ARTICLE 1904
EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL BINATIONAL EN APPLICATION DE
L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN
Dossier du Secrétariat
CDA-97-1904-01
Le 26 août 1998 |
DANS L'AFFAIRE DE:
Certains panneaux de béton, renforcés d'un filet de fibre de
verre, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique et
produits par ou pour le compte de Custom Building Products, ses
successeurs et ayants droit, qui sont utilisés ou consommés dans
la province de la Colombie-Britannique ou dans la province de l'Alberta |
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Membres:
M. Paul C. LaBarge, (président)
M. Henri C. Alvarez,
L'ambassadeur David E. Birenbaum,
M. Warren E. Connelly
Mme Maureen Irish |
DÉCISION DU GROUPE SPÉCIAL
AU SUJET DE L'EXAMEN DES CONCLUSIONS DU
TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR
Audience: Le 28 mai 1998, à Ottawa, province d'Ontario, Canada
Ont comparu:
Pour la plaignante
M. Jeffrey S. Thomas, représentant Custom Building Products, Inc. |
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En réponse à la plaignante
M. Riyaz Dattu,
au nom de CGC Inc. |
Au nom du Tribunal canadien du commerce extérieur
M. Hugh J. Cheetham et Mme Heather S. Grant
Remarque : Personne n'a comparu contre la plaignante
Table des matières
I. Introduction |
II. Historique
administratif et procédure du Groupe spécial |
III. Normes d'examen |
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Questions de compétence |
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Questions de droit |
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Questions de faits |
IV. La norme de causalité |
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Question (a):
En concluant que les ventes de Custom Canada à CanWel et à
d'autres clients ont été sous-tarifées par une marge moyenne
pondérée de 36 %, le Tribunal canadien du commerce
international a-t-il tiré une conclusion qui n'est justifiée par
aucune élément de preuve au dossier, commettant ainsi une erreur
de fait révisable? |
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Question (b):
En concluant que l'établissement de nouveaux accords de prix entre
la plaignante et Custom Canada constituait un élément établissant
la causalité, le Tribunal canadien du commerce international a-t-il
fait l'erreur de ne pas entreprendre d'analyse précise de la
manière dont ces nouveaux arrangements auraient pu en soir avoir un
effet particulier sur le prix de marchandises similaires au Canada
et, dans l'affirmative, le TCCE a-t-il commis une erreur révisable
de droit et de fait? |
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Question (c):
En concluant que les allégations d'érosion de prix et de perte de
ventes auprès de clients particuliers formulées par Bed-Roc
étaient dans une grande mesure accréditées, le Tribunal canadien
du commerce international a-t-il appliqué une norme de causalité
juridiquement incorrecte, outrepassant ainsi sa compétence? Sinon,
en appliquant un tel critère de causalité, le TCCE a-t-il commis
une erreur révisable de droit? |
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Question (d):
En concluant que l'établissement d'un nouvel accord de distribution
entre Custom Canada et CanWel a été « la goutte d'eau qui a
fait déborder le vase », et en tenant compte dans son analyse
de causalité des ventes de CanWel perdues à Bed-Roc du fait de ce
nouvel accord de distribution, le Tribunal canadien du commerce
international a-t-il commis une erreur raisonnable de droit ou tiré
une conclusion qui n'est justifiée par aucun élément de preuve au
dossier? |
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Question (e):
En concluant que les ventes de « panneaux
d'entrepreneur » par Custom Canada non seulement ont produit
des ventes supplémentaires pour Custom Canada mais aussi ont servi
à limiter les prix, le Tribunal canadien du commerce international
a-t-il tiré une conclusion qui n'est justifiée par
aucun élément de preuve au dossier, commettant ainsi une
erreur révisable de fait? |
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Décision |
I. INTRODUCTION
Ce groupe spécial binational (le Groupe spécial) a été réuni en
application du paragraphe 1904 (2) de l'Accord de libre-échange
nord-américain (ALENA) pour se pencher sur une conclusion du Tribunal
canadien du commerce extérieur (le TCCE). Il avait été constitué à la
suite d'une plainte déposée auprès du Secrétariat canadien de l'ALENA le
19 août 1997 en application de la règle 39 des Règles de procédures des
groupes spéciaux aux termes de l'article 1904 de l'ALENA par Custom
Building Products, Inc., société américaine exportant les marchandises en
question au Canada (la plaignante). Dans cette plainte, la plaignante
soutient que le Tribunal canadien du commerce extérieur a commis des
erreurs de compétence, de droit et de faits dans ses conclusions publiées
le 27 juin 1997 selon lesquelles le dumping au Canada des marchandises en
cause a causé un dommage sensible à la production de marchandises
semblables au Canada.
Les marchandises en cause dans la plainte sont certains panneaux de
béton importés ou originaires des États-Unis d'Amérique, qui ont été
définis comme suit:
panneaux de béton, renforcés d'un filet de
fibre de verre, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique et
produits par ou pour le compte de Custom Building Products, ses
successeurs et ayants droit, qui sont utilisés ou consommés dans la
province de la Colombie-Britannique ou dans la province de l'Alberta 1.
II. HISTORIQUE ADMINISTRATIF ET PROCÉDURE DU GROUPE SPÉCIAL
Suite à une plainte de Bed-Roc
Industries Limited (Bed-Roc), producteur domestique des marchandises en
cause, Revenu Canada a commencé une enquête sur les allégations de
dumping le 29 novembre 1996. Le 27 février 1997, Revenu Canada rendait
une détermination provisoire de dumping des marchandises en cause, en vertu
du paragraphe 38(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation
(la LMSI) 2, et a confirmé sa
détermination par une décision finale publiée le 27 mai 1997, en
vertu de l'alinéa 41(1)a) de la LMSI. Revenu Canada a conclu que les
marchandises en cause exportées par la plaignante sur le marché régional
de la Colombie-Britannique et de l'Alberta avaient fait l'objet de dumping
par une marge moyenne pondérée de 35,72 % sur la base des prix
d'exportation calculés en vertu de l'article 24 de la LMSI. Revenu Canada a
par ailleurs conclu que ni la marge de dumping ni le volume réel des
marchandises en cause ayant fait l'objet de dumping n'étaient
négligeables.
Suite à la détermination préliminaire de dumping faite par Revenu
Canada, le TCCE a entrepris une enquête relativement au préjudice,
notamment en tenant des audiences publiques et à huis clos à Vancouver, en
Colombie-Britannique, les 28 et 29 mai 1997. Lors de ces audiences, Bed-Roc
et la plaignante étaient représentées par des avocats, tout comme CGC
Inc. (CGC), société importatrice de marchandises non visées. Le 27 juin
1997, le TCCE a publié ses conclusions établissant que le dumping au
Canada des marchandises en cause originaires ou exportées des États-Unis
d'Amérique a causé un dommage sensible au marché régional canadien. Le
TCCE a publié l'exposé des motifs de sa conclusion le 14 juillet 1997
(Décision du Tribunal).
Le TCCE a conclu que Bed-Roc était le seul
producteur national des marchandises en cause sur le marché régional de la
Colombie-Britannique et de l'Alberta, marché sur lequel la plaignante
vendait les marchandises en cause à des prix de dumping à sa filiale
canadienne à part entière, Custom Building Products of Canada Ltd. (Custom
Canada) dans un but de revente sur le marché régional, et que CGC vendait
des marchandises non visées. Le TCCE a conclu que Bed-Roc avait subi un
dommage causé par les prix de dumping des marchandises en cause de la
plaignante, et il s'est penché sur d'autres facteurs dont il a conclu que
les effets ont été « minimes » 3.
Bien que la plainte ait été déposée le 19 août 1997,
le dépôt des mémoires devant le Secrétariat canadien ne s'est achevé
que le 19 janvier 1998, et le Groupe spécial n'a été constitué que le
4 février 1998. En conséquence, les audiences du Groupe spécial ont
été fixées au 28 mai 1998; considérant ces retards, le Groupe spécial a
pris l'initiative de reporter la date de sa décision au 26 août 1998.
Le 21 mai 1998, il a rendu sa décision sur une autre motion voulant qu'une
lettre de Bed-Roc adressée au Groupe spécial le 16 janvier 1998
constituât une « plaidoirie » et non pas un
« mémoire » dans le cadre de cet examen. En outre, le Groupe
spécial a aussi décidé en même temps que Bed-Roc ne serait pas
autorisée à présenter des arguments oraux devant le Groupe spécial au
sujet de cet examen étant donné qu'elle n'avait pas déposé de mémoire
dans les délais prévus à cet effet.
Le 28 mai 1998, le Groupe spécial
a tenu des audiences publiques et à huis clos pendant lesquelles les
avocats de la plaignante, du TCCE et de CGC ont comparu et ont présenté
des arguments oraux. En outre, au cours de ces audiences, tous les avocats
ont été invités à préparer des mémoires supplémentaires au sujet des
normes d'examen, du fait de l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans
l'affaire Pasiechnyk v. Saskatchewan (Workers' Compensation
Board) 4. La plaignante et le TCCE ont
présenté des mémoires supplémentaires le 4 juin 1998.
Pour les raisons exposées ci-après et sur la base du
dossier administratif, du droit pertinent, des mémoires des participants et
des audiences publiques et à huis clos tenues à Ottawa, en Ontario, le 28
mai 1998, le Groupe spécial confirme la décision du TCCE.
III. NORMES APPLICABLES À L'EXAMEN Le Groupe spécial a été constitué
en vertu de l'article 1904 de l'ALENA afin d'examiner une détermination du
TCCE en vertu de la législation antidumping du Canada. Le Groupe spécial
est tenu d'effectuer un tel examen selon « les lois, le contexte
législatif, les règlements, la pratique administrative et la jurisprudence
pertinents, dans la mesure où un tribunal...[du Canada]…tiendrait compte
de ces facteurs… » 5.
