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EXAMEN PAR UN GROUPE SPÉCIAL AUX TERMES DE L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE ENTRE CANADA ET LES ÉTATS-UNIS


Article 1807
Dossier du Secréetariat
CDA-92-1807-01
(Suite)

B) Objet de l'article 701.3

37. L'article 701.3 ne traite pas expressément des subventions à l'exportation, mais il porte sur les ventes à l'exportation de produits agricoles depuis le territoire d'une Partie vers celui de l'autre. Il constitue donc une suite logique de l'article 701.2 (qui interdit expressément les subventions à l'exportation entre les territoires des deux Parties), puisqu'il vise expressément le commerce d'exportation entre les Parties.

38. Comme on l'a déjà dit, l'article 701.3 fait partie d'un article qui traite des subventions agricoles. Et bien que le mot �subvention� ne soit pas mentionné dans cette disposition, il faut présumer que, puisque l'article 701.3 fait partie de l'article 701, l'article 701.3 vise à interdire entre les deux Parties une forme d'opération commerciale qui est apparentée à une subvention à l'exportation ou qui en a l'effet. En fait, puisque seules les subventions à l'exportation entre les deux pays sont expressément proscrites, il est parfaitement logique de conclure que l'article 701.3, qui porte expressément sur les ventes à l'exportation entre les Parties, a pour objet d'interdire les subventions assimilées aux subventions à l'exportation.

39. Pour parler clairement, l'article 701.3 interdit aux États-Unis et au Canada de vendre, soit directement, soit indirectement par l'entremise d'organismes publics de l'un ou l'autre pays, des produits agricoles destinés à l'exportation vers le territoire de l'autre pays, à un prix inférieur à certains coûts, notamment le prix d'achat des produits. Il ressort nettement du cadre de référence que le sens de certains mots utilisés dans l'article 701.3 mérite d'être précisé, mais nous croyons que la raison d'être de l'article 701.3 est la suivante : les Parties voulaient renforcer l'interdiction générale des subventions à l'exportation, interdiction contenue dans l'article 701.2. Le groupe spécial se range donc à l'avis du Canada (transcription, page 148, lignes 16-22), selon lequel l'article 701.3 devait régler le cas où un gouvernement se trouve à absorber les pertes commerciales d'un organisme public qui vend des produits agricoles destinés à l'exportation à un prix inférieur à leur coût d'acquisition (plus les frais d'entreposage, de manutention et autres), puisque le gouvernement concerné se trouverait alors à subventionner des exportations. C'est ce que l'article 701.3 devait empêcher.

40. Les inquiétudes entretenues par les États-Unis en ce qui concerne les prix pratiqués par la Commission canadienne du blé (�la Commission�) se rapportent à un système à double prix qui existait au Canada quelques années déjà avant l'entrée en vigueur de l'Accord. En vertu de ce système, les prix intérieurs du Canada étaient maintenus au-dessus des prix à l'exportation dans certains cas. Lorsque le Congrès entreprit d'examiner l'Accord, les fonctionnaires américains firent maintes fois référence dans leurs témoignages au système à double prix en affirmant qu'il s'agissait là d'une pratique que la nouvelle disposition aurait pour effet d'empêcher (l'ancien système à double prix fut par la suite abandonné par le Canada). C'est ce qui ressort d'un document préparé par le Département américain de l'Agriculture en vue de l'audience tenue devant le Comité des voies et moyens de la Chambre le 25 mars 1988. Ce document, intitulé �Questions et réfutations du Département américain de l'Agriculture�, fait mention de l'article 701.3 et contient la conclusion suivante :

Les États-Unis et le Canada sont convenus qu'aucun des deux gouvernements, ni aucun de leurs organismes publics, ne pourra vendre des produits agricoles à l'autre pays à un prix inférieur au prix d'achat des produits majoré des frais d'entreposage, de manutention ou autres qu'il aura dû assumer pour ces produits. Cette disposition empêchera la CCB de vendre des produits aux États-Unis à un prix inférieur à leur prix de revient. En conséquence, la CCB ne pourra utiliser son système à double prix pour pratiquer le dumping sur le marché américain.

(Onglet 16, p. 577, Contre-mémoire du Canada)

C) Quels sont les frais visés par l'article 701.3?

41. Puisque certaines des questions posées dans le cadre de référence se rapportent au contenu des frais qui sont visés par l'article 701.3, il importe à ce stade de se demander si les frais englobés dans cet article sont uniquement les frais engagés par la Commission, ou bien si l'on peut y inclure tous les frais qui sont engagés par le gouvernement du Canada ou par tout organisme public ayant un rôle à jouer relativement au blé en question.

