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EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL AUX TERMES DE L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE ENTRE CANADA ET LES ÉTATS-UNIS


Article 1807
Dossier du Secréetariat
USA 89-1807-01
(Suite)

3. Données Factuelles

3.1 L'espèce concernée

3.1.1 La taille minimum imposée par les États-Unis et faisant l'objet du présent différend ne se rapporte qu'au crustacé appelé homard d'Amérique.32

3.2 Le homard d'Amérique

3.2.1 Le homard d'Amérique est largement réparti sur le plateau continental de l'océan Atlantique nord-ouest. Le long des eaux côtières, on trouve le homard d'Amérique du Labrador jusqu'en Virginie et, le long du plateau continental extérieur et du talus continental, on le trouve du banc de Georges jusqu'en Caroline du Nord. Le homard d'Amérique ne fréquente que les eaux du Canada et des États-Unis.

3.2.2 Aux États-Unis, il y a deux grandes régions de pêche : les eaux côtières des États riverains, du Maine jusqu'au New Jersey, à une profondeur allant de 40 à 100 mètres, puis la marge continentale, du canyon Corsair au cap Hatteras (du Rhode Island à la Caroline du Nord), à des profondeurs de 100 à 600 mètres. Au Canada, il y a trois grandes régions de pêche : le golfe du Saint-Laurent, le long des côtes du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse et autour de l'Île-du-Prince-Édouard (région qui accapare 55 p.100 des débarquements du Canada), le golfe du Saint-Laurent le long des côtes du Québec, enfin les côtes atlantiques de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve.

3.2.3 Les statistiques américaines existantes révèlent qu'environ 75 à 85 p. 100 des captures totales de homard des États-Unis viennent des eaux relevant de divers États, principalement du Maine, qui accapare près de 60 p. 100 de tout les débarquements de homard des États-Unis; les 15 à 25 p.100 restants proviennent de la zone de conservation des pêches, de compétence fédérale. Les lois des États régissent les captures côtières de homard jusqu'à trois milles de leur littoral ("captures côtières"), tandis que les lois fédérales s'appliquent aux captures effectuées dans la zone économique exclusive, au-delà des trois milles relevant des États et jusqu'à 200 milles au large ("captures hauturières").

3.2.4 Selon les biologistes, le homard d'Amérique se développe en perdant sa coquille externe. C'est ce que l'on appelle la mue. Le homard d'Amérique mue à peu près 20 ou 25 fois entre l'éclosion et la maturité sexuelle, et ils atteignent en général une taille commerciale, celle que prévoit la loi, après cinq à sept saisons de croissance, selon la température de l'eau. La croissance du homard ne se produit qu'au stade de la mue.

3.2.5 De la température de l'eau dépend le temps que prendra le homard pour atteindre sa maturité sexuelle et sa capacité de reproduction. Il peut se passer dix ans avant qu'un homard n'atteigne sa maturité sexuelle dans des eaux froides, au lieu que cinq ans peuvent suffire dans des eaux plus chaudes, propices à des mues plus fréquentes. La capacité de reproduction sera donc atteinte à une taille plus faible, lorsque les eaux sont plus chaudes.

3.2.6 Les températures maxima et moyennes varient selon la région, le long des côtes américaines et canadiennes. Dans la région du golfe du Saint-Laurent, les températures sont plus élevées que dans les eaux de la Nouvelle-Écosse, et beaucoup plus élevées que dans les eaux du golfe du Maine. Des échantillons biologiques montrent que le homard à mi-chemin de sa maturité a une taille moyenne de 76 mm (3 pouces) dans les eaux tièdes du golfe du Saint-Laurent, de 92 mm (3 pouces et 5/8) dans les eaux fraîches de l'océan Atlantique au large de la Nouvelle-Écosse et de 105 mm (4 pouces) dans les eaux froides du golfe du Maine.

3.2.7 Le stock de homards d'Amérique présente donc une structure qui varie d'une région de pêche à une autre selon la température de l'eau. Certains pensent que les migrations du homard sont le plus souvent locales et se produisent généralement de façon latérale, entre les eaux côtières et les eaux hauturières, en raison des variations saisonnières de la température de l'eau. Les homards qui ont atteint leur capacité de reproduction parcourent en moyenne 18 kilomètres par année, et ceux qui ne l'ont pas atteinte n'en parcourent que 7 ou 8 par année. Toutefois, on a observé que les gros homards migrent parfois plus loin qu'on ne le croit en général, et même d'un côté à l'autre de la frontière maritime entre les États-Unis et le Canada.