Pour effectuer son examen, le Groupe spécial se
doit d'appliquer les principes juridiques généraux qu'un tribunal canadien
appliquerait à une détermination du TCCE, ainsi que les normes d'examen
énoncées au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale 6.
Le rôle du Groupe spécial est d'appliquer le
droit canadien, y compris le droit administratif pertinent, et d'agir comme
le ferait un tribunal canadien eu égard aux limites établies dans l'ALENA.
Comme l'indique l'ALENA, la procédure du Groupe spécial doit suivre les
mêmes principes que dans le cas d'une demande nationale d'examen judiciaire
de la décision d'un organisme administratif. La norme législative d'examen
de la Loi sur la Cour fédérale 7
(LCF) a été intégrée à l'ALENA et s'applique au Groupe spécial.
Les alinéas 18.1(4) a), c) et d) de la LCF, concernant respectivement la
compétence, le droit et les faits, sont pertinents pour cet examen.
Questions de
compétence
La LCF dispose qu'un tribunal peut octroyer un
correctif s'il a la conviction qu'un organisme administratif:
a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de
l'exercer; 8
Le but de l'examen de compétence est de veiller à ce que tout organisme
administratif se conforme au mandat que lui a attribué le législateur; à
titre d'entité créée par voie législative, un organisme ne peut agir que
dans la limite des pouvoirs qui lui sont consentis dans sa loi organique.
Lorsqu'on traite de la compétence d'un organisme administratif, il est
établi en jurisprudence canadienne que celui-ci doit l'avoir correctement
interprétée. S'il répond incorrectement à une question de compétence et
outrepasse par erreur sa compétence, sa décision sera invalidée. Sur les
questions de compétence, la norme d'examen est le caractère correct de
l'interprétation et aucun tribunal ne défère à l'interprétation de
l'organisme.
Pour décider si une question est une question de
compétence et, partant, assujettie à la norme du caractère correct, le
tribunal applique un critère « pragmatique et fonctionnel » 9. En vertu de ce critère, il examine la loi
pertinente, l'objet de la loi organique de l'organisme, le domaine
d'expertise des membres de l'organisme et la nature du problème. Son souci
est d'établir l'intention du législateur quant à l'entité qui doit
trancher la question en jeu : l'organisme administratif ou la justice.
Les questions d'interprétation qui sont centrales par rapport à la raison
d'être de l'organisme et qui exigent une expertise spécialisée de ses
membres seront probablement jugées comme relevant de la compétence de
l'organisme. Les autres questions relatives à la législation générale et
exigeant l'expertise juridique des tribunaux sont susceptibles d'être
considérées comme des questions de compétence et donc d'être assujetties
à la norme du caractère correct.
Dans les mémoires déposés et les arguments présentés, la plaignante
et le TCCE sont convenus que la norme d'examen est le caractère correct en
ce qui concerne les questions de compétence. Le Groupe spécial est
d'accord et il adopte cette norme pour toute question de compétence.
Questions de droit
En vertu de la LCF, un tribunal peut accorder un
correctif s'il a la conviction qu'un organisme administratif:
c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une
erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier 10.
Sur les questions de droit qui ne sont pas des
questions de compétence, les tribunaux canadiens s'en remettent à
l'interprétation de l'organisme administratif du fait du choix qu'a fait le
législateur en créant ce dernier. En ce qui concerne les clauses
privatives protégeant les organismes contre un examen, les tribunaux ont
décidé de n'intervenir à ce sujet que si l'interprétation de l'organisme
est manifestement déraisonnable 11. En l'absence de clause privative, ils peuvent appliquer
une norme de déférence choisie parmi une gamme de normes dépendant de la
question et de l'organisme en cause 12.
Comme dans Bibeault, les tribunaux appliquent une analyse
fonctionnelle pour choisir la norme adéquate. Les facteurs pris en
considération comprennent le libellé de toute clause privative présente,
l'expertise des membres de l'organisme eu égard à la question en jeu,
l'objet de la loi dans son ensemble et de la disposition pertinente en
particulier, ainsi que la question de savoir si le problème concerne une
question de droit ou de faits. Dans l'arrêt Pezim, la Cour
suprême a décrit ainsi la gamme des normes disponibles:
Compte tenu du grand nombre de facteurs pertinents pour la
détermination de la norme de contrôle applicable, les tribunaux ont
élaboré toute une gamme de normes allant de celle de la décision
manifestement déraisonnable à celle de la décision correcte. Les
tribunaux ont également formulé un principe de retenue judiciaire qui
s'applique à l'égard non seulement des faits constatés par le tribunal,
mais aussi des questions de droit dont le tribunal est saisi en raison de
son rôle et de son expertise. À une extrémité de la gamme, où la
norme du caractère raisonnable de la décision appelle le plus haut
degré de retenue, ce sont les cas où un tribunal protégé par une
véritable clause privative rend une décision relevant de sa compétence
et où il n'existe aucun droit d'appel prévu par la loi...
À l'autre extrémité de la gamme, où la norme de la décision correcte requiert le
moins de retenue relativement aux questions juridiques, ce sont les cas
où les questions en litige portent sur l'interprétation d'une
disposition limitant la compétence du tribunal (erreur dans l'exercice de
la compétence) ou encore les cas où la loi prévoit un droit d'appel qui
permet au tribunal siégeant en révision de substituer son opinion à
celle du tribunal, et où le tribunal ne possède pas une expertise plus
grande que la cour de justice sur la question soulevée, par exemple dans
le domaine des droits de la personne 13.
Dans l'arrêt National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations) 14, la Cour suprême a appliqué la norme du
caractère manifestement déraisonnable en confirmant une conclusion de
préjudice du Tribunal canadien des importations, le prédécesseur du TCCE.
La décision concernait l'imposition de droits compensateurs. On trouvait à
l'époque dans la LMSI une disposition établissant que les décisions du
Tribunal étaient définitives. La Cour a traité
cette disposition comme une clause privative menant à appliquer comme norme
d'examen le caractère manifestement déraisonnable. Cette disposition a
été abrogée lors de la révision de la loi, début 1994 15;
les décisions du TCCE ne sont donc actuellement protégées par aucune
clause privative.
Dans les mémoires qu'ils ont déposés, la plaignante et le TCCE affirment que la norme
d'examen adéquate au sujet des questions de droit est celle qui a été
appliquée dans Pezim, la « retenue considérable »,
norme qui se situe dans la catégorie du caractère manifestement
déraisonnable. Dans son mémoire supplémentaire, le TCCE affirme que cela
représente un degré élevé de retenue, ce qui est adéquat pour le TCCE
même en l'absence de clause privative, étant donné le contexte de
l'expertise du TCCE 16. Le Groupe spécial partage cette opinion et adopte la
norme de la retenue considérable pour l'examen des questions de droit
reliées à la détermination du préjudice, étant donné l'expertise
extrêmement spécialisée du TCCE en matière de réglementation et
d'économie 17. Soulignons que le degré
d'expertise du TCCE est comparé à l'expertise des tribunaux canadiens et
non pas des membres du Groupe spécial binational. En vertu de l'annexe
1901.2 de l'ALENA, les membres du Groupe spécial binational sont
sélectionnés en partie à cause de leur familiarité avec le droit
commercial international, critère qui ne s'applique pas nécessairement à
la sélection des juges canadiens. Le Groupe spécial a néanmoins le devoir
d'effectuer son examen en fonction de la norme nationale et il fera donc
preuve d'une retenue considérable au sujet de l'interprétation par le TCCE
des questions de droit relevant de sa compétence.
Dans l'arrêt Southam, la Cour
suprême du Canada a expliqué la différence entre le caractère
manifestement déraisonnable et une norme intermédiaire ou une norme de
caractère raisonnable:
La différence
entre «déraisonnable» et «manifestement déraisonnable» réside dans
le caractère flagrant ou évident du défaut. Si le défaut est manifeste
au vu des motifs du tribunal, la décision de celui-ci est alors
manifestement déraisonnable. Cependant, s'il faut procéder à un examen
ou à une analyse en profondeur pour déceler le défaut, la décision est
alors déraisonnable mais non manifestement déraisonnable... Cela ne veut
pas dire, évidemment, que les juges qui contrôlent une décision en
regard de la norme du caractère manifestement déraisonnable ne peuvent
pas examiner le dossier. Si la décision contrôlée par un juge est assez
complexe, il est possible qu'il lui faille faire beaucoup de lecture et de
réflexion avant d'être en mesure de saisir toutes les dimensions du
problème (Voir National Corn Growers Assn. [supra]...) Mais une fois que les contours du problème sont
devenus apparents, si la décision est manifestement déraisonnable, son
caractère déraisonnable ressortira 18.
Quel que soit le
degré précis de retenue, il est clair que la tâche du Groupe spécial
porte notamment sur l'examen de la législation et du dossier afin de
prendre une décision sur l'interprétation des questions de droit par le
TCCE. Bien que cet examen puisse être détaillé et ne soit pas limité à
ce qui est patent ou évident, le Groupe spécial convient que la norme
adéquate de « retenue considérable » pour l'examen judiciaire
des décisions de préjudice est sur le plan du résultat très proche de la
norme du caractère manifestement déraisonnable. Au sujet des questions de
droit relevant de sa compétence, le Groupe spécial n'ordonnera le renvoi,
après examen et étude, que s'il conclut que la décision du TCCE ne peut
être justifiée par aucune interprétation raisonnable du droit 19.
Questions de faits
La LCF dispose
qu'un tribunal peut accorder un correctif s'il a la conviction qu'un
organisme administratif:
d) a rendu une décision ou une
ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon
abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose 20.
La plaignante et le
TCCE affirment tous deux que cette disposition décrit la norme du
caractère manifestement déraisonnable appliquée aux questions de faits.
