure que les producteurs nationaux ont continué d’élargir leur gamme de production, ils ont compté de moins en moins sur les produits importés pour compléter leur gamme de produits ;
  • Tout dumping de la part des trois exportateurs désignés devrait probablement se limiter à un petit volume de produits, sera intermittent et ne perturbera pas sensiblement le marché canadien ;
  • D’autres facteurs, comme la concurrence intensive au niveau des prix entre les producteurs nationaux, et non un éventuel dumping des producteurs américains, auront probablement davantage d’influence sur le rendement de la branche de production nationale dans un proche avenir.

Le TCCE, Streamline et Mueller estiment que ces constatations ne sont pas manifestement déraisonnables. Aussi l’Exposé des motifs satisfait-il au paragraphe 76(4) ; il donne une explication adéquate des constatations justifiant sa conclusion que tout dumping de la branche américaine ne causera pas de dommage sensible à la branche de production nationale.

B. La quantification du dumping

Les plaignantes ne contestent pas que les preuves qui ont été versées au dossier viennent étayer les conclusions du TCCE : voir Transcr., à la p. 94. Elles soutiennent plutôt que l’Exposé des motifs du TCCE est inadéquat (et donc que son raisonnement est manifestement déraisonnable) parce qu’il ne comporte aucune quantification de la marge de dumping probable en l’absence de l’ordonnance. Les plaignantes ne citent cependant aucune autorité qui puisse fonder leur assertion que le TCCE doit quantifier le dumping pour pouvoir procéder à son analyse de la causalité. Elles citent l’arrêt Moldex Ltd. c. Beneke Industries Ltd. (1984), 7 C.E.R. 323 (C.A.F.) pour soutenir leur conclusion que le TCCE doit quantifier le dumping. Voir Transcr. À la p. 77. Mais cet arrêt n’a aucune pertinence au regard du point en litige. Dans l’affaire Moldex, les plaignantes avaient soutenu que le préjudice était « sensible » si, de quelque façon, il influait sur les opérations des producteurs nationaux. Voir l’arrêt Moldex, à la p. 324. La Cour n’a pas partagé cette opinion et a dit qu’une telle définition de la « sensibilité » n’avait aucun mérite : Ibid. Cette conclusion n’étaye donc en rien la prétention que le TCCE doit quantifier le dumping lorsqu’il procède à une analyse de la causalité.

Au contraire, d’autres tribunaux et groupes spéciaux ont jugé qu’il n’existait : « aucune norme administrative que nous pourrions appliquer pour évaluer l'analyse du Tribunal en l'espèce » : Panneaux de béton, à la p. 13 ; voir également l’arrêt Sacilor Aciéries c. Tribunal anti-dumping (1985), 9 C.E.R. 210 (C.A.F.), à la p. 214. Il est clair que le TCCE possède le pouvoir discrétionnaire de procéder à une analyse de la causalité de la façon dont il l’entend, pourvu que cette analyse ne soit pas manifestement déraisonnable et qu’elle soit convenablement expliquée dans les motifs. En l’espèce, l’analyse du TCCE est soutenue par le dossier (ce que les plaignantes ont reconnu) et le TCCE [TRADUCTION] « a expliqué sa conclusion sur les points de première importance » de sa décision, comme il est dit ci-dessus. Voir l’arrêt Stelco, à la p. 10 (où il est jugé que le paragraphe 76(4) oblige le TCCE à motiver adéquatement ses décisions sans qu’il ait à statuer sur tous les points dont il a été saisi). Par conséquent, le Groupe spécial rejette l’assertion des plaignantes que, pour satisfaire au paragraphe 76(4), il fallait que le TCCE quantifie les marges de dumping.

C. Affirmations contradictoires

Les plaignantes font également valoir que le TCCE n’a pas satisfait au paragraphe 76(4) parce que son Exposé des motifs renfermerait certains commentaires contradictoires. En particulier, à la page 17, le TCCE dit que « …certains articles feraient inévitablement l’objet de dumping… », alors qu’à la page 24, il dit que : « …un tel dumping, s’il se produit, aura un caractère intermittent et n’atteindra pas des volumes et des prix susceptibles de perturber le marché national » (italiques ajoutés). Les plaignantes soutiennent que ces affirmations sont en soi contradictoires et que, par conséquent, le Groupe spécial devrait renvoyer l’affaire au TCCE pour qu’il éclaircisse sa décision.

Le Groupe spécial, toutefois, ne partage pas l’avis des plaignantes sur ce point. En premier lieu, remises dans leur contexte, ces affirmations sont raisonnablement compatibles : la première se réfère à l’inévitabilité que certains raccords (ouvrés ou coulés) fassent éventuellement l’objet de dumping au Canada ; la seconde, à la possibilité que seuls les raccords ouvrés fassent l’objet d’un dumping au Canada. Les deux affirmations ne sont pas forcément incompatibles vu que seuls les raccords ouvrés (et non les raccords coulés) feront inévitablement l’objet d’un dumping. En second lieu, même si les affirmations sont contradictoires, il ne s’agit pas là du type d’erreur manifeste ayant justifié le renvoi dans l’arrêt Association canadienne des fabricants de pâtes alimentaires c. Aurora Importing & Distributing Ltd., no du greffe A-473-96, 31 janvier 1997, (1997) 208 N.R. 329 (C.A.F.), qu’invoquent les plaignantes dans la présente espèce. Par conséquent, le Groupe spécial rejette l’assertion des plaignantes selon laquelle il y aurait lieu de renvoyer l’affaire.

V. LA PROCÉDURE CONCERNANT LA DEMANDE DE RENSEIGNEMENTS

A. Le contexte

Les plaignantes soulèvent trois moyens relativement aux mesures prises par le TCCE à l’égard de la procédure de demande de renseignements (DDR). Comme il a été dit à la section II) B) 2) c), plus haut, la gestion de la procédure de communication préalable du TCCE relève de ses pouvoirs discrétionnaires et le critère d’examen approprié au regard de ces questions est celui du caractère déraisonnable. Avant d’en venir aux moyens précis invoqués par les plaignantes, il sera néanmoins utile d’exposer les faits qui forment la trame de ce litige.