42. Les États-Unis soutiennent que tous les frais engagés par le Gouvernement du Canada, directement ou par l'entremise d'un organisme public, qui sont attribuables aux produits exportés, doivent être pris en considération pour établir le prix minimal, c'est-à-dire le prix au-dessous duquel le Canada ne peut vendre du blé ambré dur sur le marché américain. Les États-Unis, soulignant en particulier la présence des mots �y compris�, à l'article 701.3, affirment aussi que cette interprétation découle de la formulation même de l'article 701.3.

43. Nous ne sommes pas du même avis. L'article 701.3 interdit effectivement à chacune des Parties, �y compris à toute entité publique ...�, de vendre des produits agricoles à un prix inférieur au prix d'achat des produits majoré de certains autres frais, mais ce sur quoi l'article insiste, c'est sur l'entité qui effectue la vente. Les ventes en question peuvent être conclues soit par la Partie elle-même, en tant que gouvernement, soit par l'entremise d'une �entité publique� établie à cette fin. Dans le cas qui nous intéresse, la vente est en fait conclue par la Commission par l'intermédiaire d'agents exportateurs. Le Canada n'a pas prétendu que, parce que les ventes ne sont pas conclues par la Commission elle-même, l'article 701.3 ne s'applique pas à ces ventes.

44. Le Canada a établi la Commission au moyen de la Loi sur la Commission canadienne du blé (Lois révisées du Canada (1985), ch. 24) (�la LCCB�), en tant que personne morale ayant la capacité de contracter sous son propre nom (paragraphe 4(1)). Le paragraphe 4(2) de la LCCB prévoit que la Commission est, dans le cadre de ses attributions, mandataire de Sa Majesté du chef du Canada et ne peut exercer ses pouvoirs qu'à ce titre.

45. L'article 5 de la LCCB se lit ainsi : �La Commission a pour mission d'organiser, dans le cadre du marché interprovincial et de l'exportation, la commercialisation du grain cultivé au Canada.� L'article 6 prévoit que la Commission a le pouvoir d'acheter des grains, d'en prendre livraison, de les stocker, de les vendre ou expédier, ou d'en disposer de quelque autre façon.�

46. Ainsi, une Partie, à savoir le Canada, a établi, au moyen de la LCCB, une entité publique, à savoir la Commission, et elle a donné à la Commission tous les pouvoirs nécessaires pour vendre des céréales à l'étranger. Les activités de vente en question ici sont exercées par la Commission. En conséquence, les coûts que la Commission, en sa qualité de mandataire du gouvernement du Canada, supporte relativement aux grains sont les coûts qui doivent être pris en considération pour établir le prix minimal.

47. La formulation elle-même de l'article 701.3 dispose des frais de vente attribuables à l'entité qui s'occupe de la vente. L'article 701.3 a pour objet d'interdire les subventions apparentées aux subventions à l'exportation, mais non les subventions intérieures. Il n'est nullement prouvé que le gouvernement canadien assume directement, pour les grains exportés, les frais qu'il n'assume pas pour les grains vendus sur le marché canadien. Si l'on comptait parmi les frais mentionnés dans l'article 701.3 tous les frais que le gouvernement canadien se trouve à assumer, directement ou non, relativement à toute autre activité qui se rapporte à la production et à la commercialisation des grains, on risquerait tout simplement d'inclure dans ces frais les subventions intérieures, c'est-à-dire les subventions qui ne dépendent pas d'une exportation, un résultat que les Parties n'ont pas voulu. Mais l'on agira en parfaite conformité avec l'esprit de l'article 701 si l'on compte dans le prix minimal les frais que la Commission elle-même assume en raison des ventes d'exportation entre les Parties.

IV. Réponses Aux Questions Du Cadre De Référence

1a) L'expression �prix d'achat de ces produits�, à l'article 701.3, vise-t-elle uniquement les versements initiaux effectués par la Commission canadienne du blé, ou englobe-t-elle tous les versements effectués relativement à une récolte de blé dur (le versement initial, plus le versement intérimaire et le versement final, s'il en est)?

48. L'expression �prix d'achat des produits� n'est pas définie dans l'Accord, et les Parties n'ont pu dire au groupe spécial la raison précise pour laquelle cette expression a été choisie par les rédacteurs de l'Accord, mais, selon le Canada, les rédacteurs voulaient très certainement une expression qui puisse s'appliquer non seulement aux versements effectués par la Commission, mais également à toute forme de versement effectué par le Canada ou par les États-Unis pour l'achat des produits.

49. Les deux Parties reconnaissent que, pour l'heure, l'article 701.3 s'applique uniquement au Canada, puisqu'aucune vente à l'exportation de produits agricoles n'est faite sur le marché canadien par le gouvernement des États-Unis, que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'une entité publique établie par le gouvernement des États-Unis. Il n'en reste pas moins que l'article 701.3 lie juridiquement les deux Parties.

