EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL BINATIONAL EN VERTU DE L’ARTICLE 1904
DE L’ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN
DANS L’AFFAIRE DE :
Certains réfrigérateurs, lave-vaisselle et sécheuses originaires ou exportés des
États-Unis d’Amérique et fabriqués par, ou au nom de, la White Consolidated Industries, Inc.
et la Whirlpool Corporation, leurs sociétés affiliées, successeurs et ayants droit respectifs
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Dossier du Secrétariat n° :
CDA-USA-2000-1904-04 |
DÉCISION DU GROUPE SPÉCIAL
Le 16 janvier 2002
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Alan S. Alexandroff, président
John M. Peterson
Daniel A. Pinkus
Saul L. Sherman
Le professeur Gilbert R. Winham
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ONT COMPARU :
- Riyaz Dattu et John W. Boscariol, pour la plaignante Camco Inc.
- C.J. Michael Flavell, c.r. et Geoffrey C. Kubrick, pour les plaignantes, Inglis Limited et Whirlpool Corporation
- Richard S. Gottlieb et Darrel Pearson, pour les plaignantes WCI Canada Inc. et White Consolidated Industries Inc.
- Richard G. Dearden et Scott P. Little, pour l’intimée Maytag Corporation
- Gerry H. Stobo, Reagan Walker et Marie-France Dagenais, pour l’organisme d’enquête compétent (le Tribunal canadien du commerce extérieur)
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INTRODUCTION
La présente décision est la décision du Groupe spécial binational à la suite de l’examen n° CDA-USA-2000-1904-04 effectué en vertu de l’article
1904 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et de la partie I.1 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation
(LMSI) 1. La demande d’examen par un groupe spécial de la conclusion rendue par le Tribunal canadien du
commerce extérieur (TTCE) le 1er août 2000 dans l’enquête n° NQ-2000-001 a été déposée auprès du Secrétariat de l’ALÉNA – Section canadienne par
les avocats de la Whirlpool Corporation (Whirlpool) et de l’Inglis Limited (Inglis) 2 le 22 septembre
2000 conformément à la partie II des Règles de procédure de l’ALÉNA pour l’article 1904.
Les produits qui font l’objet de l’examen du Groupe spécial sont décrits comme suit : réfrigérateurs électriques avec compartiment de congélation
dans la partie supérieure, de volume supérieur à 14,5 pi3 (410,59 litres) et inférieur à 22 pi3 (622,97 litres) (les réfrigérateurs en
question), lave-vaisselle électriques de type ménager encastrables ou mobiles, d’une largeur supérieure à 18 po (45,72 cm) (les lave-vaisselle en
question), et sécheuses au gaz ou électriques (les sécheuses en question), originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique et fabriqués par, ou
au nom de, White Consolidated Industries, Inc. (WCI) et Whirlpool, leurs sociétés affiliées, successeurs et ayants droit respectifs.
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Les parties au présent examen par le groupe spécial sont Whirlpool, WCI et Camco Inc. (Camco), en qualité de plaignantes; et Maytag Corporation
(Maytag) et le TCCE, en qualité d’intimés.
LE CONTEXTE
En vertu du paragraphe 33(1) de la LMSI, le 30 novembre 1999, le Commissaire de l’Agence des douanes et du Revenu du Canada (ADRC) a ouvert une
enquête à la demande de Camco au sujet de l’allégation de dumping des réfrigérateurs, lave-vaisselle et sécheuses en question par WCI et
Whirlpool au cours de la période allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999.
Après l’ouverture de l’enquête, les avocats de WCI ont demandé au TCCE si les éléments de preuve dont était saisi le Commissaire indiquaient, de
façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage ou un retard à la branche de production nationale ou menaçait
de lui causer un dommage sensible. Le 24 janvier 2000, le TCCE a jugé que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping
des marchandises en question par les exportateurs désignés avait causé ou menaçait de causer un dommage sensible à la branche de production
nationale.
Le 3 avril 2000, le Commissaire a rendu une décision provisoire en vertu du paragraphe 38(1) de la LMSI concluant que les réfrigérateurs,
lave-vaisselle et sécheuses en question avaient été sous-évalués et que des éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping
avait causé un dommage ou menaçait de causer un dommage à la branche de production canadienne.
L’enquête du Commissaire de l’ADRC au sujet des marchandises en question s’est poursuivie après la décision provisoire du 3 avril 2000. Au terme de
cette période additionnelle d’enquête, le Commissaire était convaincu que les marges de dumping sur les marchandises en question n’étaient pas minimales
et que les volumes des marchandises sous-évaluées n’étaient pas négligeables. Par conséquent, l’ADRC a rendu une décision définitive, le 30 juin 2000,
portant que les marchandises en question avaient été sous-évaluées, en vertu de l’alinéa 41(1)a) de la LMSI 4.
À la suite de la décision provisoire du Commissaire portant que les marchandises en question avaient été sous-évaluées, le TCCE a ouvert l’enquête n°
NQ-2000-001. Pour faciliter cette enquête, du 26 au 30 juin 2000 et les 4 et 5 juillet 2000, le TCCE a tenu des audiences publiques et à huis clos à
Ottawa (Ontario). Étaient notamment représentés à ces audiences Camco, Whirlpool, Inglis, WCI, WCI Canada Inc., Maytag, Maytag Canada, Sears Canada
Inc. (Sears) et le Commissaire. Lors de ces audiences, le TCCE a également entendu la déposition de quatre témoins qui ont comparu à la demande du
TTCE et d’un témoin de General Electric Appliances qui avait été cité à comparaître par l’une des parties. Les quatre témoins qui ont comparu à la
demande du TCCE représentaient The Brick Warehouse Corporation, Appliance Canada, Brault et Martineau, et Midnorthern Appliance Inc., respectivement.
Il convient de noter un certain nombre de caractéristiques du marché canadien et la portée des enquêtes effectuées. Camco, par exemple, est le
seul producteur canadien intéressé par les appareils précis qui faisaient l’objet de l’enquête de dumping. L’enquête a couvert toutes les
importations des marchandises en question au cours de la période allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999. Toutefois, l’enquête était
limitée aux fabricants-exportateurs américains WCI et Whirlpool, à leurs sociétés affiliées, successeurs et ayants droit respectifs
5. En d’autres termes, elle ne couvrait pas tous les fabricants américains qui exportent de tels appareils
au Canada. De plus, elle ne s’étendait pas aux fabricants d’Europe qui exportent également vers le marché canadien.
Le 1er août 2000, le TCCE a délivré ses conclusions dans l’enquête n° NQ-2000-001 et quinze jours plus tard, le 16 août 2000, il a publié son
Exposé des motifs (EDM). La décision définitive du TCCE disposait :
- le dumping au Canada des réfrigérateurs en question a causé un dommage sensible à la branche de production nationale, exclusion faite de
ceux d’un volume de 18,5 pi3 et plus, ou destinés à servir dans le cadre du programme Habitat for Humanity;
- le dumping au Canada des lave-vaisselle en question a causé un dommage sensible à la branche de production nationale, exclusion faite de
ceux munis d’un intérieur en acier inoxydable (cuves), ou destinés à servir dans le cadre du programme Habitat for Humanity;
- le dumping au Canada des sécheuses en question a causé un dommage sensible à la branche de production nationale, exclusion faite de celles
munies d’un tableau de commande à l’avant, d’un dessus amovible et d’un châssis conçu pour permettre qu’elles soient superposées à des laveuses,
ou destinées à servir dans le cadre du programme Habitat for Humanity;
- il n’avait pas été satisfait aux exigences de l’alinéa 42(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant
l’importation massive;
- il n’avait pas été satisfait aux exigences de l’article 46 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation en ce qui concerne un avis
au Commissaire sur d’autres présumées marchandises sous-évaluées en provenance des États-Unis.
Une audience publique a été tenue devant tous les membres du Groupe spécial le 3 octobre 2001 à Ottawa (Ontario), à laquelle les avocats des
parties ont comparu et ont présenté une plaidoirie.
Les questions fondamentales soulevées par les mémoires des plaignantes et les plaidoiries sont les suivantes :
1. Quels sont les critères d’examen appropriés que devrait appliquer le Groupe spécial pour déterminer si le TCCE a commis une erreur susceptible
d’examen sur chacune des questions contestées?
2. Le TCCE a-t-il commis une erreur susceptible d’examen en concluant qu’un dommage avait été causé à la branche de production nationale par le
dumping? Les analyses de données effectuées par le TCCE sur la preuve financière après les audiences, sans donner d’indications claires aux
parties sur ce que cette transformation de données impliquait et/ou sans donner aux parties l’occasion de présenter des observations au sujet de
cette transformation, constituaient-elles une erreur susceptible d’examen?
3. Le TCCE a-t-il commis une erreur susceptible d’examen en ne considérant pas le rendement à l’exportation de Camco pour évaluer le dommage
allégué par Camco?
4. Le TCCE a-t-il commis une erreur susceptible d’examen en concluant que le paragraphe 42(3) de la LMSI permet de cumuler le dommage à l’égard
de producteurs spécifiques?
5. Le TCCE a-t-il commis une erreur susceptible d’examen en accordant des exclusions à certains des réfrigérateurs, sécheuses et lave-vaisselle
visés, mais non à d’autres? Le TCCE a-t-il indiqué de façon adéquate les raisons pour lesquelles il a accordé ou n’a pas accordé les diverses
exclusions demandées par les parties?
6. Le TCCE a-t-il commis une erreur susceptible d’examen en n’avisant pas le Commissaire de l’ADRC d’examiner l’opportunité d’ouvrir une enquête de
dumping en vertu de l’article 46 de la LMSI à l’égard des marchandises de certains importateurs américains non ciblés des marchandises en question?
Pour les motifs indiqués ci-dessous, qui sont fondés sur le dossier administratif, le droit applicable, les observations écrites des participants
et l’audience publique tenue à Ottawa le 3 octobre 2001, le Groupe spécial décide à l’unanimité de ne pas renvoyer l’affaire au TCCE.
OPINION
1) LES NORMES DE CONTRÔLE
Le fondement législatif de l’examen par le Groupe spécial se trouve dans les dispositions pertinentes de l’ALÉNA et de la Loi sur la Cour fédérale
6. Selon l’article 1904(3), les groupes spéciaux binationaux doivent appliquer :
… les critères d’examen établis à l'annexe 1911, ainsi que les principes juridiques généraux qu’un tribunal de la Partie importatrice appliquerait
à l’examen d’une détermination de l’organisme d’enquête compétent.
En l’espèce, il faut appliquer à l’examen les principes juridiques généraux du droit canadien. Le Groupe spécial doit appliquer la jurisprudence
générale qui serait applicable à la Cour fédérale dans un examen d’une décision du TCCE.
L’annexe 1911 de l’ALÉNA définit les critères d’examen comme les motifs énoncés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale. Le
paragraphe 18.1(4) prévoit que les décisions du Tribunal peuvent faire l’objet du contrôle judiciaire pour les motifs suivants :
a) il a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;
b) il n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;
c) il a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;
d) il a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte
des éléments dont il dispose;
e) il a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;
f) il a agi de toute autre façon contraire à la loi.
Ces motifs de contrôle doivent s’interpréter en fonction de la norme de contrôle élaborée par la Cour suprême du Canada. La détermination de la
norme appropriée de contrôle à l’égard d’une décision d’un tribunal administratif comme le TCCE suppose l’application de l’analyse pragmatique et
fonctionnelle adoptée pour la première fois par la Cour suprême dans l’arrêt U.E.S., Local 298 c. Bibeault
7 et raffinée dans des arrêts ultérieurs 8. Dernièrement, la Cour
suprême a prononcé un arrêt unanime dans l’affaire Canada (Sous-ministre du Revenu national –M.R.N.) c. Mattel Canada Inc. (Mattel)
9, dans lequel elle a encore une fois décrit la norme de contrôle. Dans cette affaire, la demande de contrôle
judiciaire portait sur une décision du TCCE, mais elle mettait en cause l’interprétation par le TCCE de diverses dispositions de la Loi sur les
douanes.
La Cour suprême a présenté les différentes normes de contrôle comme autant de points sur l'échelle de la retenue judiciaire. Ces normes vont de la
décision manifestement déraisonnable – point où la retenue à l’égard de la décision du tribunal administratif est la plus grande - à la décision
correcte – la norme exigeant le moins de retenue – en passant par la décision raisonnable simpliciter. Selon la formulation du juge
Iacobucci dans l’affaire Southam :
… la norme peut se situer à un point donné entre celle de la décision correcte, soit la norme exigeant le moins de retenue, et celle du caractère
manifestement déraisonnable, soit la norme en exigeant le plus. 10
Dans la démarche fonctionnelle et pragmatique, la Cour exerçant le contrôle doit examiner un certain nombre de facteurs. Dans l’arrêt Mattel, le
juge Major, s’exprimant au nom de la Cour suprême, a indiqué :
Dans toute affaire, l’examen porte sur la disposition en cause et s'attache principalement à déterminer si le législateur entendait que la
question soulevée relève exclusivement de la compétence du tribunal administratif. Parmi les facteurs à prendre en compte, mentionnons les
suivants : l’objet de la loi et de la disposition en cause, le texte de cette disposition et des clauses privatives prévues par la loi constituant
le tribunal administratif, la nature de la décision rendue par le tribunal et l’expertise relative de celui-ci sur ces questions par rapport à celle
des tribunaux judiciaires. Aucun de ces facteurs n’est déterminant à lui seul 11.
Bref, la norme appropriée de contrôle se trouve à un point défini de l’échelle de la retenue judiciaire, quelque part entre les deux extrêmes
de la décision correcte et de la décision manifestement déraisonnable, selon le poids relatif accordé aux différents facteurs énumérés par la
Cour :
1. l’existence d’une clause privative;
2. l’objet de la loi et de la disposition en cause;
3. l’expertise relative du tribunal;
4. la nature de la question examinée.