  • Le 20 mars 1998, le TCCE a délivré un Avis de réexamen qui établissait un calendrier des étapes et des dates de la procédure de réexamen.
  • Le 3 juin, le TCCE a transmis par télécopieur une note à tous les avocats et à toutes les parties au dossier leur exposant quelle serait la procédure applicable en matière de DDR en l’instance. Il y indiquait que, comme dans deux affaires récentes, une procédure révisée serait utilisée, comportant une seule période pour les questions et les réponses, et non deux, comme cela avait été l’usage antérieurement, et que toute question qui n’aurait pu raisonnablement être posée au cours de cette période consacrée aux DDR pourrait être soulevée au cours des débats publics, à l’audience, laquelle était fixée au 18 août 1998.
  • Le 4 juin, le TCCE a transmis par télécopieur des directives révisées au sujet des DDR. Les principales dates de la procédure étaient indiquées. Au troisième paragraphe de l’avis, l’on pouvait lire :
    • [TRADUCTION] « Dans certains réexamens et enquêtes récents, le nombre de demandes de renseignements adressées aux parties adverses a été inutilement élevé et, dans bien des cas, l’information demandée était peu pertinente, voire non pertinente, par rapport aux questions en litige devant le Tribunal. »
    • « Le Tribunal a donc rejeté, en tout ou en partie, certaines demandes de renseignements ». Il cite, à titre d’exemple, des demandes se rapportant aux éléments suivants :
      • un laps de temps excessif,
      • des marchandises ne faisant pas l’objet du litige,
      • des faits ou des activités dont l’intéressé avait directement connaissance,
      • de l’information publique,
      • un volume considérable d’informations à l’appui de données fournies en réponse aux questionnaires du Tribunal,
      • de la documentation relative à des plans d’entreprise que n’avait pas encore approuvés la haute direction de l’entreprise.
    • L’avis expliquait ensuite que le TCCE attendait des parties qu’elles limitent les DDR excessives ou non pertinentes et que : [TRADUCTION] « lorsque la pertinence ou l’utilité de l’information demandée ne seront pas évidentes, les parties demandant l’information gagneront à exposer les raisons pour lesquelles elles la demandent, ainsi que sa pertinence ». L’avis ajoutait : « cela aidera le Tribunal lorsqu’il aura à statuer, de sa propre initiative ou en raison d’une opposition, sur l’opportunité des demandes et sur l’obligation, pour la partie interrogée, de répondre ».
  • Le 9 juin, le TCCE a rejeté une requête en récusation du conseiller de l’une des parties au réexamen qui n’était pas avocat, faisant observer ceci :
    • [TRADUCTION] Étant une instance administrative, le Tribunal est moins formaliste que les tribunaux judiciaires. Le Tribunal estime qu’étant donné la nature quasi judiciaire de l’instance et son obligation concomitante d’agir équitablement, il s’ensuit que les parties sont en droit d’être représentées par un conseiller [citation omise] comme le prévoit la Loi sur le TCCE, et de l’être par le conseiller de leur choix. Le Tribunal autorise régulièrement les parties à être représentées par d’autres personnes que des avocats : par des consultants en matière commerciale, des économistes et des comptables. Le Tribunal n’a pas été convaincu par les arguments des avocats de Cello qu’un changement dans la pratique du Tribunal était justifié en l’espèce. De plus, exiger du professeur Mathewson qu’il ait quelque expérience du prétoire ou des débats devant le Tribunal, ou d’autres juridictions, pour qu’il soit autorisé à occuper à titre de conseiller d’Amcast et d’Elkhart en l’espèce, comme le demande l’avocat de Cello, serait, de l’avis du Tribunal, insérer une condition supplémentaire dans la définition des personnes qui sont « assimilées » à « l’avocat » d’une partie au paragraphe 45(4) de la Loi sur le TCCE.
  • Le 15 juin, les avocats des plaignantes ont transmis des DDR à Nibco, Streamline et Mueller. Les demandes, et les oppositions auxquelles elles ont donné lieu, et les décisions et l’état des appels formés, sont indiqués au tableau no 1 de l’Appendice. Plusieurs demandes étaient faites pour de l’information qui avait trait à des marchandises qui ne faisaient pas l’objet du litige, l’un des exemples expressément mentionnés dans l’avis du 4 juin du TCCE de demande susceptible d’être rejetée parce que portant sur un nombre de documents trop élevé et peu pertinente, voire non pertinente. Les demandes des plaignantes ne fournissaient aucun motif ou explication tendant à établir la pertinence de ces demandes, ou de quelque autre demande.
  • Le 18 juin, les avocats de Nibco ont déposé des oppositions, qui figurent aux tableaux no 1A et B de l’Appendice.
  • Le 19 juin, les avocats des plaignantes ont demandé un délai, jusqu’au 25 juin, pour répondre aux oppositions faites par Nibco.
  • Le 22 juin, les avocats de Streamline et Mueller se sont opposés aux DDR des plaignantes, oppositions qui figurent au tableau no 1C de l’Appendice.
  • Le 22 juin également, les avocats de Nibco se sont opposés à la demande des plaignantes en vue d’obtenir un délai, jusqu’au 25 juin, pour répondre aux oppositions, faisant valoir que la note du 4 juin du TCCE invitait les parties à expliquer la pertinence et la raison d’être de leurs DDR dès le départ, et que les plaignantes avaient décidé de ne pas se prévaloir de cette possibilité. De plus, les avocats de Nibco ont cité un précédent, l’affaire Tôles d’acier laminées à froid (Réexamen no RR-97-007), dans laquelle le TCCE avait refusé d’accepter des explications ex post facto.
  • Les 22 et 23 juin (mémoires distincts), les avocats des plaignantes ont répondu à la lettre du 22 juin de Nibco, faisant valoir que les principes de l’équité procédurale et de la justice naturelle fondaient le droit des plaignantes de répondre aux oppositions, et que la pertinence et l’utilité des DDR étaient [TRADUCTION] « évidentes et s’expliquaient d’elles-mêmes », ajoutant que l’un des avocats des plaignantes avait [TRADUCTION] « joué un rôle très limité dans l’affaire Tôles d’acier laminées à froid », mais que les avocats de la plaignante n’étaient pas au fait de la position du Tribunal dans cette affaire, s’opposant enfin à la production tardive des oppositions de Streamline, ainsi qu’au caractère superficiel des oppositions de Nibco. Le second mémoire, en date du 23 juin, une justification de 19 pages des DDR des plaignantes, n’a pas été admis par le TCCE comme réponse aux oppositions; il ne figure pas au dossier.