50. Par ailleurs, aucune des Parties ne conteste que les rédacteurs de cette disposition étaient parfaitement au courant de l'existence de la LCCB et des versements qu'elle prévoit. Il importe donc de bien comprendre l'économie de ce texte de loi.

51. La Partie III de la LCCB est intitulée �Organisation du marché interprovincial et de l'exportation du blé�. Elle traite, entre autres choses, de l'achat de blé par la Commission et de la méthode employée pour les versements effectués aux producteurs de qui ce blé est acheté. En bref, la LCCB fait une distinction entre trois types de versements, à savoir les acomptes à la livraison (qui peuvent être rajustés conformément au paragraphe 32(1)), les versements intérimaires (paragraphe 33(3)) et les versements finaux (paragraphe 33(1)).

52. Essentiellement, l'acompte à la livraison (ou versement initial) est la somme d'argent que la Commission verse aux producteurs au moment où elle achète leur blé. Plus exactement, le texte parle d'une �somme déterminée par tonne, en magasin à Thunder Bay�, laquelle somme déterminée est fixée soit par règlement du gouverneur en conseil (c'est-à-dire par le gouvernement canadien), soit par la Commission, avec l'approbation du gouverneur en conseil. Cette somme déterminée représente, bon an mal an, 80 p. 100 du prix que le blé atteindra sur le marché, d'après les prévisions de la Commission.

53. La somme déterminée peut être rajustée à la hausse durant une période de mise en commun (du 1er août au 31 juillet) et, dans un tel cas, la différence doit être versée aux producteurs qui avaient jusqu'alors reçu la somme moindre (alinéa 32(1)c)).

54. À compter du 1er janvier de l'année qui suit la fin d'une période de mise en commun, la Commission doit distribuer aux producteurs le solde créditeur de son compte (une fois faites les déductions prévues par le texte de loi); cette distribution se fait sur la base de certificats (remis lorsque les grains ont été livrés), qui donnent droit aux producteurs de participer à la distribution équitable de l'éventuel excédent résultant des opérations de la Commission (alinéa 32(1)d)). C'est ce que l'on appelle communément le �versement final�, lequel sera généralement effectué au moins 17 mois après le début de la campagne agricole pour laquelle la somme déterminée initiale de l'acompte à la livraison a été fixée.

55. Avant d'effectuer un versement final, la Commission peut effectuer des versements intérimaires, si le gouverneur en conseil est d'avis qu'un versement intérimaire peut se faire sans perte pour la Commission (paragraphe 33(3)). De tels versements ne peuvent être effectués qu'après la clôture de la mise en commun du blé dur (c'est-à-dire après le 31 juillet) et avant le mois de janvier qui suit.

Signification de �prix d'achat�

56. Les États-Unis soutiennent que le �prix d'achat des produits� comprend l'acompte à la livraison (avec les rajustements pertinents) ainsi que les versements intérimaires et les versements finaux effectués. Pour sa part, le Canada soutient que le �prix d'achat des produits� ne comprend que l'acompte à la livraison, ainsi que tout rajustement qui a pu être apporté, en conformité avec l'alinéa 32(1)c), à la somme déterminée, en ce qui concerne les ventes postérieures à un tel rajustement. Toutefois, le versement d'un rajustement apporté à la somme déterminée pour des ventes à l'exportation antérieures au rajustement ne peut jamais être inclus dans le prix d'achat des produits, non plus que les versements intérimaires ou finaux, parce que ces versements constituent une distribution de bénéfices.

57. La position des États-Unis repose essentiellement sur l'argument selon lequel chacun des trois versements ci-dessus mentionnés fait manifestement partie du prix total qui doit être payé pour l'achat des produits.

58. Le Canada, pour sa part, soutient que l'expression �prix des produits� est modifiée par les mots �d'achat� insérés dans cette expression, et que l'ensemble de l'expression signifie �ce qui a été versé en échange du grain au moment de l'exportation� (Mémoire supplémentaire du Canada, le 5 octobre 1992, p. 2, par. 4).

59. Le Canada invoque non seulement le sens �ordinaire� de l'expression �prix d'achat�, mais aussi ce qui, selon lui, constitue une différence qualitative entre le versement initial (ou acompte à la livraison) et un versement intérimaire ou final. Essentiellement, le Canada affirme que les deux derniers versements sont, en fait et en droit, une distribution de bénéfices, plutôt qu'une somme versée pour l'acquisition des grains.