Il est clair que cette disposition appelle un examen des conclusions
factuelles du TCCE. Autrement dit, la norme législative n'est pas de savoir
s'il y a une preuve ou non mais plutôt s'il y a une preuve qui, dans une
interprétation raisonnable, appuie les conclusions de fait du TCCE 21. Le Groupe spécial
convient qu'il est tenu de procéder à l'examen en fonction du caractère
raisonnable, en faisant preuve d'un degré élevé de retenue à la lumière
de l'expertise du TCCE et de son aptitude supérieure à peser et à
évaluer la preuve. Le Groupe spécial n'ordonnera le renvoi que s'il
conclut que la décision du TCCE ne peut être justifiée par aucune
interprétation raisonnable des faits 22.
Le fait que des
questions soient considérées d'ordre factuel ou d'ordre juridique révèle
l'approche qui sera prise pour l'examen. Dans l'arrêt Pezim, la
Cour suprême du Canada s'est penchée sur une allégation d'erreur
concernant le fait de savoir si des informations nouvellement acquises
constituaient un changement matériel dans la valeur des biens corporatifs 23. En se référant à Pezim, la Cour
a formulé dans Southam la distinction suivante entre les questions
de fait et les questions de droit:
Tous étaient d'accord pour dire,
dans cette affaire, que le critère approprié était de déterminer si
les renseignements constituaient un changement important; le débat
portait sur la question de savoir si l'obtention d'un certain type de
renseignements pouvait être qualifiée de changement de cette nature.
Dans une certaine mesure, donc, la question ressemblait à une question de
droit et de fait. Il s'agissait cependant d'une question de droit, en
partie parce que les mots en cause se trouvaient dans une disposition
législative et que les questions d'interprétation des lois sont
généralement des questions de droit, mais aussi parce que le point
litigieux était susceptible de se présenter à nouveau dans bon nombre
de cas dans le futur: le débat concernait les types de renseignements et
non simplement les renseignements particuliers visés par l'instance...
...Il va de soi qu'il n'est pas facile de dire avec précision où doit être tracée la
ligne de démarcation; quoique, dans la plupart des cas, la situation soit
suffisamment claire pour permettre de déterminer si le litige porte sur
une proposition générale qui peut être qualifiée de principe de droit
ou sur un ensemble très particulier de circonstances qui n'est pas
susceptible de présenter beaucoup d'intérêt pour les juges et les
avocats dans l'avenir 24.
Il est donc possible qu'une conclusion
appliquant une règle de droit représente à la fois une question de droit
ayant valeur de précédent et une question de fait, spécifique ou
générale.
On peut tirer une
conclusion générale de plusieurs conclusions particulières. Si le Groupe
spécial décide, d'après la norme d'examen applicable, que l'une ou
plusieurs de ces conclusions particulières ne peuvent être confirmées, il
doit passer à un examen de la conclusion générale. Deux approches sont
possibles, toutes deux fondées sur la retenue à l'égard du TCCE. Si l'on
ne peut établir clairement le poids éventuel à attribuer à la conclusion
particulière, le Groupe spécial peut refuser de réexaminer la preuve et
ordonner le renvoi de l'affaire devant le TCCE pour un réexamen 25. Par contre, conformément à la norme de
retenue examinée ci-dessus, le Groupe spécial ne devrait pas ordonner de
renvoi s'il existe d'autres preuves qui, interprétées raisonnablement,
peuvent valider la conclusion générale.
IV. LA NORME DE CAUSALITÉ
Les motifs d'examen de la plaignante
reposent avant tout sur les conclusions du TCCE en matière de causalité.
La plaignante prétend que le TCCE a appliqué une norme de causalité
juridiquement incorrecte et elle soutient que plusieurs erreurs précises
ont été commises en ce qui concerne l'identification ou l'application de
la norme de causalité adéquate.
L'obligation pour le Tribunal d'effectuer
une analyse de causalité découle du paragraphe 42(1) de la LMSI, qui
dispose notamment que:
42(1)... le Tribunal fait
enquête sur celles parmi les questions suivantes qui sont indiquées dans
les circonstances, à savoir:
a) si le dumping des marchandises en cause ou leur
subventionnement:
(i) soit a causé un dommage ou un retard ou menace de
causer un dommage...
On trouve au paragraphe 2(1) de la LMSI
cette définition de « dommage » : « …dommage
sensible causé à une branche de production nationale ». Bien qu'il
n'y ait dans la LMSI aucune autre précision quant à la nature de la
relation de causalité qu'il faut établir entre les marchandises ayant fait
l'objet de dumping et le dommage sensible, plusieurs facteurs sont énoncés
à ce sujet dans le règlement relevant de la LMSI:
Dommage, retard ou menace de dommage
37.1(1) Les facteurs pris en compte
pour décider si le dumping ou le subventionnement de marchandises cause
un dommage ou un retard sont les suivants :
a) le volume des marchandises
sous-évaluées ou subventionnées et, plus précisément, s'il y a eu
une augmentation marquée du volume des importations des marchandises
sous-évaluées ou subventionnées, soit en quantité absolue, soit par
rapport à la production ou à la consommation de marchandises
similaires;
b) l'effet des marchandises
sous-évaluées ou subventionnées sur le prix des marchandises
similaires et, plus particulièrement, si les marchandises
sous-évaluées ou subventionnées ont, de façon marquée, mené :
(i) soit à la sous-cotation du
prix des marchandises similaires,
(ii) soit à la baisse du prix
des marchandises similaires,
(iii) soit à la compression du
prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de
prix qui par ailleurs se seraient vraisemblablement produites pour ces
marchandises;
c) l'incidence des marchandises
sous-évaluées ou subventionnées sur la situation de la branche de
production nationale et, plus précisément, tous les facteurs et
indices économiques pertinents influant sur cette situation, y compris:
(i) tout déclin réel ou
potentiel dans la production, les ventes, la part de marché, les
bénéfices, la productivité, le rendement sur capital investi ou
l'utilisation de la capacité de la branche de production,
(ii) toute incidence négative
réelle ou potentielle sur les liquidités, les stocks, les emplois,
les salaires, la croissance ou la capacité de financement,
(ii.1) l'importance de la marge
de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour
celles-ci,
(iii) dans le cas des produits
agricoles qui sont subventionnés, y compris tout produit qui est un
produit ou une marchandise agricole aux termes d'une loi fédérale ou
provinciale, toute augmentation du fardeau subi par un programme de
soutien gouvernemental;
d) tout autre facteur pertinent,
compte tenu des circonstances.
(3) En outre, les facteurs pris en
compte pour décider si le dumping ou le subventionnement de marchandises
cause un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage sont les
suivants:
a) s'il y a un lien de causalité
entre le dumping ou le subventionnement des marchandises et le dommage,
le retard ou la menace de dommage, selon les éléments suivants:
(i) le volume et le prix des
importations de marchandises similaires qui ne sont pas
sous-évaluées ou subventionnées,
(ii) la contraction de la
demande pour les marchandises ou des marchandises similaires,
(iii) les changements dans les
modèles de consommation des marchandises ou des marchandises
similaires,
(iv) les pratiques commerciales
restrictives des producteurs étrangers et nationaux, ainsi que la
concurrence qui existe entre eux,
(v) les progrès
technologiques,
(vi) le rendement à
l'exportation et la productivité de la branche de production
nationale à l'égard des marchandises similaires,
(vii) tout autre facteur
pertinent, compte tenu des circonstances;
b) s'il y a des facteurs, autres que le dumping ou le
subventionnement des marchandises, qui ont causé un dommage ou un
retard ou qui menacent de causer un dommage 26.
On trouve ainsi dans la législation trois critères pour pouvoir conclure à un dommage sensible :
dommage sensible; dommage causé par le dumping; et prise en considération
d'autres facteurs pour s'assurer que le dommage causé par ces facteurs
n'est pas attribué à du dumping.
L'obligation internationale qui fonde l'exigence de causalité du paragraphe 42(1) de la LMSI se trouve à
l'article VI:6 de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce, 1994 (« GATT 1994 »), tel que repris par l'Accord
relatif à la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les
tarifs douaniers et le commerce (« Accord antidumping de
l'OMC »), notamment l'article 3 de l'Accord antidumping de l'OMC.
L'article VI:6 du GATT 1994 dispose que:
Aucun membre ne percevra de droits antidumping... à l'importation d'un produit...à moins qu'il ne détermine
que l'effet du dumping...est tel qu'il cause...un préjudice important à
une production nationale établie...
Les parties pertinentes de l'article 3 de l'Accord antidumping de l'OMC, qui précisent cette exigence,
sont les suivantes:
3.1 La détermination de l'existence d'un préjudice aux fins de l'article VI du GATT de 1994 se fondera sur des
éléments de preuve positifs et comportera un examen objectif a) du volume
des importations faisant l'objet d'un dumping et de l'effet de ces
importations sur les prix des produits similaires sur le marché intérieur,
et b) de l'incidence de ces importations sur les producteurs nationaux de
ces produits.
3.2 ... Pour ce qui concerne l'effet des importations faisant l'objet d'un dumping sur les prix, les autorités
chargées de l'enquête examineront s'il y a eu, dans les importations
faisant l'objet d'un dumping, sous-cotation importante du prix par rapport
au prix d'un produit similaire du pays importateur, ou si ces importations
ont, d'autre façon, pour effet de déprimer les prix de façon importante
ou d'empêcher de façon importante des hausses de prix qui, sans cela, se
seraient produites....
3.5 Il devra être démontré que les importations faisant l'objet d'un dumping causent, par les effets du
dumping, tels qu'ils sont définis aux paragraphes 2 et 4 du présent
article, un préjudice au sens où l'entend le présent accord. La
détermination d'un lien de causalité entre les importations faisant
l'objet d'un dumping et le préjudice causé à la branche de production
nationale se fondera sur l'examen de tous les éléments de preuve
pertinents dont disposent les autorités. Celles-ci examineront aussi tous
les éléments connus autres que les importations faisant l'objet d'un
dumping qui, au même moment, causent un préjudice à la branche de
production nationale, et les préjudices causés par ces autres éléments
ne devront pas être imputés aux importations faisant l'objet d'un dumping...