Si aucun de ces facteurs n’est déterminant à lui seul, le juge Major indique dans l’affaire Mattel (en s’appuyant notamment sur l’arrêt Southam)
que c’est « l’expertise relative » du tribunal qui est le facteur le plus important qu’une Cour doit examiner pour arrêter la norme de contrôle
applicable 12. Pour déterminer cette expertise, la Cour peut procéder à l’analyse suivante :
La question fondamentale dans l’application du facteur de l’expertise est de savoir si le tribunal est doté d’une certaine expertise pour réaliser
les objectifs d’une loi : Pushpanathan, précité, au par. 32. L’application de ce facteur peut faire intervenir plusieurs considérations,
notamment les connaissances spécialisées des membres du tribunal, la question de savoir si le tribunal dispose de procédures spéciales ou de moyens
non judiciaires d’appliquer la loi ainsi que la question de savoir s’il participe à l’élaboration de politiques
13.
Passons maintenant à cette analyse pragmatique et fonctionnelle. Un certain nombre de facteurs peuvent être examinés de façon générale, par exemple
la présence ou l’absence d’une clause privative, alors que d’autres facteurs, comme la nature de la question soulevée par les plaignantes, doivent
être examinés de façon spécifique.
i. La clause privative
Auparavant, il existait une forme de clause privative qui protégeait le TCCE, mais cette protection a été supprimée par le législateur dans les
modifications législatives de 1993 visant à mettre en œuvre l’ALÉNA. L’article 76 de la LMSI prévoit le droit au contrôle judiciaire. L’absence
de clause privative, ou en l’espèce la suppression de celle-ci, semblerait indiquer que les décisions du TCCE exigent une retenue moindre
14. Le législateur n’avait pas l’intention que les décisions du TCCE relèvent exclusivement du TCCE.
Toutefois, comme la Cour suprême l’a indiqué, l’absence de clause privative ne règle pas la question15.
ii. L’objet de la Loi
La LMSI est une loi commerciale visant à protéger les branches de production nationales du Canada contre les effets négatifs des marchandises
« sous-évaluées » et des subventions fournies aux exportateurs qui importent des marchandises au Canada. En outre, cette loi vise à mettre en
œuvre les obligations du Canada en matière de commerce international au titre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et,
maintenant, de l’Organisation mondiale du commerce. Cette loi présente une certaine similarité avec la Loi sur la concurrence
16, examinée par exemple dans l’arrêt Southam. Comme il est indiqué dans l’arrêt Southam, la Loi
sur la concurrence vise un objectif économique, et non strictement juridique. Le législateur a institué le TCCE pour protéger les branches
de production nationales du Canada contre le préjudice possible causé par des sociétés étrangères. Comme dans l’affaire Southam
17, donc, la loi et le Tribunal institué en vue de ces objectifs « économiques » font ressortir
l’expertise du Tribunal et justifient un degré plus grand de retenue à l’égard des décisions du Tribunal. Il en résulte que, de façon générale,
le législateur a voulu que les décisions du TCCE fassent l’objet d’une certaine retenue.
iii. L’expertise relative du TCCE
Ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, la détermination de l’expertise du TCCE par rapport aux tribunaux judiciaires constitue le facteur le plus
important qu’une cour doit examiner pour déterminer la norme appropriée de contrôle. En outre, il va de soi que l’expertise relative du Tribunal
et la nature du problème sont étroitement interreliées et qu’il faudra porter attention à la section suivante traitant de la nature de la question
examinée.
Pour déterminer l’expertise du tribunal par rapport à la cour exerçant le contrôle, la cour doit examiner si le tribunal est doté d’une certaine
expertise en vue de réaliser les objectifs généraux de la Loi. Dans ce but, le Groupe spécial a examiné plusieurs considérations, notamment les
connaissances spécialisées des membres du TCCE, la question de savoir si le TCCE dispose de procédures spéciales ou de moyens non judiciaires
d’appliquer la loi ainsi que la question de savoir s’il participe à l’élaboration de politiques.
S’agissant des connaissances spécialisées des membres du TCCE, ainsi qu’il a été indiqué dans l’arrêt Mattel, la Loi sur le Tribunal canadien
du commerce extérieur18 n’exige pas que les membres du TCCE soient experts dans un domaine particulier.
Néanmoins, les membres du TCCE acquièrent de l’expérience relativement aux questions qu’ils examinent pendant la durée de leur mandat
19. Dans l’abstrait, donc, les membres du TCCE peuvent être considérés comme des experts, bien qu’il
soit nécessaire d’examiner le facteur étroitement relié de la nature de la question examinée par les membres du Groupe spécial. Le TCCE est un
organisme juridictionnel mais en outre, comme il est relevé dans l’arrêt Mattel et comme le rappelle l’avocat du TCCE, le TCCE joue un rôle
dans l’élaboration des politiques :
… l’art. 18 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, qui précise que le TCCE, « sur saisine par le gouverneur en conseil,
enquête et fait rapport sur toute question touchant, en matière de marchandises ou de services – considérés individuellement ou collectivement –
les intérêts économiques ou commerciaux du Canada ». Bien que cette disposition ne soit pas en cause dans le présent pourvoi, elle indique que le
législateur considère de façon générale le TCCE comme un organisme expert dans certaines questions économiques et commerciales. Tout comme dans
l’arrêt Pezim, précité, il s’agit d’un motif incitant à la retenue, mais il est important de souligner que le TCCE joue un rôle limité en
ce qui concerne l’élaboration de politiques, puisqu’il exerce principalement des fonctions de recherche et qu’il ne peut pas donner force de loi
à ses recommandations en matière de politiques 20.
De façon générale, il semblerait que le TCCE est reconnu comme un tribunal dont les membres possèdent une expertise poussée. Dans l’abstrait
toujours et sans tenir compte des questions précises, cela indiquerait que ses décisions justifient un degré significatif de retenue.
iv. La nature de la question examinée
Donc, selon l’analyse qui vient d’être faite, les décisions du TCCE justifieraient un degré considérable de retenue, mais il reste essentiel
d’examiner les questions particulières dont est saisi le Groupe spécial pour déterminer la norme de contrôle sur la base de chaque question
particulière. Le Groupe spécial doit donc évaluer si la question est une question de fait et de preuve, une question mixte de fait et de droit
ou une question d’interprétation des lois – une question de droit exclusivement. Généralement, sur les questions de fait, les cours qui exercent
le contrôle manifestent généralement une grande retenue. Les cours n’interviendront pas normalement à moins que les conclusions du tribunal
soient manifestement déraisonnables. Par contre, s’agissant de questions mixtes de fait et de droit ou de questions de droit, les cours qui
exercent le contrôle manifestent moins de retenue à l’égard du tribunal. Dans l’examen des questions de droit, cependant, le Groupe spécial
doit examiner s’il s’agit d’une question d’interprétation générale des lois ou d’une question de droit hautement technique. Les questions
d’interprétation générale des lois sont des questions à l’égard desquelles les cours ont la compétence pour exercer le contrôle et elles
manifestent donc moins de retenue à l’égard du Tribunal. Règle générale, c’est la norme de la décision correcte qui serait appliquée à une
telle question. Par contre, si le Groupe spécial devait examiner une question de droit qui soit de nature technique ou scientifique, il
manifesterait une plus grande retenue à l’égard du Tribunal.
En fin de compte, selon l’analyse pragmatique et fonctionnelle, le Groupe spécial doit examiner tous les facteurs pertinents pour déterminer
la norme de contrôle. Lorsque l’expertise du Tribunal joue et que l’on considère l’ensemble des facteurs pris en compte dans l’analyse
pragmatique et fonctionnelle, les décisions du Tribunal justifieraient une retenue considérable, soit la norme du caractère manifestement
déraisonnable dans l’échelle des normes de contrôle. Par contre, dans le cas de questions qui ne relèvent pas de l’expertise particulière
du TCCE, par exemple sur une question qui serait jugée une pure question de droit ne relevant pas de l’expertise du TCCE, la norme de
contrôle passerait à celle de la décision correcte. Le Groupe spécial a procédé à cette analyse pour chaque question et établi la norme
de contrôle applicable à chaque question soulevée par les plaignantes.
2) LE DOMMAGE ET LE LIEN DE CAUSALITÉ
Le sous-alinéa 42(1)a)(i) de la LMSI, qui établit le pouvoir du Tribunal d’effectuer une enquête sur le dommage, dispose :
(1) Dès réception par le secrétaire de l’avis de décision provisoire prévu au paragraphe 38(3), le Tribunal fait enquête sur celles parmi
les questions suivantes qui sont indiquées dans les circonstances, à savoir :
a) si le dumping des marchandises en cause ou leur subventionnement :
(i) soit a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage,
...
Le paragraphe 37.1(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation 21, établit les
facteurs que le Tribunal doit prendre en compte pour déterminer si le dumping de marchandises a causé un dommage. Ces facteurs sont les suivants :
a) le volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées et, plus précisément, s’il y a eu une augmentation marquée du volume des
importations des marchandises sous-évaluées ou subventionnées, soit en quantité absolue, soit par rapport à la production ou à la consommation
de marchandises similaires;
b) l’effet des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur le prix des marchandises similaires et, plus particulièrement, si les marchandises
sous-évaluées ou subventionnées ont, de façon marquée, mené :
(i) soit à la sous-cotation du prix des marchandises similaires,
(ii) soit à la baisse du prix des marchandises similaires,
(iii) soit à la compression du prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de prix qui par ailleurs se seraient vraisemblablement
produites pour ces marchandises;
c) l'incidence des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur la situation de la branche de production nationale et, plus précisément, tous
les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation, y compris :
(i) déclin réel ou potentiel dans la production, les ventes, la part de marché, les bénéfices, la productivité, le rendement sur capital investi
ou l’utilisation de la capacité de la branche de production,
(ii) toute incidence négative réelle ou potentielle sur les liquidités, les stocks, les emplois, les salaires, la croissance ou la capacité de
financement,
(ii.1) l'importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour celles-ci,
…
d) tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances.
Le Tribunal doit également, selon l’alinéa 37.1(3)b) du Règlement MSI, tenir compte du facteur suivant :
b) le fait qu’il existe ou non des facteurs, autres que le dumping ou le subventionnement, qui ont causé un dommage ou un retard ou qui
menacent de causer un dommage, …
S’agissant du « dommage », Whirlpool et WCI font valoir que le Tribunal a effectué une analyse erronée des marges brutes en acceptant à tort
des données non appropriées provenant de Camco, en introduisant des erreurs par le « retraitement » des données et en violant les règles de la
justice naturelle en ne communiquant pas ses calculs aux parties. S’agissant de la compression des prix/l’érosion des prix, Whirlpool et WCI
soutiennent que Tribunal a commis une erreur en adoptant des prix moyens comme preuve d’un dumping dommageable et en adoptant une approche
incohérente en ce qui concerne la comparabilité des marchandises en question entre les groupes de modèles.
S’agissant du « lien de causalité », Whirlpool et WCI plaident que les prix moyens utilisés incluaient des marchandises achetées pour des raisons
autres que le dumping et que, partant, le Tribunal n’avait pas de preuve fiable établissant un lien entre le dommage et le dumping; que le Tribunal
n’a pas pris en compte des facteurs significatifs autres que le dumping dans son analyse du dommage et du lien de causalité, comme la qualité des
marchandises de Camco et l’effet du groupement des produits; qu’une analyse correcte des marges brutes n’établirait pas de lien entre le dommage et
le dumping; que, dans l’analyse de la compression des prix/l’érosion des prix, l’élimination des facteurs non liés au dumping enlèverait tout
fondement à une relation entre le dumping et le dommage; et que, selon l’analyse causale de la compression des prix, il faut que soit fournie la
preuve réelle particulière au client du déplacement des produits de Camco sur le fondement des données fournies par Camco, au lieu de simplement
démontrer les volumes de ventes réduits sur le fondement des données retraitées par le TCCE. Enfin, dans l’analyse de l’incidence de la part de
marché perdue, le Tribunal s’est appuyé sur des marchandises achetées pour des raisons autres que le dumping; en outre, il n’y a pas de preuve
d’un déplacement des marchandises de Camco par des importations, et encore moins de démonstration d’un lien de causalité.
L’analyse du Tribunal concernant ces questions relève clairement de sa compétence spécialisée. Il s’agit de questions concernant l’existence et
la cause du dommage. Ces questions sont précisément les questions que le Tribunal a été habilité à décider et relèvent de son expertise. En outre,
ces questions dépendent des faits et les questions que les plaignantes soulèvent à ce titre sont toutes des questions mixtes de fait et de droit.
Lorsqu’il se pose des sous-questions de droit, elles concernent l’interprétation par le Tribunal de sa loi constitutive et les façons
appropriées pour le Tribunal d’exercer son propre mandat. Le Groupe spécial juge donc que la norme de contrôle applicable à ces questions est
celle d’une retenue considérable, c’est-à-dire au moins le critère de la décision raisonnable simpliciter ou une norme plus élevée.
Essentiellement, les arguments de Whirlpool et de WCI se ramènent à cinq questions : i) une analyse que l’on prétend fautive des marges brutes;
ii) l’obligation de motivation des décisions; iii) l’utilisation que l’on prétend non appropriée de données sur les prix moyens; iv) l’absence
de prise en compte de facteurs autres que le dumping significatifs; et v) l’absence d’analyses distinctes et de conclusions distinctes sur
chacune des trois catégories de marchandises en question.
i. L’analyse des marges brutes
Les plaignantes font valoir que l’analyse des marges brutes des états financiers de Camco était fautive et ne permettait pas de soutenir la
conclusion qu’il existait un dommage. Elles contestent les renseignements que le Tribunal a acceptés comme partie des dossiers financiers de
Camco, la façon dont le Tribunal a retraité les données et la façon dont le Tribunal a révélé le retraitement effectué sur les données. Les
données que Camco a fournies ont été présentées au Tribunal et les parties ont eu l’occasion de formuler des observations à leur sujet. Le
Tribunal a jugé que l’analyse des marges brutes comportait certaines déficiences. À partir des données, il a alors effectué un complément
d’analyse sur les chiffres des états financiers. Le Tribunal a fait appel à son personnel d’experts, dont certains sont comptables, pour
retraiter l’information financière. Le Tribunal a choisi une certaine méthode pour procéder à une nouvelle répartition des coûts. Whirlpool
et WCI ont proposé une autre méthode, mais devant le Groupe spécial, elles n’ont pas établi de façon convaincante que la méthode employée
par le Tribunal était déraisonnable.