  • Le 25 juin, les avocats de Streamline ont produit leur réponse à la lettre du 22 juin des plaignantes, soutenant que les directives du TCCE du 4 juin étaient claires, rappelant au TCCE que ces règles étaient fondées sur le simple bon sens et un désir d’être équitable envers toutes les parties et que les questions de la pertinence et du volume des écritures en ce qui concernait les DDR étaient « claires et nettes » et que le TCCE devait maintenant statuer.
  • Le 26 juin, le TCCE a statué sur les DDR. Dans l’extrait pertinent, le TCCE :
    • A pris en considération les moyens et les arguments qu’ont fait valoir les plaignantes dans leurs lettres des 19, 22 et 23 juin par lesquelles elles demandent qu’on leur accorde la possibilité de répondre aux oppositions et contestent celles-ci au motif qu’elles seraient superficielles ;
    • A refusé de connaître de toute opposition produite tardivement de Streamline et Mueller hors les cas où elle serait semblable à celles produites dans les délais par Nibco ;
    • A retourné la seconde lettre du 23 juin des avocats de Bow, la qualifiant de réponse aux oppositions ;
    • A rappelé aux parties que la procédure des DDR [TRADUCTION] « à ce stade du réexamen doit forcément être limitée aux questions qui, de toute évidence, sont pertinentes au regard des points en litige. La procédure de demande de renseignements du Tribunal diffère de la procédure de l’interrogatoire ou de la communication préalable, de portée plus large et qui prend plus de temps, que connaissent bien les avocats occupant dans des procès au civil. Le Tribunal a une idée précise des demandes et des réponses nécessaires, à son avis, à un examen régulier et complet des points en litige » ;
    • A fait observer que : [TRADUCTION] « si une partie a le sentiment que, nonobstant les décisions du Tribunal, il y a un point qui doit absolument être pris en considération, elle peut notifier les parties intéressées avant l’audience de son intention de le soulever au cours des débats conformément aux règles de procédure qui ont été remises aux parties le 4 juin 1998 ».
  • Le 3 juillet, le TCCE a retourné aux plaignantes leurs lettres des 22, 23 et 25 juin, qu’elles voulaient produire en réponse aux oppositions de Nibco et Streamline-Mueller.
  • Le 10 juillet, le TCCE a indiqué qu’il allait remettre aux parties le 15 juillet les réponses aux DDR et il leur a rappelé qu’elles avaient la possibilité de signifier un avis des [TRADUCTION] « questions qui ont été soulevées » après la production par les parties de leur argumentation et de leurs observations en réponse.
  • Le 13 juillet, les avocats des plaignantes ont informé les avocats de Nibco qu’ils devaient se préparer à répondre à l’audience à toute une série de questions qui semblent couvrir les mêmes points que les DDR qui n’ont pas été admises et à fournir de la documentation sur ces questions. On trouvera une comparaison des sujets des DDR et de l’Avis des questions soulevées (AQS) au tableau no 2 de l’Appendice.
  • Le 14 juillet, les avocats de Streamline ont fait opposition au point 15 de la demande de documentation de l’AQS que Streamline a décrite comme [TRADUCTION] « une procédure complémentaire de DDR » qui sollicitait expressément des informations sur des questions que le TCCE avait jugées non pertinentes au cours de la procédure de DDR ; ils ont demandé au TCCE de rejeter la demande, afin de ne pas alourdir la procédure et occasionner des frais inutiles.
  • Le 16 juillet, les avocats de Nibco ont fourni un tableau comparatif des DDR des plaignantes et des demandes de renseignements contenues dans l’AQS du 13 juillet, s’opposant à la présentation de l’AQS pour tous les points à l’égard desquels les DDR avaient déjà été rejetées par le TCCE.
  • Le 16 juillet également, les avocats des plaignantes ont répondu aux oppositions de Streamline, citant la note du 4 juin du TCCE et soutenant qu’en autorisant un AQS, [TRADUCTION] « le Tribunal a donné aux parties la possibilité de présenter des demandes de renseignements après étude des preuves produites par toutes les parties ». Dans cette lettre, les plaignantes ont cité aussi l’avis du 26 juin du TCCE, affirmant qu’en résumé le passage clé voulait dire ceci : [TRADUCTION] « Ainsi le Tribunal a prévu que les AQS pourraient traiter non seulement des thèses des parties et des observations données en réponse par le fabricant, mais aussi de questions importantes qu’il fallait prendre en considération et pour lesquelles le Tribunal avait décidé de ne pas exiger de réponses aux demandes de renseignements ». En outre, les avocats des plaignantes ont fourni une raison pour chacune des demandes de renseignements de l’AQS litigieux.
  • Le 21 juillet, les avocats des plaignantes ont répondu aux oppositions produites par les avocats de Nibco, réitérant ce qu’ils avaient dit dans leur lettre du 16 juillet adressée à Streamline et expliquant en quoi les éléments demandés étaient pertinents et utiles, y compris ceux précédemment refusés au cours de la procédure de DDR.
  • Le 31 juillet, le TCCE a rendu sa décision. Il a estimé qu’il devait tenir compte : I) de la pertinence de l’information demandée ; II) du volume des écritures qu’elle représente ; III) de sa spécificité ; IV) du fait que suffisamment d’informations avaient déjà été versées au dossier. Compte tenu de l’information déjà versée au dossier, le TCCE a dit qu’il avait [TRADUCTION] « bien cerné, parmi les questions contenues dans les avis de questions soulevées, celles qui étaient nécessaires à un réexamen régulier et complet de cette nature ». Au regard des questions ayant trait aux DDR jugées irrecevables dans la lettre du 26 juin du TCCE, la décision du 31 juillet a admis deux des trois catégories de demandes, y compris toutes les demandes antérieurement rejetées au sujet de marchandises ne faisant pas l’objet du litige. La demande portant sur les contrats de vente et tout contrat de service conclus avec M. Sargeant - dont les avocats de Nibco avaient antérieurement nié l’existence - a été rejetée pour impertinence.