Pour bien saisir l'effet du GATT 1994, de l'article VI:6 et de l'article 3 de l'Accord
antidumping de l'OMC, il importe de ne pas oublier que le TCCE applique ces
obligations dans la mesure où elles sont intégrées à la LMSI et à son
Règlement27. Pour interpréter la
législation adoptée dans le but de mettre en oeuvre les obligations
internationales, le Tribunal peut raisonnablement examiner la loi nationale
dans le contexte de l'obligation internationale. Il doit s'efforcer
d'arriver à une interprétation conforme à l'obligation internationale
pertinente 28. Tel est le cas ici :
l'examen des dispositions pertinentes de la LMSI et de son Règlement permet
au Groupe spécial de penser qu'elles sont sensiblement similaires aux
dispositions comparables du GATT 1994 et de l'Accord antidumping de l'OMC.
Dans leurs mémoires et plaidoiries, les
avocats de la plaignante et du TCCE ont mis l'accent sur certains aspects de
la norme de causalité énoncés dans des décisions antérieures du TCCE,
par des tribunaux et par des groupes spéciaux nationaux de l'ALENA.
L'avocat de la plaignante a insisté sur la nécessité d'obtenir des
preuves positives que le dumping a « en soi » causé un dommage
matériel. Il a aussi affirmé que le TCCE, en faisant l'analyse de
causalité requise, était tenu de considérer le prix comme un facteur
essentiel, et que la preuve devait démontrer l'existence d'un préjudice
aux deux niveaux macro- et micro-économiques. En contrepartie, l'avocat du
TCCE a dit que la nature exacte de la relation de causalité entre les
importations sous-tarifées et le dommage sensible était une question qui
relevait de l'expertise du TCCE et qu'il n'y avait aucune norme
particulière pour juger l'analyse de causalité du TCCE.
Selon le Groupe
spécial, ces arguments ne sont pas nécessairement contradictoires; en
fait, ils tombent dans le cadre de la norme que le TCCE était tenu
d'appliquer. Il convient de souligner que la LMSI ne précise pas la nature
exacte de la relation de causalité qui doit être établie entre les
importations sous-tarifées et le dommage sensible, dans le cadre de
l'alinéa 42(1)a)(i) de la LMSI. Dans des décisions antérieures, les
tribunaux et un groupe spécial binational de l'ALENA ont conclu que la
détermination de la causalité relève de l'expertise du TCCE 29. Dans la décision
sur Certains produits en tôle d'acier résistant à la corrosion,
le groupe spécial binational a conclu que la causalité est en grande
mesure une question de fait et qu'il « …est clair que la
détermination de la cause en vertu de l'article 42 de la LMSI relève de la
compétence du TCCE et se situe au coeur même de l'expertise du
TCCE » 30.
Pour ce qui est du critère de dommage sensible énoncé au paragraphe
42(1) de la LMSI, il est clair que le dommage peut prendre plusieurs formes.
Il peut s'agir d'une perte de ventes, d'une limitation des prix ou d'une
érosion des prix. Dans Ficelle synthétique pour ramasseuse-presse, le
groupe spécial binational a conclu que des importations sous-tarifées
peuvent être une cause de dommage sensible même s'il ne s'agit pas
toujours ni même dans la plupart des cas des importations les meilleur
marché. Ce qui est exigé, c'est que l'on montre que les importations
sous-tarifées contribuent à un degré suffisant à une érosion des prix,
à une limitation des prix ou à une perte de ventes 31.
Pour ce qui est de la causalité, il convient de faire une distinction entre
les effets du dumping et la simple présence de marchandises sous-tarifées
sur le marché. Pour exprimer cette distinction, divers organismes ont dit
qu'il faut que le dumping ait « en soi » causé un dommage
sensible. Selon le Groupe spécial, cette expression n'est que l'une de
celles qui s'offrent pour exprimer l'exigence que le dumping ait été une
cause effective de dommage possible. C'est en fait une autre manière
d'exprimer l'obligation de prouver l'existence d'un noyau causal ou d'un
lien rationnel entre les marchandises sous-tarifées et le dommage sensible.
D'autres groupes spéciaux binationaux établis en vertu de l'ALENA ont
rendu des décisions dans lesquelles ils ont utilisé ces diverses
expressions pour exprimer le même sens 32.
Pour ce qui est de savoir dans quelle mesure le dumping doit avoir causé le dommage sensible, les arrêts des tribunaux
et les décisions de groupes spéciaux binationaux antérieurs ont
clairement établi que le dumping ne doit être « qu'une » cause
du dommage. À cet égard, le Groupe spécial partage la conclusion suivante
du Groupe spécial binational dans la décision Certains produits plats
de tôle d'acier au carbone laminés à chaud :
La LMSI ne précise
pas en soi le degré du lien de causalité devant exister entre le dumping
et le préjudice sensible ni les critères à examiner dans une analyse du
lien de causalité. Dans des causes antérieures, le Tribunal ou son
prédécesseur a conclu que les importations sous-évaluées constituaient
une cause «importante»(81) ou «directe»(82) du préjudice ou qu'une
«partie importante»(83) du préjudice était attribuable aux effets du
dumping. Plus récemment, dans l'affaire Tapis produits sur machines à
touffeter(84), le Tribunal a conclu que les importations sous-évaluées
devaient constituer «une cause» du préjudice sensible. Il n'existe aucune
norme administrative que nous pourrions appliquer pour évaluer l'analyse du
Tribunal en l'espèce. Dans une certaine mesure, cette situation est
peut-être inévitable, car les analyses du Tribunal reposent en grande
partie sur des analyses économiques et des analyses du marché se
rapportant à divers produits et industries, lesquelles peuvent indiquer
qu'une importance différente doit être attribuée à différents facteurs
selon le cas 33.
Bien qu'il ne soit pas nécessaire que le dumping soit la seule cause de
dommage sensible, il convient de distinguer cette cause des autres dans le
but de s'assurer que le dommage causé par ces autres facteurs n'est pas
attribué au dumping. Et c'est au TCCE, du fait de son expertise, qu'il
appartient d'évaluer les autres facteurs ou causes de dommage 34. En revanche,
le TCCE n'est pas tenu de quantifier précisément ni d'expliciter l'incidence de toutes
les autres causes potentielles pour déterminer si le dommage sensible a
été causé par des marchandises sous-tarifées 35.
Le dernier élément
important pour déterminer la causalité est la nature et l'ampleur des
preuves requises. Dans son mémoire, la plaignante invoque un passage de la
décision Tapis produits sur machines à touffeter indiquant que
l'utilisation du mot « démontré » dans l'Accord antidumping de
l'OMC et dans le texte prédécesseur « ...semble exiger une
démonstration ou une analyse allant au-delà des conclusions d'un tribunal
expert » 36. Selon le Groupe
spécial, cette formulation correspond à celle d'autres groupes spéciaux
binationaux. Par exemple, dans la décision Certains produits plats de
tôle d'acier au carbone laminés à chaud, le groupe spécial
binational a considéré que la norme décrite comme « une preuve
positive démontrant une relation de causalité entre le dumping et le
dommage sensible » 37 n'était pas
foncièrement déraisonnable. Selon le Groupe spécial, il n'existe aucune
différence notable entre ces deux expressions de la norme d'évaluation de
la preuve requise pour conclure que le dumping a causé un dommage sensible.
Toutes les deux expriment la nécessité d'avoir certaines preuves fiables
établissant un lien de cause à effet entre les importations sous-tarifées
et le dommage. On ne trouve dans la loi aucune justification de la
distinction faite par la plaignante entre une preuve micro-économique et
une preuve macro-économique; si l'exigence d'une preuve fiable est
satisfaite, rien ne justifie que l'on exige une preuve macro-économique et
une preuve micro-économique dans chaque cas, ni que l'on fasse
obligatoirement une distinction entre les deux. À cet égard,
le Groupe spécial constate que la Cour suprême du Canada a conclu qu'un
tribunal a le droit de faire des déductions à partir de la preuve pour
trouver un lien de cause à effet ou un dommage 38.
Question
(a)
Affirmation de la plaignante:
En concluant que
les ventes de Custom Canada à CanWel et à d'autres clients avaient fait
l'objet de dumping à une marge moyenne pondérée de 36 %, le tribunal
a tiré une conclusion que ne justifie aucune preuve fournie et il a donc
commis une erreur de fait révisable 39.
Dans sa décision, le TCCE a dit que:
Vers la fin de 1995, Custom Canada a pressenti CanWel et, au printemps de 1996, a réussi à conclure
un accord avec CanWel pour la distribution de ses panneaux de béton.
Comme il ressort clairement de la décision définitive du sous-ministre,
ces ventes à CanWel, ainsi que les ventes de Custom Canada à d'autres
clients, ont été effectuées à des marges moyennes pondérées de
dumping de 36 %.
La décision définitive du 27 mai 1997 du Sous-ministre comprend ce qui suit:
Comme Custom Building Products of Canada est une filiale à part entière de
l'exportatrice, le Ministère a effectué un test de fiabilité des prix
de vente déclarés avant la détermination préliminaire. La comparaison
des prix d'exportation calculés en vertu de l'article 24 et de l'alinéa
25(1)c) de la LMSI a révélé que les prix de vente déclarés étaient
acceptables pour déterminer les prix d'exportation. En conséquence, les
prix d'exportation ont été déterminés en vertu de l'article 24 de la
LMSI 40.
La plaignante affirme qu'il n'existe aucune preuve en vertu de laquelle le TCCE pouvait
conclure à l'existence d'un dumping à une marge moyenne pondérée de
36 % étant donné qu'une telle marge de dumping n'a été constatée
que dans le cadre des ventes intra-entreprises de la plaignante à sa
filiale canadienne à part entière, Custom Canada 41.