L’analyse de l’information financière, la répartition appropriée des coûts entre les exportations et les ventes nationales et la détermination
du dommage sur la base de l’effet du dumping, ce sont là des sujets qui relèvent de l’expertise du Tribunal telle qu’elle est définie au
paragraphe 42(1) de la LMSI. Dans cette analyse technique, effectuée dans le domaine d’expertise du Tribunal, il est clair que la cour ou le
Groupe spécial exerçant le contrôle doit manifester une retenue considérable à l’égard du Tribunal. Compte tenu de tous les facteurs de
l’analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle approche ici le caractère manifestement déraisonnable.
Le Tribunal est beaucoup mieux placé que le Groupe spécial pour déterminer la méthode de répartition des coûts entre les ventes nationales et
les exportations. Whirlpool et WCI n’ont été capables que de proposer une autre méthode, certes plausible, de répartition des coûts. Ni Whirlpool
ni WCI ne sont arrivées à présenter des éléments de preuve ou des arguments juridiques suffisants pour étayer leur position que le retraitement
des données par le Tribunal était déraisonnable. Pour y réussir, les plaignantes auraient dû établir que la méthode adoptée par le Tribunal
aurait été jugée manifestement déraisonnable par une cour. Les plaignantes n’ont pas réussi à établir qu’il en était ainsi.
ii. L’obligation de motivation des décisions
Passons à la question de la motivation des décisions. Whirlpool et WCI n’ont pas établi de fondement législatif pour l’obligation de motivation
des décisions du Tribunal. Le Groupe spécial estime qu’il existe une obligation législative. Lorsque le Tribunal a décidé qu’il existe un
dumping dommageable en vertu de l’article 42, il doit rendre une ordonnance ou des conclusions au sujet des marchandises indiquées. En outre,
le paragraphe 43(2) de la LMSI prévoit les formalités suivantes :
(2) Le secrétaire [du Tribunal] envoie, par courrier recommandé, au commissaire, à l’importateur, à l’exportateur et aux autres personnes que
prévoient les règles du Tribunal, copie des textes suivants :
a) dès qu’elles ont été rendues en vertu du présent article, l’ordonnance ou les conclusions du Tribunal;
b) dans les quinze jours suivant la date de l’ordonnance ou des conclusions, l’exposé des motifs correspondants. [non souligné dans l’original]
En outre, les Parties à l’ALÉNA ont souligné leur engagement à motiver les décisions. Au paragraphe 3 de l’article 1907 de l’ALÉNA :
… les Parties conviennent qu’il est souhaitable, pour ce qui concerne l’application de la législation sur les droits antidumping et sur les
droits compensateurs,
h) de divulguer l’information pertinente dans un délai raisonnable suivant la demande des parties intéressées, y compris une explication de
la base de calcul ou de la méthodologie ayant servi à établir la marge de dumping ou le montant de la subvention;
i) de fournir un énoncé des motifs concernant la détermination finale de dumping ou de subventionnement; et
j) de fournir un énoncé des motifs appuyant les déterminations finales de préjudice important ou de risque de préjudice important pour une
branche de production nationale, ou de retard sensible dans la création d’une telle branche de production.
L’article 1911 prévoit :
Aux fins du présent chapitre, […]
dossier administratif désigne… :
b) une copie de la détermination finale de l’organisme d’enquête compétent, y compris les motifs de la détermination…
Bien que le texte ne s’applique qu’aux affaires mexicaines, on trouve un autre éclaircissement au sujet de l’intention des rédacteurs dans la
Liste du Mexique à l’Annexe 1904.15, Modifications à la législation nationale. On se rappellera qu’au moment où le Canada et les États-Unis ont
révisé l’accord pour y inclure le Mexique, ils ont estimé qu’en raison des différences dans les systèmes et les traditions juridiques, divers
points qui avaient été tenus pour acquis entre les parties initiales devaient être précisés. C’est ainsi que la version augmentée du pacte
incluait un engagement du Mexique de modifier ses lois de manière à prévoir :
r) un énoncé détaillé des motifs et du fondement juridique des déterminations finales, incluant une explication des questions de méthodologie
ou de politique inhérentes au calcul du dumping ou du subventionnement…
Il semble clair que cette règle n’était pas censée s’appliquer au seul Mexique, mais qu’on estimait qu’elle faisait déjà partie du droit
canadien et du droit américain.
Le Groupe spécial a conclu, sans définir l’étendue de cette obligation, que le Tribunal a l’obligation de motiver ses décisions à tout le
moins d’une manière suffisante pour permettre au Groupe spécial d’examiner une décision du TCCE. Cette obligation a été reflétée dans la décision
du Groupe spécial, rendue le 22 mars 2001, au sujet de la demande par Whirlpool et WCI d’une ordonnance visant à contraindre le TCCE à produire
ses documents de travail relatifs à l’analyse des états financiers de Camco après l’audience. Dans cette ordonnance, le Groupe spécial a indiqué :
[TRADUCTION] ... il incombe à l’organisme d’enquête d’expliquer de façon complète ce qu’il a fait et comment il est parvenu à ses conclusions
de dommage sensible...
Sans décider l’étendue précise de cette obligation dans le cadre du TCCE et de la LMSI, le Groupe spécial conclut que les motifs donnés par le
Tribunal étaient suffisants pour indiquer qu’il rendait les conclusions suivantes : 1) les états financiers fournis par Camco étaient inexacts; 2)
le problème que posaient ces états financiers était clair; 3) le Tribunal a choisi de retraiter les données; 4) le Tribunal a choisi pour retraiter
les données une méthode qu’il estimait raisonnable et pertinente par rapport à la situation. Le Groupe spécial note que les motifs du Tribunal
pour retraiter les données sont décrits brièvement dans l’EDM du Tribunal, et sont exposés de façon plus élaborée dans le mémoire présenté par le
Tribunal au Groupe de travail binational. Le Groupe spécial conclut que ces explications combinées sont suffisantes pour fournir aux parties en
cause une explication raisonnablement détaillée de la démarche du Tribunal. Toutefois, le Groupe spécial souligne fortement l’importance pour le
Tribunal de fournir une motivation adéquate dans son exposé des motifs initial, sans la pression exercée par le Groupe spécial en l’espèce, pour
que l’organisme chargé de l’examen, et surtout les parties, puissent apprécier correctement la décision du Tribunal.
En outre, il est clair que les données financières retraitées, pour autant que ces données étaient simplement partie de l’analyse après l’audience
de données qui faisaient déjà partie du dossier administratif, ne font pas partie du dossier administratif et n’ont donc pas à être communiquées.
Ce principe a été formulé très clairement dans l’arrêt Toshiba Corp. c. Canada 22. Un Groupe
spécial antérieur dans l’affaire Certains produits de tôle d’acier résistant à la corrosion 23
a rencontré une situation analogue et son raisonnement est persuasif en lui-même :
... les analyses en question reposaient sur des renseignements contenus au dossier. Tout tribunal doit avoir la possibilité de procéder à toutes
les analyses dont il a besoin pour arriver à une décision pourvu qu’il n’utilise pas de renseignements qui ne sont pas au dossier et qui ne sont pas
accessibles aux parties 24.
iii. Les données sur les prix moyens
Dans son analyse, le Tribunal a utilisé des données sur les prix moyens pour déterminer le dommage. Il s’agit d’une compilation de tous les prix de
marchandises similaires qui sont vendues sur le marché. Les plaignantes contestent cette pratique parce qu’elle ne permet pas, selon elles, de démontrer
le lien causal nécessaire entre le dommage et le dumping. Il est exact, comme le plaident les avocats de Whirlpool et de WCI, que le Tribunal doit
conclure, selon la prescription de la LMSI, que c’est le dumping qui a causé le dommage. Toutefois, la position que le Tribunal doit avoir la preuve
d’incidents de changements de fournisseur touchant des clients spécifiques et reliés aux prix est dépourvue de fondement dans la législation ou dans
la jurisprudence. Le paragraphe 42(1) de la LMSI confère au Tribunal un large pouvoir discrétionnaire quant au choix des moyens d’établir le dommage
et le lien de causalité. La loi ou le règlement ne définit pas de méthode ou de type de preuve. En outre, Whirlpool et WCI n’ont pu citer de
jurisprudence ou de dispositions législatives indiquant que les données sur les prix moyens sont inacceptables. Le Tribunal a indiqué que c’était un
outil imparfait, mais qu’il l’estimait suffisamment exact dans le contexte des données de l’espèce pour rendre des conclusions sur l’existence du
dommage, au titre de la compression des prix/l’érosion des prix, ainsi que sur le lien de causalité.
L’utilisation de données sur les prix moyens pour déterminer le dommage est une question de fait, ou peut-être une question mixte de fait et de
droit. Cette conclusion relève de l’expertise du Tribunal et se situe donc strictement dans le mandat du Tribunal, tel qu’il est défini par la LMSI.
Sur cette question également, le Groupe spécial doit manifester une retenue considérable à l’égard du Tribunal. Compte tenu de l’ensemble des
facteurs, y compris du fait qu’il s’agit d’une question de fait ou peut-être d’une question mixte de fait et de droit, la norme de contrôle
doit être au moins la décision raisonnable, sinon le caractère manifestement déraisonnable. Le Groupe spécial n’a pas été convaincu par
Whirlpool ou WCI que l’utilisation de données sur les prix moyens est illégale ou non appropriée dans les circonstances. Le Groupe spécial
n’interviendra donc pas en ce qui touche l’utilisation des données sur les prix moyens dans les conclusions sur le dommage et le lien de causalité.
Whirlpool et WCI font encore valoir que le Tribunal a inclus certaines marchandises non sous-évaluées dans son analyse des prix moyens, de sorte
que les conclusions sur les marges brutes, la compression des prix/érosion des prix et la perte d’une part de marché ne sont pas fiables. La
décision d’inclure ou non certaines marchandises dans l’analyse des prix moyens est une décision qui relève nettement de l’expertise du Tribunal
et il s’agit encore ici d’une question de fait ou d’une question mixte de fait et de droit. Encore ici, la norme de contrôle est au moins celle
de la décision raisonnable et le Groupe spécial manifestera de la retenue à l’égard de toute décision raisonnable du Tribunal sur cette question.
Bien qu’il eût certainement été préférable, de l’avis du Groupe spécial, de ne pas inclure le prix de marchandises non sous-évaluées dans l’analyse
des prix moyens, le Groupe spécial juge que la méthode du Tribunal était raisonnable. Compte tenu de la norme de contrôle, le Groupe spécial ne
modifiera pas les conclusions du Tribunal.
iv. La prise en compte de facteurs autres que le dumping
Whirlpool et WCI plaident toutes deux que le Tribunal n’a pas pris en compte l’effet de certains facteurs autres que le dumping dans son analyse
du dommage et du lien de causalité et que, en fait, une bonne partie du dommage subi par Camco était attribuable à des marchandises non sous-évaluées.
Le Groupe spécial reconnaît que le Tribunal a l’obligation, prévue au paragraphe 37.1(3) du Règlement MSI, de prendre en compte les facteurs autres
que le dumping ou le subventionnement qui ont pu causer le dommage :
(3) En outre, les facteurs pris en compte pour déterminer si le dumping ou le subventionnement des marchandises cause un dommage ou un retard ou
menace de causer un dommage sont les suivants : ...
b) le fait qu’il existe ou non des facteurs, autres que le dumping ou le subventionnement, qui ont causé un dommage ou un retard ou qui menacent
de causer un dommage, selon les éléments suivants : …
L’article poursuit en énumérant plusieurs facteurs qui doivent être pris en compte pour déterminer si le dommage a été causé par un facteur autre
que le dumping. Ces facteurs comprennent, selon le sous-alinéa (3)b)(vii), « tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances ». À compter
de la page 31 de l’EDM, sous le titre « Autres facteurs », le Tribunal effectue l’analyse prévue par le Règlement. Le TCCE reconnaît les arguments de
plusieurs parties selon lesquels il y a eu des facteurs autres que le dumping qui ont pu causer le dommage à Camco. Le Tribunal reconnaît également
son obligation de ne pas attribuer au dumping le dommage causé par ces autres facteurs. En outre, le Tribunal note qu’il n’est pas nécessaire que le
dumping soit la cause principale du dommage, mais que le dommage causé par le dumping doit être un dommage sensible. Dans sa décision, le Tribunal
note parmi les « autres facteurs » les éléments suivants : qualité du produit, performance, style et innovation; pratiques de vente et de
commercialisation; stratégies et décisions d’affaires de Camco; vente directe par Camco aux constructeurs-promoteurs; insuffisance de l’investissement
de Camco et retard accusé dans la rationalisation de sa production; décision de Camco de mettre fin à la production des réfrigérateurs de 16 et de
18 pi3; rendement à l’exportation de Camco pour les lave-vaisselle. Le Tribunal reconnaît également le rôle important joué par Sears sur le marché
et le fait que le peu de succès remporté par Camco auprès de ce client était attribuable à de nombreux facteurs.
Le Groupe spécial conclut que le Tribunal s’est bien acquitté de son obligation, au titre du paragraphe 37.1(3) du Règlement MSI, de prendre en
compte les effets dommageables possibles de facteurs autres que le dumping. Le poids à accorder aux éléments de preuve relatifs à chacun de ces
facteurs et la conclusion ultime du Tribunal sur le point de savoir si le dommage leur est attribuable se situent au cœur des attributions du
Tribunal, dans son domaine d’expertise, et il s’agit d’une question de fait ou d’une question mixte de fait et de droit. Toujours compte tenu
des différents facteurs de l’analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle sur la question des facteurs autres que le dumping est
au moins celle de la décision raisonnable. Il faut donc manifester une retenue élevée à l’égard du Tribunal sur cette question. Le Groupe spécial
juge qu’en l’espèce, les conclusions du Tribunal à l’égard des facteurs autres que le dumping énumérés par Whirlpool et WCI sont raisonnables.
v. L’absence d’analyses distinctes et de conclusions distinctes
L’obligation d’effectuer une analyse distincte et de rendre une conclusion distincte pour chacune des marchandises en question est implicite dans
le paragraphe 42(1) de la LMSI et dans l’article 37.1 du Règlement MSI. Le Tribunal reconnaît, à la page 26 de l’EDM, qu’il devait rendre une
conclusion distincte au sujet de chacune des catégories de marchandises en question. Le Tribunal poursuit en disant qu’une analyse parallèle est
possible et que, là où il existe des distinctions entre les marchandises en question, il les mettra en évidence. Donc, le Tribunal était conscient
de son obligation de rendre une conclusion distincte pour chacune des catégories de marchandises en question. Le Tribunal indique, à certains
endroits, qu’il a fait une analyse différente pour chacune des catégories. On trouve un exemple d’analyse distincte à la page 30 de l’EDM :
Le Tribunal a examiné les éléments de preuve au dossier au sujet des volumes des ventes et des prix de certains réfrigérateurs, lave-vaisselle
et sécheuses aux grands clients au Canada, tels qu’indiqués au rapport préalable à l’audience. Les données globales sur l’établissement des prix
des lave-vaisselle et des sécheuses n’indiquent pas, d’une manière générale, de tendances à la baisse...