B. La nature des attributions du TCCE

Les plaignantes concluent à l’erreur en ce qui concerne la procédure de DDR, tout d’abord, en arguant de passages de la décision du TCCE du 26 juin 1998, qui refuse trois des DDR des plaignantes pour impertinence, ainsi que de la décision du 9 juin sur la question de la représentation d’une partie au réexamen par une autre personne qu’un avocat. Précisément, les plaignantes citent l’extrait suivant de la lettre du 26 juin du TCCE :

[TRADUCTION]

Compte tenu du calendrier serré qui a été établi pour procéder à ce réexamen en vertu de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal désire rappeler aux parties que la procédure de demande de renseignements adressées aux parties adverses à ce stade du réexamen doit forcément être limitée aux questions qui, de toute évidence, sont pertinentes au regard des points en litige. La procédure de demande de renseignements du Tribunal diffère de la procédure de l’interrogatoire ou de la communication préalable, de portée plus large et qui prend plus de temps, que connaissent bien les avocats occupant dans des procès au civil. Le Tribunal a une idée précise des demandes et des réponses nécessaires, à son avis, à un examen régulier et complet des points en litige.

Les plaignantes contestent l’affirmation du TCCE selon laquelle sa procédure serait de portée [TRADUCTION] « moins large », ainsi que son insistance sur son [TRADUCTION] « calendrier serré ». À ces arguments, les plaignantes ajoutent l’affirmation du TCCE dans sa lettre du 9 juin selon laquelle le Tribunal, étant une instance administrative, est moins formaliste que les tribunaux judiciaires, et sa mention de la nature quasi judiciaire de l’instance. Selon les plaignantes, il appert de ces affirmations que le TCCE a mal interprété ses attributions légales et son pouvoir [TRADUCTION] « de prendre pleinement en considération et d’admettre les preuves pertinentes » (Mémoire des plaignantes, aux pp. 39 et 41).

Après un examen approfondi des pièces du dossier et des arguments des plaignantes sur ce point à l’audience du 8 février, le Groupe spécial n’est toujours pas convaincu que le TCCE ait abusivement interprété l’étendue de ses attributions. Comme il a été dit précédemment, le TCCE possède « les attributions d'une cour supérieure d'archives » : art. 17 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur. Aux termes de l’article 35 de cette loi , « [l]es séances du Tribunal sont conduites de la façon qui lui paraît la plus efficace, la plus équitable et la plus expéditive dans les circonstances ».

Il ressort clairement de l’article 35 que le TCCE s’est vu attribuer le pouvoir d’exercer ses « pouvoirs, droits et privilèges » d’une façon en quelque sorte moins formaliste et plus expéditive que les tribunaux judiciaires, pourvu que ce soit de la façon « la plus équitable… dans les circonstances ». Comme il a été dit à la section II. B) 1) c) ci-dessus, la Cour fédérale du Canada a pris acte de ces différences dans la procédure des instances introduites devant les tribunaux administratifs et elle a rappelé l’importance qu’il fallait attacher à l’équité procédurale et le fait que l’équité procédurale exigeait de rechercher le juste équilibre entre les intérêts parfois opposés des parties : arrêt CIBA-Geigy Ltd. c. Canada (Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés), [1994] 3 C.F. 425, au par. 32.

Les passages des décisions des 9 et 26 juin qu’attaquent les plaignantes, lorsque celles-ci sont prises dans leur intégralité, ne disent pas autre chose. Quand il a dit qu’« [é]tant une instance administrative, le Tribunal est moins formaliste que les tribunaux judiciaires », le TCCE ne faisait que reprendre le texte de l’art. 35 de sa loi constitutive. L’ensemble de la phrase de la décision du 9 juin, dans laquelle le TCCE fait mention de sa « nature quasi judiciaire » montre clairement que c’est ce fondement qui est la source « de son obligation concomitante d’agir équitablement » et de sa décision de permettre à une partie d’avoir le conseiller de son choix, plutôt que d’indiquer que le TCCE est investi d’un pouvoir plus limité ou qu’il peut se permettre de faire peu de cas des droits des parties. De même, les extraits de la décision du 26 juin où il est dit que la procédure de DDR « diffère de la procédure de l’interrogatoire ou de la communication préalable, de portée plus large et qui prend plus de temps, que connaissent bien les avocats occupant dans des procès au civil » et où il est question du calendrier « serré qui a été établi pour procéder à ce réexamen… », s’insèrent dans l’analyse générale que fait le TCCE de ce qui lui paraît nécessaire à un « examen régulier et complet des points en litige ». Aussi, après un examen plus approfondi des passages faisant l’objet de l’opposition, le Groupe spécial ne convient pas que le TCCE a mal interprété la nature de ses attributions.