Selon la plaignante, comme les prix d'exportation
n'étaient pas fondés sur les reventes de Custom Canada, la détermination
définitive de dumping par le sous-ministre ne contient aucune analyse utile
des prix exigés par Custom Canada à CanWel ou à tout autre client, et
elle dit peu de choses sur une marge de dumping éventuelle à laquelle
Bed-Roc aurait été confrontée sur le marché 42.
La plaignante affirme qu'il s'agit là d'une lacune
dans la preuve, étant donné que rien ne prouve que la marge de dumping ait
été transférée aux clients du marché Canada 43.
La plaignante conclut que le dossier doit être
renvoyé étant donné que le TCCE ne saurait tout simplement supposer que
la marge a été transférée, et que l'erreur imprègne toute l'analyse de
causalité du TCCE 44.
Le TCCE affirme que le passage identifié par la plaignante doit être interprété comme
une conclusion que toutes les ventes de Custom Canada à ses clients ont
bénéficié des prix sous-tarifés auxquels les marchandises en cause
étaient vendues par la plaignante 45. Le
TCCE ajoute par ailleurs qu'il n'est pas tenu de déterminer si les
acheteurs ont bénéficié de la marge de dumping, et que le lien de
causalité entre le dumping et le dommage est confirmé par la preuve
présentée au TCCE.
En vertu de la LMSI, le sous-ministre a le devoir de déterminer s'il y a eu
effectivement du dumping et, dans l'affirmative, de déterminer la marge de
dumping. Pour ce qui est du TCCE, son rôle est d'établir non pas la marge
de dumping mais plutôt la question du dommage sensible. Autrement dit, la
question qu'il doit se poser ne concerne pas la marge de dumping mais
plutôt le lien éventuel de cause à effet entre le dumping et le dommage
sensible46.
C'est à l'article 24 de la LMSI que l'on trouve la méthode principale de détermination du prix d'exportation d'un
produit, l'article 25 comportant une autre méthode d'établissement d'un
tel prix d'exportation dans certaines circonstances où l'article 24 n'est
pas adéquat. On peut se servir de l'article 25 de la LMSI pour déterminer
le prix d'exportation d'un produit lorsqu'on a conclu qu'un prix
d'exportation établi en vertu de l'article 24 n'est pas fiable parce que la
vente des marchandises en cause a été faite entre des parties associées.
Cela résulte de l'alinéa 25(1)b) de la LMSI qui permet d'utiliser
l'article 25 au lieu de l'article 24 pour déterminer le prix d'exportation
si « le sous-ministre est d'avis que le prix à l'exportation des
marchandises importées, établi selon l'article 24, est sujet à caution.»
Le TCCE a constaté que le sous-ministre avait fondé les prix d'exportation sur les prix de
transfert de la plaignante à Custom Canada 47.
Toutefois, dans la partie de la décision invoquée ci-dessus par la
plaignante, le TCCE a appliqué la marge moyenne de dumping aux reventes de
Custom Canada à ses clients. Le Groupe spécial convient avec la plaignante
que cette affirmation, c'est-à-dire que les reventes ont été effectuées
à une marge de dumping de 36 %, constitue une erreur de fait
puisqu'elle n'est pas justifiée par le matériel présenté au TCCE.
En outre, le Groupe spécial conclut aussi que l'hypothèse du TCCE que la marge de moyenne pondérée de
36 % s'appliquait aux reventes de Custom Canada constitue une
interprétation de la LMSI qui ne peut être justifiée par aucune
interprétation raisonnable de la loi et qu'il s'agit donc d'une erreur de
droit. Le critère de fiabilité du sous-alinéa 25(1)b)(i) de la LMSI
interdit à des parties liées de pratiquer du dumping caché en important
un produit à un prix de transfert gonflé pour le revendre ensuite au
Canada à un prix sous-tarifé. Si le critère de fiabilité avait produit
des marges de dumping plus élevées en utilisant les prix de revente de
Custom Canada, le sous-ministre aurait pu utiliser ces prix de revente pour
calculer les prix d'exportation. Le fait que le sous-ministre ait conclu que
les prix de transfert trouvés dans cette enquête étaient fiables
n'indiquent pas que les prix de revente de Custom Canada auraient produit la
même marge moyenne de 36 %.
Comme le Groupe spécial convient
avec l'avocat du TCCE que le TCCE n'est pas tenu de retracer la marge de
dumping à chaque palier du réseau de distribution jusqu'à l'utilisateur
final, le Groupe spécial n'ordonne pas de renvoi sur cette question. Une
fois que l'on a conclu que des importations ont fait l'objet de dumping,
rien n'exige que les marges soient calculées à chaque palier
intermédiaire, que ce soit par le sous-ministre ou par le TCCE. L'enquête
du TCCE consiste à déterminer la présence ou
l'absence de preuve quant à l'existence d'un effet de prix tel que
l'érosion des prix, la limitation des prix, la sous-tarification ou la
perte de ventes, et non pas d'effectuer des comparaisons directes de prix
quelconques avec des valeurs normales telles qu'établies en vertu de la
LMSI, ni à retracer les marges de dumping. Il ne s'agit pas ici d'une
situation dans laquelle les erreurs entachent toute la décision ni exigeant
que le dossier soit renvoyé au TCCE pour un réexamen expert de la preuve 48. Comme l'explique le Groupe spécial
ailleurs dans cette décision, le TCCE a obtenu du matériel appuyant sa
conclusion de causalité; en conséquence, le Groupe spécial n'ordonne pas
le renvoi de ce dossier sur cette question.
Question (b)
Affirmation de la plaignante:
En concluant que l'établissement de nouveaux arrangements de tarification entre la
plaignante et Custom Canada était un élément établissant la causalité,
le tribunal a fait l'erreur de n'entreprendre aucune analyse particulière
de la manière dont ces arrangements auraient pu avoir en soi un effet
particulier sur les prix de marchandises similaires au Canada et il a donc
commis une erreur révisable de droit et de fait 49.
Le TCCE a conclu que l'accord de prix de transfert de la plaignante avec Custom Canada
en septembre 1995 était un facteur ayant causé un dommage à Bed-Roc.
Selon le TCCE, cet accord autorisait la plaignante à vendre directement ses
panneaux de béton à Custom Canada au prix coûtant majoré de 5 %, ce
qui représentait 25 % de moins que les prix antérieurement payés à
la plaignante. Grâce à ces bas prix, Custom Canada a fait des ventes à
des prix très avantageux au Canada 50.
Le TCCE a aussi déterminé que la plaignante et Custom Canada, outre leur entente de
prix de septembre 1995, avaient éliminé l'avantage dont jouissait Bed-Roc
au chapitre des frais de transport sur le marché canadien, ce qui
augmentait d'autant l'avantage de prix dont jouissait Custom Canada par
rapport à Bed-Roc 51. À ce sujet, le TCCE a expliqué que le coût
d'expédition de panneaux importés des États-Unis au Canada est un
élément important du prix ultime acquitté par les consommateurs canadiens
étant donné que les panneaux de béton sont un produit relativement
volumineux. Le TCCE a conclu que, pour réduire cet
élément de prix, Custom Canada a acquitté les frais de transport d'une
partie considérable des expéditions achetées à la plaignante et en a
assuré la livraison à ses clients de Colombie-Britannique et d'Alberta,
alors qu'il s'agissait de marchandises ayant déjà bénéficié de
l'entente de prix de septembre 1995 52.
Le TCCE a déterminé que ces stratégies complémentaires de prix ont permis à
Custom Canada d'offrir des baisses de prix pour attirer des clients. Sans
l'avantage des prix de dumping offerts par la cliente, dit le TCCE, Custom
Canada n'aurait pas été en mesure de tarifer ses produits de manière
aussi agressive qu'elle l'a fait 53. Considérant cette preuve, le TCCE a conclu que le
dumping de marchandises par la plaignante a causé un dommage à Bed-Roc 54.
Le TCCE n'a commis aucune erreur de droit ou de fait en concluant que le changement de l'entente de prix de transfert
entre Custom Canada et la plaignante avait été un facteur important de
dommage pour Bed-Roc. Il existe un lien logique clair entre la preuve
présentée au TCCE et la conclusion de celui-ci. En acceptant,
comme nous le devons, la détermination du sous-ministre quant à
l'existence de dumping par la plaignante, et considérant la preuve de
l'existence et de l'incidence de la nouvelle entente de prix de transfert
susmentionnée, il est raisonnable de conclure que les marchandises
sous-tarifées de la plaignante ont joué un rôle important dans les prix
agressifs de Custom Canada après septembre 1995. De fait, le TCCE a cité
une preuve fondant sa conclusion : un employé de Custom Canada a
témoigné que Custom Canada avait besoin d'obtenir des bas prix de la
plaignante pour pouvoir abaisser ses propres prix 55.
Le TCCE a constaté aussi que Custom Canada a
enregistré une forte expansion de ses ventes à un moment où les prix
étaient généralement en baisse 56. Étant
donné cet élément de preuve, il est raisonnable
de conclure, comme l'a fait le TCCE, que le dumping de la plaignante à
Custom Canada a causé un dommage à Bed-Roc 57.
La plaignante prétend que le TCCE a fondé par erreur sa conclusion à cet égard sur
l'affirmation que « ces ventes à CanWel, ainsi que les ventes de
Custom Canada à d'autres clients, ont été effectuées à des marges
moyennes pondérées de dumping de 36 % » 58. La plaignante soutient que
le Sous-ministre n'a rendu aucune décision quant au fait de savoir si les
ventes de Custom Canada à CanWel avaient été faites à des prix de
dumping 59. Toutefois, en vertu des articles
24 et 25 de la LMSI, qui régissent la décision du sous-ministre, le
sous-ministre n'est pas tenu de déterminer si des ventes faites par une
entité canadienne à une autre l'ont été à des prix de dumping.
Comme nous l'expliquons ci-dessus, puisque le sous-ministre n'a pas déterminé si les ventes de Custom Canada
à CanWel avaient été faites à des prix de dumping, l'affirmation du TCCE
que « ces ventes à CanWel... ont été effectuées à des marges
moyennes pondérées de dumping de 36 % » est inexacte.