3.3 L'industrie

3.3.1 L'industrie du homard des États-Unis s'occupe surtout de la pêche et de la commercialisation du homard vivant. Quant aux prises canadiennes, 52 p. 100 sont dirigées vers l'industrie de la transformation, qui produit des homards congelés et des homards en conserve, des homards entiers congelés et des queues de homard congelées.

3.3.2 Avant 1950, la pêche américaine du homard était pratiquée essentiellement sur les hauts-fonds, à l'aide de casiers. C'était une pêche côtière. Depuis lors, la pêche du homard a gagné les eaux hauturières, et, le long du plateau continental du sud de la Nouvelle-Angleterre, s'est développée une nouvelle forme de pêche, qui utilise des casiers de profondeur. La pêche hauturière du homard, aux États-Unis, se pratique surtout entre le Rhode Island et la Caroline du Nord.

3.3.3 Il y a deux types principaux de pêcheurs de homard aux États-Unis. La pêche côtière nécessite moins d'investissements, et certains pêcheurs de homard pêchent le homard à temps plein, tandis que pour d'autres, la pêche du homard n'est que l'une des activités ordinaires, mais saisonnières, d'une entreprise de pêche diversifiée. Finalement, il y a les pêcheurs à temps partiel, qui occupent un autre emploi. La participation à la pêche hauturière se limite aux opérateurs sérieux et à temps plein, exerçant simultanément d'autres activités de pêche. La pêche hauturière du homard nécessite de gros investissements et l'emploi de bateaux coûteux.

3.3.4 Tant aux États-Unis qu'au Canada, l'industrie du homard a accusé une forte croissance ces dernières années, surtout dans le secteur de la pêche proprement dite. La croissance de la pêche proprement dite au Canada s'est accompagnée d'une diminution des facteurs de production.33 De 1950 à 1980, les débarquements totaux ont augmenté d'environ 40 p. 100 aux États-Unis.

3.3.5 En 1988, les débarquements totaux de homard d'Amérique dans les grands ports des États-Unis ont atteint 14462 tonnes métriques ("tonnes"), soit une valeur de 95,4 millions de $US. (Dans des renseignements présentés après les auditions, le Canada a déclaré que, selon des données américaines plus complètes, les débarquements totaux des États-Unis sont sensiblement plus élevés.) L'État du Maine est le principal État producteur de homards, puisqu'il accapare environ la moitié du volume des débarquements totaux.

3.3.6 Les débarquements canadiens de homard ont, quant à eux, atteint un total d'environ 40 392 tonnes en 1988. Sur ce volume, 48 p. 100, soit 19 619 tonnes, ont été vendus sur le marché du homard vivant, dont 14 528 tonnes aux États-Unis.

3.3.7 Les homards pêchés aux États-Unis sont consommés dans ce pays. Selon les chiffres de 1988, les États-Unis n'exportent qu'environ 2 500 tonnes de homard chaque année (poids vif),34 soit une valeur de 23,5 millions de $US. Toutefois, les importations américaines représentent 45 à 50 p. 100 de la consommation totale de homard aux États-Unis.

3.3.8 La plupart des homards canadiens sont exportés vers les États-Unis, où sont vendus 74 p. 100 (en volume) des homards canadiens vivants.35 En 1988, sur les 80 millions de livres de homard pêchées au Canada, 56 millions ont été exportées aux États-Unis vivants, en conserve ou congelés. Les exportations de homards vivants ont totalisé près de 32 millions de livres (14 528 tonnes), soit une valeur totale à l'exportation de 192 millions $CAN. Toutefois, selon des données américaines préliminaires, les exportations canadiennes de homards vivants vers les États-Unis ont baissé d'environ 2 000 tonnes en 1989.

3.3.9 Le Canada et les États-Unis croient qu'en 1990, entre 8 p. 100 et 8,4 p. 100 des débarquements totaux de homard au Canada seront en deçà de la taille minimum imposée par la loi fédérale des États-Unis. La proportion se situera entre 12,1 p. 100 et 12,4 p. 100 en 1991, puis entre 16,1 p. 100 et 16,9 p. 100 en 1992. Toutefois, le Canada affirme que, puisque tous les homards mesurant entre 3 pouces et 3/16 et 3,25 pouces (81 mm à 82,5 mm) sont vendus vivants, la proportion de homards vivants pêchés légalement dans les eaux canadiennes, qui ne répondent pas à la taille minimum fédérale américaine et qui auraient été vendus sur le marché du homard vivant aux États-Unis, atteindra 18 p. 100 en 1990, 26 p. 100 en 1991 et 34 p. 100 en 1992.