60. La LCCB autorise une telle interprétation. Car tandis que le versement initial, ou plus précisément �la somme déterminée� calculée conformément à l'alinéa 32(1)b), est le seul versement qui soit effectué en échange de la livraison des grains eux-mêmes, les éventuels versements intérimaires et finaux peuvent être faits au producteur sur la base d'un certificat délivré au moment de la livraison des grains, �le certificat donnant droit à son titulaire de participer à la distribution équitable de l'éventuel excédent résultant des opérations qu'elle (la Commission) fait sur le blé produit dans la région désignée et qui lui est vendu et livré au cours de la même période de mise en commun� (alinéa 32(1)d)).

61. La distribution de l'excédent à laquelle peut procéder la Commission conformément au paragraphe 33(2) de la LCCB est explicitement appelée �bénéfices� au paragraphe 7(2) de la LCCB, qui se lit ainsi :

Les bénéfices réalisés par la Commission au titre de ses opérations sur le blé au cours d'une campagne agricole, exception faite de ceux qui résultent des opérations visées à la partie III, sont, sauf affectation particulière prévue par la présente loi, remis au receveur général pour versement au Trésor. (soulignement ajouté)

62. L'effet de cette disposition est que les bénéfices réalisés dans la mise en commun du blé sont versés aux producteurs, après déduction des frais de la Commission. Un jugement de la Cour fédérale du Canada, l'affaire Lacey c. Canada [1990], 1 C.F. 168, p. 188, renforce d'ailleurs le point de vue selon lequel le versement final constitue �une distribution de bénéfices�.

63. Il ressort nettement des propos ci-dessus que l'on ne saurait résoudre le problème d'interprétation posé par l'expression �prix d'achat� en se fondant uniquement sur les définitions données par les textes ou par les dictionnaires.

Interprétation libérale de l'expression �prix d'achat�

64. L'article 31 de la Convention de Vienne précise que les termes d'un traité doivent être interprétés suivant leur sens ordinaire, dans leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité. L'article 31(2) prévoit aussi qu'aux fins de l'interprétation d'un traité, le contexte comprend non seulement le texte, mais aussi le préambule.

65. Il est évident que l'objet de l'Accord est de favoriser le libre-échange. Mais, plus précisément, pour ce qui est de l'article 701.3, il apparaît tout à fait logique que l'objet de cette disposition soit d'assurer une protection additionnelle contre une aide gouvernementale qui aurait l'effet d'une subvention à l'exportation, mais qui, strictement parlant, ne peut être ainsi qualifiée. Dans leur deuxième mémoire (le 5 octobre 1992), les États-Unis utilisent les mots suivants :

(TRADUCTION)

Les Parties sont également convenues, dans l'article 701.3, de ne pas vendre de produits agricoles destinés à l'exportation vers le territoire de l'autre Partie à des prix subventionnés (c'est-à-dire à des prix inférieurs au prix de revient). C'est là le véritable sens et le véritable objet de l'article 701.3. (Soulignement ajouté)

66. Conformément à la LCCB, les bénéfices réalisés dans une opération de mise en commun du blé sont, comme nous l'avons vu, distribués aux producteurs en proportion de la part de chacun dans les grains vendus à la Commission. Dans ce cas, on ne peut parler de subventionnement de la part du gouvernement canadien pour ce qui est des sommes versées aux producteurs pour leurs grains. Cette distribution se fait au moyen d'un versement final, lequel peut être précédé d'un versement intérimaire.

67. Si, en revanche, la Commission subit une perte dans sa mise en commun du blé par suite des opérations qu'elle a effectuées aux termes de la Partie III, elle est indemnisée de cette perte par le gouvernement du Canada conformément à l'alinéa 7(3)a) de la LCCB. Cette indemnisation équivaut à un subventionnement des opérations de la Commission et, indirectement, du prix versé aux producteurs pour leur blé par le gouvernement canadien.

68. L'interprétation proposée par les États-Unis pour l'article 701.3 n'est pas compatible avec l'objet de cette disposition, qui est d'empêcher le versement de subventions par le gouvernement canadien lorsqu'il y a perte sur les ventes à l'exportation. Car, si l'on inclut dans le calcul du prix d'achat non seulement la somme déterminée versée au moment de l'acquisition des produits, mais encore le versement intérimaire et le versement final, alors l'article 701.3 devient applicable même lorsque la mise en commun est profitable et qu'il n'y a pas de subventionnement de la part de l'État.

69. L'interprétation proposée par le Canada signifie, quant à elle, que la Commission n'effectuera pas de ventes sur le marché américain à un prix inférieur au versement initial (avec les rajustements pertinents), majoré des frais de manutention, d'entreposage et autres. Une vente à un prix inférieur à ce niveau entraînera vraisemblablement un déficit du compte de mise en commun et nécessitera alors une subvention de la part du gouvernement du Canada conformément au paragraphe 7(3) de la LCCB. En revanche, une vente à un prix supérieur au niveau en question ne sera pas condamnable puisqu'aucune subvention gouvernementale ne sera alors versée.