En outre, il est manifeste, à la page 41 de l’EDM, que le Tribunal a rendu des conclusions distinctes sur le dommage et le lien de causalité
pour chaque catégorie des marchandises en question. Donc, le Tribunal a effectué une analyse distincte et est arrivé à des conclusions distinctes
pour les trois catégories de marchandises en question. Encore ici, ces conclusions sont des questions mixtes de fait et de droit. La norme de
contrôle est au moins celle de la décision raisonnable simpliciter. Le Tribunal a exercé son pouvoir d’effectuer des analyses distinctes
et a rendu des conclusions distinctes pour chaque catégorie des marchandises en question. Les conclusions du Tribunal sont raisonnables et le
Groupe spécial ne les modifiera pas.
3) LE RENDEMENT À L’EXPORTATION
i. Le rendement à l’exportation et le dommage sensible
Les plaignantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur en n’accordant pas le poids voulu au rendement à l’exportation de Camco dans
son analyse du dommage sensible. La majorité des membres du TCCE ont jugé : « Pour ce qui est du rendement à l’exportation des lave-vaisselle
et des sécheuses de Camco, tous les éléments de preuve portent à conclure que Camco est rentable et que sa situation est raisonnablement saine
à ce point de vue » et « l’activité à l’exportation de Camco a contribué à son exploitation globale en l’aidant à payer les améliorations de ses
installations et de ses produits 25. » Toutefois, la majorité a également jugé que « les circonstances
n’étaient pas normales, puisque la présence de produits sous-évalués a fait que Camco a dû se débattre sur son marché national
26. » Tout en reconnaissant le succès de Camco dans le domaine de l’exportation, la majorité a
conclu : « en l’espèce, … la réussite financière sur le marché à l’exportation ne doit pas être utilisée pour compenser le dommage subi par Camco
sur le marché national et … le dommage ne peut pas être évalué d’après les opérations mondiales de Camco 27. »
Le membre présidant Close, dans son opinion dissidente, soutient que la décision de la majorité sur ce point avait pour résultat que l’incidence
des importations sous-évaluées sur la « branche de production » nationale n’était pas prise en compte, comme l’exige la LMSI. Le membre Close note
que la LMSI définit « branche de production nationale » comme étant la production d’une « proportion majeure de la production collective
nationale des marchandises similaires 28 » et que les facteurs que le Tribunal doit prendre en compte,
énumérés à l’article 37.1 du Règlement MSI, ne sont pas limités aux facteurs ayant une incidence sur le marché des ventes nationales
29. En conséquence, le membre Close suggère que la majorité a commis une erreur en n’analysant pas
l’incidence des importations sous-évaluées par rapport à « la totalité de la production [de Camco], y compris la production qui va sur le marché
à l’exportation 30 ».
À l’audience, l’avocat de WCI a plaidé que le Tribunal n’a pas inclus dans son enquête sur le dommage le rendement à l’exportation de Camco, alors
que la LMSI lui en imposait l’obligation 31. Si la LMSI et son règlement d’application énumèrent les facteurs
que le Tribunal doit prendre en compte pour rendre des conclusions de dommage, la liste des facteurs établit clairement qu’aucun de ceux-ci n’est
déterminant à lui seul.
Il est évident que le Règlement MSI exige que le Tribunal prenne en compte le rendement à l’exportation de la branche de production nationale. Dans
l’affaire Certaines barres d’acier inoxydable originaires ou exportées du Brésil et de l’Inde 32, le
TCCE a expliqué qu’il fallait prendre en compte le rendement à l’exportation dans une enquête sur le dommage, « pour veiller à ce que le dommage
causé par ces autres facteurs ne soit pas imputé aux importations sous-évaluées ou subventionnées 33 ».
Dans l’affaire Certains opacifiants iodés originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique (y compris le Commonwealth de Porto Rico)
34, le membre Close, dans une opinion dissidente, explique :
Aux termes de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si la branche de production nationale a subi un dommage sensible. La branche de production
nationale est définie dans la loi comme étant les producteurs nationaux de marchandises similaires. Nulle part dans la LMSI et dans l’Accord
antidumping de l’OMC est-il ordonné au Tribunal de déterminer si le dumping a causé un dommage sensible uniquement à la production nationale
qui se rapporte à la consommation nationale. Je fais observer que l’article 37.1 de la LMSI prévoit divers facteurs que le Tribunal doit
prendre en compte dans une enquête de dommage. Il est évident que certains de ces facteurs se rapportent uniquement aux ventes nationales
destinées à la consommation nationale, par exemple, le prix et la part de marché. D’autres, par exemple les résultats des exportations, la
productivité, le rendement sur capital investi, l’utilisation de la capacité, les emplois, les stocks ou la capacité de financement, peuvent
difficilement être analysés sans qu’il soit tenu compte de la totalité de la production nationale de marchandises similaires
35.
Sur ce point, ainsi qu’il est exposé de façon plus élaborée dans la section suivante, le Groupe spécial juge que la majorité a bien pris en
compte le rendement à l’exportation en décidant qu’il y avait un dommage sensible en l’espèce. Le Groupe spécial conclut également que la majorité
a bien défini la « branche de production nationale » à évaluer. Le Tribunal a bien pris en compte l’incidence des importations sur la
totalité de la production nationale de marchandises similaires, y compris la production en vue de l’exportation. Il convient de faire observer
cependant que la façon dont le Tribunal prend en compte le facteur du rendement à l’exportation et le poids qu’il lui accorde par rapport aux
autres facteurs de dommage prévus par la loi et le règlement sont des questions de fait, qui justifient une retenue considérable du Groupe
spécial à l’égard du Tribunal.
ii. La détermination correcte du dommage
WCI et Whirlpool ont plaidé que le Tribunal, pour déterminer l’étendue du dommage à la branche de production nationale, a examiné surtout la
commercialisation et la distribution des produits de Camco, le volume des ventes et la part de marché de Camco ainsi que l’érosion des prix et la
compression des prix subies par Camco. Selon les plaignantes, le Tribunal n’a pas pris en compte la totalité de la branche de production, y compris
la production destinée à l’exportation et le rendement à l’exportation. De plus, le Tribunal n’aurait pas conclu que le dommage provenait de
l’incidence des importations dans des secteurs spécifiques du marché national. En outre, le Tribunal n’aurait pas déterminé que le dommage
était lié par un lien de causalité aux importations sous-évaluées.
Dans son examen de la « Conjoncture du marché et de la branche de production », le Tribunal a expliqué les facteurs qu’il a pris en compte pour
déterminer si Camco a subi un dommage du fait des importations en question :
Le paragraphe 37.1(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation prévoit certains facteurs dont le Tribunal peut tenir compte pour
décider si des importations sous-évaluées ont causé un dommage sensible à une branche de production nationale ou si le dumping menace de causer
un dommage. Ces facteurs comprennent le volume des marchandises sous-évaluées et leur effet sur les prix des marchandises similaires présentes sur
le marché national, et l’incidence de ces importations sur divers facteurs économiques. Dans la présente cause, ces facteurs économiques incluent
les déclins réels ou potentiels dans les ventes nationales, la part de marché, les prix nationaux et les résultats financiers. Le paragraphe 37.1(3)
du Règlement sur la LMSI prévoit aussi que le Tribunal doit prendre en considération des facteurs autres que le dumping, dont le volume et le
prix des marchandises similaires importées qui ne sont pas sous-évaluées, le rendement à l’exportation des producteurs nationaux et tout autre
facteur pertinent dans les circonstances, pour veiller à ce qu’un dommage causé par ces autres facteurs ne soit pas imputé aux importations
sous-évaluées. 36
On ne trouve rien dans l’opinion du Tribunal qui laisse entendre que la majorité a limité son analyse du dommage à la production par Camco de
marchandises similaires en vue de la vente aux consommateurs sur le marché national. Il est manifeste que le Tribunal a pris en compte le rendement
à l’exportation de Camco, estimant que « Camco est rentable et que sa situation est raisonnablement saine 37 »
en ce qui concerne les ventes à l’exportation de lave-vaisselle et de sécheuses. 38 Cependant, le Tribunal
a conclu que les marchandises sous-évaluées avaient causé un dommage à la branche de production nationale selon des manières spécifiques et sur des
segments spécifiques du marché.
Ainsi, par exemple, le Tribunal a fait observer que « [l]es circuits de distribution des marchandises en question comprennent deux grands segments
du marché, soit le segment des détaillants et celui des constructeurs-promoteurs immobiliers », le segment des détaillants représentant environ 80
pour 100 du marché total des réfrigérateurs, 85 pour 100 du marché total des lave-vaisselle et 90 pour 100 du marché total des sécheuses . Selon
le Tribunal, le reste du marché est constitué du segment des « constructeurs-promoteurs immobiliers », qui « comprend les constructeurs-distributeurs
autorisés et les comptes-clients pour les ventes directes aux constructeurs ». Le Tribunal a conclu que les importations en question avaient causé un
dommage sensible à ce dernier segment du marché :
Le Tribunal est d’avis qu’une grande partie du dommage subi par Camco se rapporte aux segments des constructeurs-promoteurs immobiliers et des
constructeurs-distributeurs autorisés du marché. Après une restructuration, WCI est revenue sur le marché canadien, à la fin de 1997 et au début de
1998, avec des produits neufs, perfectionnés et améliorés. Elle a introduit ces nouveaux produits au moyen d’une nouvelle méthode de
commercialisation qui incluait l’édification d’une meilleure relation avec ses clients. Les éléments de preuve montrent que les produits sous-évalués
de WCI ont déplacé les produits de Camco chez beaucoup de clients comme des constructeurs-distributeurs autorisés importants et des détaillants
39.
Si le Tribunal a jugé les éléments de preuve fournis par Camco sous la forme d’allégations de dommage lié à des clients spécifiques « d’une façon
générale, … non fiables », il « a été convaincu par les éléments de preuve portant sur l’établissement des prix pour des clients spécifiques qui ont
été soumis en réponse aux questionnaires du Tribunal et d’autres éléments de preuve produits à l’audience. » Le Tribunal a également jugé que les
produits sous-évalués de Whirlpool « ont déplacé les produits de Camco chez un certain nombre de grands détaillants » et conclu qu’« il est clair,
selon le Tribunal, que les importations sous-évaluées ont déplacé les produits de Camco à la fois chez les détaillants et chez les
constructeurs-promoteurs immobiliers. 40 »
En outre, la conclusion du Tribunal qu’il existait un dommage était fondée pour une bonne part sur sa décision que les importations sous-évaluées
avaient fait perdre à Camco sa part de marché. Il va de soi que la part de marché est l’un des facteurs à prendre en compte pour déterminer s’il
existe un dommage sensible; c’est également un facteur qui est nécessairement axé sur le rendement de la branche de production nationale
sur son marché national. Le Tribunal a conclu que Camco avait subi un dommage sous la forme d’une perte de part de marché rendue possible par la
concurrence dans les prix provenant d’importations sous-évaluées :
L’argumentation de Camco gravite autour du fait que les importations sous-évaluées l’ont contrainte à soit ajuster ses prix à la baisse, soit
accepter de perdre des ventes. À cet égard, le Tribunal a examiné la question de l’érosion des prix et de la sensibilité au prix des appareils
ménagers sur le marché canadien pour comprendre les causes de l’importante perte de part de marché de Camco relativement à chacun des produits
distincts (réfrigérateurs, lave-vaisselle et sécheuses). Bien que le dommage subi par Camco se soit principalement manifesté sous forme de
perte de ventes et de diminution de part de marché durant la période visée par l’enquête du Tribunal, Camco a témoigné qu’elle a été contrainte
d’abaisser ses prix jusqu’à un certain point et, lorsqu’elle a décidé que ses prix ne pouvaient plus baisser, elle a perdu des ventes. À cet égard,
le Tribunal a entendu des déclarations de témoins représentant les segments du marché des détaillants et des constructeurs-distributeurs
autorisés, qui ont confirmé la présence sur le marché d’importations à des prix établis de manière agressive et l’importance du prix dans leurs
décisions générales d’achat 41.
Le Tribunal a conclu que la perte de part de marché constituait un recul marqué, particulièrement « pour une société comme Camco, qui est
relativement plus petite que ses principales concurrentes, et, par conséquent, toute perte de part de marché peut avoir une incidence importante
sur l’économie de sa production 42 ».
Donc, la majorité a bien pris en compte la totalité de la branche de production nationale, y compris sa production en vue de l’exportation, et
a évalué son rendement à l’exportation, comme le prévoit le Règlement MSI. Il est également clair que le Tribunal a conclu de façon spécifique que
les importations sous-évaluées avaient causé un dommage à la branche de production nationale sur des segments spécifiques du marché, surtout le
marché des constructeurs-promoteurs immobiliers et des constructeurs-distributeurs et, à un degré moindre, sur le segment des détaillants. Le
dommage subi par la branche de production nationale s’est manifesté sous la forme de perte de ventes, de perte de part de marché et d’effets
négatifs sur les prix.