3.4 La transformation et la commercialisation

3.4.1 Environ 87 p. 100 des homards pêchés aux États-Unis sont commercialisées vivants ou fraîchement cuits au point de vente final. Le reste est commercialisé sous forme de chair fraîche ou congelée. Étant donné que les débarquements de homard sont saisonniers et ne coïncident pas nécessairement avec la demande du marché, l'industrie du homard a mis au point des mécanismes de stockage qui permettent de bien approvisionner le marché en homard vivant. La commercialisation se fait par cinq types de bassins, des bassins qui servent à l'entreposage prolongé des homards vivants et permettent de niveler les périodes de faiblesse de la demande ou de l'offre. Ce sont les parcs à marée, les caisses ou viviers, les bassins d'intérieur, les réservoirs, enfin les bassins de terre sèche.

3.4.2 La chaîne de distribution du homard d'Amérique vivant comprend plusieurs étapes. D'abord, le pêcheur vend ses prises à un négociant ou acheteur. Ensuite, le négociant vend ses stocks à un grossiste, à moins qu'il ne soit grossiste lui-même. Finalement, les grossistes et les courtiers vendent leurs stocks aux magasins de détail et aux restaurants.

3.4.3 En ce qui concerne les exportations canadiennes vers les États-Unis, les homards vivants expédiés par voie aérienne, entreposés dans des réservoirs ou des bassins de terre sèche, sont classés selon leur taille, puis "sélectionnés" avant l'expédition. Les homards canadiens expédiés par voie terrestre vers les États-Unis sont conservés dans des parcs à marée, des caisses ou viviers et des bassins d'intérieur. D'après le Canada, les expéditions canadiennes de homard vers les États-Unis sont en général triées au Canada selon la taille, afin de répondre aux exigences des consommateurs des États-Unis; selon les États-Unis, le Canada expédie en général son homard dans des caisses de 100 livres non triées.

3.5 Le contexte législatif

3.5.1 La pêche du homard a été intensive ces dernières années, et l'effort de pêche a beaucoup augmenté. On estimait en 1983 qu'une très faible partie seulement (de 1 à 6 p. 100) des homards des États-Unis, dans les régions les plus exploitées, ont échappé à la capture avant d'atteindre leur capacité de reproduction. Les scientifiques du Canada et des États-Unis s'alarmèrent de ce que ce faible pourcentage puisse être insuffisant pour éviter l'effondrement du stock, mais les scientifiques canadiens croient que les stocks du Canada sont aujourd'hui robustes.

3.5.2 Ce qui distingue donc actuellement la pêche du homard aux États-Unis dans toutes les eaux côtières, c'est sa dépendance considérable à l'égard des homards fraîchement "recrutés"; 80 à 90 p. 100 des prises des régions les plus exploitées du golfe du Maine et du sud de la Nouvelle-Angleterre sont constituées par la nouvelle classe annuelle de recrutement.

3.5.3 C'est pourquoi les États-Unis décidèrent d'adopter un train de mesures de conservation et de gestion relativement à leur industrie du homard.

3.5.4 Dans les années 1980, le gouvernement fédéral des États-Unis, en collaboration avec les grands États producteurs de homard et sur la recommandation du New England Fishery Management Council ("NEFMC"), entreprit d'examiner des mesures en vue d'augmenter la taille minimum des homards capturés, et par là de sauvegarder la population de homards des États-Unis.

3.5.5 Au niveau fédéral, les États-Unis adoptèrent d'abord le principe de la taille minimum fédérale en promulguant en 1985 un règlement sur la pêche du homard (le "Règlement fédéral"), règlement dérivé du Magnuson Act. Le principe de la taille minimum fédérale, à savoir 3 pouces et 3/16 (81 mm), fut établi en fonction du Plan de gestion de la pêche du homard d'Amérique de 1983 qu'avait préparé le NEFMC.