70. Le groupe spécial est d'avis que l'interprétation canadienne de l'expression �prix d'achat� est davantage conforme à l'objet de l'article 701.3, objet défini par les États-Unis eux-mêmes.

71. Par ailleurs, le principal obstacle à l'interprétation donnée par les États-Unis est qu'il serait impossible en pratique pour la Commission de prédire le prix auquel le blé sera vendu au moment du versement final, soit 17 mois après le versement de la somme déterminée.

72. Nous ne croyons pas que les rédacteurs de l'Accord aient voulu que les Parties soient conduites à vendre des produits agricoles et à attendre de nombreux mois après la vente du produit pour en connaître le prix minimal, c'est-à-dire le prix en deçà duquel le produit ne peut être vendu sur le territoire de l'autre Partie. Le prix mondial du blé dur est notoirement instable, comme l'attestent les rapports annuels de la Commission présentés au groupe spécial. Si l'on examine le compte de mise en commun du blé ambré dur pour la campagne 1988-89, on constate que les acomptes à la livraison versés aux producteurs ont atteint 186,652 $ la tonne et que le solde distribué aux producteurs a été de 12,072 $, soit un total de 198,724 $. Le compte de mise en commun de la campagne 1989-90 révèle que l'acompte à la livraison versé aux producteurs pour cette campagne a été de 143,706 $ et que le solde distribué aux producteurs a été de 13,660 $, soit un total de 157,366 $. Le compte de 1990-91 indique une situation totalement différente : un acompte à la livraison de 123,689 $, et aucune distribution finale. On constate plutôt un déficit opérationnel de 20,364 $ la tonne.

73. En bref, l'interprétation préconisée par les États-Unis forcerait le Canada à se plier à une règle impossible, dont l'effet serait a) soit d'exclure le Canada du marché, b) soit de mettre le Canada dans une position où il pourrait lui être impossible pendant 17 mois de savoir si telle ou telle vente est contraire ou conforme à l'article 701.3 de l'Accord. Aucune des Parties ne devrait être exposée à une illégalité rétroactive. L'interprétation préconisée par les États-Unis est tout simplement inconciliable avec le système canadien de mise en commun.

74. Le groupe spécial se reporte ici, comme le lui ordonne l'article 31 de la Convention de Vienne, au préambule de l'Accord, préambule qui prévoit, entre autres, que les Parties ont résolu �d'adopter des règles claires et mutuellement avantageuses régissant leurs échanges commerciaux� et �de garantir un environnement commercial prévisible propice à la planification d'entreprise et à l'investissement�. Il est évident que ces objectifs seront plus facilement atteints si la Commission est en position de savoir, au moment où elle vend son grain sur le marché américain, le niveau en deçà duquel elle ne peut pas le vendre. Pour cela, il faut que le prix d'achat ne soit rien d'autre que la somme déterminée prévue par l'article 32 de la LCCB.

75. Le groupe spécial est d'avis, compte tenu de l'article 31 de la Convention de Vienne, que le prix d'achat visé à l'article 701.3 ne comprend que l'acompte à la livraison; en cas de rajustement à la hausse, le prix d'achat des produits vendus après le rajustement est alors l'acompte à la livraison majoré du rajustement en question.

76. Le contexte législatif soumis par les États-Unis, et même les conclusions orales et écrites de l'avocat des États-Unis, font abondamment état de certaines inquiétudes des États-Unis. Selon les États-Unis, si le �prix d'achat� doit comprendre uniquement l'acompte à la livraison (rajusté selon le cas), alors le Canada pourra �manipuler� les acomptes à la livraison, les versements intérimaires et les versements finaux de manière à vendre moins cher que les producteurs américains de céréales sur le marché des États-Unis. Le Canada pourrait s'y prendre en fixant de faibles acomptes à la livraison, puis en récupérant, au moyen de versements subséquents, intérimaires ou finaux, aux producteurs canadiens de blé dur, les bénéfices réalisés sur le marché américain.

77. Cette préoccupation du gouvernement des États-Unis s'est exprimée au niveau le plus élevé de l'Administration américaine, dans une communication faite en 1988 par le Président des États-Unis au Congrès. Voici ce que le Président écrivait au Congrès :

(TRADUCTION)

Pour ce qui est du paragraphe 3 de l'article 701, l'application des mots �prix d'achat�, dans ce paragraphe, aux ventes effectuées par les entités publiques telles que la Commission canadienne du blé (CCB) n'est pas délimitée avec précision, même si de telles ventes sont visées par ledit paragraphe. On s'inquiète en particulier de la détermination du �prix d'achat� du blé dans le contexte du système d'acomptes à la livraison et de paiements finaux qu'emploie la CCB. Si la CCB manipule le système de prix, alors les États-Unis se réservent de procéder à un examen pour s'assurer que le Canada ne se soustrait pas à ses obligations aux termes du paragraphe 3 de l'article 701.