Néanmoins, le TCCE est certainement autorisé à tirer des déductions
raisonnables sur les questions relevant de son expertise, notamment sur la
question de savoir si les ventes de Custom Canada à CanWel reflétaient les
avantages du dumping des ventes à Custom Canada.
Comme nous venons de le résumer, le dossier contient amplement la preuve nécessaire
pour appuyer la conclusion du TCCE, c'est-à-dire que les prix offerts par
Custom Canada à ses clients reflétaient en partie ou en totalité les prix
de dumping des ventes de la cliente à Custom Canada. En particulier, le
TCCE a constaté que Custom Canada s'est mise à offrir des prix plus bas à
ses clients peu après que la plaignante eut abaissé les prix qu'elle
pratiquait avec Custom Canada 60.
La plaignante affirme que le TCCE n'a pas achevé la troisième étape de l'analyse de
causalité - la prise en considération des autres facteurs pour s'assurer
que le dommage causé par ces derniers n'est pas attribué au dumping.
Devant le TCCE, la plaignante a prétendu que les causes réelles du dommage
causé à Bed-Roc étaient l'incapacité de Bed-Roc à vendre à l'échelle
nationale, son manque de personnel de vente spécialisé, et les ventes de
CGC61.
Toutefois, le TCCE a effectivement tenu compte de ces facteurs et il a
conclu que, malgré ces désavantages potentiels, Bed-Roc avait réussi à
obtenir une place solide sur le marché avant que la plaignante n'abaisse
ses prix. Le TCCE a jugé que, puisque le dommage
subi par Bed-Roc faisait suite à une baisse des prix de la plaignante, tous
ces autres facteurs restant relativement constants, le dommage avait été
causé au moins en partie par le changement de prix 62.
En conséquence, le Groupe spécial a conclu que la conclusion du TCCE
était justifiée par une prise en considération adéquate des autres
facteurs.
De même,
la plaignante prétend que le TCCE aurait dû tenir compte d'une différence
entre les produits vendus par Custom Canada et par Bed-Roc. Custom Canada
vendait des panneaux de ½ pouce d'épaisseur que l'on a dit être plus
attrayants pour les consommateurs que les panneaux de 7/16 d'épaisseur de
Bed-Roc étant donné qu'ils ont la même épaisseur que le gyproc et sont
donc plus faciles à utiliser. Cela semble vouloir dire que les
consommateurs choisissaient les produits de Custom Canada à cause de leur
facilité d'utilisation, pas à cause de leur bas prix 63. L'étude des préférences
des consommateurs effectuée par le TCCE a cependant constaté que ceux-ci
attachent beaucoup d'importance au prix 64.
Le TCCE pouvait donc raisonnablement conclure que,
même si les panneaux de ½ d'épaisseur ont pu être préférés, le prix
était un facteur plus important dans la décision d'achat. De plus, des
employés de Custom Canada ont dit au TCCE qu'ils savaient que la société
devrait baisser ses prix pour attirer de nouveaux clients 65.
Ce témoignage confirme la conclusion du TCCE qu'il y a eu un lien de cause
à effet entre le dumping et le dommage.
La plaignante
affirme aussi que le dommage de Bed-Roc a été causé non pas par les bas
prix du marché mais par l'incapacité de Bed-Roc à produire des panneaux
de ½ pouce d'épaisseur, lesquels, dit-elle, coûtent moins cher à
produire que les panneaux de 7/16 pouce d'épaisseur 66.
Toutefois, nonobstant le coût de production de panneaux de 7/16 pouce
d'épaisseur, le TCCE a comparé la différence de coût à la baisse de
prix de la plaignante et il a pu raisonnablement en déduire que la baisse
de prix avait été un facteur du dommage subi par Bed-Roc.
Question
(c)
Argument de la plaignante:
En concluant
que les allégations de Bed-Roc en matière d'érosion des prix et de perte
de ventes chez des clients particuliers étaient essentiellement
justifiées, le Tribunal a appliqué une norme de causalité juridiquement
incorrecte et il a donc outrepassé sa compétence. Une autre conclusion est
que le Tribunal a commis une erreur de droit révisable en appliquant une
norme de causalité incorrecte 67.
Le TCCE a
dit avoir examiné les allégations d'érosion des prix et de perte de
ventes de Bed-Roc et avoir conclu qu'elles étaient « dans une large
mesure » accréditées. Le TCCE a conclu que « le total des
ventes que Bed-Roc a perdues » à cause de l'érosion des prix et des
ventes avait « contribué pour beaucoup au dommage subi par la
société », bien que ce total n'ait pas été considérable. Le TCCE
dit ensuite que le facteur le plus important était que les ventes de
marchandises sous-tarifées de Custom Canada à un distributeur, CanWel, ont
permis à CanWel d'abaisser ses prix pour ces clients qu'elle avait réussi
à prendre à Bed-Roc et que cela a eu des conséquences négatives sur les
prix d'ensemble de Bed-Roc et a obligé Bed-Roc à abaisser ses prix pour
ses autres clients 68. Lors de l'audience du 28
mai 1997 devant le TCCE, un témoin de CanWel est convenu que CanWel avait
eu besoin d'une aide sur le plan des prix pour faire concurrence à Bed-Roc 69.
Selon la plaignante,
les conclusions du TCCE sont déficientes à deux égards. Premièrement, la
plaignante répète son argument antérieur que le TCCE a conclu
incorrectement que Custom Canada avait vendu à CanWel à des prix de
dumping 70. Deuxièmement,
la plaignante affirme que la conclusion du TCCE constituait une erreur de
compétence étant donné que le TCCE n'avait pas expliqué comment Bed-Roc
avait perdu certains clients désignés dans ses allégations de perte de
ventes 71. Selon la plaignante,
Bed-Roc a perdu certains clients sans que cela ait eu à voir avec les prix 72. En se fondant sur
cette allégation, la plaignante affirme que le TCCE a commis une erreur de
compétence en concluant à une relation de cause à effet sans tenir compte
des prix pratiqués avec ses clients, étant donné que le TCCE aurait
apparemment analysé les effets des importations sous-tarifées plutôt que
les effets du « dumping » de Custom Canada 73.
La plaignante affirme aussi, comme autre argument,
que la conclusion du TCCE constituait une erreur de droit 74.
L'avocat du TCCE a répondu en commençant par souligner que l'analyse de prix de la
plaignante à l'égard d'un seul client n'est pas exacte 75.
Il a ensuite affirmé que, quelle que soit la
relation entre les prix de CanWel et ceux de Bed-Roc pour certains clients,
CanWel a sensiblement abaissé ses prix à ces clients en réponse aux
efforts déployés par Bed-Roc pour les récupérer 76.
Il a enfin déclaré que le TCCE avait correctement
conclu que l'érosion et la limitation des prix causées par la vente de
marchandises sous-tarifées avaient causé un dommage sensible à Bed-Roc
puisque celle-ci avait été obligée d'abaisser encore plus ses prix pour
tenter de préserver et de regagner sa part de marché 77.
Le Groupe spécial conclut que le TCCE a raisonnablement déduit que les ventes de Custom Canada à CanWel
reflétaient l'avantage du dumping, pour les raisons déjà expliquées.
Pour ce qui est du deuxième argument de la plaignante, concernant les
allégations de ventes perdues et d'érosion des prix de Bed-Roc, il importe
tout d'abord de déterminer si l'analyse prétendument erronée du TCCE
soulève une question de compétence, de droit ou de fait, étant donné que
la réponse à cette question établira la norme d'examen pertinente. Si la
décision du TCCE pose un problème de compétence, la norme d'examen
applicable est celle du caractère correct. Si la décision du TCCE pose un
problème de droit, la norme est celle de la retenue considérable. Si la
décision du TCCE pose un problème de fait, la norme est celle du
caractère manifestement déraisonnable.
Comme nous l'avons déjà indiqué, toute question d'interprétation qui est centrale par rapport à la raison
d'être de l'organisme administratif et qui exige que ses membres
témoignent d'une expertise spécialisée sera probablement jugée comme
relevant de la compétence de l'organisme. La question qui se pose ici
concerne l'analyse par le TCCE des allégations de perte de ventes et
d'érosion de prix de Bed-Roc et la conclusion subséquente du TCCE que
« le total des ventes perdues » par Bed-Roc (expression qui,
prise dans son contexte, englobe les pertes dues à la fois à la perte des
ventes et à l'érosion des prix) a contribué au dommage sensible de
Bed-Roc.
En vertu du sous-alinéa 42(1)a)(i) de la LMSI, le TCCE a le pouvoir de mener une enquête:
a) si le dumping des marchandises en cause ou leur subventionnement:
(i) soit a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage...
Le pouvoir du TCCE d'effectuer une telle analyse et d'établir une relation de cause à effet sur la base de
cette analyse est un élément central des pouvoirs consentis en vertu de la
LMSI. Le TCCE a fait usage de son expertise spécialisée en appliquant les
exigences établies par l'article 42 de la LMSI aux faits établis par son
investigation. Il s'agit là de la raison d'être même du TCCE. Pour ces
raisons, nous ne voyons ici aucune question de compétence. Nous concluons
aussi que l'interprétation du TCCE en fut une qu'il pouvait raisonnablement
faire et qu'elle ne pose donc pas de question de droit. La question posée
est plutôt une question de fait.
La plaignante
fait erreur en fondant son argumentation sur Sous-ministre M.R.N.,
Douanes et accise, c. General Electric Canada Inc 78. Dans cette cause,
en effet, la Cour d'appel fédérale a conclu que le TCCE avait outrepassé
sa compétence en faisant une détermination qui relevait de la compétence
du sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, comme cela est
expressément prévu au sous alinéa 38(1)a)(ii) de la LMSI 79.
Or, dans la cause dont nous sommes saisis, le TCCE a interprété et
appliqué l'article 42 de la LMSI qui identifie explicitement le TCCE comme
organisme habilité à appliquer cette disposition.