3.5.6 Parmi les autres mesures proposées par le NEFMC en 1983 en vue de protéger la population de homards, et depuis intégrées dans le Règlement fédéral, il faut citer les suivantes :

  • une série de dispositions complémentaires concernant la taille minimum des homards capturés;
  • l'interdiction totale de la commercialisation des homards oeuvés;
  • l'interdiction totale de la commercialisation des homards "nettoyés", c'est-à-dire des homards dont il est visible que les oeufs ont été arrachés;
  • l'interdiction totale de la commercialisation des homards portant une entaille en forme de V sur la nageoire droite voisine de la nageoire médiane, ainsi que de tout homard mutilé d'une façon qui puisse dissimuler une telle entaille (les pêcheurs de homard du Maine appliquent délibérément une entaille en V aux homards oeuvés, puis les retournent à la mer; ils n'ont pas le droit de pêcher des homards portant une entaille en V, ni de dissimuler les entailles en question);
  • des changements dans la construction des casiers.36

3.5.7 En 1987, le Département du Commerce des États-Unis modifia le Règlement fédéral afin d'y intégrer les recommandations faites la même année par le NEFMC, recommandations dont l'objet était d'accroître de 1/8 de pouce (3,2 mm), et en quatre étapes, la taille minimum fédérale alors établie à 3 pouces et 3/16. Cette augmentation en quatre étapes et répartie sur cinq ans se présente comme il suit :

Du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1988 : 3 pouces et 7/32 (81,8 mm)
Du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1990 : 3,25 pouces (82,5 mm)
Du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1991 : 3 pouces et 9/32 (83,3 mm)
À pardir du 1er janvier 1992 : 3 pouces et 5/16 (84,1 mm)

3.5.8 Le Règlement fédéral modifié interdisait la possession et la commercialisation des homards de petite taille pêchés dans les eaux du large, qui sont de compétence fédérale. Il obligeait également tout pêcheur détenant un permis de pêche du homard délivré par un État et élargi pour la pêche dans les eaux de compétence fédérale à observer les prescriptions fédérales plus rigoureuses concernant la taille minimum des homards.

3.5.9 En vertu de la modification de 1987 au Règlement fédéral, les homards étaient présumés avoir été pêchés dans les eaux américaines de compétence fédérale ou en violation de lois d'État plus libérales; toutefois, le négociant pouvait réfuter cette présomption en prouvant que les homards avaient été récoltés dans les eaux d'un État, soit par un navire ne détenant pas de permis fédéral, soit hors du territoire relevant des États-Unis, c'est-à-dire au Canada. Un certificat d'expédition ou connaissement valide indiquait si les homards avaient été pêchés dans les eaux d'un État ou dans celles du Canada.

3.5.10 Selon un représentant de l'État du Maine et du NEFMC, le NEFMC voulait que les modifications de 1987 au Règlement fédéral interdisent purement et simplement la possession de homards de petite taille, quelle que soit leur origine. Cependant, le Département du Commerce déclara qu'il ne pouvait imposer une taille minimum en dehors de la juridiction fédérale, et le NEFMC s'abstint alors de demander une interdiction totale.37

3.5.11 En même temps qu'était modifié le Règlement fédéral, les grands États producteurs de homards adoptèrent eux aussi des mesures applicables au homard pris dans les eaux côtières, notamment des mesures imposant une taille minimum et restreignant la commercialisation de certaines catégories de homard.

3.5.12 L'État du Maine, principal État producteur de homards, fut le premier à augmenter la taille minimum. Il adopta en 1986 une augmentation en quatre étapes et répartie sur cinq ans de la taille minimum des homards. Les dispositions adoptées étaient identiques aux modifications de 1987 apportées au Règlement fédéral. D'autres grands États producteurs de homards38 suivirent l'exemple du Maine et augmentèrent eux aussi, quelquefois avec un an de retard sur l'État du Maine et le plan fédéral du homard, la taille légale minimum des homards, antérieurement fixée à 3 pouces et 3/16. Après les modifications de 1987 au Règlement fédéral, presque toutes les juridictions concernées des États-Unis avaient donc adopté des dispositions interdisant la possession et la commercialisation des homards de petite taille. Au début de 1988, seulement trois p. 100 environ des homards pêchés dans les eaux des États et dans les eaux fédérales échappaient à l'application des mesures fédérales visant la taille minimum légale des homards, principalement au New Hampshire et au New Jersey.

3.5.13 En 1987, le NEFMC demanda qu'il ne soit plus possible de réfuter la présomption visant les homards pris dans les eaux des États et du Canada et que l'on interdise l'entrée sur le marché des États-Unis de tout homard de petite taille, quelle que soit son origine. En 1987, le NEFMC ne réussit pas à atteindre de tels objectifs. En 1989, il demanda l'interdiction, et d'après lui, il est parvenu à l'obtenir (sauf pour ce qui est de certains homards pris dans les eaux des États).