Pour la mise en oeuvre de l'article 701(3), les États-Unis entendent également poursuivre les consultations avec le Canada relativement à la politique d'établissement des prix de la CCB, dans la mesure où cette politique touche les produits exportés vers les États-Unis. Ces consultations viseront à établir la méthode à employer pour déterminer le prix auquel la CCB vend des produits agricoles aux États-Unis et le prix d'achat payé par la CCB pour les produits en question. La méthode idéale serait un mécanisme public d'établissement des prix, un mécanisme qui soit transparent pour le gouvernement américain et pour les producteurs et transformateurs américains. [Communication du Président des États-Unis transmettant le texte juridique final de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, la Loi proposée de 1988 visant la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, et un énoncé de mesures administratives (Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, 1988), p. 194] (soulignement ajouté)

78. Dans une lettre du 19 janvier 1988 adressée au premier ministre de la Saskatchewan et ministre de l'Agriculture de cette province, le ministre canadien du Commerce extérieur décrit ainsi l'article 701.3 :

(TRADUCTION)

... l'Accord prévoit qu'aucun des deux pays ne pourra vendre de produits agricoles destinés à l'exportation vers l'autre pays à un prix inférieur au prix d'achat des produits, majoré des frais d'entreposage et de manutention. Cette disposition s'applique à tous les produits agricoles, et, bien que le coût d'acquisition du grain pour la Commission canadienne du blé (CCB) ne soit pas défini dans la loi, il est probable qu'il s'agisse de l'acompte à la livraison. Les prix pratiqués sur le marché américain ne devraient pas être très souvent inférieurs aux acomptes à la livraison fixés par la CCB, puisque la CCB a toujours fixé les acomptes à la livraison en deçà des cours prévus sur le marché mondial. Cette disposition ne devrait donc pas entraver de façon indue l'aptitude du gouvernement à fixer le niveau approprié des acomptes à la livraison. (Soulignement ajouté)

79. Cette lettre du ministre du Commerce extérieur soulève deux points qui intéressent particulièrement le groupe spécial. D'abord, et cela ressort nettement de la lettre, le gouvernement du Canada n'était pas tout à fait sûr que l'expression �prix d'achat� serait, aux fins de l'article 701.3, interprétée comme signifiant l'acompte à la livraison. À la fin des négociations, le ministre considérait cette interprétation comme �probable� seulement. En second lieu, on pourrait être tenté d'interpréter à contresens la dernière phrase de la lettre du ministre et lui faire dire que le gouvernement du Canada est libre en effet de �manipuler� (le mot utilisé par les États-Unis dans leur mémoire) l'acompte à la livraison en �fixant� cet acompte à un niveau �approprié� par rapport aux cours en vigueur sur le marché mondial. C'est une interprétation qui pourrait aussi trouver appui sur une note interne d'information rédigée le 15 décembre 1987 par le Bureau de la commercialisation des grains d'Agriculture Canada. On peut lire dans cette note : �Les prix en vigueur sur le marché américain ne devraient pas être très souvent inférieurs au niveau des acomptes à la livraison, et le Canada pourra dans la plupart des cas fixer ses acomptes à la livraison en deçà des prix en vigueur sur le marché américain.� (Soulignement ajouté)

80. Le groupe spécial a étudié cette question avec le plus grand soin. Toutefois, pour les raisons suivantes, le groupe spécial croit que l'expression �prix d'achat� utilisée dans l'article 701.3 doit ici recevoir le sens indiqué au paragraphe 75 ci-dessus.

81. D'abord, la pratique évoquée par les États-Unis serait inconciliable avec l'objectif et le fonctionnement passé du système canadien de mise en commun, un système qui a été établi pour assurer la stabilité des prix aux producteurs canadiens de céréales et pour permettre aux producteurs de s'abriter contre la fluctuation des prix durant chaque période de mise en commun. Rien ne prouve que le Canada a utilisé mal à propos le mécanisme d'établissement des prix dont fait état la partie III de la LCCB. Les États-Unis n'ont produit aucune preuve laissant entendre que le niveau de l'acompte à la livraison est reflété dans le prix auquel le blé canadien est vendu sur le marché américain. Il semble plutôt que les prix obtenus par les producteurs canadiens de blé dur sont les prix qui prévalent sur le marché américain pour les grains de qualité comparable. En fait, selon la preuve, la Commission fixe l'acompte à la livraison en fonction du prix du marché qu'elle prévoit pour le blé, et non en vue de permettre la vente du blé canadien au-dessous des prix du marché.