En résumé, le TCCE n'a pas outrepassé sa compétence ni commis d'erreur de droit en déterminant que
les allégations de perte de ventes et d'érosion de prix de Bed-Roc
appuyaient son affirmation qu'elle avait subi un dommage sensible suite aux
importations de marchandises vendues en dumping. En conséquence, le Groupe
spécial appliquera la norme d'examen prévue pour une question de fait, à
savoir le caractère manifestement déraisonnable, pour examiner la décision du TCCE.
En ce qui concerne les erreurs de fait, la norme du caractère manifestement déraisonnable oblige le Groupe
spécial à confirmer la décision du TCCE si celle-ci peut être justifiée
par toute interprétation raisonnable des faits. D'après cette norme, le
Groupe spécial conclut que l'analyse par le TCCE des allégations de perte
de ventes et d'érosion de prix de Bed-Roc et sa conclusion que le total des
ventes perdues par Bed-Roc a contribué au dommage sensible qu'elle a subi
à cause des importations vendues en dumping n'est pas manifestement
déraisonnable.
Premièrement, contrairement à ce que dit la plaignante, la conclusion par le TCCE que les allégations de
perte de ventes et d'érosion de prix de Bed-Roc étaient « dans une
grande mesure » accréditées ne reposait pas seulement sur la
conclusion par le TCCE que toutes les allégations de perte de ventes de
Bed-Roc étaient correctes. Deuxièmement, la plaignante n'est pas parvenue
à justifier ses allégations concernant les sept autres clients retenus. Le
prix de CanWel n'était pas constamment supérieur
à celui de Bed-Roc et, de plus, CanWel a abaissé ses prix pour un nombre
non négligeable des clients examinés 80.
La vente par Custom Canada à CanWel de marchandises importées par la
plaignante à des prix de dumping a certainement contribué à la capacité
de CanWel d'abaisser ses prix pour ces clients.
Troisièmement, la plaignante n'a pas réfuté la preuve montrant que les prix de Bed-Roc
ont subi une érosion au cours des années 81. Le témoignage de Bed-Roc au cours de l'audience
a amplement établi un lien entre cette érosion et la concurrence de prix
émanant de Custom Canada et de son distributeur, CanWel. Quatrièmement, l'accent mis par la plaignante sur les
allégations particulières de ventes perdues ne tient pas compte de toutes
les autres preuves d'érosion de prix figurant au dossier 82.
Certes, la décision du TCCE aurait pu être plus
claire en ce qui concerne la question de savoir si le TCCE avait tenu compte
uniquement des ventes perdues par Bed-Roc ou de ses ventes perdues
conjuguées aux allégations d'érosion des prix de Bed-Roc, mais
l'utilisation par le TCCE de l'expression « le total des ventes
perdues » 83 montre que le TCCE a tenu
compte des deux indicateurs de dommage dans son analyse. Il n'était donc
pas manifestement raisonnable pour le TCCE de se fonder sur tous ces
éléments de preuve pour conclure que les allégations de perte de ventes
et d'érosion de prix de Bed-Roc étaient « dans une grande
mesure » accréditées.
La plaignante
prétend néanmoins que le TCCE, en déterminant que Bed-Roc a subi un
dommage à cause d'importations à bas prix, n'a pas tenu compte de manière
adéquate des comparaisons de prix entre Bed-Roc et CanWel au sujet de
clients particuliers 84. Toutefois, comme
nous l'avons indiqué, cela n'est pas uniformément le cas et, plus
important encore, l'écart historique entre le prix de Custom Canada et
celui de Bed-Roc a baissé de manière spectaculaire avec le temps, ce qui a
rendu CanWel beaucoup plus compétitive par rapport à Bed-Roc. En conséquence, le TCCE ne s'est pas fondé uniquement
sur les différences de prix entre CanWel et Bed-Roc comme indicateur de
causalité. Il a plutôt considéré « le total des ventes
perdues » par Bed-Roc comme exemple de la capacité de CanWel à
baisser ses prix pour ses autres clients suite à la vente des marchandises
en cause par Custom Canada à CanWel à des prix de dumping 85.
Que Bed-Roc ait été ou non prête à vendre à des prix plus bas que
CanWel dans ces circonstances particulières pour préserver sa part de
marché, les ventes perdues constituent une preuve convaincante que les
ventes par CanWel de marchandises sous-tarifées achetées à Custom Canada
ont limité les prix, ce qui a contribué sérieusement au préjudice subi
par Bed-Roc. En conséquence, le fait que le TCCE
se soit fondé en partie sur la preuve d'une perte de ventes de Bed-Roc pour
tirer sa conclusion de causalité repose sur une interprétation raisonnable
des faits établis au dossier 86.
Question (d)
Argument de la plaignante:
En concluant que l'établissement d'une nouvelle entente de distribution entre Custom
Canada et CanWel a été « la goutte qui a fait déborder le
vase », et en tenant compte dans son analyse de causalité des ventes
perdues par Bed-Roc à CanWel à cause de cette nouvelle entente de
distribution, le Tribunal a commis une erreur de droit révisable ou a tiré
une conclusion qui n'est justifiée par aucun élément de preuve au dossier
87.
Le TCCE
a conclu que l'accord de distribution de CanWel avec Custom Canada a été
« la goutte qui a fait déborder le vase » de Bed-Roc 88. Le TCCE explique
que le nouvel accord de distribution a permis à Custom Canada de vendre des
panneaux de béton à CanWel à des prix plus bas grâce au dumping. En
conséquence, l'accord et la structure de prix correspondante ont permis à
CanWel de faire concurrence à Bed-Roc sur le plan des prix. Bed-Roc a alors
annoncé à son tour des baisses de prix et a offert le transport gratuit à
certains clients. Custom Canada a répondu aux baisses de prix de Bed-Roc en
abaissant ses prix et en offrant un prix spécial à court terme et un
crédit d'inventaire à CanWel 89.
Selon la plaignante, la décision du TCCE constitue une erreur de droit ou une conclusion qui n'est justifiée
par aucun élément de preuve au dossier. Toutefois, comme nous l'indiquons
dans notre analyse de la question (b), le dossier est truffé d'éléments
de preuve appuyant raisonnablement la décision du TCCE. De plus, la
décision du TCCE en la matière mérite notre déférence étant donné
qu'elle tombe clairement dans le champ d'expertise du TCCE. Autrement dit,
le TCCE pouvait raisonnablement conclure, à la lumière des éléments de
preuve au dossier, que les bas prix offerts par la plaignante à Custom
Canada furent un facteur substantiel du préjudice subi par Bed-Roc.
Le TCCE
explique que Custom Canada a pu inciter CanWel à passer un accord de
distribution parce que Custom Canada pouvait offrir à CanWel des bas prix
grâce aux importations sous-tarifées 90.
Le TCCE pouvait légitimement accorder moins de
poids à la preuve suggérant que CanWel avait cessé d'acheter à Bed-Roc
pour des raisons qui n'étaient pas reliées aux prix 91.
Au lieu de cela, le TCCE a conclu que l'accord de
prix spéciaux à court terme de Custom Canada avec CanWel, qui permettait
à CanWel d'acheter des panneaux à Custom Canada à des bas prix, a
contribué à l'érosion de prix et à la perte de ventes de Bed-Roc 92. Le Groupe spécial ne peut affirmer que
cette conclusion est une erreur de droit ou une conclusion qui n'est
raisonnablement justifiée par aucun élément de preuve au dossier.
Question (e)
Argument de la plaignante:
En concluant que la vente de « panneaux d'entrepreneur » par Custom Canada a
non seulement permis à Custom Canada de faire des ventes mais a aussi servi
à limiter les prix, le Tribunal a tiré une conclusion qui n'est justifiée
par aucun élément de preuve au dossier et il a donc commis une erreur de
fait révisable 93.
Le TCCE a décrit les panneaux d'entrepreneur comme étant des panneaux qui
« [n'étaient pas] de la première qualité » mais dont les « très bas prix » avaient séduit « plusieurs
acheteurs » 94.
La plaignante affirme que le TCCE n'a évoqué aucune preuve que les prix demandés par
Custom Canada pour les panneaux d'entrepreneur ont eu un effet de prix
identifiable sur Bed-Roc ou sur le marché dans son ensemble, et que le TCCE
n'avait de toute façon reçu aucune preuve à cet effet. Étant donné
qu'il n'y avait aucune preuve pour justifier les conclusions du TCCE, la
plaignante estime que la conclusion du TCCE est une erreur de fait
manifestement déraisonnable 95.
Dans ses soumissions, le TCCE affirme que sa conclusion au sujet des panneaux d'entrepreneur
reposait sur la preuve dont il disposait. De plus, le TCCE affirme que toute
conclusion relative aux panneaux d'entrepreneur était destinée à être
une conclusion générale au sujet des effets de leur vente ou de leur offre
sur le marché et ne visait pas à dire qu'un tel produit était vendu à un
client quelconque de Bed-Roc 96.
Dans sa décision, le TCCE affirme:
En outre, après la mise en place de la nouvelle formule de prix, Custom Canada a commencé à importer des
panneaux d'entrepreneur. Bien que ces panneaux de béton n'aient pas été
de première qualité, il est clair, selon les éléments de preuve, que
plusieurs acheteurs ont été séduits par les très bas prix de Custom
Canada pour ce produit. De fait, les éléments de preuve révèlent que ce
produit à bas prix a constitué 9 % des importations de panneaux de
Custom Canada au cours des neuf premiers mois de 1996. Compte
tenu de la taille restreinte du marché régional, il ne fait aucun doute
que les prix des panneaux d'entrepreneur ont non seulement valu de nouvelles
ventes à Custom Canada mais encore servi, dans une certaine mesure, à
limiter les prix sur l'ensemble du marché 97.