3.5.14 La modification de 1989 étend donc l'interdiction de la vente des homards de petite taille aux homards pêchés dans les pays étrangers, ainsi qu'aux homards pêchés dans les États de l'Union imposant une taille minimum inférieure à celle du Règlement fédéral et soit vendus dans un autre État, soit pêchés par des pêcheurs munis de permis fédéraux. Elle supprime également la possibilité de réfuter la présomption selon laquelle les homards ont été pêchés illégalement. La modification ne s'applique qu'aux homards vivants entiers, non aux homards congelés ou en conserve. Les États-Unis disent en effet que ces derniers sont parfaitement étiquetés et que l'on peut donc en déterminer facilement l'origine.

3.5.15 La question que doit trancher le Groupe spécial, c'est de savoir si la modification de 1989 interdit ou restreint l'importation de homards canadiens d'une manière incompatible avec les obligations des États-Unis aux termes de l'Article XI du GATT.

3.5.16 Le contexte législatif de la modification de 1989 au Magnuson Act laisse entendre que l'élargissement de l'interdiction aux homards importés de petite taille répondait à trois objectifs.

3.5.17 D'abord, la modification de 1989 devait faciliter l'exécution et la gestion du programme fédéral. Selon les fonctionnaires américains, il était difficile d'appréhender les contrevenants aux termes du Règlement fédéral entré en vigueur en 1987. Des négociants sans scrupule pouvaient obtenir de faux documents indiquant l'origine canadienne des homards ou utiliser, une fois après l'autre, les mêmes connaissements ou certificats attestant l'origine canadienne des homards de petite taille. Entre 1987 et 1989, il y a eu peu de condamnations résultant de faux documents canadiens ou de la réutilisation frauduleuse de documents initialement légitimes.39

3.5.18 Deuxièmement, la modification de 1989 devait renforcer la conservation des stocks de homard des États-Unis en supprimant l'attrait du marché déjà illégal pour les homards des États-Unis de petite taille.

3.5.19 Troisièmement, la modification de 1989 devait supprimer l'impression d'iniquité qui résultait de l'application de la taille minimum fédérale aux seuls homards des États-Unis; on avait le sentiment, parmi de nombreux pêcheurs américains de homards, d'être obligé de se conformer à une taille minimum, sans que la même chose soit exigée des pêcheurs canadiens. On trouvait qu'il y avait là un déséquilibre concurrentiel.

3.5.20 La modification de 1989 peut, selon ses propres termes, être appliquée à n'importe quel niveau aux États-Unis, mais l'intention des autorités américaines est de l'appliquer principalement au niveau du négociant et de n'effectuer à la frontière que des vérifications restreintes. Le Service des douanes des États-Unis n'a pas le mandat exprès d'appliquer la modification de 1989, mais le Département américain du Commerce pourrait demander la collaboration du Service, et le Service pourrait offrir cette collaboration.

4. Principaux Arguments Des Parties

4.1 Généralités

4.1.1 Canada

4.1.1.1 Le Canada demande au Groupe spécial de conclure que la modification de 1989 à l'Article 307(1)(J) du Magnuson Act des États-Unis (la "modification de 1989") contrevient à l'Article 407 de l'ALE, dans lequel est incorporé l'Article XI:1 du GATT. De l'avis du Canada, cette loi constitue une restriction à l'importation et contrevient à l'Article XI.

4.1.1.2 Le Canada prétend qu'aucune des exceptions ppévues par le GATT n'est applicable. Plus précisément, il affirme que la modification de 1989 n'est pas une mesure de conservation visée par l'Article XX g) du GATT, mais plutôt une restriction au commerce, restriction que les États-Unis essaient de faire passer pour une mesure de conservation.40

4.1.1.3 Au surplus, le Canada conteste l'affirmation des États-Unis selon laquelle l'Article III du GATT s'applique à la mesure. Le Canada prétend que l'Article III constitue un moyen de protéger les produits importés contre la discrimination sur le marché intérieur, mais non un moyen d'empêcher leur importation.41 De l'avis du Canada, si l'on utilise l'Article III de la façon que proposent les États-Unis, les Articles XI et XX seront pratiquement dépourvus de sens.

4.1.1.4 Le Canada affirme que la contravention des États-Unis au GATT lui fera perdre, pour le homard, un marché d'une valeur d'environ 127 millions de dollars au cours des trois prochaines années.