82. Les États-Unis font valoir que, si l'on n'a pas la preuve de ventes canadiennes au-dessous des prix en vigueur sur le marché américain, c'est parce que le Canada a refusé de produire les données commerciales demandées. C'est possible, mais un plaignant n'est pas pour autant dispensé d'étayer sa plainte. D'ailleurs, c'est un problème de preuve qui pourra être résolu si les Parties donnent suite aux recommandations ci-après du groupe spécial (par. 126) qui visent l'établissement d'un mécanisme efficace de partage de l'information.

83. Deuxièmement, l'objet fondamental de l'article 701 est d'empêcher les distorsions commerciales qui résultent des subventions publiques à l'exportation et, dans le cas particulier de l'article 701.3, qui résultent de versements faits par l'État et apparentés aux subventions à l'exportation. Dans le cas qui nous intéresse, il pourrait y avoir subvention publique à l'exportation si la Commission fixait l'acompte à la livraison à un niveau qui devait se révéler plus élevé que le prix auquel elle a finalement vendu son blé, puisque cela entraînerait un déficit que le gouvernement du Canada devrait combler. C'est précisément cela qui est arrivé durant la campagne agricole 1990-91.

84. Toutefois, le groupe spécial tient à souligner qu'un déficit ne signifie pas nécessairement que la Commission a contrevenu à l'article 701.3 en vendant du blé dur sur le marché américain à un prix plus bas que l'acompte à la livraison (rajusté le cas échéant). Il peut y avoir déficit même si la Commission observe scrupuleusement les dispositions de l'article 701.3, en vendant sur le marché américain à des prix égaux ou supérieurs à l'acompte à la livraison, tout en vendant sur le marché d'autres pays à des prix inférieurs.

85. Pour ces raisons, et aussi à cause du mécanisme de partage de l'information recommandé ci-après, nous ne croyons pas que notre interprétation de l'expression �prix d'achat� donne la possibilité à la Commission de �manipuler� ses versements de façon à permettre aux producteurs canadiens de livrer une concurrence déloyale sur le marché américain du blé dur, à des prix artificiellement bas.

Confirmation par des moyens complémentaires d'interprétation

86. Conformément à l'article 32 de la Convention de Vienne, il nous est possible de confirmer notre interprétation en recourant à des moyens complémentaires d'interprétation. Il est approprié de s'en remettre à des �moyens complémentaires d'interprétation�, comme le prévoit l'article 32 de la Convention de Vienne, pour confirmer l'interprétation que préconise le Canada. Les témoignages et déclarations évoqués dans les paragraphes suivants sont utiles parce que :

a) il s'agit de déclarations contemporaines d'intention, faites par des sources autorisées;

b) les déclarations américaines ne sont pas intéressées, mais vont plutôt �contre leur intérêt�; et

c) combinées aux témoignages canadiens, elles attestent une communauté d'intentions et une interprétation convergente.

87. Le Canada a produit un exemplaire d'un mémorandum portant la date du 17 juillet 1987 (avant que l'Accord n'entre en vigueur et bien avant le présent différend), dans lequel sont consignés les résultats d'une réunion entre les Parties, réunion qui portait, entre autres, sur les subventions agricoles. Le mémorandum contient l'énoncé suivant :

Le Canada a entrepris de rédiger un texte qui engloberait le cas où la CCB vend pour l'exportation à un prix inférieur au prix initial versé aux producteurs. (Mémoire supplémentaire du Canada, le 5 octobre 1992, par. 37).

88. À la suite de la réunion du 15 juillet 1987, le Canada et les États-Unis préparèrent et déposèrent conjointement un texte provisoire daté du 28 août 1987, qui comprenait l'expression �prix d'achat� (voir l'onglet 7 du Mémoire supplémentaire du Canada). Certains changements ont été apportés à la formulation au moment de la rédaction du �texte juridique� à la fin de 1987, mais il ne semble pas y avoir eu d'autres discussions sur le fond entre les négociateurs à ce sujet avant la conclusion de l'Accord. En fait, le contenu de l'article 701.3 était omis d'un texte intitulé �Éléments de l'Accord�, parafé le 3 octobre 1987 par les deux négociateurs des questions agricoles.

89. Une note canadienne d'information portant la date du 14 décembre 1987 et préparée en prévision d'une réunion des premiers ministres (après que le texte juridique eut été mis en forme finale) contenait l'énoncé suivant :

... la Commission canadienne du blé ne pourra vendre sur le marché américain (par l'entremise des négociants privés) à un prix inférieur au versement initial.

(Mémoire supplémentaire du Canada, le 5 octobre 1992, paragraphe 39).

90. En janvier 1988, un mémorandum intergouvernemental énumérait des sujets de discussion visant à promouvoir l'ALE aux États-Unis, et le sujet de discussion no 6 se lisait ainsi :

6. Les ventes de grains sur le marché américain seront faites à des prix concurrentiels et elles ne pourront avoir lieu en deçà du prix d'achat (c'est-à-dire le prix initial) pour les grains de la CCB.