Si le Tribunal avait défini la branche de production nationale comme limitée à la production de produits similaires en vue de la vente sur le
marché canadien, le Groupe spécial n’aurait pas hésité à annuler cette décision au motif qu’elle serait erronée en droit. Cependant, un examen
attentif de la décision de la majorité indique que cette erreur n’a pas été commise. Le Tribunal a pris en compte la totalité de la branche de
production, y compris la production en vue de l’exportation et le rendement à l’exportation, et s’il a conclu qu’il existait un dommage,
c’est en se fondant sur l’incidence des importations dans des segments spécifiques du marché national. En outre, le Tribunal a expressément jugé
que le dommage était relié par un lien causal aux importations sous-évaluées.
La majorité a déterminé que le bon rendement à l’exportation de la branche de production nationale ne faisait pas disparaître le dommage à la
branche de production nationale43. Nous ne jugeons pas cette décision erronée. Rien dans la LMSI, dans
son règlement d’application ou dans la jurisprudence ne suggère que le « dommage sensible » justifiant une ordonnance antidumping doive refléter
un dommage subi par chaque segment du marché sur lequel le produit similaire national est vendu, y compris les segments du marché à l’exportation.
En outre, la majorité a indiqué qu’« en l’espèce 44 » la réussite financière de la branche de production
nationale sur le marché à l’exportation ne doit pas être utilisée pour compenser le dommage subi dans les segments du marché national. Il s’agit
d’une décision rattachée à l’espèce, supposant une pondération de la preuve, ce qui est une prérogative du Tribunal, et le Groupe spécial fera
donc preuve de retenue à son endroit.
Le Tribunal a pris en compte les facteurs que le Règlement MSI prescrit de prendre en compte dans la décision sur le dommage et a traité de façon
particulière du rendement à l’exportation de Camco. Cependant, le paragraphe 37.1(3) du Règlement MSI ne dicte aucunement de quelle manière
le Tribunal doit prendre en compte ou pondérer le rendement à l’exportation de la branche de production nationale. Manifestement, le
Règlement MSI, qui traite des causes de dommage autres que le dumping, vise à faire en sorte que le Tribunal examine si une baisse du rendement à
l’exportation, plutôt que les importations, pourrait être la cause du dommage à la branche de production nationale. Toutefois, rien dans le
Règlement ne dicte ou même ne laisse entendre qu’un bon rendement à l’exportation est un facteur qui doit être utilisé pour compenser d’autres
éléments de preuve de dommage. La pondération des éléments de preuve dans chaque affaire est une question de fait, que le Groupe spécial doit
aborder selon une norme de contrôle justifiant la retenue.
Les plaignantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur en ne prenant pas en compte le rendement à l’exportation de Camco dans l’évaluation
du préjudice subi par Camco. Elles allèguent que le solide rendement à l’exportation de Camco aurait dû être considéré comme un facteur positif
contrebalançant les facteurs négatifs dans son analyse du dommage. Les dispositions pertinentes du LMSI sont les suivantes :
42(1) … le Tribunal fait enquête sur celles parmi les questions suivantes qui sont indiquées dans les circonstances, à savoir :
a) si le dumping des marchandises en cause ou leur subventionnement :
(i) soit a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage, [non souligné dans l’original]
Le terme « dommage » est ensuite défini au paragraphe 2(1) dans les termes suivants :
« dommage » Le dommage sensible causé à une branche de production nationale; [non souligné dans l’original]
Le terme « branche de production nationale » est ensuite défini au paragraphe 2(1) dans les termes suivants :
« branche de production nationale » … l'ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs
nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale
des marchandises similaires… [non souligné dans l’original]
Les plaignantes soutiennent que le dommage doit être déterminé en fonction de l’ensemble de la production nationale, pour étayer leur
argument que le rendement à l’exportation est un facteur à prendre en compte dans l’appréciation du dommage provenant du dumping. Il s’agit
là d’une mauvaise interprétation de la définition du terme « dommage ». En fait, le dommage doit être un dommage causé à la « branche de
production nationale », définie comme l’ensemble des producteurs nationaux. C’est à tort que l’on soutient que c’est l’ensemble
de la production nationale qu’il faut prendre en compte.
Du point de vue de l’interprétation des lois, il y a une distinction à faire entre les producteurs nationaux et la production nationale.
Il faut comprendre cette distinction pour interpréter correctement le paragraphe 42(1) de la LMSI. Le terme « producteurs nationaux » s’entend des
producteurs dans la branche de production nationale. La raison pour laquelle la LMSI définit la « branche de production nationale » en fonction de «
l’ensemble des producteurs nationaux », c’est d’assurer que les producteurs demandant une indemnisation du dumping dommageable représentent la plus
grande partie de la branche de production nationale. Par comparaison, le terme « production nationale » implique toute la production qui se fait dans
le pays. Ce terme semblerait inclure – comme le soutiennent les plaignantes – toute la production du pays, incluant la production en vue des ventes
nationales et des exportations. Toutefois, dans la LMSI, les mots « production nationale » ne sont employés dans la définition de la « branche de
production nationale » que pour restreindre la portée du terme « producteurs nationaux ». Manifestement, la branche de production nationale est
définie en fonction des producteurs nationaux, non de la production nationale.
En l’espèce, Camco est le seul producteur national. Donc, le dumping cause un préjudice à la branche de production nationale dans la mesure où il
cause un dommage à Camco. Rien n’indique que le dommage doive être causé à « l’ensemble » de la production nationale plutôt qu’à « l’ensemble des
producteurs nationaux ». Il est possible de causer un dommage à un producteur en n’atteignant qu’une partie de son entreprise. Le Tribunal a
conclu que Camco subissait un dommage du fait du dumping sous la forme d’une perte de part de marché sur le marché canadien.
S’agissant du paragraphe 37.1 du Règlement MSI, les plaignantes ont mal interprété la portée de cette disposition. Le paragraphe 37.1(1) énumère
une longue liste de facteurs à prendre en compte pour déterminer si les marchandises sous-évaluées ont causé un dommage. Ces facteurs comprennent,
par exemple, tout déclin réel ou potentiel de la part de marché. Le paragraphe 37.1(3) fournit d’autres indications sur la façon d’évaluer le
dommage; il est ainsi conçu :
37.1(3) En outre, les facteurs pris en compte pour déterminer si le dumping ou le subventionnement des marchandises cause un dommage ou un
retard ou menace de causer un dommage sont les suivants :
…
b) le fait qu’il existe ou non des facteurs, autres que le dumping ou le subventionnement, qui ont causé un dommage ou un retard ou qui
menacent de causer un dommage, selon les éléments suivants :
…
(vi) le rendement à l’exportation et la productivité de la branche de production nationale à l'égard de marchandises similaires,
(vii) tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances. [non souligné dans l’original]
Le paragraphe 37.1(3) vise à assurer que le Tribunal examine les facteurs autres que le dumping qui peuvent causer un dommage à la branche de
production nationale. S’il conclut que l’un des facteurs énumérés au paragraphe 37.1(3) a causé quelque dommage, le Tribunal doit prendre garde
de ne pas attribuer au dumping le dommage ainsi causé. Cette étape est nécessaire pour garantir que c’est bien le dumping qui a causé le dommage,
et non les facteurs autres que le dumping qui ont causé le déclin de la part de marché, ou du prix, etc. Donc, ce que le Tribunal était tenu de
faire, c’est d’examiner le rendement à l’exportation, notamment, pour s’assurer que ces facteurs n’étaient pas la cause du dommage subi par la
branche de production nationale.
Les plaignantes soutiennent, à bon droit, que le paragraphe 37.1(3) oblige le Tribunal à prendre en compte le rendement à l’exportation pour
déterminer si un dommage a été causé à la branche de production nationale. Cependant, c’est à tort qu’on plaide, comme l’ont fait les plaignantes,
que le Tribunal doit prendre en compte le rendement à l’exportation dans l’évaluation du dommage causé par le dumping, soit pour ajouter au
dommage subi du fait du dumping si le rendement à l’exportation est faible, soit pour soustraire au dommage subi du fait de l’évaluation si le
rendement à l’exportation est bon. La LMSI n’exige que soit pris en compte le rendement à l’exportation que pour déterminer si le dommage causé à la
branche de production nationale a été causé par des facteurs autres que le dumping. C’est là la seule obligation positive de prendre en compte le
rendement à l’exportation que contiennent les dispositions pertinentes de la LMSI et de son règlement d’application. Il est clair qu’on ne peut
interpréter le paragraphe 37.1(3) du Règlement MSI d’une manière qui créerait une obligation positive de prendre en compte le rendement à
l’exportation pour déterminer si le dumping a causé un dommage ou non. En fait, il faut prendre en compte le rendement à l’exportation pour
séparer le dommage potentiel causé par un rendement à l’exportation faible du dommage causé par le dumping
45.
Cette conclusion est conforme aux positions déjà exprimées par le TCCE. Par exemple, dans l’affaire Opacifiants iodés, que les plaignantes ont
citée, la majorité a déclaré :
Le Tribunal est d’avis que le rendement à l’exportation de la branche de production nationale, bien que favorable, ne compense pas le dommage
sensible que cause directement le dumping des marchandises visées et qui prend la forme d’une érosion des prix et d’une perte de ventes sur le
marché national 46.
Puis, le Tribunal cite une affaire antérieure 47 dans laquelle il avait déjà
abordé la question du rendement à l’exportation :
Dans cette cause, les exportations « d’après le Tribunal, [ne présentaient] aucun rapport avec la question du dumping au Canada et du préjudice
[maintenant appelé dommage] causé à la production nationale. En outre, et malgré les affirmations répétées selon lesquelles l’industrie automobile
serait une industrie nord-américaine englobant exportations et importations dans le cadre d’une production rationalisée, la base de l’argumentation
de GM Canada et Ford Canada et des plaidoiries de leurs avocats a été qu’elles se préoccupaient du préjudice causé à la production nationale destinée
au marché national. Le Tribunal souscrit à cette vision des choses ». Le Tribunal reprend cette position en l’espèce, une position qui reflète la
pratique du Tribunal et la jurisprudence établie depuis la cause Voitures 48.
Deux conclusions découlent de l’analyse qui précède. D’abord, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en prenant en compte la production nationale
destinée au marché national pour déterminer si le dumping a causé un dommage. Ayant conclu que le dumping avait causé un dommage, c’est à juste
titre que le Tribunal a ensuite examiné, comme l’obligeait à le faire le paragraphe 37.1(3) du Règlement MSI, si le dommage avait été causé par
quelque autre facteur, notamment le rendement à l’exportation. Le Tribunal s’est acquitté de l’obligation que lui imposaient le paragraphe 42(1) de
la LMSI et le paragraphe 37.1(3) du Règlement MSI. Il n’a donc commis aucune erreur.
Le Groupe spécial conclut que la majorité a correctement examiné le rendement à l’exportation de Camco et que ses conclusions sur ce point
sont suffisamment fondées en droit et en fait pour que le Groupe spécial, appliquant une norme de contrôle qui justifie la retenue, confirme la
décision du Tribunal.
4) LE CUMUL SELON LE PARAGRAPHE 42(3) DE LA LMSI
Whirlpool plaide que le Tribunal a commis une erreur susceptible d’examen en concluant, sur la base du cumul, à l’existence d’un dommage sensible au
sujet des appareils exportés au Canada par Whirlpool et WCI. D’après Whirlpool, le « cumul », que prévoient le paragraphe 42(3) de la LMSI et
l’article 3.3 de l’Accord antidumping de l’OMC, n’est permis que dans le cas où le Tribunal effectue des enquêtes simultanées sur les
marchandises provenant de deux ou plusieurs pays. Il s’ensuit que, dans les cas où comme, en l’espèce, le Tribunal effectue une enquête sur les
exportations provenant d’un seul pays, il ne peut « cumuler » les exportations de deux ou plusieurs producteurs en vue d’évaluer le dommage sensible.
En outre, Whirlpool prétend que, du fait qu’il s’agit d’une enquête visant des producteurs déterminés ou d’une enquête « ciblée », il est
particulièrement incorrect d’examiner « de façon cumulative», les marchandises exportées par deux ou plusieurs producteurs en question.
En effet, Whirlpool prétend que le Tribunal avait l’obligation de rendre des conclusions distinctes au sujet du dommage sensible à l’égard de
chaque producteur étranger qui faisait l’objet de l’enquête. Néanmoins, Whirlpool admet sans difficulté qu’elle n’a pu [TRADUCTION] « trouver une
affaire. . . où, dans une situation intéressant des producteurs déterminés, on a traité des effets cumulatifs 49 »
et ne peut citer aucune source à l’appui de sa position 50.
Selon le Groupe spécial, la prétention de Whirlpool est dépourvue de fondement juridique. La notion de « cumul », employée au paragraphe 42(3)
de la LMSI et à l’article 3.3 de l’Accord antidumping de l’OMC, n’est pertinente que dans les affaires où le Tribunal effectue des enquêtes
simultanées sur les marchandises sous-évaluées provenant de plus d’un pays. Ainsi, le paragraphe 42(3) de la LMSI dispose :
(3) Lors de l’ouverture ou de la poursuite de l’enquête, le Tribunal évalue les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises,
visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance de plus d’un pays, s’il est convaincu à la fois que :
a) relativement aux importations de marchandises de chacun de ces pays, la marge de dumping ou le montant de subvention n’est pas
minimal et que le volume des importations n’est pas négligeable;
b) l’évaluation des effets cumulatifs est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises, visées par la décision
provisoire, importées au Canada en provenance d’un ou de plusieurs de ces pays et :
(i) soit les marchandises, visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance d’un ou de plusieurs autres de ces pays,
(ii) soit les marchandises similaires des producteurs nationaux. [non souligné dans l’original]
Incontestablement, le point de savoir si le Tribunal doit ou non procéder au « cumul » n’est pertinent que dans les cas où les marchandises de
deux ou plusieurs pays sont en cause. De plus, les comparaisons prévues par la LMSI ne peuvent être faites que dans les cas où l’enquête porte sur
les marchandises de plus d’un pays.