L’argument des plaignantes, cependant, semble avoir un autre objet. Citant l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Magnasonic Canada Limited c. Tribunal antidumping, [1972] C.F. 1239 (C.A.), aux pp. 1246 à 1249, elles laissent entendre que le TCCE a manqué à son « obligation de prendre pleinement en considération et d’admettre les preuves pertinentes » en insistant trop sur la portée « moins large » de la communication préalable et sur un « calendrier serré » pour procéder au réexamen : Mémoire des plaignantes, à la p. 41. Elles font valoir que le TCCE a permis, à tort, que ces considérations viennent limiter l’étendue de certaines de leurs DDR. Mais elles reconnaissent que le TCCE a le droit de limiter la procédure de communication préalable et l’admissibilité de la preuve à ce qu’il juge pertinent (Mémoire des plaignantes, à la p. 41; Transcr., à la p. 133) et il ne fait pas de doute que le régime instauré par la Loi impartit des délais plutôt serrés pour le réexamen.

Confronté au besoin de concilier des facteurs contradictoires d’équité procédurale envers toutes les parties et des contraintes légales en matière de délais, le TCCE, dans ses lettres des 3 et 4 juin, a adopté, de l’avis du Groupe spécial, une attitude appropriée et raisonnable. Les lettres : 1) préviennent les parties que, dans cette instance, comme dans diverses affaires récentes, une seule ronde de DDR sera autorisée ; 2) expliquent que les questions qui n’auront pu raisonnablement être posées au cours de cette seule période pourront l’être à l’audience ; 3) mettent en garde les parties à propos de demandes qui risqueront d’être rejetées parce qu’elles ne sont pas pertinentes ou dont le nombre est inutilement élevé; 4) précisent : « lorsque la pertinence ou l’utilité de l’information demandée ne sera pas évidente, les parties demandant l’information gagneront à exposer les raisons pour lesquelles elles la demandent, ainsi que sa pertinence. Cela aidera le Tribunal lorsqu’il aura à statuer, de sa propre initiative ou en raison d’une opposition, sur l’opportunité des demandes et sur l’obligation, pour la partie interrogée, de répondre ». La lettre du 4 juin donnait une liste d’exemples de demandes qui avaient été rejetées, dont des demandes au sujet de « marchandises ne faisant pas l’objet du litige ». Les plaignantes avaient donc été avisées que leurs DDR au sujet de marchandises qui ne faisaient pas l’objet du litige risquaient d’être rejetées et qu’aucune possibilité de répondre aux oppositions aux DDR ne serait offerte. Malgré ces avertissements clairs, elles ont décidé de ne pas donner de raison expliquant la pertinence de leurs DDR en l’espèce.

La question qui se pose sur ce point est de savoir si le TCCE a agi déraisonnablement en refusant les DDR des plaignantes dans ces circonstances. De l’avis du Groupe spécial, la décision du TCCE sur ce point l’obligeait à peser diverses considérations d’équité procédurale pour toutes les parties -, dont le désir des plaignantes d’obtenir cette information, le fait qu’elles n’avaient pas donné les raisons pour lesquelles elles en avaient besoin, après avoir été informées qu’une telle demande risquait d’être rejetée et le fardeau imposé aux parties adverses obligées de répondre si les DDR étaient autorisées. Cet état de choses a obligé le TCCE à faire appel à son expertise, or, comme il a été exposé précédemment, la décision prise par le TCCE dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire ne sera infirmée que si elle est déraisonnable. Pour plusieurs raisons, elle ne l’est pas.

En premier lieu, les plaignantes se sont vu offrir la possibilité de donner les raisons pour lesquelles elles présentaient leurs DDR et elles ont été prévenues régulièrement que l’objet de celles qui sont en cause prêtait à controverse et qu’antérieurement de semblables avaient été refusées. L’argument qu’elles ont fait valoir à l’audience, à savoir que [TRADUCTION] « le choix des mots avait été malheureux » dans la lettre du 4 juin du TCCE lorsque celui-ci avait dit « lorsque la pertinence ou l’utilité de l’information demandée ne sera pas évidente les parties… gagneront à exposer les raisons… » (Transcr., à la p. 98), cela ayant placé les plaignantes dans la situation inconfortable d’avoir à décider s’il leur fallait ou non expliquer la pertinence de leurs DDR, est difficile à croire quand on sait qu’elles ont été informées que leurs demandes concernant des marchandises qui ne faisaient pas l’objet du litige risquaient fort d’être rejetées.

En second lieu, les plaignantes ont eu d’autres possibilités d’obtenir l’information qu’elles voulaient. La lettre du 26 juin informait sans ambages les parties qu’en cas de désaccord avec les décisions du TCCE, si elles avaient le sentiment qu’un point devait être traité, elles pouvaient le soulever au cours de la procédure d’AQS. Elles se sont prévalues de cette possibilité, produisant un AQS le 13 juillet demandant des informations qui reprenaient de près les DDR qui avaient été rejetées le 26 juin. D’ailleurs, les conseillers de Streamline et Nibco s’y sont vivement opposés dans les lettres qu’ils ont produites les 14 et 16 juillet, disant que les demandes contenues dans l’AQS n’étaient « qu’un second essai » et fournissant un tableau comparatif en colonnes pour montrer que les plaignantes considéraient la procédure d’AQS comme [TRADUCTION] « une invitation à poser à nouveau (en des termes différents il est vrai) les mêmes questions qui avaient été examinées exhaustivement par le Tribunal et jugées [non pertinentes] dans sa lettre du 26 juin 1998 ». Malgré ces récriminations, les plaignantes ont été autorisées à répondre aux oppositions et, le 16 juillet, se sont appuyées sur les lettres des 4 et 26 juin du TCCE pour établir que le TCCE désirait que la procédure d’AQS donne [TRADUCTION] « aux parties la possibilité de faire des demandes de renseignements après étude des preuves produites par toutes les parties » et que [TRADUCTION] « ainsi, le Tribunal a prévu que les Avis de questions soulevées pourraient traiter non seulement des thèses des parties et des observations données en réponse par le fabricant, mais aussi de questions importantes qu’il fallait prendre en considération et pour lesquelles le Tribunal avait décidé de ne pas exiger de réponses aux demandes de renseignements ». Les plaignantes ont également donné une explication des raisons pour lesquelles les demandes antérieures qui avaient été rejetées étaient pertinentes. Comme le montre le tableau no 2, deux des trois demandes antérieurement rejetées, y compris celles ayant trait à des marchandises qui ne faisaient pas l’objet du litige, ont été admises.