4.1.2 États-Unis

4.1.2.1 Les États-Unis affirment qu'il appartient au Canada de prouver que la modification de 1989 est une restriction qui contrevient à l'Article 407 de l'ALE et à l'Article XI du GATT. De l'avis des États-Unis, le Canada n'a pas apporté cette preuve, la mesure relevant plutôt de l'Article III du GATT. Comme les homards des États-Unis et ceux du Canada sont assujettis aux mêmes dispositions en ce qui concerne la longueur minimum de la carapace, les États-Unis prétendent que leur loi constitue une "mesure intérieure", sujette à l'Article III, plutôt qu'une restriction appliquée uniquement à l'importation, sujette à l'Article XI.42

4.1.2.2 Selon les États-Unis, si le Groupe spécial juge que la mesure adoptée par les États-Unis relève effectivement de l'Article III, le travail du Groupe spécial est terminé parce que le Canada a choisi de fonder sa contestation uniquement sur l'Article XI. Cependant, si le Groupe spécial devait juger que la modification de 1989 contrevient à l'Article XI, comme le prétend le Canada, les États-Unis affirment que la modification bénéficie de l'exception prévue par l'Article XX g).43

4.1.2.3 Finalement, dans leur discussion de l'effet commercial, les États-Unis font remarquer que, puisqu'il n'existe pas de chiffres sur le pourcentage de homards de telle ou telle taille expédiés du Canada aux États-Unis, tout calcul ne pourra être que spéculatif. Les États-Unis prétendent également que les estimations canadiennes de l'effet commercial sont excessives et que l'on ne peut répondre à la question de l'effet commercial sans examiner les solutions possibles offertes par les marchés des pays tiers et sans tenir compte des avantages à long terme pouvant résulter pour le Canada de l'augmentation de la longueur minimum de la carapace. Eu égard aux solutions évoquées, les États-Unis croient que la modification de 1989 n'aura probablement à court terme qu'un effet défavorable très mineur sur le commerce et qu'elle apportera probablement, à moyen terme et à long terme, un avantage commercial net pour le Canada.44

Per Continuer Avec Article XI


32 Le seul autre crustacé à pinces appelé homard sur les marchés internationaux est le Homarus gamarus, qui est le homard européen.

33 Le Canada déclare que l'industrie du homard transformé n'évolue à peu près pas et que c'est un marché sans croissance.

34 Ces chiffres comprennent tous les homards, pas seulement le homard d'Amérique.

35 Seulement 10,7 p. 100 des débarquements canadiens de homard ont été consommés sous forme non traitée au Canada en 1988.

36 La réglementation canadienne de cette question, qui est de compétence fédérale, comprend elle aussi un éventail de mesures de gestion, par exemple l'imposition d'une taille minimum pour les homards, taille pouvant varier de 2,5 pouces à 3 pouces et 3/16 (de 63,5 mm à 81 mm), afin de tenir compte des différences régionales que présentent les taux de croissance, selon les cycles de température. Les autres mesures de gestion sont les permis délivrés aux pêcheurs et aux bateaux, les saisons de pêche, les restrictions quant au nombre et à la taille des casiers, enfin l'interdiction totale de la possession de homards oeuvés ou "nettoyés".

37 Dans une lettre datée de novembre 1987 et déposée par le Canada lors de la procédure orale, le Département du Commerce des États-Unis assure le Canada que les modifications de 1987 au Règlement fédéral n'empêchent pas l'importation de homards pêchés légalement dans les eaux canadiennes.

38 Le Rhode Island, le Maine et le Massachusetts accaparent 90 p. 100 de la pêche du homard aux États-Unis.

39 Un témoin des États-Unis a déclaré, lors de l'audition, au Groupe spécial que, pour le bureau régional où il travaillait, il y a eu tout au plus trois condamnations depuis février 1987 (Transcription, Vol.I, pp.178-179).

40 Déclaration introductive du Canada, par Serge April, p. 4; Mémoire supplémentaire du Canada, 13 mars 1990, par. 13.

41 Déclaration d'ouverture du Canada, par Serge April, p. 6.

42 Mémoire des États-Unis du 21 février 1990, p. 9 (le "Mémoire des États-Unis").

43 Résumé écrit de l'argumentation orale des États-Unis sur l'Article XX g) et les effets sur le commerce, pp. 1-2.

44 Mémoire des États-Unis, p. 14.