De même, l’Accord antidumping de l’OMC ne parle de « cumul » qu’en fonction de l’évaluation de l’incidence des importations de plus d’un
pays. L’article 3.3 de l’Accord prévoit :
Dans les cas où les importations d’un produit en provenance de plus d’un ays feront simultanément l’objet d’enquêtes antidumping, les autorités
chargées des enquêtes ne pourront procéder à une évaluation cumulative des effets de ces importations que si elles déterminent a) que la marge de
dumping établie en relation avec les importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis au sens du paragraphe 8
de l’article 5 et que le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable, et b) qu’une évaluation cumulative des effets
des importations est appropriée à la lumière des conditions de concurrence entre les produits importés et des conditions de concurrence entre les
produits importés et le produit national similaire. [non souligné dans l’original]
Comme le paragraphe 42(3) de la LMSI, l’Accord antidumping de l’OMC parle d’enquêtes portant sur les produits « en provenance de plus d’un
pays », lorsque ces marchandises font « simultanément l’objet d’enquêtes antidumping ».
En outre, la LMSI et l’Accord antidumping de l’OMC définissent les conditions préliminaires auxquelles il faut satisfaire avant de déterminer
s’il y a lieu d’évaluer les effets cumulatifs. Ces conditions exigent un examen des marges de dumping pour les marchandises en provenance de chaque
pays ainsi que du volume des importations en provenance de chaque pays. Ces conditions, du fait de leur formulation, sont inapplicables aux
enquêtes antidumping portant sur les marchandises d’un seul pays. D’ailleurs, d’autres groupes spéciaux 51
ont reconnu que « [l]e principe appelé principe du cumul renvoie à une pratique courante de bon nombre de signataires du Code antidumping,
laquelle pratique consiste à examiner les importations sous-évaluées depuis tous les pays visés de façon cumulative pour déterminer leur incidence sur
la production nationale. 52.»
Aucune disposition de l’Accord antidumping de l’OMC ou de la LMSI ne donne à entendre que le Tribunal ne devrait pas cumuler toutes les
importations provenant d’un pays donné, en vue de l’analyse du dommage. En fait, l’article 3 de l’Accord antidumping de l’OMC prévoit l’examen
du volume « des importations faisant l’objet d’un dumping », de l’effet « des importations faisant l’objet d’un dumping » sur les prix de produits
similaires nationaux et de l’incidence de « ces importations » sur les producteurs nationaux 53.
L’Accord antidumping de l’OMC prévoit une évaluation, notamment, de l’augmentation ou de la diminution du volume des « importations faisant
l’objet d’un dumping » et de l’incidence des « importations faisant l’objet d’un dumping » sur la branche de production nationale concernée. De même,
le paragraphe 37(1) du Règlement MSI prévoit que le Tribunal doit prendre en compte le volume et l’incidence des « marchandises sous-évaluées ou
subventionnées ». On ne trouve pas la moindre indication que le Tribunal devrait rendre des décisions distinctes à l’égard des « importations
sous-évaluées » en fonction de chaque producteur ou exportateur et, ainsi que Whirlpool l’admet sans difficulté, le Tribunal n’a pas pour pratique
de rendre de telles décisions distinctes.
Finalement, l’argument de Whirlpool est entaché d’une incohérence interne. Whirlpool admet que, dans une enquête portant sur un seul pays, le Tribunal
peut prendre en compte l’incidence globale de toutes les importations provenant du pays concerné 54, mais
suggère qu’il faudrait procéder à une analyse différente dans une affaire portant sur des producteurs déterminés ou dans une affaire « ciblée »
55. Cependant Whirlpool ne propose aucune raison logique justifiant cette distinction et admet que celle-ci
est dépourvue de fondement dans la jurisprudence. Plutôt, Whirlpool cherche simplement à obtenir le renvoi de l’affaire au Tribunal pour que celui-ci
explique sa prétendue décision de « cumuler » l’incidence des exportations de Whirlpool et de WCI 56. Cependant,
il est tout à fait clair que le Tribunal n’a pas effectué, et ne pouvait pas effectuer, un cumul en l’espèce comme le prévoit le paragraphe 42(3) de la
LMSI. Le Tribunal n’a fait que prendre en compte l’incidence des « importations sous-évaluées » provenant d’un seul pays sur la branche de production
nationale, comme la LMSI prescrit au TCCE de le faire.
En conclusion, la LMSI et l’Accord antidumping de l’OMC limitent tous deux le « cumul » aux cas portant sur deux ou plusieurs pays. Quel que
soit le terme qu’on emploie pour désigner la pratique selon laquelle le Tribunal prend en compte l’incidence globale sur la branche de production
nationale de toutes les importations sous-évaluées en provenance d’un seul pays, le terme « cumul » n’est pas employé correctement dans ce contexte
particulier.
5) LES EXCLUSIONS
Les plaignantes Whirlpool et Inglis ont demandé des exclusions à l’égard de six catégories de produits 57. W
CI en a demandé pour deux autres catégories, dont l’une (les grands réfrigérateurs) recoupe pour l’essentiel l’une des catégories de Whirlpool.
Le Tribunal a accordé des exclusions, maintenant contestées, à l’égard de trois produits, les grands réfrigérateurs, les lave-vaisselle à cuve en
acier inoxydable et les sécheuses superposables. La plaignante Camco outient que c’est à tort que le Tribunal a accordé ces trois exclusions.
De plus, Whirlpool prétend que le Tribunal a commis une erreur en ne fournissant pas les raisons de son refus des exclusions qu’elle avait
demandées pour les produits de marque Kitchen Aid, les sécheuses vendues aux constructeurs d’habitation, les sécheuses vendues sous marque de
distribution et certaines sécheuses spéciales.
Le Groupe spécial doit déterminer la norme de contrôle applicable à ces exclusions selon l’analyse « pragmatique et fonctionnelle » examinée
dans la première section de la présente opinion. Il est évident que les décisions au sujet de ces exclusions sont pour une bonne part des
conclusions de fait et, ainsi qu’il a été noté dans la première section, compte tenu de tous les autres facteurs à prendre en compte dans l’analyse
pragmatique et fonctionnelle, lorsqu’il s’agit d’une question de preuve, la norme se déplace naturellement dans l’échelle vers le caractère
manifestement déraisonnable. Il n’y a aucun doute que le législateur a conféré au TCCE le pouvoir de rendre des conclusions au titre du
paragraphe 43(1) de la LMSI. La LMSI dispose en effet que le TCCE :
rend, à l’égard de marchandises objet d’une décision définitive de dumping ou de subventionnement, les ordonnances ou les conclusions
indiquées dans chaque cas en y précisant les marchandises concernées et, le cas échéant, leur fournisseur et leur pays d’exportation.
Le mandat n’est aucunement circonscrit de manière à limiter le pouvoir discrétionnaire du Tribunal en vue de rendre les conclusions de fait
voulues pour exercer cette responsabilité. Donc, sur une question si étroitement rattachée aux faits, il doit être clair que le TCCE dispose
d’un large pouvoir discrétionnaire dans l’analyse des faits effectuée en vue de déterminer à quelles marchandises s’applique la conclusion de
dommage 58. En effet, le Tribunal est tellement mieux placé que les cours ou qu’un groupe spécial
binational d’examen comme c’est le cas en l’espèce pour prendre ces décisions, en raison de sa connaissance intime du dossier factuel et de
son expérience à l’égard des décisions dans ce domaine.
i. Les exclusions accordées par le Tribunal
La plaignante Camco plaide que le Tribunal a commis une erreur susceptible d’examen en excluant certains produits de la décision relative au
dommage, nommément les réfrigérateurs 59d’un volume d’au moins 18,5 pi 3, les lave-vaisselle
à cuve en acier inoxydable et les sécheuses munies de commandes à l’avant, d’un dessus amovible et d’un châssis pour la superposition avec des
laveuses.
Camco a soutenu qu’il ne faut accorder d’exclusion d’un produit que dans des « circonstances exceptionnelles » ou en de « rares occasions »
et cite un certain nombre d’affaires à l’appui de cette proposition 60. Toutefois, un examen de
ces affaires ne confirme pas l’idée que le Tribunal a établi des conditions particulièrement exigeantes pour l’examen de l’exclusion de
produits. À vrai dire, dans l’affaire Tôle d’acier résistant à la corrosion, après avoir rappelé que les « … exclusions [de produits] ne
seront accordées que dans ces circonstances exceptionnelles 61 », le Tribunal procède à l’analyse
de chaque demande et exclut un certain nombre de produits spécifiques de sa décision relative au dommage, au motif que des marchandises
similaires n’étaient pas produites au Canada ou que les marchandises sous-évaluées ne faisaient pas concurrence aux marchandises produites
au Canada.
À l’égard des exclusions de producteurs et de pays, toutefois, le Tribunal a reconnu que le principe de l’exclusion entrait
en conflit avec le principe du cumul et a donc refusé d’accorder ces exclusions de sa décision sur le dommage. En somme, il est évident
que le Tribunal était d’avis que le fait qu’un produit ne soit pas produit au Canada ou ne fasse pas concurrence aux marchandises produites
au Canada constituait une circonstance suffisamment « exceptionnelle » pour justifier une exclusion de produit
62. Aussi le Groupe spécial est-il d’avis que la règle des « circonstances exceptionnelles »
convient mieux aux demandes d’exclusion d’exportateurs ou de pays.
De même, dans l’affaire Produits plats laminés à chaud, le TCCE a rejeté une demande d’exclusion de pays. Néanmoins, il a étudié chaque
demande d’exclusion de produits, essentiellement en examinant si les importations concurrençaient les marchandises de la production nationale.
Dans cette enquête, le Tribunal est arrivé, au terme de son analyse, à la conclusion que les marchandises en question concurrençaient
effectivement les tôles d’acier laminées à chaud de la production nationale et a donc refusé d’exclure ces marchandises de sa décision
sur le dommage.
Dans l’affaire Sucre raffiné, le Tribunal a rejeté certaines demandes d’exclusion de produits, sans mentionner le principe général des «
circonstances exceptionnelles », en se fondant simplement sur la conclusion de fait que les importations étaient « ... des marchandises que
la branche de production nationale produit actuellement et qui sont facilement substituables à des marchandises produites à l’intérieur ou
qui peuvent les concurrencer directement 63. » Finalement, Camco cite également l’affaire Tôles
d’acier laminées à froid 64 à l’appui de la position que l’octroi d’une exclusion est une anomalie.
Toutefois, l’examen de la décision de ce Groupe spécial montre qu’il traitait essentiellement d’exclusions de producteurs et du droit concernant
le cumul.
Le Groupe spécial est donc d’avis que le droit n’indique pas de tendance favorable ou défavorable à l’octroi d’exclusions de produits, mais
envisage plutôt un examen cas par cas des facteurs militant en faveur ou à l’encontre de l’exclusion.
Quels sont donc les facteurs que le Tribunal devrait prendre en compte pour accorder des exclusions de produits? Bien que les règles aient reçu
diverses formulations, il est manifeste que la considération principale consiste à savoir si la branche de production nationale fabrique le
produit ou encore un produit que concurrencent les importations. À titre corollaire, le Tribunal examine « … si la branche de production nationale
est un « fournisseur actif » du produit et si l’exclusion demandée visait à répondre aux besoins d’un créneau ou était unique
65. »
Le Tribunal a exclu les réfrigérateurs d’un volume d’au moins 18,5 pi3 au motif que ces réfrigérateurs ne sont pas produits au Canada, sont vendus
sur un segment différent du marché et donc ne font pas concurrence aux réfrigérateurs construits par Camco. Il note également que Camco elle-même
importe les réfrigérateurs de ce volume. Camco réplique que cette conclusion est incorrecte parce qu’elle a perdu une part du marché des
réfrigérateurs en général et que les grands réfrigérateurs étaient en train de capturer une part croissante du marché des réfrigérateurs. Le
Groupe spécial est d’avis que ces facteurs ne sont pas pertinents vu l’absence d’appareils de même taille produits au Canada.
Autre argument, plus pertinent, les réfrigérateurs de grand volume de Whirlpool et de WCI étaient, dans certains cas, offerts à un prix égal ou
inférieur à celui de modèles plus petits produits au Canada, de sorte qu’ils faisaient concurrence à ces petits modèles. En outre, dans certains
cas, l’espace de dimensions standard ménagé pour le réfrigérateur dans les maisons canadiennes peut recevoir les appareils à plus grand volume.
Toutefois, on a également présenté des éléments de preuve en sens contraire. Le Tribunal a conclu que les réfrigérateurs de grand volume
n’étaient pas vendus sur le même segment du marché que les petits modèles et, donc, ne leur faisaient pas concurrence. Il y avait également des
témoignages indiquant que les consommateurs ne considéraient pas les deux types de réfrigérateurs comme le même produit. En outre, puisque Camco
elle-même importait les réfrigérateurs de grand volume, le Tribunal a rejeté l’idée que les deux types étaient substituables. Le Groupe spécial
est donc d’avis qu’il y avait, dans le meilleur des cas, des éléments de preuve contradictoires sur le point que les grands réfrigérateurs
pouvaient être substitués aux petits. Selon la norme du caractère manifestement déraisonnable qu’il faut appliquer ici, le Groupe spécial ne
substituera pas son évaluation de la preuve à celle du Tribunal.
Camco vendait des lave-vaisselle munis d’un intérieur en matière plastique. Whirlpool et WCI produisaient toutes deux des lave-vaisselle à cuve en
acier inoxydable, que le TCCE a exclus de la décision sur le dommage. Camco fait valoir que cette exclusion n’était pas justifiée parce que les
marges de dumping étaient importantes et que Camco a perdu une part de marché considérable sur les lave-vaisselle pendant que les importations de
WCI et de Whirlpool augmentaient de façon marquée et qu’elles étaient vendues, dans certains cas, au prix de Camco ou à un prix inférieur. En
outre, Camco cite des éléments de preuve établissant que les deux types de produits étaient matériellement interchangeables et étaient vendus sur le
même segment du marché.
Le Tribunal a reconnu qu’il existe « … une certaine interchangeabilité 66 » entre les deux types de produits,
mais a conclu :
… il existe aussi des différences majeures entre ces deux types de lave-vaisselle, relativement à leurs caractéristiques de prix, d’aspect et de
performance. Les éléments de preuve montrent aussi que les lave-vaisselle à cuve en acier inoxydable sont manifestement vendus sur un segment différent
du marché, se situent dans un créneau particulier du marché, sont uniques, ne sont pas produits au Canada et ne concurrencent pas directement les
marchandises similaires de production nationale 67.