En troisième lieu, au cours des débats, il a été demandé aux plaignantes si elles soutenaient que la situation correspondait à celle décrite par le juge en chef Lamer dans l’arrêt Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque, [1993] 1 R.C.S. 471, à la p. 491, où il avait noté : « Il pourra toutefois arriver que le rejet d'une preuve pertinente ait un impact tel sur l'équité du processus, que l'on ne pourra que conclure à une violation de la justice naturelle » : Transcr., à la p. 126. De plus, il a été demandé à l’avocat des plaignantes si elles avaient fait des observations lors de l’audience du 18 août 1998 de l’affaire et si elles avaient dit que la décision du 26 juin sur les DDR avaient compromis pour eux les possibilités de prouver leur thèse : Transcr., à la p. 127. L’avocat ne s’est pas rappelé avoir fait une telle observation (ibid.) et les mémoires des plaignantes ne font pas valoir cet argument. Comme les plaignantes ont pleinement profité de la possibilité qui s’offrait à elles d’obtenir l’information désirée au cours de la procédure d’AQS, faisant valoir avec force leurs droits découlant des déclarations faites par le TCCE dans ses lettres des 4 et 26 juin, elles ne semblent avoir subi aucun préjudice, et ce même si la décision du TCCE avait été mal fondée, et, de l’avis du Groupe spécial, elle ne l’était pas.

Les plaignantes s’appuient sur les arrêts Magnasonic, précité, et Sarco Canada Limited c. Tribunal antidumping et al. [1979] 1 C.F. 247 (C.A.) à la p. 258, aux par. d, e et f, à la p. 259, aux par. b, c, f, g, h, i et j, et à la p. 260, aux par. a, b et c, pour affirmer que la trop grande importance accordée par le TCCE à la pression des délais impartis par la Loi et à une procédure de communication préalable de portée moins large a [TRADUCTION] « anéanti leur droit à une pleine et juste possibilité d’être entendues » : Mémoire des plaignantes, aux pp. 41 et 42. Toutefois, les plaignantes ont pu obtenir l’information qu’elles voulaient obtenir et n’ont pu démontrer que leur droit d’être pleinement et équitablement entendues avait été violé. Le Groupe spécial conclut que le TCCE n’a pas dérogé aux principes de justice naturelle et n’a pas agi déraisonnablement en interprétant l’étendue de ses attributions.

C. La prétention que le TCCE avait préjugé de la pertinence

Les plaignantes prétendent ensuite que le TCCE, en affirmant, dans sa décision du 26 juin sur la pertinence des DDR, qu’il avait [TRADUCTION] « soi-disant “une idée précise des demandes et des réponses nécessaires, à son avis” » se trouvait à préjuger de leur pertinence, manquant ainsi à la justice naturelle : Mémoire des plaignantes, à la p. 39. Les plaignantes vont jusqu’à dire qu’en affirmant avoir une [TRADUCTION] «“idée précise” sur l’admissibilité de ces documents [les DDR en cause], avant tout examen de l’information, le Tribunal entrave illicitement son pouvoir discrétionnaire et prend en considération un élément non pertinent » : Mémoire des plaignantes, à la p. 45. D’abord, il faut faire observer que les plaignantes font dire au TCCE ce qu’il ne dit pas : la décision du 26 juin portait sur l’étendue de la communication préalable, sans juger de l’admissibilité. De même, quand les plaignantes se fondent sur l’arrêt Larocque, précité, à la p. 487, elles se trompent, puisque l’arrêt Larocque aussi portait sur un refus de connaître de preuves admissibles et pertinentes, non sur la détermination des demandes de communication qui étaient appropriées, une distinction que les avocats des plaignantes ont admise aux cours des débats : Transcr., à la p. 134. Si tant est que l’arrêt Larocque soit applicable en l’espèce, il est instructif par son opinion incidente sur le pouvoir de l’autorité décisionnelle de décider de la pertinence :

Je crois aussi, même si à mon avis il ne m'est pas nécessaire de décider de cette question dans le cadre du présent litige, que la compétence exclusive de l'arbitre de griefs sur la délimitation du litige a nécessairement pour corollaire sa compétence exclusive pour ensuite diriger en conséquence le débat, et qu'il peut, entre autres choses, choisir de n'admettre que la preuve qu'il estime pertinente à l'égard du litige tel qu'il a choisi de le délimiter. (Ibid.)

Sur les questions visées par sa décision du 26 juin, le Tribunal a statué que les plaignantes n’avaient pas démontré que leurs DDR étaient nécessaires alors que celles-ci portaient sur un sujet au regard duquel elles avaient été prévenues que le TCCE avait déjà jugé qu’il n’était pas pertinent dans des affaires du même genre. Elles n’ont fait aucun effort pour justifier leurs demandes en expliquant leur pertinence particulière en l’espèce. Il apparaît donc que le TCCE était fondé à décider que les demandes n’étaient pas pertinentes.

L’assertion des plaignantes, au paragraphe 121 de leur mémoire, qu’à moins que le TCCE n’ordonne la production de l’information demandée et ne l’examine, il ne pouvait licitement en déterminer la pertinence et il entravait illicitement son pouvoir discrétionnaire, est insoutenable. Au contraire, pareille prise de position priverait le TCCE de son pouvoir discrétionnaire, en ne lui laissant pas le choix d’ordonner la production de toute information qu’une partie pourrait exiger et en ne lui permettant pas de ne décider de la pertinence qu’après l’examen de celle-ci, forçant ainsi les parties à supporter un fardeau et des coûts injustifiés.