91. À cet égard, le groupe spécial note la déclaration faite par Mme Ann Veneman, sous-secrétaire du Département de l'Agriculture des États-Unis, qui, durant ses témoignages devant le sous-comité du commerce du Comité des voies et moyens de la Chambre des représentants, en février-mars 1988, tint les propos suivants en réponse à une question concernant l'application de l'article 701.3 au système de versements appliqué par la Commission :

(TRADUCTION)

M. WATSON : Je voudrais poser quelques questions [à Mme Veneman]. No 1. Voudriez-vous définir ce que vous entendez par �coût d'acquisition� en ce qui concerne la Commission canadienne du blé?

MME VENEMAN : Je crois comprendre que le coût d'acquisition est l'acompte que verse la Commission canadienne du blé pour le blé qui arrive dans ses stocks.

...

MME VENEMAN : Selon ce que je crois comprendre, la CCB verse un acompte à la livraison, puis elle paie les frais de manutention, d'entreposage et autres, puis, à la fin de l'année de commercialisation, elle distribue les sommes restantes, ce qui constitue une gratification plutôt qu'un coût d'acquisition.

(Onglet 16, p. 476, contre-mémoire du Canada)

92. Durant l'audience et dans leurs conclusions écrites subséquentes, les États-Unis ont essayé d'éluder cette déclaration. Or, comme il est indiqué dans la réponse du Canada au deuxième mémoire des États-Unis, une déclaration écrite subséquente portant la date du 25 mars 1988 et déposée par le Département américain de l'Agriculture (Annexes du mémoire du Canada, le 9 septembre 1992, onglet 16) ne laisse aucun doute sur l'exactitude du témoignage de Mme Veneman.

93. L'opinion de Mme Veneman sur le sens à donner à l'expression �prix d'achat� est confirmée de manière décisive dans les réponses données par l'Administration américaine à certaines questions relatives à l'Accord posées par le Comité sénatorial des finances. Les réponses en question ont été données dans une lettre datée du 18 avril 1988 et adressée par le représentant américain au Commerce Clayton Yeutter à l'honorable Lloyd Bentsen, président du Comité des finances :

Question 3 (Sénateur Wallop)

Chacune des Parties s'est engagée à ne pas vendre de grains à l'autre Partie à un prix inférieur au �prix d'achat�. Toutefois, le système canadien de soutien des prix comporte certaines particularités dont le Canada pourrait un jour se servir pour abaisser le prix du blé canadien, en considérant uniquement le prix initial que la Commission canadienne du blé verse à l'agriculteur canadien, et non le prix final. De quelle façon l'ALE protégera-t-il les céréaliculteurs américains contre ce genre de procédé?

Réponse

De l'avis de l'Administration, et selon notre compréhension du système en vigueur au Canada, l'expression �prix d'achat� ne comprend pas les versements finaux effectués après la commercialisation de la récolte. Toutefois, il faudra examiner tout changement apporté à ce système pour savoir si ce point de vue peut être maintenu et pour savoir si des mesures s'imposent conformément aux dispositions de l'article 2011 de l'ALE qui portent sur l'annulation et la réduction des avantages. Si cela est nécessaire pour résoudre le problème, nous invoquerons le mécanisme de règlement des différends prévu par l'Accord.

Question 3 (Sénateur Baucus)

Chacune des Parties à l'ALE s'engage à ne pas exporter vers le territoire de l'autre Partie à un prix inférieur au �prix d'achat ... majoré des coûts d'entreposage, de manutention ou autres qu'elle aura dû assumer�.

Question 3 (a)

D'après l'Administration, l'expression �prix d'achat� se limite-t-elle au versement initial fait aux agriculteurs canadiens pour leur grain, ou bien comprend-elle aussi les versements finaux effectués après la commercialisation de la récolte?

Réponse

D'après l'Administration, et selon notre compréhension du système en vigueur au Canada, l'expression �prix d'achat� ne comprend pas les versements finaux effectués après la commercialisation de la récolte. Toutefois, il faudra examiner tout changement apporté à ce système pour savoir si ce point de vue peut être maintenu, ainsi que pour savoir si des mesures s'imposent conformément aux dispositions de l'article 2011 de l'ALE relatives à l'annulation et à la réduction des avantages.

94. Selon le groupe spécial, la preuve extrinsèque, qu'il était fondé à examiner conformément à l'article 32 de la Convention de Vienne, appuie et confirme l'interprétation de l'article 701.3 à laquelle donne lieu l'application de l'article 31 de cette même Convention.

Per Continuer Avec L'expression �frais d'entreposage et de manutention