Le Groupe spécial reconnaît comme intéressant l’argument que les deux types de lave-vaisselle se concurrencent l’un l’autre au sens le plus
large, puisque tous deux vont rendre la vaisselle également propre. Mais cela ne suffit pas. Il existe une preuve abondante dans le dossier à
l’appui de la décision que les cuves en acier inoxydable ne sont pas perçues par le client comme le même produit que les cuves en matière
plastique et que les deux types de produits ne se concurrencent pas directement sur le marché. Étant donné que les lave-vaisselle à cuve en
acier inoxydable ne sont pas produits au Canada et ont un caractère unique, le Groupe spécial n’est pas persuadé que les facteurs économiques
indiqués par Camco rendent les produits interchangeables. En somme, le Groupe spécial est d’avis qu’il existe des éléments de preuve au dossier
qui justifient la décision du TCCE sur les lave-vaisselle.
De même, le Groupe spécial ne modifiera pas la conclusion du Tribunal sur les sécheuses superposables munies de commandes à l’avant. Ces sécheuses
sont conçues pour être utilisées avec des laveuses assorties et Camco ne fabriquait pas de produit similaire. Son argumentation contre l’octroi de
l’exclusion est donc fondée seulement sur les facteurs économiques consistant en ce qu’elle a perdu une part de marché pour ses propres sécheuses
et qu’il a été jugé qu’il existait une marge de dumping marquée. Il semble évident que le Tribunal a trouvé suffisamment d’éléments de preuve pour
rejeter la prétention de Camco que les sécheuses importées et les sécheuses de production nationale sont interchangeables ou substituables.
ii. Les exclusions refusées
La plaignante Whirlpool, en plus de ses demandes d’exclusion des lave-vaisselle en acier inoxydable et des grands réfrigérateurs, qui ont été
accordées toutes les deux, a demandé l’exclusion de tous les appareils de marque Kitchen Aid, des sécheuses vendues aux détaillants sous marque
de distribution et aux constructeurs d’habitations, ainsi que, finalement, de sécheuses spéciales (les appareils compacts, les appareils à carte
à puce et les appareils payants). L’essentiel de l’argument au sujet de la marque Kitchen Aid consiste en ce que Kitchen Aid est une marque de
qualité supérieure, qui ne concurrence qu’une gamme de qualité supérieure de General Electric, laquelle est importée par Camco. Quant aux
sécheuses vendues sous marque de distribution et aux sécheuses vendues aux constructeurs d’habitations, elles sont toujours vendues en paire ou
« groupées » avec des laveuses (qui ne sont pas fabriquées par Camco), le choix de la laveuse étant celui qui détermine la vente. Dans la catégorie
des sécheuses spéciales, on fait également valoir qu’elles ne sont pas produites au Canada par Camco et ne font donc pas concurrence aux
marchandises produites par Camco. Whirlpool dit avoir présenté au Tribunal des éléments de preuve substantiels sur ces points.
Toutefois, le Tribunal a refusé ces demandes dans les termes suivants :
Ainsi qu’il a déjà été indiqué, le Tribunal a examiné, dans son analyse de dommage, les effets globaux des importations sous-évaluées sur la
branche de production nationale. Après avoir procédé à une telle analyse et avoir examiné la participation de Whirlpool sur le marché canadien et,
plus particulièrement, son volume de vente de produits sous-évalués au Canada, le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas de motif valable d’accorder à
Whirlpool une exclusion générale des conclusions 68.
Whirlpool adopte la position que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne fournissant pas les motifs du refus de la demande. Elle s’appuie
principalement sur l’arrêt VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports 69. Selon Whirlpool,
cet arrêt établit le principe qu’un organisme administratif doit motiver ses décisions et que cette obligation est particulièrement forte lorsqu’il
exerce une fonction qui exige une grande retenue à son endroit. La plaignante fait observer que le Tribunal a expressément reconnu les demandes de
Whirlpool dans son Exposé des motifs et que, néanmoins, il n’a donné aucune indication sur les raisons précises pour lesquelles il les a rejetées.
Il aurait certainement été approprié pour le Tribunal de traiter de façon précise des demandes de Whirlpool. Le Tribunal soutient maintenant que,
le refus de l’exclusion équivalant à la conclusion qu’il existe un dommage à l’égard de ce produit, il n’est pas obligé de motiver ce refus. En
outre, le TCCE fait valoir qu’il n’est pas obligé de traiter toutes les questions soulevées par les parties et qu’on peut raisonnablement déduire
que le Tribunal n’estimait pas que les exclusions étaient justifiées. Il est intéressant de noter que Camco, dans sa contestation des exclusions
qui ont été accordées, soutient que, s’il est nécessaire de donner les motifs de l’octroi d’une exclusion, le TCCE n’a pas l’obligation d’expliquer
un refus.
Le Groupe spécial estime qu’on peut raisonnablement déduire que le Tribunal a examiné toutes les demandes d’exclusion. Après tout, le Tribunal a bien
exclu certains réfrigérateurs, lave-vaisselle et sécheuses importés par Whirlpool et WCI. Le Groupe spécial pourrait régler la question facilement en
concluant que l’Exposé des motifs indique bien la raison du refus de la demande, soit le volume considérable de marchandises sous-évaluées vendues par
Whirlpool. Cependant, on peut difficilement trouver dans l’Exposé des motifs un traitement adéquat de l’exclusion des produits précis qui sont en cause.
La proposition que Whirlpool ne faisait que demander une exclusion « générale » ne donne pas une idée suffisante de ses demandes. Il faut donc donner
une réponse à la question de savoir si le Tribunal a l’obligation d’indiquer les raisons de chaque décision subsumée dans sa conclusion.
Dans l’arrêt VIA Rail Canada, il s’agit d’une disposition du tarif du transporteur qui autorisait un billet gratuit aux accompagnateurs de personnes
handicapées qui sont en mesure de les aider à monter dans le train et à en descendre. La question s’est posée de savoir s’il serait suffisant que les
accompagnateurs aident simplement les personnes handicapées d’autres façons. L’Office national des transports a jugé que, comme la société ferroviaire
avait la responsabilité d’aider à monter dans le train, la disposition tarifaire était invalide parce que trop étroite. L’Office agissait en vertu
d’une loi 70 l’autorisant à approuver les tarifs, qui exigeait que les tarifs ne constituent pas « un obstacle
abusif à la circulation des personnes, y compris les personnes handicapées 71 ».
La Cour a conclu que le fait que l’Office n’ait pas indiqué les motifs pour lesquels la disposition tarifaire représentait un « obstacle abusif »
a rendu son rejet de la disposition tarifaire invalide. Puisque l’Office devait procéder à une pondération des intérêts de la personne ayant une
déficience par rapport aux intérêts du transporteur dans son examen du tarif, la Cour a jugé qu’il aurait dû indiquer les motifs de sa décision.
Le Groupe spécial trouve intéressant que, parmi les divers avantages qui, selon la Cour, découlent de la motivation des décisions, il y a le fait
que les motifs vont aider à guider la conduite des autres transporteurs dans l’avenir. Selon le Groupe spécial, ce point indique la
caractéristique qui distingue l’action de l’Office de celle du TCCE en l’espèce. Dans l’affaire VIA Rail Canada, l’Office, en élaborant cette
norme, exerçait une fonction quasi judiciaire, et non simplement une fonction de recherche des faits. À vrai dire, on peut penser que c’est là
la raison pour laquelle on a appliqué dans cette affaire la norme du caractère raisonnable, plutôt que, comme en l’espèce, celle du « caractère
manifestement déraisonnable ». Aussi, nous n’estimons pas que l’arrêt VIA Rail Canada soit déterminant en l’espèce.
Par contre, le Groupe spécial est très réticent à donner l’impression d’adopter la position exprimée par l’avocat du Tribunal voulant que le
Tribunal ne soit jamais tenu d’exposer les motifs du refus d’une demande d’exclusion. Cependant, on peut déduire, lorsqu’il existe un dommage,
que toutes les marchandises sous-évaluées ont contribué au dommage; compte tenu que le Tribunal a manifestement accueilli certaines des demandes
des plaignantes, et que le TCCE jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire dans ses décisions rattachées aux faits, le Groupe spécial refusera de
renvoyer la décision au Tribunal et de lui demander d’autres explications.
6) LA DEMANDE DE RENVOI AU COMMISSAIRE EN VERTU DE L’ARTICLE 46 DE LA LMSI
La plaignante Whirlpool a demandé au Tribunal d’aviser le Commissaire, en vertu de l’article 46 de la LMSI, au sujet d’une enquête possible sur le
dumping de marchandises similaires par Maytag et d’autres exportateurs des États-Unis. L’article 46 est ainsi conçu :
46. Si, au cours de l’enquête visée à l'article 42 au sujet du dumping ou du subventionnement de marchandises objet d’une décision provisoire prévue
à la présente loi, le Tribunal est d'avis :
a) d’une part, que les éléments de preuve indiquent que des marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de
celles qui font l’objet de la décision provisoire ont été ou sont sous-évaluées ou subventionnées;
b) d’autre part, que les éléments de preuve indiquent de façon raisonnable que le dumping ou le subventionnement visé à l’alinéa a) a causé un
dommage ou un retard ou menace de causer un dommage,
il en avise le commissaire par un écrit donnant la description des marchandises mentionnées en premier lieu à l’alinéa a).
Le Tribunal a refusé la demande de Whirlpool en ces termes :
En plus des observations précédentes qu’il a énoncées au sujet des marchandises de Maytag et d’autres exportateurs non désignés des
États-Unis, selon lesquelles lesdites marchandises n’avaient pas causé de dommage à la branche de production nationale, le Tribunal n’est pas
convaincu que les éléments de preuve indiquent que les réfrigérateurs, lave-vaisselle et sécheuses de Maytag font l’objet d’un dumping sur le
marché canadien. Le Tribunal prend note des observations de Camco et convient qu’il n’y a pas d’élément de preuve que les pratiques de
commercialisation et d’établissement des prix de Maytag ont été dommageables pour la branche de production nationale. Quant aux marchandises
provenant d’exportateurs non désignés, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve mis à sa disposition sont insuffisants pour
appuyer une conclusion portant que les marchandises produites par ces exportateurs ont fait ou font présentement l’objet de dumping au Canada
et que leur présence a causé un dommage sur le marché canadien. Le Tribunal, donc, refuse de recommander au Commissaire d’enquêter sur lesdits
exportateurs 72.
Whirlpool se plaint que cette décision du Tribunal constitue une erreur susceptible d’examen. Maytag et le Tribunal défendent la décision
du Tribunal. Camco et WCI ne prennent pas position sur la question, mais WCI signale que tout dommage causé par un tiers doit être exclu lorsqu’il
s’agit de déterminer s’il y lieu de condamner les intimées initiales à une réparation.
La section qui suit traite de la norme de contrôle et des trois éléments de l’enquête selon l’article 46 : le dumping, le dommage et la menace de
dommage. Avant 1994, la fonction du Tribunal au titre de l’article 46 était de rendre des conclusions au sujet de ces éléments; si ces conclusions
étaient affirmatives, elles obligeaient le Commissaire à ouvrir une enquête sur le dumping d’un tiers allégué. À la suite d’une modification
apportée en 1994, le texte de l’article 46 est devenu le texte cité ci-dessus, aux termes duquel le Tribunal ne fait que communiquer au Commissaire
son « avis » que les conditions d’une enquête sont réunies, laissant au Commissaire la décision finale d’ouvrir ou non l’enquête. Alors que la loi
antérieure prévoyait le déclenchement automatique de l’enquête par le Commissaire, la LMSI actuelle exige l’accord des deux organismes.
Sur ce point, Whirlpool plaide essentiellement que, selon la loi actuelle, n’importe quelle preuve de dumping est suffisante pour satisfaire
à l’alinéa 46a) :
[TRADUCTION] Le Tribunal ne peut décider qu’il n’a pas été satisfait aux exigences de l’alinéa 46a) de la LMSI que s’il est d’avis qu’il
n’y a aucune preuve que les marchandises exclues ont été ou sont sous-évaluées 73.
D’après cette interprétation de la LMSI, la fonction du Tribunal au titre de l’alinéa 46a) est ministérielle, il n’a pas de pouvoir
discrétionnaire et la norme de contrôle de la décision correcte s’appliquerait. Le Groupe spécial adopte une autre interprétation de l’alinéa 46a).
Le texte prévoit un « avis » du Tribunal qu’il y a une preuve de dumping. En fait, l’interprétation de Whirlpool ferait abstraction de cette formulation
de la loi. L’« avis » du Tribunal prévu à l’alinéa 46a) suppose nécessairement un élément de jugement et d’appréciation. Il s’agirait d’une
question mixte de fait et de droit et l’examen de tous les facteurs à prendre en compte dans l’analyse pragmatique et fonctionnelle indique que la
norme de contrôle devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter.
En l’espèce, la question est particulièrement claire. On a demandé une enquête de dumping au sujet de Maytag et d’autres exportateurs au moment où la
procédure était devant le Commissaire. Cette demande a été rejetée. La décision antérieure doit être considérée comme ayant réglé la question
et le Groupe spécial estime qu’un renvoi sur cette question serait le type même de la procédure inutile.
S’agissant de l’alinéa 46b), la formulation est claire et exige une conclusion que « les éléments de preuve indiquent de façon raisonnable »
que le dumping a causé un dommage (ou un retard). Manifestement, une détermination de ce qui est raisonnable suppose un élément de jugement et
d’appréciation et donc, encore une fois, compte tenu de l’analyse fonctionnelle et pragmatique, justifie la norme de contrôle de la décision
raisonnable devant le Groupe spécial.