Les plaignantes n’ont pas établi que le TCCE a préjugé de la pertinence, n’a pas observé un principe de justice naturelle ou agi déraisonnablement par ses affirmations dans sa décision du 26 juin au sujet des demandes qui étaient nécessaires à un examen complet et régulier des questions en litige. Au contraire, il apparaît que le TCCE a appliqué son expertise, acquise par l’expérience d’affaires du même genre, à rechercher quels types de demandes de renseignements étaient susceptibles de produire des preuves pertinentes. Les plaignantes se sont vu offrir la possibilité de démontrer qu’il en était autrement, mais elles ne s’en sont pas prévalues. Il entrait parfaitement dans les attributions discrétionnaires du TCCE de décider comme il a décidé et le Groupe spécial n’estime pas qu’il était déraisonnable d’agir ainsi.

D. L’assertion concernant une nouvelle norme de pertinence

Enfin les plaignantes disent que la décision du 26 juin du TCCE a eu pour effet de créer une nouvelle norme plus stricte « de la pertinence évidente » au regard des DDR. La phrase que contestent les plaignantes est la suivante : « Compte tenu du calendrier serré qui a été établi pour procéder à ce réexamen en vertu de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal désire rappeler aux parties que la procédure de demande de renseignements adressées aux parties adverses à ce stade du réexamen doit forcément être limitée aux questions qui, de toute évidence, sont pertinentes au regard des points en litige ».

On ne sait pas vraiment quelle était la signification de l’expression « qui, de toute évidence, sont pertinentes » dans l’instance inférieure. Telle quelle, elle était un « rappel » aux parties des limitations qu’il était nécessaire d’apporter aux DDR « à ce stade du réexamen ». Elle ne donnait aucunement à penser qu’elle s’appliquerait telle quelle à des stades ultérieurs de l’instance ou au regard des preuves pouvant être versées au dossier. D’ailleurs nous savons que tel n’a pas été le cas, puisque les plaignantes ont demandé la même information au cours de la procédure d’AQS et qu’elles ont été autorisées à exiger sa production. Qui plus est, la détermination par le TCCE de l’information qui serait requise au cours de la procédure de DDR semble avoir été basée non pas sur cette portion de la lettre du 26 juin, mais sur l’appréciation par le TCCE de ce qui était « nécessaire […] à un examen régulier et complet des points en litige ». Rien n’indique que les plaignantes se soient opposées alors à ce qu’elles considèrent maintenant comme l’invocation d’une nouvelle norme, plus stricte, de pertinence ni qu’elles aient attribué le rejet de certaines DDR à l’application d’un tel facteur. Les plaignantes n’ont donc aucunement établi que le passage cité de la décision du TCCE du 26 juin sur la norme de pertinence faisait fi des principes de justice naturelle ou constituait un exercice déraisonnable de l’expertise et du pouvoir discrétionnaire du TCCE.

Pour tous les motifs qui précèdent, le Groupe spécial ne tient pas pour déraisonnables les mesures prises par le TCCE au regard de la procédure relative aux demandes de renseignements.

VI. CONCLUSION

Pour les motifs exposés ci-dessus, le Groupe spécial confirme par les présentes les conclusions du TCCE exposées dans son ordonnance du 16 octobre 1998 au regard du Réexamen no RR-07-008. Le Groupe spécial ordonne au Secrétaire canadien du Secrétariat de l’ALÉNA de délivrer un Avis des mesures finales du Groupe spécial conformément à l’article 77 des Règles de procédure des groupes spéciaux binationaux formés en vertu de l`Article 1904 de l’ALÉNA.

ORIGINAL SIGNÉ PAR : D. Michael Kaye, président

Jeffery C. Atik

Jane C. Luxton

E. Neil McKelvey, o.c., c.r.

David J. Mullan

Délivré le 3 avril 2000.

 


APPENDICE

TABLEAU no 1A: Demande adressée par Cello à Nibco

Information demandée Opposition Réponse Décision du 26 juin Contestation en appel

1. Échéancier des paiements des ventes de marchandises, faisant et ne faisant pas l’objet du litige, de Nibco à NCI de 1996 à maintenant.

18 juin : opposition pour les marchandises ne faisant pas l’objet du litige, fondée sur la lettre du 4 juin du Tribunal.

La lettre du 24 juin dit que leur pertinence et utilité sont «apparentes et s’expliquent d’elles-mêmes» : opposition soi-disant superficielle et inadéquate.

Réponse ordonnée pour les marchandises faisant l’objet du litige seulement.

Qualification de «refus péremptoire». Aucune description de pertinence dans les mémoires.

2. Copie des états financiers canadiens de Nibco pour 1995.

Aucune.

Aucune.

Fournir les états s’ils sont disponibles.

Qualification de «refus conditionnel». Aucune description de pertinence dans les mémoires.

3. Copie du contrat de vente de Nibco Canada et des contrats qui s’y rapportent, et de tout contrat de service conclu par Cliff Sargeant et NCI ou Nibco.

Opposition : pas pertinent ; aucun contrat de service en existence.

Même réponse qu’en 1 pour la pertinence et à propos des oppositions.

Demande sans pertinence pour le Réexamen.

Qualification de «refus péremptoire». Aucune description de pertinence dans les mémoires.

4. Expliquer la politique de prix de Nibco pour ses marchandises ne faisant pas l’objet du litige destinées à des clients américains, de 1996 à maintenant.

Opposition : pas pertinent et trop exigeant.

Même réponse qu’en 1.

Pas d’information requise sur des marchandises ne faisant pas l'objet du litige.

Qualification de «refus péremptoire». Aucune description de pertinence dans les mémoires.

5. Copies des plans de commercialisation des ventes à venir sur le marché canadien des marchandises faisant l’objet du litige.

Pas d’opposition.

Même réponse qu’en 1.

Fournir si ces plans existent.

Qualification de «refus conditionnel». Aucune description de pertinence dans les mémoires.

6. Copies des plans d’augmentation de la capacité de production des marchandises faisant l’objet du litige pour les cinq prochaines années.

Pas d’opposition.

Même réponse qu’en 1.

Fournir si ces plans existent.

Qualification de «refus conditionnel». Aucune description de pertinence dans les mémoires.

7. [N’a pas été contestée.]

       

8. Détails des prix d’exportation pour tous les marchés d’exportation, de 1995 à maintenant, pour les marchandises faisant l’objet du litige.