La preuve sur laquelle se fonde le TCCE a été une preuve donnée de vive voix par
des employés de Custom Canada lors des audiences publiques du TCCE. Cette
preuve indique explicitement que « 9 % environ » des ventes
totales de Custom U.S. à Custom Canada se composaient de panneaux
d'entrepreneur 98 et que ces panneaux d'entrepreneur étaient offerts à la vente par Custom
Canada à des distributeurs qui « représentaient un gros pourcentage
de [ses] ventes » 99.
Bien que la conclusion du TCCE
voulant que les ventes de panneaux d'entrepreneur aient limité les prix des
marchandises en cause sur le marché global repose sur une preuve
généralement assez faible, le Groupe spécial ne considère pas que cette
conclusion soit manifestement déraisonnable, étant donné que l'on
pourrait raisonnablement tirer une telle déduction de la preuve au dossier.
Toutefois, le Groupe spécial conclut que la détermination que des ventes
ont été gagnées n'est justifiée par aucun élément de preuve au dossier
et constitue à ce titre une erreur de fait. Cela dit, le Groupe spécial
n'ordonne pas de renvoi de cette question parce que la décision du TCCE au
sujet du dommage sensible est appuyée par d'autres éléments de preuve.
Décision
Pour les raisons susmentionnées,
le Groupe spécial confirme la décision du TCCE.
ONT SIGNÉ l'original:
Paul C.
LaBarge (président) |
Henri C.
Alvarez |
David E.
Birenbaum |
Warren E.
Connelly |
Maureen
Irish |
DÉCISION DÉLIVRÉE le 26 août
1998.
1 Pièce du Tribunal NQ-96-004-1 (publique), dossier administratif, vol. 1, p. 2.
2 L.R.C. 1985 c. S-15, modifiée.
3 Décision du Tribunal, p. 15.
4 [1997] 2 R.C.S. 890.
5 ALENA, par. 1904(2).
6 ALENA, par. 1904(3), annexe 1911.
7 L.R.C. 1985, ch. F-7, modifiée.
8 LCF, al. 18.1(4)a).
9 Union des employés de service, local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S.
1048, p. 1088.
10 LCF, al. 18.1(4)c).
11 Le Syndicat canadien de la Fonction publique,section locale 963 c. La Société
des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2R.C.S. 227; Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la
tuyauterie, section locale 740 c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 S.C.R. 983; Pasiechnyk, supra.
12 Pezim c.Colombie- Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S 557;
Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la
citoyenneté et de l'immigration), [1998] J.C.S. 46.
13 Pezim, supra, p. 590.
14 [1990] 2 R.C.S. 1324.
15 Loi sur la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain, C.S.
1993, ch. 44, par. 217(1).
16 Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554 p. 584,
p. 595.
17 Pushpanathan, supra, par. 34.
18 Southam, supra, p. 777.
19 cf. National Corn Growers Assn., supra, p. 1369-1370.
20 LCF, al. 18.1(4)d).
21 Lester (W.W.) (1978) ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de
l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, p. 669.
22 cf. National Corn Growers Assn., supra, p. 1369-1370.
23 Pezim, supra.
24 Southam, supra p. 767-768.
25 Canadian Pasta Manufacturers' Assn. v. Aurora Importing & Distributing
Ltd., [1997] F.C.J. 493; f.: Re Dry Pasta, [1997] TCCE 55; Canada (Canadian Wheat Board) v. Unicone Industriali Pastai
Italiani, [1998] F.C.J. 173.
26 Règlement sur les mesures spéciales d'importation, DORS/84-927.
27 Ficelle synthétique pour ramasseuse-presse avec une résistance à la tension de
200 lb ou moins, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique, CDA-94-1904-02 (10 avril 1995), p. 16-18.
28 National Corn Growers, supra, p. 1371.
29 Sacilor Aciéries v. Anti-Dumping Tribunal (1986), 60 N.R. 371
(F.C.A.); National Corn Growers, supra; Certains produits en tôle d'acier résistant à la corrosion originaires ou exportés des
États-Unis d'Amérique (Préjudice), CDA 94-1904-04 (10 juillet 1995).
30 Certains produits en tôle d'acier résistant à la corrosion, supra, p.13.
31 Ficelle synthétique pour ramasseuse-presse, supra, p. 28.
32 Tapis produits sur machines à touffeter, originaires ou exportés des États-Unis
d'Amérique, CDA-92-1904-02 (7 avril 1993), p. 20; Certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud originaires ou
exportés des États-Unis d'Amérique (préjudice), CDA-93-1904-07 (18 mai 1994), p. 30-32.
33 Certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud, supra,
p. 31-32.
34 Sacilor Aciéries, supra, p. 374.
35 Ficelle synthétique pour ramasseuse-presse, supra, p. 20.
36 Mémoire de la plaignante, p. 18.
37 Hot-Rolled Carbon Steel, supra, p. 32.
38 National Corn Growers Ass'n, supra; Sacilor Aciéries, supra.
39 Mémoire de la plaignante, p. 15.
40 Pièce du Tribunal NQ-96-004-4 (publique), dossier administratif vol. 1,
p. 40.16.
41 Mémoire de la plaignante, p. 21.
42 Mémoire de la plaignante, p. 21-22.
43 Mémoire de la plaignante, p. 22.
44 Mémoire de la plaignante, p. 22.
45 Mémoire du TCCE, p. 24.
46 LMSI, art. 42.
47 Décision du Tribunal, p. 3.
48 Canadian Pasta Manufacturers' Association, supra, par. 28, 31.
49 Mémoire de la plaignante, p. 15.
50 Décision du Tribunal, p. 12.
51 Décision du Tribunal, p. 12.
52 Décision du Tribunal, p. 12.
53 Décision du Tribunal, p. 12.
54 Décision du Tribunal, p. 15.
55 Décision du Tribunal, p. 12.
56 Décision du Tribunal, p. 9.
57 On explique dans le Pre-Hearing Staff Report que le prix arrive seulement
après la qualité dans la liste des facteurs dont tiennent compte les acheteurs de panneaux de béton pour choisir un fournisseur. Décision du
Tribunal, p. 9; pièce du Tribunal NQ-96-004-6 (publique), dossier administratif, vol. 1, p. 63.
58 Décision du Tribunal, p. 12.
59 Mémoire de la plaignante, p. 22.
60 Décision du Tribunal, p. 12; prix de transfert abaissés en septembre 1995, et
réduction annoncée pour le marché en octobre 1995.
61 Décision du Tribunal, p. 6, 14. Devant le Groupe spécial, la plaignante n'a pas
maintenu la position que les ventes de CGC avaient causé un dommage à Bed-Roc.
62 Décision du Tribunal, p. 14-15.
63 Transcription de l'audience publique, p. 34.
64 Voir, par exemple, pièce du Tribunal NQ-96-004-6 (publique), dossier administrative,
vol. 1, p. 63.
65 Décision du Tribunal, p. 13.
66 Transcription de l'audience publique, p. 34-35.
67 Mémoire de la plaignante, p. 16.
68 Décision du Tribunal, p. 13.
69 Décision du Tribunal, p. 13.
70 Mémoire de la plaignante, p. 25. Il n'est pas nécessaire de répéter ici pourquoi
nous rejetons cet argument.
71 Mémoire de la plaignante, p. 25-28.
72 Mémoire de la plaignante, p. 26-27.
73 Mémoire de la plaignante, p. 27.
74 Mémoire de la plaignante, p. 28.
75 Mémoire du TCCE, p. 27-28.
76 Mémoire du TCCE, p. 28.
77 Mémoire du TCCE, p. 29.
78 (1994) 170 N.R. 341 (F.C.A.).
79 General Electric, supra, par. 9.
80 Décision du Tribunal, p. 14, et aussi pièce du Tribunal NQ-96-004-28.1 (protégée),
dossier administratif, vol. 6.3, p. 18-19.
81 Décision du Tribunal, p. 14, et voir aussi, par exemple, pièce du Tribunal NQ-96-004-7
(protégée), figure 1 et texte correspondant, dossier administratif, vol. 2, p. 25-26. Voir aussi l'annexe 1 de cette pièce.
82 Voir Décision du Tribunal, p. 14, et pièce du Tribunal NQ-96-004-A-2
(protégée), dossier administratif, vol. 14.
83 Décision du Tribunal, p. 13.
84 Mémoire confidentiel de la plaignante, p. 27.
85 Décision du Tribunal, p. 13. (« Qui plus est, les prix sous-évalués que Custom
Canada consentait à CanWel ont permis à CanWel d'abaisser ses prix pour ces clients, ce qui a eu des conséquences plus profondes sur les prix
d'ensemble de Bed-Roc, qui s'est vue forcée d'abaisser ses prix pour les autres clients. »)
86 La plaignante affirme que le TCCE est tenu de tenir compte des preuves « au niveau
micro-économique » dans son analyse de causalité (Mémoire de la plaignante, p. 20). Que l'argument de la plaignante soit correct ou non, la
prise en considération par le TCCE du total des ventes perdues par Bed-Roc montre que le TCCE a effectivement inclus une preuve de niveau
micro-économique dans son analyse de causalité et que cette preuve micro-économique appuie la conclusion du TCCE.
87 Mémoire de la plaignante, p. 16.
88 Décision du Tribunal, p. 12.
89 Décision du Tribunal, p. 13.
90 Décision du Tribunal, p. 13.
91 Pièce du Tribunal NQ 96-004-6 (publique), Dossier administratif, vol. 1, p. 64,
tableau 10. Le prix est le deuxième facteur le plus important pour les acheteurs de panneaux de béton.
92 Décision du Tribunal, p. 13.
93 Mémoire de la plaignante, p. 16.
94 Décision du Tribunal, p. 12.
95 Mémoire de la plaignante, p. 32.
96 Mémoire du TCCE, p. 31-32.
97 Décision du Tribunal, p. 12.
98 Transcription de l'audience publique (publique), dossier administratif, vol. 17,
p. 95.
99 Transcription de l'audience publique (publique), dossier administratif, vol. 17,
p. 106. |