Enfin, s’agissant du dernier élément du texte législatif, la menace de dommage, elle est de par sa nature même une inférence relative à des
événements futurs et donc pour une bonne part une affaire de jugement. Encore ici, la norme de contrôle serait celle de la décision raisonnable
simpliciter.
i. Les allégations de dumping par Maytag et par des tiers
Whirlpool a présenté en preuve devant le Tribunal deux listes de prix de détaillants Maytag établissant des prix courants plus élevés pour les
détaillants aux États-Unis que pour les détaillants au Canada pour les mêmes modèles. En contre-interrogatoire devant le Tribunal, les témoins
de Whirlpool ont concédé qu’ils ne savaient pas quels prix étaient effectivement demandés pour ces produits Maytag dans l’un ou l’autre des
pays. Whirlpool a plaidé que la preuve fournie était [TRADUCTION] « le plus qu’on pouvait attendre d’une partie dans [cette] situation
74 », citant l’affaire Barres rondes en acier inoxydable 75,
où le Tribunal a accepté une preuve indirecte de dumping par un exportateur coréen. Les circonstances étaient toutefois différentes dans cette
affaire : la partie plaignante ne semble pas avoir été active sur le marché coréen et on ne pouvait donc s’attendre à ce qu’elle connaisse les
prix sur ce marché, alors que Whirlpool était active sur les deux marchés qui sont en cause en l’espèce. Whirlpool indique également des éléments
de preuve établissant que certains prix de Maytag au Canada étaient inférieurs à ceux de Whirlpool et de WCI pour des appareils comparables, mais
cela ne constitue guère une preuve de dumping par Maytag. En fin de compte, toutefois, puisque le Tribunal n’envoie au Commissaire l’avis prévu à
l’article 46 de la LMSI que si les deux conditions, le dumping de l’alinéa 46a) et le dommage de l’alinéa 46b), sont remplies, la non-réalisation
de la première condition par Whirlpool est déterminante à elle seule.
ii. Le dommage
Whirlpool déclare que [TRADUCTION] « c’est à la suggestion du Commissaire (à la suite de son refus d’élargir la portée de son enquête) que les
plaignantes ont soulevé la question relative à l’article 46 devant le Tribunal 76. » Au contraire, voici
ce que le Commissaire a dit :
L’ADRC a analysé les éléments de preuve présentés à l’appui de ces allégations et est convaincue que la portée de l’enquête est appropriée.
En bout de ligne, les éléments de preuve du dommage doivent être présentés au Tribunal afin de confirmer pourquoi le dommage a été causé par les
sociétés désignées et non par d'autres sociétés du pays d’exportation 77.
Autrement dit, Whirlpool avait la possibilité de démontrer, dans la présente procédure, le dommage qui avait pu être causé à Camco par les
importations faites par des tiers, de sorte qu’elle ne soit pas tenue responsable de ce dommage. WCI a plaidé que ce n’était pas le contexte
voulu pour que Whirlpool démontre que Maytag avait causé un dommage. Mais Whirlpool ne plaide pas ici qu’elle a été tenue responsable pour un
dommage causé par Maytag ou par d’autres tiers.
iii. La menace de dommage
Le Tribunal n’a rendu aucune conclusion expresse au sujet de la menace de dommage. Mais Whirlpool ne prétend pas avoir présenté de preuve quant
à une évolution anticipée qui donnerait lieu à un nouveau dumping ou à un nouveau dommage. Puisqu’on n’a pas suffisamment démontré de dumping
passé ou présent par des tiers et qu’on n’a pas prétendu qu’il existait de telles perspectives, il est clairement implicite que le Tribunal
n’a pas jugé qu’il y avait une menace justifiant la notification au Commissaire. Il aurait été de meilleure pratique pour le Tribunal de rendre
une conclusion expresse sur ce point, mais dans les circonstances, un renvoi n’est pas justifié.
CONCLUSION
Pour les motifs qui précèdent, le Groupe spécial confirme la décision du Tribunal. Le Groupe spécial ordonne au Secrétaire canadien du Secrétariat
de l’ALÉNA de délivrer un avis de mesures finales du Groupe spécial conformément à l’article 77 des Règles de procédure pour l’article 1904.
Original signé par :
Alan S. Alexandroff (président)
John M. Peterson
Daniel A. Pinkus
Saul L. Sherman
Le professeur Gilbert R. Winham
Délivré le 16 janvier 2002.
OPINION CONCORDANTE DU MEMBRE SHERMAN
Le membre Sherman est d’accord avec la décision, mais est préoccupé de certaines implications et omissions qu’il trouve dans le raisonnement du
Groupe spécial. Il reconnaîtrait aux cours qui exercent le contrôle et aux avocats beaucoup plus d’expertise en matière financière et réglementaire
que ne le fait le Groupe spécial et attribuerait donc plus de poids à l’« expertise relative » de l’organisme exerçant le contrôle. Il interpréterait
la LMSI, l’intention du législateur et la mission du TCCE non seulement en fonction de la protection des producteurs nationaux, mais aussi, compte
tenu des limitations internationales réciproques sur les mesures antidumping contenues dans l’ALÉNA et les Accords de l’OMC/GATT, en fonction de la
protection des importateurs et des exportateurs et, indirectement, des consommateurs.
Original signé par :
Saul L. Sherman
Notes
1 L.R.C. (1985), ch. S-15, modifié (LMSI).
2 Dans la présente décision, Whirlpool et Inglis seront désignées ensemble comme Whirlpool.
3 Exposé des motifs du TCCE, Enquête n° NQ-2000-001 (EDM), à la p. 3.
4 Il y a actuellement une action reliée, CDA-USA-2000-1904-03 : Certains réfrigérateurs électriques avec
compartiment de congélation dans la partie supérieure, lave-vaisselle électriques de type ménager et sécheuses au gaz ou électriques originaires
ou importés des États-Unis d’Amérique et fabriqués par, ou au nom de, la White Consolidated Industries, Inc. et la Whirlpool Corporation, leurs
sociétés affiliées, successeurs et ayants droit respectifs (Dumping). Il s’agit d’un examen par un Groupe spécial binational de la décision
définitive de dumping dans la même affaire. À la date de la présente décision, le Groupe spécial binational n’avait pas encore rendu sa décision
sur le dumping.
5 Chacune des sociétés américaines de même que Camco au Canada fabrique des appareils sous diverses marques.
6 L.R.C. (1985), ch. F-7.
7 [1988] 2 R.C.S. 1048.
8 Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557 (Pezim); Canada
(Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam, [1997] 1 R.C.S. 748 (Southam); Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de
l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982 (Pushpanathan); Trinity Western University c. British Columbia College of Teachers, [2001] A.C.S.
n° 32, 2001 CSC 31 (British Columbia College of Teachers); Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires d’Asbestos c.
Ontario (Commission des valeurs mobilières), [2001] A.C.S. n° 38, 2001 CSC 37 (Actionnaires minoritaires).
9 [2001] A.C.S. n° 37, 2001 CSC 36.
10 Southam, à la p. 765.
11 Mattel, au par. 24
12 Mattel, au par. 28.
13 Mattel, au par. 28.
14 C’est l’analyse faite dans la décision Certaines boissons de malt provenant des États-Unis
d’Amérique (Préjudice), (1995), CDA-95-1904-01(Boissons de malt).
15 Pezim, à la p. 591.
16 L.R.C. (1985), ch. C-34.
17 Southam, à la p. 772.
18 L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 47.
19 Mattel, par. 29 et 30.
20 Mattel, par. 31.
21 S-15 – DORS/84-927 (Règlement MSI).
22 [1984] A.C.F. n° 247 (C.A.F.). Cette décision indiquait à la p. 2 : « Des observations tout à fait
différentes s’appliquent au rapport final du personnel. Ce dernier consiste en un résumé et en un commentaire de la preuve et des arguments
présentés à l’enquête. Il n’y a rien d’irrégulier dans ce fait et cela ressemble au genre de travail que les recherchistes font parfois pour
les juges. Il s’agit d’une partie normale des tâches du personnel du Tribunal. Rien n’exige que ces rapports soient divulgués aux parties.
Ils font simplement partie du processus de prise de décision interne du Tribunal dont ce dernier, évidemment, est seul responsable. À mon
avis, dans cette Cour, ces rapports ne devraient même pas faire partie du dossier. »
23 CDA-94-1904-04 (10 juillet 1995) (Groupe spécial binational sur certains produits de tôle d’acier
résistant à la corrosion).
24 Groupe spécial binational sur certains produits de tôle d’acier résistant à la corrosion, à la p. 17.
25 EDM, à la p. 35.
26 EDM, à la p. 35 (avec modifications).
27 EDM, à la p. 35.
28 EDM, à la p. 43.
29 EDM, à la p. 43.
30 EDM, à la p. 45.
31 Voir la transcription, Examen par un groupe spécial binational en vertu de l’article 1904 de l’Accord
de libre-échange nord-américain dans l’affaire de certains appareils électroménagers, audience tenue le 3 octobre 2001 (la transcription) aux p.
101 à 105.
32 Enquête du TCCE n° NQ-2000-002 (27 octobre 2000).
33 Ainsi, par exemple, on pourrait imaginer un cas où la situation économique d’une branche de
production nationale se détériore par suite d’une baisse de son rendement à l’exportation. Dans un tel cas, il serait difficile, peut-on supposer,
d’attribuer cette baisse à l’entrée de marchandises sous-évaluées sur le marché national du producteur.
34 Enquête du TCCE n° NQ-99-003 (16 mai 2000) (Opacifiants iodés).
35 Opacifiants iodés, à la p. 30.
36 EDM, à la p. 18.
37 EDM à la p. 35.
38 EDM, à la p. 7.
39 EDM, à la p. 24 (notes de bas de page omises).
40 EDM, à la p. 28.
41 EDM, à la p. 28.
42 EDM, à la p. 26.
43 EDM, à la p. 35.
44 EDM, à la p. 35.
45 Il se peut que, dans des cas donnés, le rendement à l’exportation de la branche de production nationale
soit tel que l’incidence des importations sous-évaluées sur la branche de production soit jugée non sensible. Ce n’est pas le cas en l’espèce,
toutefois, puisque le Tribunal a expressément conclu que les importations sous-évaluées avaient causé un dommage à la branche de production
nationale sur des segments déterminés du marché canadien. Le Groupe spécial n’a pas à se demander comment le Tribunal pourrait évaluer le
rendement à l’exportation dans d’autres cas.
46 Opacifiants iodés, à la p. 22.
47 Voitures produites par ou pour le compte de la Hyundai Motor Company de Séoul, République de
Corée, ou par des sociétés associées, Exposé des motifs du TCI, CIT-13-87 (7 avril 1988)
48 pacifiants iodés, à la p. 22.
49 Transcription, à la p. 61, lignes 20 à 23.
50 Transcription, à la p. 69, lignes 5 et 6.
51 Voir l’affaire Certains produits plats de tôle d’acier au carbone laminés à chaud,
CDA-93-1904-07 (18 mai 1994) (Produits plats de tôle d’acier au carbone laminés à chaud).
52 Produits plats de tôle d’acier au carbone laminés à chaud, à la p. 44.
53 Article 3.1.
54 Transcription, à la p. 61: [TRADUCTION] « Sur le plan juridique, il va de soi que le Tribunal
considère l’ensemble des marchandises s’il s’agit d’une enquête portant sur un pays – ça ne pose pas de problème. »
55 Voir la transcription, à la p. 70. Whirlpool suggère même que des décisions au sujet du dommage causé
par des producteurs individuels seraient nécessaires dans une enquête « non ciblée » s’il était décidé que certains producteurs d’un pays donné
ne font pas de dumping, et que le Tribunal devait évaluer l’incidence du reste des « importations sous-évaluées ».
56 Voir la transcription, à la p. 68 : [TRADUCTION] « Je vous invite à renvoyer la question au Tribunal
et à lui demander où il trouve le pouvoir de procéder au cumul dans une affaire portant sur des producteurs déterminés. »
57 En plus de plusieurs catégories sur lesquelles il n’y pas de contestation – comme les appareils destinés
au programme Habitat for Humanity.
58 Sacilor Aciéries c. Canada (Tribunal anti-dumping) (1985), A.C.F. n° 531 (Sacilor).
59 Le Groupe spécial note que Whirlpool avait demandé l’exclusion des réfrigérateurs d’au moins 18 pi
3, tandis que WCI avait demandé l’exclusion des réfrigérateurs d’au moins 17,7 pi3. Le Tribunal n’a pas expliqué pour
quelles raisons il a exclu seulement les réfrigérateurs d’au moins 18,5 pi 3. Dans la présente procédure, WCI et WCI Canada
continuent à demander l’exclusion des réfrigérateurs d’au moins 17,8 pi 3. Compte tenu de la façon dont il traite cette question,
le Groupe spécial ne fait pas de distinction entre les marchandises de WCI et de WCI Canada et celles de Whirlpool.
60 Tôle d’acier résistant à la corrosion, Enquête du TCCE n° NQ-93-007 (15 août 1994) (Tôle
d’acier résistant à la corrosion); Produits plats de tôle en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, Enquête du TCCE n°
NQ-98-004 (19 juillet 1999) (Produits plats laminés à chaud); Sucre raffiné, Enquête du TCCE n° NQ 95 002 (21 novembre 1995) (Sucre raffiné);
Tôles d’acier au carbone laminées à chaud, Enquête du TCCE n° NQ-97-001 (10 novembre 1997) (Tôles laminées à chaud) et Tôles d’acier
laminées à froid, Enquête du TCCE n° NQ-92-009 (13 août 1993) (Tôles d’acier laminées à froid).
61 Tôle d’acier résistant à la corrosion, à la p. 51.
62 Voir Hetex Garn A.G. c. Tribunal antidumping, [1978], 2 C. F. 507 à la p. 508.
63 Sucre raffiné, à la p. 45.
64 Examen par un Groupe spécial binational, CDA-93-1904-09 (13 juillet 1994).
65 Chaussures étanches de Chine, Exposé des motifs du TCCE, NQ-2000-004 (22 décembre 2000), à la p. 18.
66 EDM, à la p. 40.
67 EDM, à la p. 40.
68 EDM, à la p.35.
69 [2001] 2 C. F. 25 (CAF) (VIA Rail Canada).
70 Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 28. Abrogée par L.C. 1996,
ch.10, art. 183, à compter du 1er juillet 1996 (SI/96-53).
71 VIA Rail Canada, à la p. 33.
72 EDM, aux p. 38 et 39.
73 Mémoire en réponse de Whirlpool, au par. 202 (souligné dans l’original).
74 Mémoire de la plaignante Whirlpool, au par. 261.
75 Enquête du TCCE n° NQ-98-001 (21 septembre 1998).
76 Mémoire de la plaignante Whirlpool, au par. 243.
77 Décision provisoire de l’ADRC – Certains appareils ménagers. Dossier n°
4246-106, cas n° AD/1235, aux p. 14 et 15.
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