Opposition : trop exigeant et sans pertinence.

Même réponse qu’en 1.

Fournir information sur exportations, avec détails, tel que demandé dans le questionnaire.

Aucune.

9. Copies des plans d’utilisation future de la capacité de production des marchandises faisant l’objet du litige pour les marchés américains et d’exportation.

Pas d’opposition.

Même réponse qu’en 1.

Fournir si ces plans existent.

Qualification de «refus conditionnel». Aucune description de pertinence dans les mémoires.

 

TABLEAU no 1B: Demande adressée par Bow à Nibco

  Opposition Réponse Décision du 26 juin Contestation en appel
1. Conditions de vente des marchandises faisant l’objet, et ne faisant pas l’objet du litige, de Nibco à NCI de 1996 à maintenant. Même opposition que l’opposition no 1 à Cello au tableau no 1A. Opposition générale aux oppositions de Nibco ; pertinence et utilité sont «apparentes et s’expliquent d’elles-mêmes». Répondre au sujet des marchandises faisant l’objet du litige seulement. Assertion que la décision du Tribunal constituait un «refus péremptoire».
Copie du contrat de vente de Nibco Canada, et des contrats qui s’y rapportent, à Cliff Sargeant et/ou NCI. Même opposition que l’opposition no 3 à Cello au tableau no 1A. Comme ci-dessus et mention que la référence aux rapports entre Nibco et NCI est faite dans la Pièce B-1. Jugé ne pas être pertinent. . Assertion que la décision du Tribunal constituait un «refus péremptoire».
3. Détails de la politique de prix de Nibco pour ses marchandises ne faisant pas l’objet du litige destinées à des clients américains, de 1996 à maintenant. Même opposition que l’opposition no 4 à Cello au tableau no 1A Comme ci-dessus. Aucune information sur des marchandises ne faisant pas l’objet du litige n’est requise. Assertion que la décision du Tribunal constituait un «refus péremptoire».
4. Détails de la politique de prix demandés par Nibco, pour ses marchandises ne faisant pas l’objet du litige, à NCI de 1996 à maintenant. Même opposition que l’opposition no 1 et 4 à Cello au tableau no 1A Comme ci-dessus. Fournir l’information sur la politique de prix. Pas d’opposition.

 

TABLEAU no 1C: Demande adressée par Cello à Streamline et Mueller

  Opposition Réponse Décision du 26 juin Contestation en appel

1. Copies des plans d’augmentation de la capacité de production de Mueller pour les cinq prochaines années.

Information visée par les questionnaires et donc redondante

Oppositions tardives (22 juin).

Fournir l’information si les plans existent.

Assertion que la décision constitue un refus conditionnel.

2. Copies des plans de commercialisation future des marchandises faisant l’objet du litige.

Information visée par les questionnaires.

Oppositions tardives (22 juin).

Fournir l’information si les plans existent.

Assertion que la décision constitue un refus conditionnel.

3. Copies des notes de service au sujet des réunions intervenues entre Mueller et/ou Streamline et le ministère du Revenu national.

Demandes fondées sur des hypothèses et sans pertinence.

Oppositions tardives (22 juin).

Demande non pertinente au regard du Réexamen.

«Refus péremptoire»

4. Documentation donnant les plans de Streamline pour les marchés européen et canadien si la constatation de dumping n’est pas rescindée.

Pas d’opposition.

Oppositions tardives (22 juin).

Fournir l’information si les plans existent.

Assertion que la décision constitue un refus conditionnel.

5. Détails des prix à l’exportation sur tous les marchés d’exportation des ventes de marchandises faisant l’objet du litige.

Sans pertinence, trop exigeant, «on va à la pêche».

Oppositions tardives (22 juin).

Suffisamment d’information fournie par les réponses au questionnaire.

«Refus péremptoire».

6. Copies de tout plan donnant l’utilisation future de la capacité de production des marchandises faisant l’objet du litige pour les marchés des É.-U. et d’exportation de Mueller.

Sans pertinence, trop exigeant, «on va à la pêche».

Oppositions tardives (22 juin).

Donner l’information si ces plans existent.

«Refus conditionnel»

 

TABLEAU no 2: Comparaison des DDR refusées et des AQS

DDR Décision du 26 juin Question soulevée Documentation demandée Décision du 31 juillet

1. Échéancier des paiements des ventes de marchandises, faisant et ne faisant pas l’objet du litige, de Nibco à NCI de 1996 à maintenant [Cello no 1, Bow no 1 et 4].

L’information sur des marchandises ne faisant pas l’objet du litige n’est pas pertinente.

1. Différences entre les conditions de paiement et les échéances de paiement pour les ventes de Nibco à NCI faisant l’objet du litige et celles ne le faisant pas

Conditions de paiement et notes de service internes traitant de leurs raisons d’être.

Accordée.

2. Copie du contrat de vente de Nibco Canada et des documents s’y rapportant et copie de tout contrat de louage de services personnels passés conclus entre Cliff Sargeant et NCI et/ou Nibco. [Cello no 3, Bow no 2].

N’est pas pertinent.

2. Expliquer comment la vente de Nibco Canada à NCI et/ou à Sargeant influe sur les ventes et les prix des distributeurs de Nibco des marchandises faisant l’objet du litige.

Contrat de vente de Nibco Canada et tout arrangement de financement s’y rapportant.

Jugé non pertinent.

3. Expliquer la politique de prix de Nibco pour ses marchandises ne faisant pas l’objet du litige vendues aux clients américains de 1996 à maintenant. [Celle no 4, Bow no 3].

L’information sur des marchandises ne faisant pas l’objet du litige n’est pas pertinente.

3. Différences, si différence il y a, entre les politiques de prix applicables aux marchandises ne faisant pas l’objet du litige vendues par Nibco à NCI et aux distributeurs américains, et tout effet sur les prix des marchandises faisant l’objet du litige.

Politiques des prix de 1995 à maintenant.

Accordée.